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23/07/2003 | SUISSE | N°1P.336/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 juillet 2003, 1P.336/2003


{T 0/2}
1P.336/2003/svc

Arrêt du 23 juillet 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et
Président du Tribunal fédéral, Féraud et Meyer.
Greffier: M. Parmelin.

Fondation A.________, recourante, agissant par
son président B.________,
lui-même représenté par Me Jean Studer, avocat, passage Max.-Meuron
1, case
postale 3132,
2001 Neuchâtel,

contre

Commune de T.________, représentée par
Me Simon Othenin-Girard, avocat,
rue de la Serre 4/avenue

de la Gare 10,
case postale 2416, 2001 Neuchâtel,
Département de la gestion du territoire
du canton de Neuchâtel, Ch...

{T 0/2}
1P.336/2003/svc

Arrêt du 23 juillet 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et
Président du Tribunal fédéral, Féraud et Meyer.
Greffier: M. Parmelin.

Fondation A.________, recourante, agissant par
son président B.________,
lui-même représenté par Me Jean Studer, avocat, passage Max.-Meuron
1, case
postale 3132,
2001 Neuchâtel,

contre

Commune de T.________, représentée par
Me Simon Othenin-Girard, avocat,
rue de la Serre 4/avenue de la Gare 10,
case postale 2416, 2001 Neuchâtel,
Département de la gestion du territoire
du canton de Neuchâtel, Château, 2001 Neuchâtel,
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel,
rue du Pommier 1, case postale 3174, 2001 Neuchâtel.

ordre de démolition d'une véranda en zone à bâtir,

recours de droit public contre l'arrêt du
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel
du 24 avril 2003.

Faits:

A.
Le 29 décembre 1995, la Commune de T.________ a accordé une
autorisation de
construire dix villas mitoyennes et cinq villas individuelles avec un
garage
collectif souterrain, dans le cadre du lotissement "La Pommeraie"
régi par un
plan spécial et un règlement adoptés par le Conseil communal le 19
juin 1995
et approuvés par le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel le 29
novembre
1995.

B. ________, propriétaire d'une villa individuelle dans ce
lotissement, a
fait procéder en cours de construction à des travaux non prévus par
les
plans, consistant dans l'agrandissement du balcon encastré dans un
angle du
bâtiment et dans la pose d'une verrière au rez-de-chaussée, sous le
balcon,
de manière à fermer la terrasse et à créer une véranda. Par décision
du 3
décembre 1997, confirmée en dernière instance par le Tribunal
administratif
du canton de Neuchâtel (ci-après: le Tribunal administratif ou la cour
cantonale) le 19 août 1999, la Commune de T.________ a refusé
d'accorder une
autorisation de construire a posteriori pour ces travaux qui
impliquaient un
léger dépassement du taux d'occupation du sol maximal de 25% prévu
par le
règlement du plan spécial "La Pommeraie". Par décision du 8 septembre
1999,
elle a ordonné à la fondation de famille "A.________", à qui son
fondateur et
président, B.________, avait vendu la villa dans l'intervalle, la
remise en
état des lieux dans un délai de deux mois, sous la menace d'une
exécution par
substitution. Cette décision a été annulée en dernier ressort par le
Tribunal
administratif en date du 27 octobre 2000 pour violation du droit
d'être
entendu.
Le 17 janvier 2001, la Commune de T.________ a imparti à la Fondation
A.________ un délai au 31 mars 2001 pour procéder au démontage des
encadrements et de la verrière réalisés sans droit et pour supprimer
la dalle
supérieure et celle à même le sol. Saisi d'un recours de la
propriétaire, le
Département de la gestion du territoire du canton de Neuchâtel a
confirmé
cette décision en date du 13 mai 2002, un nouveau délai de quatre
mois étant
fixé pour procéder à la remise en état. Malgré la contravention,
qualifiée de
mineure, au règlement du plan spécial "La Pommeraie", il a estimé que
la
Commune de T.________ n'avait pas excédé son pouvoir d'appréciation en
considérant que l'intérêt public à garantir l'homogénéité du
lotissement,
auquel les travaux litigieux portaient atteinte, et à éviter un
précédent
l'emportait largement sur les intérêts financiers de la propriétaire
des
lieux, qui ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi.
Statuant par arrêt du 24 avril 2003, le Tribunal administratif a
rejeté le
recours formé contre cette décision par la Fondation A.________ en
laissant
le soin à la Commune de T.________ de fixer un nouveau délai pour la
démolition. Il a considéré en substance que la modification apportée
sans
droit au projet autorisé était suffisamment importante pour admettre
que
l'homogénéité recherchée par la commune et par les auteurs du
lotissement
n'était plus réalisée. Il a refusé de considérer comme une faute
mineure
l'édification d'une construction illégale, entreprise consciemment et
qui
dénaturait l'ensemble d'un quartier. Enfin, il a tenu pour justifié
le risque
évoqué par les autorités communales que d'autres propriétaires du
lotissement
demandent des modifications identiques sans que celles-là puissent s'y
opposer. Fondé sur ces divers éléments, il a estimé que la Commune de
T.________ pouvait sans arbitraire faire prévaloir l'intérêt public au
rétablissement d'une situation conforme au droit sur l'intérêt privé
de la
propriétaire, laquelle avait aggravé son dommage en ne donnant pas
suite aux
ordres de stopper les travaux.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, la Fondation
A.________
demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Invoquant les art. 5
al. 2
et 9 Cst., elle tient l'ordre de démolition qui lui a été signifié
pour
disproportionné et arbitraire au regard des motifs d'intérêts publics
invoqués à l'appui d'une telle mesure.
Le Tribunal administratif et la Commune de T.________ concluent au
rejet du
recours. Le Département de la gestion du territoire du canton de
Neuchâtel
n'a pas déposé d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
En vertu de l'art. 34 al. 1 et 3 de la loi fédérale sur l'aménagement
du
territoire (LAT; RS 700), seule la voie du recours de droit public est
ouverte contre l'arrêt attaqué qui confirme un ordre de démolition en
zone à
bâtir, dans la mesure où la recourante fait essentiellement valoir
des griefs
tirés du droit de l'aménagement du territoire et de la police des
constructions (cf. ATF 123 II 88 consid. 1a/cc p. 92).
Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière
instance
cantonale et qui touche la recourante dans ses intérêts juridiquement
protégés, le recours répond aux exigences des art. 86 al. 1, 88 et 89
al. 1
OJ.

2.
La recourante conteste la pertinence des motifs d'intérêt public
retenus pour
justifier la remise en état des lieux et la proportionnalité de cette
mesure.
Elle dénonce à ce propos une violation des art. 5 al. 2 et 9 Cst.

2.1 L'ordre de démolition litigieux repose sur l'art. 46 al. 1 let. d
de la
loi neuchâteloise sur les constructions (LConstr) qui permet au
Conseil
communal d'ordonner la remise en état d'une construction ou d'une
installation non conforme aux prescriptions de ladite loi ou aux
autorisations délivrées, son entretien, sa modification, sa
suppression ou sa
démolition. Cette disposition reconnaît ainsi une certaine marge
d'appréciation aux communes dans le choix de la mesure adéquate pour
rétablir
une situation conforme au droit, dont elles doivent faire usage dans
le
respect des principes de la proportionnalité, de l'égalité de
traitement et
de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et
privés en
présence (cf. Christine Ackermann Schwendener, Die klassische
Ersatzvornahme
als Vollstreckungsmittel des Verwaltungsrechts, thèse Zurich 2000, p.
62).
Selon la jurisprudence, l'ordre de démolir une construction ou un
ouvrage
édifié sans permis et pour lequel une autorisation ne pouvait être
accordée
n'est en principe pas contraire au principe de la proportionnalité.
Celui qui
place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle
se
préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que
des
inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATF 108 Ia 216
consid.
4b p. 218). L'autorité doit renoncer à une telle mesure si les
dérogations à
la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à
justifier le dommage que la démolition causerait au maître de
l'ouvrage, si
celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou
encore s'il
y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme
conforme
au droit qui aurait changé dans l'intervalle (ATF 123 II 248 consid.
4a p.
255).

2.2 En l'occurrence, la recourante doit se laisser opposer la
mauvaise foi de
son président et fondateur, B.________, qui a entrepris sans
autorisation des
travaux s'écartant des plans sanctionnés par la Commune de
T.________, en
dépit des interventions des autorités communales et de son architecte
(ATF 99
Ib 392 consid. 2b p. 396; ZBl 94/1993 p. 76 consid. 3 p. 78/79; ZBl
92/1991
p. 21 consid. 3a p. 23/24). Il est par ailleurs constant que les
travaux
litigieux, consistant dans le doublement de la surface du balcon et
l'aménagement d'une véranda fermant la terrasse du rez-de-chaussée,
ne sont
pas conformes à la réglementation en vigueur, en tant qu'ils
impliquent un
dépassement du taux d'occupation du sol de 25% fixé par le règlement
du plan
spécial "La Pommeraie", et qu'ils ne pourraient être autorisés que
moyennant
l'octroi d'une dérogation que la Commune de T.________ n'était pas
tenue de
délivrer.
L'atteinte portée sur ce point à la réglementation communale peut
encore être
qualifiée de minime, même si l'on tient compte du fait que les
propriétaires
de villas érigées dans le périmètre du plan spécial "La Pommeraie"
bénéficient d'un taux d'occupation du sol de 5% plus élevé que celui
applicable aux autres parcelles sises dans la zone d'habitation à
faible
densité. Tel n'est pas le cas en revanche de l'atteinte à
l'homogénéité du
lotissement sur laquelle se fonde la Commune de T.________ pour
justifier la
remise en état des lieux. Si le règlement du plan spécial "La
Pommeraie"
laisse effectivement aux propriétaires une certaine marge
d'appréciation dans
le traitement des façades, des ouvertures en toiture ou encore des
aménagements extérieurs, les plans approuvés par la Commune de
T.________
procèdent d'une conception identique pour les trois catégories de
villas
prévues par le plan spécial, s'agissant en particulier de la
répartition des
pièces, des terrasses et des balcons, démontrant ainsi la volonté de
leurs
auteurs et des autorités communales d'assurer une homogénéité entre
les
divers bâtiments du périmètre. La villa de la recourante est ainsi la
seule
des cinq villas individuelles du lotissement à présenter une véranda
en lieu
et place d'une terrasse ouverte au rez-de-chaussée et un balcon du
double de
la surface des autres, sécurisé par une barrière triangulaire; selon
l'inspection des lieux effectuée le 31 juillet 1998 en présence des
parties
sous l'égide du Service juridique du Département des finances et des
affaires
sociales du canton de Neuchâtel, cette différence est notable depuis
le
chemin des Pommiers, le long duquel s'implantent les cinq villas
individuelles du lotissement. Le Tribunal administratif n'a donc pas
fait
preuve d'arbitraire en admettant que la véranda construite sans
autorisation
par B.________ portait une atteinte sérieuse à l'homogénéité du
lotissement
voulue aussi bien par les auteurs des plans que par la Commune de
T.________.
De ce point de vue, il est sans importance que le lotissement prenne
place
dans un quartier bâti de maisons ne présentant aucune harmonie entre
elles,
tant dans leur style que dans les matériaux choisis.
Par ailleurs, au vu de la lettre adressée le 24 janvier 1998 par
l'administratrice de la propriété par étage "La Pommeraie" au Conseil
communal de T.________, ce dernier pouvait également sans arbitraire
tenir
compte de considérations liées à l'égalité de traitement entre les
propriétaires de villas du lotissement pour s'opposer à la
régularisation des
travaux entrepris sans droit par B.________ et faire abstraction de
l'accord
écrit favorable à leur maintien émanant de plus des deux-tiers des
copropriétaires du lotissement. Le coût d'une démolition, estimé à
52'000
fr., est certes important en soi; il reste cependant relativement
modeste par
rapport au coût total de la villa, de quelque 500'000 fr.; de plus, la
recourante ne conteste pas avoir aggravé le dommage, qu'elle
chiffrait à
39'600 fr. en octobre 1998, en poursuivant de son propre chef les
travaux.
Quoi qu'il en soit, dans la mesure où la Fondation A.________ ne peut
se
prévaloir de sa bonne foi, la Commune de T.________ pouvait accorder
une
importance accrue au rétablissement d'une situation conforme au
droit, sans
se préoccuper outre mesure des inconvénients de la situation ainsi
créée pour
les propriétaires touchés (ATF 123 II 248 consid. 4a p. 255). Quant à
une
mesure moins grave, sous la forme d'une remise en état partielle, elle
n'entre pas en ligne de compte.

2.3 Vu ce qui précède, l'ordre de démolition litigieux répond à un
intérêt
public suffisant et n'est pas disproportionné.

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais de la recourante
qui
succombe (art. 156 al. 1 OJ). Cette dernière versera en outre une
indemnité
de dépens à la Commune de T.________, qui obtient gain de cause avec
l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Une indemnité de 1'800 fr. est allouée à la Commune de T.________ à
titre de
dépens, à la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires de la
recourante et
de la Commune de T.________, ainsi qu'au Département de la gestion du
territoire et au Tribunal administratif du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 23 juillet 2003

Au nom de la Ire Cour
de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.336/2003
Date de la décision : 23/07/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-23;1p.336.2003 ?
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