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30/07/2003 | SUISSE | N°I.654/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 juillet 2003, I.654/02


{T 7}
I 654/02

Arrêt du 30 juillet 2003
IIe Chambre

Mme et MM. les Juges Widmer, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
Berset

P.________, recourant, représenté par Me Jacqueline Chédel, avocate,
avenue
Léopold-Robert 84, 2301 La Chaux-de-Fonds,

contre

Office AI du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5, 2302 La
Chaux-de-Fonds,
intimé

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

(Jugement du 26 août 2002)

Faits:

A.
Lors d'un accident profe

ssionnel survenu le 27 novembre 1994,
P.________ a
subi une section du tendon distal du grand palmaire droit. Le 25
janvier
1996, ...

{T 7}
I 654/02

Arrêt du 30 juillet 2003
IIe Chambre

Mme et MM. les Juges Widmer, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
Berset

P.________, recourant, représenté par Me Jacqueline Chédel, avocate,
avenue
Léopold-Robert 84, 2301 La Chaux-de-Fonds,

contre

Office AI du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5, 2302 La
Chaux-de-Fonds,
intimé

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

(Jugement du 26 août 2002)

Faits:

A.
Lors d'un accident professionnel survenu le 27 novembre 1994,
P.________ a
subi une section du tendon distal du grand palmaire droit. Le 25
janvier
1996, il a déposé une demande de de prestations auprès de l'Office de
l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel (ci-après : office AI).

Par trois décisions du 20 avril 2000, fondées sur un prononcé et une
motivation du 3 décembre 1999, l'office AI lui a octroyé un quart de
rente à
partir du 1er octobre 1996, remplacée par une demi-rente le 1er
janvier 1997,
puis par une rente entière le 1er décembre 1997, qui a été réduite à
une
demi-rente le 1er février 1998 pour finalement être augmentée à une
rente
entière dès le 1er août 1998.

Dans le cadre d'une procédure de révision, après avoir recueilli
l'avis du
docteur A.________, médecin psychiatre traitant, l'office AI a confié
une
expertise médicale au docteur B.________, spécialiste en psychiatrie
et
psychothérapie. Dans un rapport du 22 juin 2001, complété par une
prise de
position du 10 juillet suivant, ce médecin a posé le diagnostic de
trouble
anxieux, sans précision, de somatisation et d'autres réactions à un
facteur
de stress sévère. Il a fixé à 40 % l'incapacité de travail de
P.________
attribuable à ces troubles psychiques et précisé que ce facteur
tenait compte
aussi bien de l'horaire de travail que du rendement.

Par décision du 15 février 2002, l'office AI a remplacé la rente
entière
d'invalidité par un quart de rente, avec effet au 1er mars 2002.

B.
P.________ a déféré cette décision au Tribunal administratif du
canton de
Neuchâtel en concluant (principalement) à l'octroi d'une rente entière
d'invalidité.

Par jugement du 26 août 2002, la cour cantonale a partiellement admis
le
recours, en ce sens qu'elle a annulé la décision attaqué et renvoyé
la cause
à l'office AI pour nouvelle décision au sens des considérants, soit
pour
qu'il rende une décision octroyant une demi-rente d'invalidité à
l'assuré à
partir du 1er mars 2002.

C.
P.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, dont
il requiert l'annulation, en concluant, sous suite de frais et dépens,
principalement à l'octroi d'une rente entière d'invalidité à partir
du 1er
mars 2002. Subsidiairement, il sollicite le renvoi de la cause à
l'office AI
pour instruction complémentaire (mise en oeuvre d'une nouvelle
expertise
psychiatrique et d'une expertise relative aux séquelles physiques).
En tout
état de cause, il demande le renvoi du dossier à l'administration pour
nouveau calcul de la rente.

L'office AI conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des
assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

D.
Par décision du 19 avril 2000, la Caisse nationale suisse d'assurance
en cas
d'accidents (CNA) a octroyé à P.________ une rente d'invalidité
fondée sur
une incapacité de gain de 30 % pour les séquelles physiques de
l'accident du
27 novembre 1994, avec effet rétroactif au 1er septembre 1998.

Considérant en droit:

1.
Même si elle ne met pas fin à la procédure, une décision de renvoi,
qui
invite l'administration à statuer à nouveau selon des instructions
impératives, est une décision autonome, susceptible en tant que telle
d'être
attaquée par la voie du recours de droit administratif, et non une
simple
décision incidente (ATF 117 V 241 consid. 1, 113 V 159).

2.
Le jugement entrepris expose les dispositions légales relatives à la
notion
d'invalidité, à l'échelonnement des rentes selon le taux de
l'invalidité et à
la manière de déterminer ce taux, de sorte qu'on peut y renvoyer sur
ces
différents points. On précisera cependant que la loi fédérale sur la
partie
générale du droit des assurances sociales (LPGA), du 6 octobre 2000,
entrée
en vigueur le 1er janvier 2003, n'est pas applicable en l'espèce, le
juge des
assurances sociales n'ayant pas à tenir compte des modifications du
droit ou
de l'état de fait survenues après que la décision administrative
litigieuse a
été rendue (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b).

3.
Selon l'art. 41 LAI, (tel qu'en vigueur avant son abrogation par la
LPGA), si
l'invalidité d'un bénéficiaire de rente se modifie de manière à
influencer le
droit à la rente, celle-ci est, pour l'avenir, augmentée, réduite ou
supprimée. Tout changement important des circonstances, propre à
influencer
le degré d'invalidité, donc le droit à la rente, peut donner lieu à
une
révision de celle-ci. Le point de savoir si un tel changement s'est
produit
doit être tranché en comparant les faits tels qu'ils se présentaient
au
moment de la décision initiale de rente et les circonstances régnant à
l'époque de la décision litigieuse (ATF 125 V 369 consid. 2 et la
référence;
voir également ATF 112 V 372 consid. 2b et 390 consid. 1b).

4.
4.1La décision du 20 avril 2000 par laquelle une rente entière
d'invalidité a
été allouée, avec effet rétroactif au 1er août 1998, était fondée pour
l'essentiel sur les rapports des médecins du centre psycho-social
neuchâtelois, les docteurs C.________ (8 juillet 1998) et D.________
(5 mars
1999). Il en ressort que le recourant présentait un état
anxio-dépressif
important en 1998 qui a persisté de manière sévère en 1999,
accompagné d'un
trouble somatoforme, justifiant l'octroi d'une rente entière
d'invalidité de
l'avis du deuxième de ces praticiens, compte tenu de l'ensemble de la
situation.

4.2 Ces circonstances se sont modifiées par la suite, comme l'ont
admis à
juste titre les premiers juges, à l'appui de citations pertinentes de
l'expertise. Selon le docteur B.________, les plaintes du recourant
dans le
domaine médical sont exclusivement d'ordre anxieux, sans pour autant
relever
d'une anxiété généralisée. Il ne présente ni trouble de l'adaptation,
ni
signes caractéristiques d'une dépression éventuelle. Au contraire, il
manifeste une énergie impressionnante et soutenue. Si ses assertions
sur ses
maux sont crédibles, cela n'est valable que pour une brève durée.
Aucun
élément n'est suffisamment durable et maintenu pour voir une
consistance
maladive dans la pathologie. Les éléments sont mobilisés, se suivent
par
cours moments, changent avec d'autres pour disparaître. C'est ainsi
qu'il a
effectivement montré un côté malheureux à la fin de la consultation,
pour
ensuite s'équilibrer à nouveau, de sorte qu'on ne peut pas évoquer la
présence d'un grand handicap, ni d'une invalidité psychiatrique
permanente et
grave, ce d'autant moins qu'une résolution de ses problèmes est
imaginable.
Par ailleurs, les troubles psychiques relativement graves
diagnostiqués par
les docteurs C.________ et D.________ en 1998 et 1999 pouvaient
s'expliquer
par des éléments (conflit conjugal, amorce d'une relation
extra-conjugale par
le recourant, tentative de suicide de sa femme, sentiment de
culpabilité de
l'assuré) que l'on ne retrouve plus en 2001, le recourant semblant en
harmonie avec sa nouvelle compagne, qui l'a accompagné à l'entretien.
En
conclusion, de moindres intensité et durée, les quelques troubles
diagnostiqués - qui ne présentent pas d'effet cumulatif ou
amplificateur -
justifient désormais au plus une incapacité de travail de 40 %
(diminutions
de l'horaire de travail et de rendement confondues), dans une activité
adaptée, telle que travaux à l'établi, petite mécanique, tri ou
contrôle de
pièces.

Rendu au terme d'une étude fouillée de l'ensemble du dossier médical
et à la
suite d'un examen personnel de l'assuré d'environ deux heures, ainsi
qu'après
un entretien avec le psychiatre traitant et l'épouse du recourant, ce
rapport
qui prend en compte les plaintes exprimées et contient un résumé des
constatations cliniques selon le système AMDP (de l'Association
internationale pour la méthodologie et la documentation en
psychiatrie) doit
se voir reconnaître entière valeur probante (ATF 125 V 352 consid. 3a
et 353
sv. consid. 3b/bb).

4.3 Le recourant ne saurait valablement opposer aux conclusions de
l'expert
les rapports des 24 novembre 2000 et 13 septembre 2002 du psychiatre
traitant. En effet, ce médecin n'explique pas pourquoi il ne fait pas
de
distinction dans son appréciation de l'incapacité de travail de son
patient
(fixée à 100% une fois pour toutes) entre les années 1998/1999 et
2000/2001,
en dépit du prononcé, en avril 2000 de trois décisions favorables de
l'assurance-invalidité (susceptibles de régler une large partie des
problèmes
évoqués en relation avec les années précédentes). En particulier, le
fait que
son patient est resté «amer de par toutes les épreuves qu'il a
traversées...
et sthénique et vindicatif quant à la lenteur de toute la procédure
des
assurances» ne saurait justifier une incapacité de travail de 100 %
en 2000
et 2001. De surcroît, à l'instar des premiers juges, on rappellera
que la
jurisprudence accorde plus de poids à une expertise sollicitée par
l'administration qu'à l'avis du médecin traitant (ATF 125 V 353
consid.
3b/cc).

4.4 Quant aux dysfonctionnements de la procédure d'instruction dont le
recourant fait état, ils ne se rapportent ni à l'expertise ni à la
personne
de l'expert, qui y est totalement étranger. C'est dire que les
dysfonctionnements allégués ne sont, quoi qu'il en soit, pas de
nature à
mettre en doute la crédibilité des conclusions de ce dernier.

4.5 Par ailleurs, pas plus que devant l'instance cantonale, le
recourant
n'établit à satisfaction de droit que ses problèmes physiques se sont
aggravés, de sorte qu'il y a lieu de rejeter sa requête de mise en
oeuvre
d'une expertise de type orthopédique.

4.6 C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que la
capacité de travail du recourant dans une activité adaptée était
passée de 0
à 60 %, avec effet au 1er mars 2002, et qu'il ont jugé superflue la
mise
oeuvre d'expertises complémentaires.

5.
Cela étant, il convient de déterminer, selon la méthode de la
comparaison des
revenus, l'influence de l'amélioration de la capacité de travail du
recourant
sur sa capacité de gain et, par voie de conséquence, sur son droit à
la
rente.

5.1 L'office intimé ayant remplacé la rente entière d'invalidité par
un quart
de rente avec effet au 1er mars 2002, il faut se fonder sur la
situation
économique valable en 2002 pour effectuer la comparaison des revenus
(arrêt
R. du 3 février 2003, I 670/01, prévu pour la publication).

5.2 Selon les informations fournies par l'ancien employeur du
recourant, ce
dernier aurait perçu un salaire de 67'795 fr. (5'215 fr. x 13) en
2002. Ce
montant n'est pas contesté.

5.3 Lorsque l'assuré n'a pas - comme en l'espèce - repris d'activité
professionnelle, il y a lieu de se référer aux données statistiques,
telles
qu'elles résultent des enquêtes sur la structure des salaires de
l'Office
fédéral de la statistique pour estimer le revenu d'invalide (ATF 126
V 76 sv.
consid. 3b/aa et bb). On se réfère alors à la statistique des
salaires bruts
standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur
centrale.

En l'occurrence, compte tenu de l'activité légère de substitution que
pourrait exercer le recourant, le salaire de référence est celui
auquel
peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples et
répétitives
dans le secteur privé, soit en 2000, 4'437 fr. par mois, part au 13ème
salaire comprise (Enquête suisse sur la structure des salaires 2000,
p. 31,
TA1; niveau de qualification 4). Comme les salaires bruts standardisés
tiennent compte d'un horaire de travail de quarante heures, soit une
durée
hebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises en
2001
(41,7 heures; La Vie économique, 7/2003, p. 90, tableau B 9.2), ce
montant
doit être portée à 4'625 fr. (4'437 fr. x 41,7 : 40), ce qui donne un
salaire
annuel de 55'500 fr. Après adaptation de ce chiffre à l'évolution des
salaires de + 2.5 % en 2001 et de + 1.8 % en 2002 (ibidem p. 91,
tableau B
10.2), on obtient un revenu annuel de 57'910 fr. Pour une activité
exercée à
60 % (capacité résiduelle du recourant), le revenu d'invalide est de
34'746
fr.

5.4 L'ensemble des circonstances du cas d'espèce, soit notamment
l'âge du
recourant, son absence de formation, sa brève scolarité (4 ans) et sa
nationalité justifient, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers
juges
que l'on procède à un abattement du revenu d'invalide (ATF 126 V 78
consid.
5), une déduction de 10 % paraissant adéquate en l'occurrence. Ainsi
calculé,
le revenu d'invalide est de 31'272 fr. et la comparaison avec le
revenu sans
invalidité de 67'795 fr. conduit à un taux d'invalidité de 53.87 %.
Ce taux
donne droit à une demi-rente d'invalidité.

Dans ce contexte, il n'y a pas lieu de procéder à une déduction
complémentaire pour tenir compte d'une diminution de rendement, comme
le
requiert le recourant, celle-ci étant incluse, à dire d'expert, dans
le taux
d'incapacité de travail de 40 %.

6.
Dans
ces circonstances, les conditions de l'art. 41 LAI sont réunies
et la
rente d'invalidité entière allouée au recourant depuis le 1er août
1998 doit
être remplacée par une demi-rente d'invalidité à partir du 1er mars
2002. Les
premiers juges étaient ainsi bien fondés à renvoyer la cause à
l'office
intimé pour qu'il rende une décision dans ce sens.

Sur le vu de ce qui précède, le recours est mal fondé dans toutes ses
conclusions.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal
administratif du
canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 30 juillet 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Juge présidant la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.654/02
Date de la décision : 30/07/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-30;i.654.02 ?
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