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22/07/2003 | SUISSE | N°I.695/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 juillet 2003, I.695/02


{T 7}
I 695/02

Arrêt du 22 juillet 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Moser-Szeless

C.________, recourant, représenté par Me Laurent Damond, avocat,
avenue du
Tribunal-Fédéral 3, 1005 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 19 juin 2002)

Faits :

A.
A.a Par déci

sions des 17 et 18 avril 1996, l'Office cantonal de
l'invalidité
pour le canton de Vaud (ci-après : l'office AI) a mis C.________,...

{T 7}
I 695/02

Arrêt du 22 juillet 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Moser-Szeless

C.________, recourant, représenté par Me Laurent Damond, avocat,
avenue du
Tribunal-Fédéral 3, 1005 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 19 juin 2002)

Faits :

A.
A.a Par décisions des 17 et 18 avril 1996, l'Office cantonal de
l'invalidité
pour le canton de Vaud (ci-après : l'office AI) a mis C.________,
ressortissant turc né en 1957, au bénéfice d'une rente entière
d'invalidité,
ainsi que des rentes complémentaires pour son épouse et ses enfants à
partir
du 1er septembre 1992.

Selon les constatations médicales de l'époque (cf. en particulier le
rapport
du Centre médical d'observation de l'assurance-invalidité [ci-après:
COMAI]
du 21 février 1996), l'assuré était atteint de lombalgies chroniques
avec
troubles dégénératifs sous forme d'une protrusion discale avec hernie
discale
médiane L5-S1 droite, d'un syndrome déficitaire sensitivo-moteur du
sciatique
poplité externe droit par atteinte au niveau du col du péroné, ainsi
que
d'une vraisemblable atteinte radiculaire compressive L5 et
éventuellement S1;
sur le plan psychique, il souffrait d'un état dépressif modéré avec
syndrome
somatique chez une personnalité narcissique. Il était de ce fait
incapable de
travailler dans une activité impliquant le port de charges, des
positions
assises ou debout prolongées ou dans toute activité nécessitant des
mouvements répétitifs de flexion-extension du rachis. En outre, selon
les
médecins du COMAI, une reconversion professionnelle de l'assuré, qui,
sans
formation, avait exercé l'activité d'aide-mécanicien jusqu'au 31
juillet 1991
avant de s'annoncer à l'assurance-chômage, paraissait au-dessus de ses
capacités adaptatives de par son trouble de la personnalité d'une
part et de
son état dépressif d'autre part (rapport du COMAI du 21 février 1996).

A.b Dans le cadre d'une révision du droit à la rente, l'assuré a été
examiné
par le docteur R.________, neurologue, selon lequel l'atteinte
tronculaire,
périphérique, isolée et non évolutive dont il souffre (neuropathie du
sciatique poplité externe droit au niveau du genou) ne l'empêcherait
pas de
mettre à profit sa capacité de travail résiduelle, estimée à 50 %,
dans une
activité ne nécessitant pas beaucoup de déplacements (rapport du 7
octobre
1999). Le médecin mentionne également l'absence de toute évolution
significative au cours des huit dernières années.

Dans un rapport du 10 février 2000, la doctoresse D.________, alors
médecin
traitant de C.________, a indiqué qu'il ne signalait aucun trouble de
la
lignée dépressive et ne prenait aucun traitement psychotrope; elle
recommandait de procéder à une nouvelle évaluation psychiatrique. En
conséquence, l'office AI a chargé le docteur S.________, spécialiste
FMH en
psychiatrie et psychothérapie, d'une expertise. Ce praticien est
arrivé à la
conclusion que l'assuré ne présentait alors aucun trouble
psychiatrique
significatif qui justifiât une quelconque diminution de sa capacité de
travail et que les réticences de ce dernier par rapport à un
reclassement
professionnel relevaient de facteurs extra-médicaux (rapport du 27
juin
2001).

Se fondant sur ces pièces médicales, l'office AI a, par décision du 19
octobre 2001, remplacé la rente entière de l'assuré par une
demi-rente, au
motif qu'il disposait désormais d'une capacité de travail de 50 %
dans une
activité adaptée à son état de santé, ce qui lui permettait de
réaliser un
gain de 23'000 fr. par an. La comparaison avec un revenu sans
invalidité,
estimé à 54'600 fr. par an, conduisait à un taux d'invalidité de 58
%, ce qui
ouvrait droit à une demi-rente d'invalidité à partir du 1er décembre
2001.

B.
C.________ a déféré cette décision au Tribunal des assurances du
canton de
Vaud qui l'a débouté par jugement du 19 juin 2002.

C.
L'assuré interjette recours de droit administratif contre ce jugement
dont il
demande principalement la réforme en ce sens que le recourant a droit
à une
rente entière de l'assurance-invalidité et, subsidiairement,
l'annulation, en
concluant au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle
instruction. A l'appui de ses conclusions, il produit un rapport
établi le 29
juillet 2002 par le docteur G.________ et la psychologue E.________ du
département universitaire de psychiatrie adulte de l'hospice
X.________.

L'office AI conclut implicitement au rejet du recours, tandis que
l'Office
fédéral des assurances sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.
Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et
les
principes jurisprudentiels relatifs à la notion d'invalidité, au
droit à une
rente, ainsi qu'à la révision d'une rente, de sorte que l'on peut y
renvoyer
sur ces points.

On ajoutera que la loi fédérale sur la partie générale du droit des
assurances sociales (LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur au 1er
janvier 2003, n'est pas applicable en l'espèce, dès lors que le juge
des
assurances sociales n'a pas à prendre en considération les
modifications du
droit ou de l'état de fait postérieures à la date déterminante de la
décision
litigieuse du 19 octobre 2001 (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366
consid.
1b).

2.
2.1Les premiers juges ont admis, en se référant aux rapports du COMAI
du 21
février 1996, du docteur R.________ du 7 octobre 1999, ainsi que du
docteur
S.________ du 27 juin 2001, que l'état de santé du recourant n'avait
subi
aucune évolution significative, que ce soit sous l'angle somatique ou
psychique. Elle a toutefois admis, comme motif de révision au sens de
l'art.
41 LAI, le fait que la capacité de gain du recourant s'était
améliorée, dès
lors que la comparaison des revenus avant et après invalidité
permettait
d'obtenir un taux d'invalidité de 58 % (voire de 61 % en prenant le
salaire
avant invalidité préconisé par le recourant dans son acte de recours
cantonal), ce qui ouvrait droit à une demi-rente d'invalidité.

2.2 Ce raisonnement ne saurait être suivi dès lors qu'il procède d'une
lecture erronée du dossier médical du recourant. En effet,
contrairement à ce
qu'a retenu l'instance cantonale de recours, l'état de santé de
l'assuré a
subi une évolution favorable depuis les décisions initiales de rente
des 17
et 18 avril 1996. Celles-ci étaient fondées sur une double atteinte à
la
santé, tant physique que psychique. D'une part, l'assuré n'était plus
en
mesure d'exercer une activité impliquant le port de charges, des
positions
assises ou debout prolongées ou nécessitant des mouvements répétitifs
de
flexion-extension du rachis; d'autre part, sur le plan psychique, une
reconversion professionnelle paraissait au-dessus de ses capacités
adaptatives en raison d'un trouble de la personnalité et d'un état
dépressif
(rapport du COMAI du 21 février 1996).

D'un point de vue somatique, le docteur R.________, que le recourant
avait
déjà consulté en 1991, n'a certes pas relevé d'évolution
significative de son
état de santé, tout en précisant qu'il était capable d'exercer une
activité
adaptée à 50 % (rapport du 7 octobre 1999), ce que confirme le docteur
B.________, selon lequel les limitations fonctionnelles de son
patient lui
interdisaient toute activité impliquant le port de charges et la
marche en
terrain inégal, mais étaient compatibles avec l'exercice d'une
activité
sédentaire (même) à temps complet (avis médical du 28 juin 2002).

En revanche, il ressort des constatations du docteur S.________ et du
psychologue L.________, appelés à connaître des affections psychiques
du
recourant, qu'il ne souffrait plus, au printemps 2001, de trouble
psychiatrique significatif qui justifiât une quelconque diminution de
la
capacité de travail. En particulier, il n'existait aucun argument
permettant
de conclure à un état dépressif majeur voire mineur, étant donné que
l'assuré
ne présentait pas d'humeur triste ou déprimée (rapport du 27 juin
2001).
Selon eux, les réticences du recourant à envisager la perspective d'un
reclassement professionnel étaient liées à des facteurs
extra-médicaux, comme
des problèmes linguistiques, l'absence de formation professionnelle,
ainsi
que la durée prolongée de son inactivité; en l'absence de trouble
psychiatrique significatif, la capacité de travail de l'assuré devait
être
fixée uniquement au regard des pathologies somatiques. Ces
conclusions dûment
motivées, qui répondent en tout point aux exigences posées par la
jurisprudence relative à la valeur probante d'un rapport médical (cf.
ATF 125
V 352 consid. 3a et les références) doivent être suivies.
A cet égard, c'est en vain que le recourant se réfère à l'expertise
médicale
établie par le docteur G.________ et la psychologue E.________ du
DUPA, le 29
juillet 2002, pour alléguer une incapacité de travail totale en
raison de
troubles psychiques. Si les experts s'écartent certes des conclusions
du
docteur S.________ en admettant l'existence d'un état dépressif moyen
entraînant une incapacité de travail, ils expliquent précisément que
leur
observation clinique, réalisée en été 2002, «rend compte de la
présence de
troubles psychiques dont ne fait pas état l'expertise réalisée par le
docteur
S.________». Le tableau psychiatrique est, à leurs yeux,
«significativement
différent» de celui présenté par le patient au moment où il a été
examiné par
le docteur S.________ une année auparavant, puisqu'ils relèvent
«actuellement
comme troubles psychiatriques propres à justifier une diminution de la
capacité de travail, un épisode dépressif». Dans la mesure où ces
constatations portent sur des faits survenus postérieurement à la
décision
litigieuse, elles n'ont pas à être prises en compte, seul étant
déterminant
en l'occurrence l'état de fait existant au moment où celle-ci a été
rendue
(ATF 121 V 366 consid. 1b et la référence).

2.3 Par rapport à la situation qui prévalait au moment de l'octroi de
la
rente entière en avril 1996, il y a donc lieu d'admettre que l'état
de santé
du recourant a subi une amélioration sur le plan psychique, puisqu'il
ne
présentait plus, au moment de la décision attaquée, de trouble
psychique
ayant des répercussions négatives sur sa capacité de travail. Par
ailleurs,
au regard des atteintes somatiques, on constate qu'il disposait d'une
capacité de travail de 50 % dans une activité adaptée à ses
limitations
fonctionnelles, à savoir une activité sédentaire légère.

3.
Il reste à examiner les conséquences du changement de l'état de santé
sur la
capacité de gain du recourant en procédant à une comparaison des
revenus afin
de déterminer son degré d'invalidité (cf. art. 28 al. 2 LAI).

Pour le revenu sans invalidité, on peut prendre comme référence le
salaire de
58'500 fr. par an que le recourant aurait réalisé en 2001 - année de
référence en l'occurrence (cf. ATF 121 V 366 consid. 1b) - s'il avait
continué à travailler comme aide-mécanicien (cf. courrier de
W.________ SA).

Quant au salaire après invalidité, en l'absence d'un revenu
effectivement
réalisé, il convient de se référer, conformément à la jurisprudence
(ATF 126
V 76 consid. 3a/bb et les références), aux données d'expérience de
l'Enquête
suisse sur la structure des salaires (ESS). Selon les indications
fournies
par cette publication, un homme pouvait en 2000 prétendre, en
exerçant une
activité simple et répétitive (niveau de qualification 4), à raison
de 41,8
heures hebdomadaires, un revenu annuel de 55'640 fr. (ESS 2000 TA1,
p. 31,
valeur médiane, tous secteurs confondus). Il convient d'adapter ce
montant à
l'évolution des salaires entre 2000 et 2001, soit une augmentation de
2,5 %,
ce qui donne un revenu de 57'031 fr. (La Vie économique, 10/2002, p.
88,
tableau B 10.2). En fonction d'une incapacité de travail de 50 % et en
procédant à un abattement de 15 % - pour tenir compte en particulier
du taux
d'occupation réduit et des limitations liées au handicap du recourant
(cf.
ATF 126 V 78 consid. 5) -, le revenu d'invalide déterminant s'élève à
24'238
fr. par an.
La comparaison avec un revenu réalisable sans invalidité de 58'500 fr.
conduit à une invalidité de 58,56 %. Partant, le taux d'invalidité du
recourant n'est plus suffisant pour fonder le droit à une rente
entière
d'invalidité (art. 28 al. 1 LAI). Cela constitue un changement
important des
circonstances propres à justifier la révision du droit à partir du 1er
décembre 2001 (art. 41 LAI et 88a al. 1 et 88bis al. 2 let. a RAI).
Le recours est dès lors mal fondé.

4.
On précisera qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur la
conclusion
subsidiaire du recourant, qui demande que la cause soit renvoyée à
l'autorité
cantonale de recours pour nouvelle instruction, dès lors qu'elle
n'est pas
motivée. Le recourant n'explique en effet pas pour quelle raison une
telle
instruction s'avérerait nécessaire. En l'absence de motivation
topique à ce
sujet, la conclusion est irrecevable (cf. ATF 124 V 366 consid. 1a et
les
références, 118 Ib 135 consid. 2). Au demeurant, au vu des
considérations qui
précèdent, la cause est en état d'être jugée, de sorte qu'une
instruction
complémentaire est superflue.

Par ces
motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 22 juillet 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.695/02
Date de la décision : 22/07/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-22;i.695.02 ?
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