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25/07/2003 | SUISSE | N°I.731/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 juillet 2003, I.731/02


{T 7}
I 731/02

Arrêt du 25 juillet 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
Moser-Szeless

R.________, recourant, représenté par Me Marc-Etienne Favre, avocat,
rue
Centrale 5, 1002 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 3 avril 2002)

Faits :

A.
R. ______

__, qui travaillait en qualité de manoeuvre auprès de
l'entreprise
P.________ SA, à L.________ jusqu'à son licenciement en novembre...

{T 7}
I 731/02

Arrêt du 25 juillet 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
Moser-Szeless

R.________, recourant, représenté par Me Marc-Etienne Favre, avocat,
rue
Centrale 5, 1002 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 3 avril 2002)

Faits :

A.
R. ________, qui travaillait en qualité de manoeuvre auprès de
l'entreprise
P.________ SA, à L.________ jusqu'à son licenciement en novembre
1991, a
déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité le 6
septembre
1995. Il invoquait les séquelles d'un accident de la circulation
survenu le
11 décembre 1993, au cours duquel il a eu les côtes fracturées et des
contusions sur le côté droit du corps et qui a entraîné une
incapacité de
travail depuis lors (rapport de la doctoresse C.________ du 10
janvier 1996).

La décision du 24 mai 1996, par laquelle l'Office de
l'assurance-invalidité
pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a rejeté la demande de
l'assuré, a été annulée par le Tribunal des assurances du canton de
Vaud qui
lui a renvoyé le dossier pour instruction complémentaire et nouvelle
décision
(jugement du 16 janvier 1997).

Chargés par l'office AI d'une expertise de l'assuré, le Professeur
X.________
et le docteur F.________ de la Policlinique Y.________ ont fait état
des
diagnostics d'éthylisme chronique, de dyspnée à l'effort d'origine
multifactorielle, status après ulcères bulbaires, ulcère pylorique et
gastrite chronique atrophique, status après fracture de l'arc
postérieur de
la septième côte droite d'origine traumatique, goutte (genou droit)
alors
cliniquement silencieuse et céphalées tensionnelles (rapport du 25
novembre
1997). Selon eux, le patient ne présente aucune pathologie qui soit
en mesure
d'affecter totalement sa capacité de travail; il est atteint d'une
polypathologie de type chronique qui devrait lui permettre de
maintenir une
capacité de travail de l'ordre de 50 % dans le cadre d'un emploi
adapté,
n'impliquant pas d'effort physique important. Dans un rapport
complémentaire
du 9 mars 1998, ils ont précisé qu'aucun des éléments de la
polypathologie
n'est en soi suffisant pour justifier une incapacité de travail, mais
que
l'ensemble de ces facteurs «avec un élément qui prédomine (l'éthylisme
chronique)» permet d'estimer la capacité de travail à 50 % seulement.

Se référant à ce complément d'expertise, le médecin-conseil de
l'office AI,
la doctoresse V.________, a estimé que la principale cause
d'incapacité de
travail présentée par l'assuré est l'éthylisme primaire; abstraction
faite de
l'alcoolisme, il n'existe pas, selon elle, de limitation dans une
activité ne
comportant pas de risque important en cas de syncope (avis des 21
avril 1998
et 11 novembre 1999).
Au vu de cet avis médical, l'office AI a derechef rejeté la demande de
prestations de l'assuré (décision du 6 avril 2001), considérant qu'il
ne
présentait pas d'atteinte à la santé invalidante, sa capacité de
travail
étant entière dans une activité adaptée.

B.
Saisi d'un recours de l'intéressé qui concluait à l'octroi d'une rente
entière d'invalidité, après complément d'expertise, le Tribunal des
assurances du canton de Vaud l'a rejeté par jugement du 3 avril 2002.

C.
R.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
il requiert l'annulation, en concluant, sous suite de frais et
dépens, au
renvoi de la cause à l'office intimé pour instruction complémentaire
et
nouvelle décision. Il requiert par ailleurs le bénéfice de
l'assistance
judiciaire gratuite.

L'office AI conclut implicitement au rejet du recours, tandis que
l'Office
fédéral des assurances ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.
1.1 Selon l'art. 4 LAI (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31
décembre 2002
[entrée en vigueur de la loi fédérale sur la partie générale du droit
des
assurances sociales, LPGA, au 1er janvier 2003] applicable en
l'espèce [ATF
127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b]), l'invalidité est la
diminution
de la capacité de gain, présumée permanente ou de longue durée, qui
résulte
d'une atteinte à la santé physique ou mentale provenant d'une
infirmité
congénitale, d'une maladie ou d'un accident.

1.2 A teneur de la jurisprudence constante concernant les dépendances
comme
l'alcoolisme, la pharmacodépendance et la toxicomanie, une telle
dépendance
ne constitue pas en soi une invalidité au sens de la loi. En
revanche, elle
joue un rôle dans l'assurance-invalidité lorsqu'elle a provoqué une
maladie
ou un accident qui entraîne une atteinte à la santé physique ou
mentale,
nuisant à la capacité de gain, ou si elle résulte elle-même d'une
atteinte à
la santé physique ou mentale qui a valeur de maladie (VSI 1996 pp.
317, 320
et 323; RCC 1992 p. 182 consid. 2b et les références).

2.
2.1Selon les conclusions des docteurs X.________ et F.________ du 25
novembre
1997, le recourant souffre de différentes atteintes à la santé dont
les
principales sont un éthylisme chronique, une dyspnée à l'effort, une
maladie
peptique de l'estomac/duodénum et status après fracture de l'arc
postérieur
de la septième côte droite d'origine traumatique). Si aucune de ces
pathologies n'affecte totalement la capacité de travail du recourant,
prises
dans leur ensemble, elles justifient une incapacité de travail de 50
% dans
une activité adaptée n'impliquant pas un effort physique important,
alors que
l'incapacité de travail est en revanche totale dans l'activité qu'il a
exercée jusqu'en 1991 dans le domaine de la construction.

Contrairement à ce qu'affirme le recourant, les docteurs X.________ et
F.________ ont fait état du diagnostic d'éthylisme déjà dans cette
première
expertise (p. 8 ad 4A. Diagnostics), qu'ils ont complétée par un
rapport du 9
mars 1998 en précisant que l'ensemble des facteurs décrits, dont
l'élément
prédominant est l'éthylisme chronique, explique que la capacité de
travail du
recourant soit estimée à 50 % seulement.

2.2 Si l'on peut certes, à l'instar des premiers juges, déduire de
cette
expertise à laquelle ils ont à juste titre reconnu une pleine valeur
probante
(cf. ATF 125 V 352 consid. 3a et les références) que le facteur
prédominant
dans la polypathologie présentée par le recourant est l'éthylisme
chronique,
on ne saurait suivre la juridiction cantonale lorsqu'elle retient que
le
recourant ne souffre d'aucune atteinte à la santé au sens de l'art. 4
al. 1er
LAI, sa capacité de gain paraissant «être entravée principalement par
l'abus
d'alcool». En effet, au vu des conclusions des docteurs X.________ et
F.________, on constate que le recourant souffre d'un ensemble de
troubles
physiques entraînant une incapacité de travail de 50 % dans une
activité
adaptée, sans que les médecins n'aient cependant déterminé de manière
précise
quel est l'effet de chacune de ces atteintes prises isolément sur la
capacité
de travail de l'assuré. On ne saurait dès lors nier la limitation
subie par
le recourant dans sa capacité de travail, comme le font l'office
intimé et
les premiers juges, pour le simple motif qu'elle serait
principalement due à
l'abus d'alcool. Que l'éthylisme chronique constitue un élément
prépondérant
dans l'incapacité de travail du recourant ne permet pas de faire
simplement
abstraction des autres facteurs qui ont également, aux dires des
experts, une
influence associée sur sa capacité de travail.

2.3 A la lecture de l'expertise des docteurs X.________ et
F.________, il
apparaît que l'éthylisme chronique du recourant est directement lié à
d'autres troubles de la santé, puisque les médecins font état d'un
éthylisme
chronique avec polyneuropathie, hépatopathie et syncope récidivante.
A cet
égard, la doctoresse V.________ mentionne les «conséquences
invalidantes sur
la santé» qu'a eues l'éthylisme primaire à partir du 31 octobre 1996,
date de
l'hospitalisation de l'assuré en raison d'une syncope (avis du 21
avril
1998). On peut dès lors se demander si et dans quelle mesure la
dépendance à
l'alcool n'a pas eu des conséquences sur l'état de santé du recourant
susceptibles de diminuer sa capacité de travail et, cas échéant,
nuire à sa
capacité de gain (cf. consid. 1.2), ce qui ne saurait être déterminé
que par
une nouvelle appréciation médicale portant précisément sur la nature
des
atteintes à la santé dues à l'éthylisme chronique et leurs effets.

Dans l'hypothèse où cet examen conduirait à la conclusion que
l'alcoolisme du
recourant est déterminant du point de vue de l'assurance-invalidité,
il n'y
aurait pas lieu d'opérer une distinction entre les différentes
atteintes à la
santé qui influencent de manière négative sa capacité de travail.
Dans le cas
inverse en revanche, il resterait encore à déterminer, sur le plan
médical,
quel rôle joue en particulier chacune des atteintes à la santé
dégagées par
les médecins de la Policlinique Y.________ sur la capacité de travail
du
recourant et à quel taux celle-ci pourrait être évaluée, abstraction
faite de
l'éthylisme.

Enfin, il ne ressort pas des conclusions de l'expertise des docteurs
X.________ et F.________ à partir de quel moment les différents
troubles de
la santé ont eu une influence sur la capacité de travail du
recourant, de
sorte que le complément d'expertise devra également répondre à cette
question.

En conséquence, il y a lieu d'annuler le jugement cantonal et de
renvoyer la
cause à l'administration pour un complément d'instruction sous forme
d'une
expertise médicale et nouvelle décision au sens des considérants.

3.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Le
recourant, qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité de
dépens
réduite pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec
l'art.
135 OJ). La demande d'assistance judiciaire est ainsi sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du
canton de
Vaud du 3 avril 2002, ainsi que la décision de l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 6 avril 2001 sont
annulés,
la cause étant renvoyée à cet office pour complément d'instruction au
sens
des considérants et nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'intimé versera au recourant la somme de 2500 fr. (y compris la taxe
à la
valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera à nouveau sur
les
dépens de l'instance cantonale, au regard de l'issue du procès de
dernière
instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 25 juillet 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.731/02
Date de la décision : 25/07/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-25;i.731.02 ?
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