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30/07/2003 | SUISSE | N°1P.419/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 juillet 2003, 1P.419/2003


{T 0/2}
1P.419/2003 /col

Arrêt du 30 juillet 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour
et Président du Tribunal fédéral, Féraud et Fonjallaz.
Greffier: M. Zimmermann.

L. ________,
recourant,

contre

Ministère public du canton de Genève, Palais de Justice, place du
Bourg-de-Four 1, 1204 Genève,
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1,
case
postale 3108, 1211 Genève 3.

requête en suppression de caution,

recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre
d'accusation du
canton de Genève du 10 juin 2003.

Faits:

...

{T 0/2}
1P.419/2003 /col

Arrêt du 30 juillet 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour
et Président du Tribunal fédéral, Féraud et Fonjallaz.
Greffier: M. Zimmermann.

L. ________,
recourant,

contre

Ministère public du canton de Genève, Palais de Justice, place du
Bourg-de-Four 1, 1204 Genève,
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1,
case
postale 3108, 1211 Genève 3.

requête en suppression de caution,

recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre
d'accusation du
canton de Genève du 10 juin 2003.

Faits:

A.
Le 26 juin 1997, le Juge d'instruction du canton de Genève a inculpé
le
ressortissant autrichien L.________ de divers délits patrimoniaux
qu'il
aurait commis dans la gestion des sociétés d'édition qu'il dirigeait.
Le 12 septembre 2001, L.________ a été placé en détention préventive.
Le 27 décembre 2001, la Chambre d'accusation du canton de Genève a
subordonné
sa libération provisoire au versement d'une caution d'un montant de
2'000'000
fr. L.________ n'a pas versé la caution, dont la Chambre d'accusation
a
maintenu le principe, mais réduit le montant à 1'200'000 fr., le 25
juin
2002.
Par arrêt du 23 septembre 2002 (cause 1P.249/2002), le Tribunal
fédéral a
rejeté, dans la mesure où il était recevable, le recours de droit
public
formé contre cette décision par L.________.
Celui-ci n'a pas versé la caution.
Le 14 février 2003, la Cour d'assises du canton de Genève a reconnu
L.________ coupable d'escroquerie par métier, banqueroute frauduleuse
et
diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers. Elle l'a
condamné pour ces faits à la peine de quatre ans de réclusion, sous
déduction
d'un an, cinq mois et deux jours de détention préventive. Elle a fixé
le
solde de la peine à subir à deux ans, six mois et vingt-huit jours.
Contre cet arrêt, L.________ a formé un pourvoi en cassation, qui est
pendant.
Il a été maintenu en détention.
Le 10 juin 2003, la Chambre d'accusation a rejeté la demande de
suppression
de caution, dont elle a réduit le montant à 200'000 fr.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, L.________ demande
principalement au Tribunal fédéral d'ordonner la suppression des
sûretés et
d'assortir sa libération provisoire d'autres conditions, à
l'exception de
sûretés ou de caution. A titre subsidiaire, il requiert l'annulation
de la
décision attaquée et le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision au sens des considérants. Il invoque les art. 8, 9,
29, 31
et 32 Cst., ainsi que les art. 5 et 6 CEDH.
La Chambre d'accusation se réfère à sa décision. Le Procureur général
propose
le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Selon le recourant, les conditions légales pour subordonner sa
libération
provisoire au versement d'une caution dans l'attente du prononcé de
la Cour
de cassation ne seraient pas réunies. Le montant de la caution
réclamée
serait prohibitif. La Chambre d'accusation l'aurait fixé
arbitrairement, sans
tenir compte de sa situation financière. Tels qu'ils sont formulés
sous ce
rapport, les griefs tirés des art. 9, 29 et 31 Cst., ainsi que des
art. 5
par. 3 et 6 par. 2 CEDH se confondent.

1.1 Contre le jugement de condamnation, le recourant a déposé un
pourvoi en
cassation, pendant. En pareil cas, l'arrêt de la Cour d'assises tient
lieu de
mandat d'arrêt jusqu'à la décision de la Cour de cassation, sous
réserve
d'une mise en liberté provisoire (art. 369 al. 3 CPP/GE, renvoyant
aux art.
151ss CPP/GE). La Chambre d'accusation peut ordonner la mise en
liberté
moyennant des sûretés et obligations (art. 155 CPP/GE), lesquelles
ont pour
but de garantir la présence de l'inculpé aux actes de la procédure et
sa
soumission au jugement (art. 156 al. 1 CPP/GE). Cette disposition
correspond
à l'art. 5 par. 3, dernière phrase, CEDH, à teneur duquel la mise en
liberté
peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de
l'inculpé à
l'audience. L'importance de la garantie doit être appréciée au regard
des
ressources du prévenu, de ses liens avec des personnes pouvant lui
servir de
caution, et à la confiance qu'on peut avoir que la perspective de
perdre le
montant agira comme un frein suffisamment puissant pour écarter toute
velléité de fuite (ATF 105 Ia 186 consid. 4a p. 187, citant l'arrêt
rendu le
27 juin 1968 par la Cour européenne des droits de l'homme dans
l'affaire
Neumeister c. Autriche, Série A, vol. 7, par. 14). Le montant de la
caution
est prohibitif lorsque l'autorité sait ou devrait admettre, sur la
base des
renseignements disponibles, qu'il sera impossible au prévenu de
trouver les
fonds nécessaires. A cet égard, il y a lieu de se fonder sur les
possibilités
présumées du prévenu qu'il puisse réunir les fonds réclamés, grâce à
ses
propres ressources ou à l'aide de parents ou d'amis (ATF 105 Ia 186
consid.
4a p. 188; cf. aussi l'arrêt du 23 septembre 2002, précité, consid.
2.2).
Lorsque l'instruction pénale porte sur des détournements de fonds
importants,
dont une grande partie n'a pas pu être récupérée, l'autorité chargée
de fixer
la caution doit faire preuve d'une grande prudence, car il est
toujours à
craindre que le prévenu ne profite de sa mise en liberté pour tenter
de
récupérer le produit de l'infraction soustrait à la justice.
L'autorité ne
peut pas, dans ce cadre, faire abstraction du montant des sommes
détournées
et fixer le montant de la caution en ne tenant compte que de la
situation
actuelle du prévenu, indépendamment des agissements délictueux qu'il
aurait
commis (arrêt du 23 septembre 2002, précité, consid. 2.2; cf. aussi
l'arrêt
de la Cour européenne des droits de l'homme dans la cause Punzelt c.
République tchèque, du 25 avril 2000, par. 85ss).

1.2 Pour la Chambre d'accusation, le risque de fuite continuera
d'exister
jusqu'à droit jugé sur le pourvoi en cassation, compte tenu de la
nationalité
étrangère du recourant et du fait qu'il lui reste à subir plus de la
moitié
de la peine infligée par la Cour d'assises.
Le recourant objecte à cela que sa femme et son fils résideraient à
Genève,
ce qui exclurait tout risque de fuite. Cet élément n'est pas
déterminant. Le
recourant indique se trouver, ainsi que sa famille, dans une situation
financière très compromise. Complètement ruiné, il ne disposerait
pour sa
part d'aucun fonds. Quant à son épouse, elle occuperait un emploi
dont le
salaire mensuel (de l'ordre de 4600 fr.) ne suffirait pas à faire
face aux
frais du ménage, au paiement des primes d'assurance et au
remboursement des
lourdes dettes accablant la famille. En pareil cas, il est à craindre
que le
recourant ne profite d'une libération provisoire pour fuir à
l'étranger avec
toute sa famille plutôt que d'attendre le prononcé de la Cour de
cassation,
qui pourrait ne pas lui être favorable. La Chambre d'accusation
pouvait ainsi
retenir l'existence d'un risque concret de fuite. Contrairement à ce
que
soutient le recourant, celle-ci n'avait pas à prendre en compte la
perspective (incertaine, en l'occurrence) d'une libération
conditionnelle ou
de l'octroi d'un régime de semi-liberté (cf. ATF 124 I 208 consid. 6
p. 215).

1.3 Selon la Chambre d'accusation, aucun élément nouveau ne
permettrait
d'affirmer que le recourant se trouverait dans l'incapacité de
fournir le
montant de la caution, fixé à 200'000 fr. Le recourant critique cette
appréciation, qu'il tient pour arbitraire. Dépourvu et sans soutien,
il ne
disposerait pas des moyens de réunir le montant réclamé.
Comme succédané de la détention préventive, la caution est une
application
du principe de la proportionnalité dans le domaine de la détention
préventive, laquelle ne doit être ordonnée ou maintenue que si aucune
autre
mesure moins incisive n'est envisageable (ATF 107 Ia 206 consid. 2a
p. 208).
Dans l'arrêt du 23 septembre 2002 (consid. 2.3.2), le principe de la
caution
avait été admis en tenant compte de l'importance des délits
patrimoniaux
(portant sur un montant total d'environ 13'000'000 fr.) dont le
recourant
était soupçonné à l'époque (cf. notamment l'arrêt Punzelt, précité).
Dans son
verdict, la Cour d'assises a évalué à 10'000'000 fr. le dommage causé
aux
parties civiles, sans pouvoir déterminer si l'enrichissement était
supérieur
à ce montant estimatif (arrêt du 14 février 2003, pages 1D et 2D).
Pour le
surplus, toutes les sociétés que le recourant avait utilisées pour les
activités mises à sa charge sont faillies. Les indices qui pouvaient
laisser
à penser que le recourant ait caché une partie du butin (cf. arrêt du
23
septembre 2002), se sont estompés. En tout cas, ils n'ont pas été
confirmés.
Dans ces conditions, l'affirmation selon laquelle le recourant
devrait être
en mesure de fournir la caution réclamée, est privée de fondement. Le
recours
doit être admis sur ce point et la décision attaquée annulée, sans
qu'il soit
nécessaire d'examiner les autres griefs soulevés.

2.
Cela n'entraîne pas la libération du recourant, en raison du risque
concret
de fuite (consid. 1.2 ci-dessus). La détention doit être maintenue
jusqu'à la
nouvelle décision que prendra la Chambre d'accusation. Celle-ci devra
envisager soit de maintenir purement et simplement la détention, eu
égard au
risque de fuite, soit assortir la libération provisoire de mesures
propres à
assurer que le recourant ne se soustraira pas à l'action de la
justice. Il
est statué sans frais (art. 156 OJ). Le recourant a agi en personne;
l'allocation de dépens - qu'il n'a au demeurant pas requise - n'entre
pas en
ligne de compte (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et la décision attaquée annulée.

2.
La demande de libération est rejetée.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au Ministère
public et
à la Chambre d'accusation du canton de Genève.

Lausanne, le 30 juillet 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.419/2003
Date de la décision : 30/07/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-30;1p.419.2003 ?
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