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24/07/2003 | SUISSE | N°K.58/03

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 juillet 2003, K.58/03


{T 7}
K 58/03

Arrêt du 24 juillet 2003
Ire Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Borella, Lustenberger, Ferrari et
Frésard.
Greffier: M. Métral

ASSURA, assurance maladie et accident, Z.i. En Budron A1, 1052 Le
Mont-sur-Lausanne, recourant,

contre

B.________, intimé, représenté par Me Jean-Michel Conti, avocat, rue
Achille-Merguin 18, 2900 Porrentruy

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des
assurances,
Porrentruy

(Jugement du 5 mars 2003)


Faits:

A.
B. ________ était affilié à Assura, assurance maladie et accident
(ci-aprè :
Assura), lorsqu'il fut v...

{T 7}
K 58/03

Arrêt du 24 juillet 2003
Ire Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Borella, Lustenberger, Ferrari et
Frésard.
Greffier: M. Métral

ASSURA, assurance maladie et accident, Z.i. En Budron A1, 1052 Le
Mont-sur-Lausanne, recourant,

contre

B.________, intimé, représenté par Me Jean-Michel Conti, avocat, rue
Achille-Merguin 18, 2900 Porrentruy

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des
assurances,
Porrentruy

(Jugement du 5 mars 2003)

Faits:

A.
B. ________ était affilié à Assura, assurance maladie et accident
(ci-aprè :
Assura), lorsqu'il fut victime d'un accident au centre de loisirs
X.________
le 20 novembre 1999. Selon une lettre adressée le 24 novembre 1999
par le
prénommé à la société Y.________ SA, qui exploite le centre
X.________, il
prenait place à l'intérieur d'une bouée au départ d'un toboggan
lorsque
celle-ci s'est mise en mouvement, avant qu'il ne soit correctement
installé.
Il a basculé en arrière et a heurté les rouleaux entraîneurs avec le
dos. Il
s'est rendu le 22 novembre 1999 aux urgences de l'hôpital Z.________,
où fut
posé le diagnostic de fracture costale D5/6, d'épanchement pleural, de
scoliose et d'altération vertébrale accentuée.

Assura a pris en charge les suites de cet accident, sans déduire de
ses
prestations une participation de l'assuré aux coûts sous la forme
d'une
franchise ou d'une quote-part des frais. Chaque décompte de
prestations
adressé à l'assuré comportait l'information suivante: «La
responsabilité
d'une tierce personne étant engagée dans ce cas, nous avançons nos
prestations sans participation légale (à bien plaire) conformément à
l'art.
79 LAMal. Nous nous réservons le droit de récupérer, soit auprès de
vous-même, soit auprès du tiers responsable, la participation qui vous
incombe, conformément à l'art. 64 LAMal.»

Le 10 juillet 2000, B.________ et G.________ Assurances, qui assurait
Y.________ SA en responsabilité civile, ont conclu une convention
d'indemnité
aux termes de laquelle l'assurance s'engageait à verser un montant de
5'000
fr. à titre d'«indemnité transactionnelle à bien plaire, pour solde
de tout
compte et sans reconnaissance de responsabilité».

Assura s'adressa elle aussi à G.________ Assurances pour obtenir le
remboursement de ses prestations. Le 14 novembre 2000, elle accepta la
proposition de l'assureur en responsabilité civile de lui verser un
montant
limité à 1'559 fr. 65, sur la base d'une responsabilité de 50 %. Par
lettre
du 26 juillet 2001, elle informa B.________ de cette transaction et
lui
demanda de rembourser le solde de la participation aux frais qu'elle
avait
avancée, soit 1'007 fr. 15 après déduction du montant versé par
G.________
Assurances. Après un échange de correspondance avec l'assuré, elle a,
par
décision du 3 avril 2002 et décision sur opposition du 28 mai 2002,
réduit à
454 fr. 70 le montant exigé.

B.
B.________ a déféré la cause au Tribunal cantonal de la République et
canton
du Jura. En cours de procédure, Assura a revu ses prétentions à la
baisse, en
ce sens qu'elle n'exigeait plus de l'assuré que le paiement d'un
montant de
402 fr. 95.

Par jugement du 5 mars 2003, la juridiction cantonale a admis le
recours,
constaté que le montant de 402 fr. 95 exigé par Assura n'était pas
dû, et
alloué à l'assuré une indemnité de dépens de 860 fr. 80.

C.
Assura interjette un recours de droit administratif contre ce
jugement, dont
elle demande l'annulation. Elle conclut à ce que B.________ soit
condamné à
lui payer un montant de 402 fr. 95. L'intimé conclut au rejet du
recours,
sous suite de frais et dépens, alors que l'Office fédéral des
assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
1.1 Selon l'art. 79 LAMal, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31
décembre
2002 - applicable en l'espèce, dès lors que le litige porte
entièrement sur
des faits survenus avant son abrogation par la loi fédérale sur la
partie
générale du droit des assurances sociales (LPGA) et ses dispositions
d'application, le 1er janvier 2003 (cf. ATF 127 V 467 consid. 1, 121
V 366
consid. 1b; voir également l'ATF 127 V 401 consid. 1) -, l'assureur
est
subrogé, jusqu'à concurrence des prestations légales, aux droits de
l'assuré
contre tout tiers responsable, dès la survenance de l'éventualité
assurée.
Dans la mesure où ce transfert de créance n'intervient que jusqu'à
concurrence des prestations légales, il laisse place à une action
directe du
lésé contre le tiers responsable, mais uniquement pour le dommage non
couvert, à titre obligatoire, par l'assureur-maladie (découvert).
L'assuré
perd en revanche son pouvoir de disposer des droits transférés (ATF
124 V 177
sv. consid. 3b et les références citées; Fellmann, Regress und
Subrogation:
Allgemeine Grundsätze, in: Haftpflicht- und Versicherungsrechtstagung
1999,
Saint-Gall 1999, p. 10 sv., Ghislaine Frésard-Fellay, Le droit de
recours
contre le tiers responsable selon la loi fédérale sur
l'assurance-maladie
[LAMal], in: LAMal - KVG, Recueil de travaux en l'honneur de la
Société
suisse de droit des assurances, Lausanne 1997, p. 624 sv.).
1.2 Le découvert pouvant faire l'objet d'une action directe du lésé
comprend
en particulier la franchise et la quote-part des frais de traitement,
que la
loi impose de laisser à la charge de l'assuré à titre de
participation aux
coûts des prestations dont il bénéficie (art. 64 al. 1 et 2 LAMal).
Aussi la
subrogation légale prévue à l'art. 79 LAMal ne concerne-t-elle pas ce
poste
du dommage (Jana Burysek, Le point de vue et la pratique d'un
assureur-maladie social in: Colloques et journées d'étude de l'IRAL,
1999-2001, Lausanne 2002, p. 692; Rudolf Luginbühl, Der Regress des
Krankenversicherers, in: Haftpflicht- und Versicherungsrechtstagung
1999,
Saint-Gall 1999, p. 51; Ghislaine Frésard-Fellay, op. cit., p. 632).
Vu le
caractère obligatoire de la participation de l'assuré aux coûts,
l'assureur-maladie ne saurait renoncer à la percevoir pour l'inclure
ensuite
dans son action contre le tiers, la responsabilité de ce dernier
fût-elle
clairement établie (Rudolf Luginbühl, loc. cit.).
1.3 Conformément à l'art. 123 OAMal, dans sa teneur en vigueur
jusqu'au 31
décembre 2002, applicable en l'espèce (cf. consid. 1.1 supra), le
découvert
laissé à la charge de l'assuré fait l'objet d'un droit préférentiel
en sa
faveur, ce qui réduit d'autant la prétention récursoire de l'assureur
lorsque
les sommes recouvrées auprès du tiers responsable ne suffisent pas à
couvrir
l'entier du dommage (Jana Burysek, op. cit., p. 694; Rudolf
Luginbühl, op.
cit., p. 52; Alexandra Rumo-Jungo, Haftpflicht und Sozialversicherung,
Begriffe, Wertungen und Schadenausgleich, Fribourg 1998, n. 1003,
Ghislaine
Frésard-Fellay, op. cit., p. 634 sv.).

2.
Bien qu'il ne soit pas conforme au système légal, l'exercice d'un
recours
«brut» - c'est-à-dire d'un recours comprenant la franchise et la
participation - semble correspondre à la pratique de certaines
caisses, qui
invoquent l'intérêt de l'assuré: celui-ci se voit rembourser ses frais
médicaux en totalité, du moins à titre d'avances, et se trouve par
ailleurs
dispensé de démarches à l'égard du tiers responsable (voir Andreas
Kummer,
Obligation d'avance des prestations et recours, in CAMS actuel,
organe du
Concordat des assureurs-maladie suisses, 1998, p. 83).
L'assureur-maladie
n'est cependant pas titulaire de la créance qu'il fait valoir auprès
du tiers
responsable, pour le poste du dommage correspondant à la
participation de
l'assuré aux coûts; il ne se voit pas davantage confié par la loi le
pouvoir
de représenter l'assuré en vue d'en obtenir l'indemnisation.

3.
3.1Conformément à la pratique décrite ci-dessus, Assura a avancé la
totalité
de ses prestations pour s'adresser ensuite à l'assureur en
responsabilité
civile de Y.________ SA. Elle a passé avec cet assureur une
transaction sur
la base d'un taux de responsabilité de 50 % de l'assuré. Elle a
déduit du
montant de la franchise et de la quote-part l'intégralité du montant
perçu,
en partant de l'idée que la somme de 5'000 fr. versée directement à
l'assuré
par G.________ Assurances ne comprenait pas ce poste et en
application du
droit préférentiel du lésé. La question se pose donc de savoir si
l'intimé
est en droit de refuser de payer le solde de la franchise et de la
quote-part
non récupéré par l'assureur-maladie, autrement dit si le solde doit
rester à
la charge de cet assureur. Les premiers juges y ont répondu par
l'affirmative, en se plaçant sur le terrain de la gestion d'affaires.
Ils ont
admis que la caisse avait commis une négligence dans la gestion des
intérêts
de l'assuré en liquidant le cas sur la base d'une responsabilité
partagée.

3.2 L'art. 79 LAMal ne permet pas à l'assuré d'exiger de la caisse
qu'elle
fasse valoir, contre le tiers responsable, les droits qui lui ont été
légalement cédés; a fortiori celui-ci ne saurait-il exiger qu'elle
effectue
des démarches en vue de l'aider à recouvrer des créances pour
lesquelles elle
ne bénéficie d'aucune subrogation. Par conséquent, si l'assuré entend
récupérer son découvert auprès du tiers, il lui appartient d'agir
directement
contre ce dernier. L'intimé l'a du reste fait, à tout le moins pour
certains
postes du dommage non couvert par l'assureur-maladie, en concluant
avec
G.________ Assurances une transaction portant sur un montant de 5'000
fr.

Cela étant, même en admettant la construction juridique adoptée par la
juridiction cantonale, on voit mal en quoi Assura aurait porté
préjudice à
l'intimé en l'aidant à récupérer un montant supplémentaire de 1'559
fr. 65.
Dès lors qu'il n'a jamais été partie à la convention passée entre la
caisse-maladie et G.________ Assurances, rien ne l'empêchait de
s'adresser
une nouvelle fois à Y.________ SA ou à son assureur en responsabilité
civile
s'il estimait être en mesure d'encaisser un montant plus élevé. Qu'il
ait
déjà liquidé définitivement tout ou partie de ses prétentions
directes à
l'encontre du tiers responsable par l'acceptation d'une somme
forfaitaire de
5'000 fr., en s'exposant à ce que ce règlement lui soit par la suite
opposé,
à tort ou à raison, en cas de nouvelles prétentions, n'est pas
imputable à la
recourante. En particulier, l'assuré ne saurait prétendre avoir été
induit en
erreur par le comportement de la caisse, qui l'avait expressément
informé du
fait qu'elle pourrait exiger la restitution des prestations avancées
(franchise et quote-part).

Au demeurant, l'intimé ne peut guère reprocher de faute à
l'assureur-maladie
pour avoir transigé sur la base d'une responsabilité partagée de
Y.________
SA: la convention d'indemnisation qu'il avait lui-même conclue
prévoyait le
versement d'une somme forfaitaire à bien plaire, sans reconnaissance
de
responsabilité de la part de G.________ Assurances et pour solde de
tout
compte.

4.
Vu ce qui précède, il appartient à l'intimé de payer le solde de la
participation aux frais de traitement, non couvert par le montant
versé par
G.________ Assurances à la recourante. Selon la décision sur
opposition
litigieuse, ce solde correspond à un montant de 454 fr. 70.
Toutefois, selon
un nouveau décompte adressé par acte du 4 décembre 2002 à la
juridiction
cantonale, l'assureur-maladie propose de ne plus retenir qu'un solde
de 402
fr. 95, non contesté en tant que tel par l'intimé. Il n'y a pas de
motif de
s'écarter de cette proposition, qui correspond également aux
conclusions de
la recourante en procédure fédérale, mais qui implique la réforme de
la
décision sur opposition litigieuse.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du 5 mars 2003 du Tribunal
cantonal de la
République et canton du Jura est annulé; la décision sur opposition
rendue le
28 mai 2002 par Assura est réformée en ce sens que B.________ est
condamné à
payer à la prénommée la somme de 402 fr. 95.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de
la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, et à l'Office
fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 24 juillet 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

p. le Président de la Ire Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : K.58/03
Date de la décision : 24/07/2003
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 64 al. 1 et 2, art. 79 LAMal (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002): Subrogation de l'assureur-maladie et participation de l'assuré aux coûts. La subrogation légale prévue à l'art. 79 LAMal laisse place à une action directe du lésé contre le tiers responsable pour le dommage non couvert, à titre obligatoire, par l'assureur-maladie. Le découvert pouvant faire l'objet d'une telle action comprend en particulier la franchise et la quote-part des frais de traitement, que la loi impose de laisser à la charge de l'assuré à titre de participation aux coûts (art. 64 al. 1 et 2 LAMal). La pratique de certaines caisses consistant à rembourser la totalité des frais médicaux, du moins à titre d'avances, pour ensuite inclure la participation de l'assuré aux coûts dans leur action contre le tiers responsable, n'est pas conforme à la loi.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-24;k.58.03 ?
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