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22/07/2003 | SUISSE | N°1E.17/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 juillet 2003, 1E.17/2002


{T 0/2}
1E.17/2002 /col

Arrêt du 22 juillet 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Aeschlimann et Reeb.
Greffier: M. Jomini.

X. ________, Y.________, les époux Z.________,
expropriés et recourants à titre principal,
tous représentés par Me Jacques Philippoz, avocat,
case postale 44, 1912 Leytron,

contre

SA L'Energie de l'Ouest-Suisse, place de la Gare 12, case postale
570, 1001
Lausanne,
expropriante, rep

résentée par Me Chantal Ducrot, avocate, rue de la
Moya 1,
1920 Martigny,
Commission fédérale d'estimation du 3e a...

{T 0/2}
1E.17/2002 /col

Arrêt du 22 juillet 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Aeschlimann et Reeb.
Greffier: M. Jomini.

X. ________, Y.________, les époux Z.________,
expropriés et recourants à titre principal,
tous représentés par Me Jacques Philippoz, avocat,
case postale 44, 1912 Leytron,

contre

SA L'Energie de l'Ouest-Suisse, place de la Gare 12, case postale
570, 1001
Lausanne,
expropriante, représentée par Me Chantal Ducrot, avocate, rue de la
Moya 1,
1920 Martigny,
Commission fédérale d'estimation du 3e arrondissement, c/o Me
Alphonse-Marie
Veuthey, avocat, secrétaire, case postale 1036, 1870 Monthey.

expropriation, lignes électriques

recours de droit administratif des expropriés contre la décision de la
Commission fédérale d'estimation du
3e arrondissement du 27 février 2002;
recours joint de l'expropriante.

Faits:

A.
Une procédure d'expropriation (procédure sommaire) a été ouverte en
1997 à la
requête de la société anonyme L'Energie de l'Ouest-Suisse (ci-après:
la
société EOS, ou l'expropriante), afin de permettre à cette société
d'acquérir
certains droits nécessaires au passage des conducteurs d'une nouvelle
ligne
électrique aérienne (ligne 380/132 kV EOS-CFF Saint-Triphon -
Chamoson), en
particulier sur la parcelle n° 2515 du registre foncier de la commune
de
Saint-Maurice. Cette parcelle de 950 m2 classée dans la zone à bâtir
appartient en copropriété à X.________ et Y.________; les époux
Z.________,
qui ont l'usufruit de l'immeuble, habitent la villa qui s'y trouve.
D'après l'avis personnel envoyé le 20 mai 1997 aux consorts
X.________ (les
expropriés), la procédure a pour objet la constitution, sous forme de
servitude apparente (art. 676 al. 2 CC) limitée à 50 ans, d'un droit
de
passage pour les conducteurs sur une longueur de 12 m. L'avis indique
que sur
ce tronçon (entre les pylônes 13 et 31), la nouvelle ligne reprend le
tracé
initial de la ligne EOS 220 kV Chamoson-Romanel et qu'il s'agirait
donc d'une
transformation.
Les consorts X.________ se sont opposés à l'expropriation. Le 22 juin
1998,
le Département fédéral de l'environnement, des transports, de
l'énergie et de
la communication (DETEC) a écarté l'opposition et accordé le droit
d'expropriation à la société EOS. Les expropriés ont formé un recours
de
droit administratif contre cette décision, que le Tribunal fédéral a
pour
l'essentiel rejeté par un arrêt rendu le 9 novembre 1999 (cause
1E.13/1998).
Auparavant, l'Inspection fédérale des installations à courant fort
(IFICF)
avait approuvé, le 18 octobre 1993, les plans de la nouvelle ligne
380 kV.
Les consorts X.________ n'avaient pas contesté, à ce stade, le choix
du
tracé. D'autres intéressés avaient recouru, en vain, contre cette
décision
auprès du Département fédéral des transports, des communications et de
l'énergie puis du Conseil fédéral.

B.
Dans l'arrêt 1E.13/1998, le Tribunal fédéral a retenu que le
conducteur
externe de la nouvelle ligne le plus proche de la maison d'habitation
survolait la propriété des expropriés sur une distance de 23 mètres;
l'expropriante l'a admis (consid. 3). Aussi la décision du DETEC
a-t-elle été
réformée "en ce sens que le droit d'expropriation est accordé à la
société
EOS pour la constitution d'une servitude de passage des conducteurs
pour la
nouvelle ligne aérienne 380/132 kV EOS/CFF [...], sur la parcelle n°
2515 du
cadastre de Saint-Maurice [...], sur une longueur de 23 mètres" (ch.
1 du
dispositif de l'arrêt du Tribunal fédéral du 9 novembre 1999).

C.
Dans cet arrêt 1E.13/1998, le Tribunal fédéral s'est prononcé sur la
requête
des consorts X.________ tendant au déplacement de la ligne électrique
parce
qu'ils craignaient les conséquences d'une exposition aux champs
électromagnétiques. Le Tribunal fédéral a examiné ces questions sous
l'angle
du droit fédéral de la protection de l'environnement et il a jugé que
les
moyens des consorts X.________ étaient mal fondés. Ce dossier
contient les
indications suivantes (sur lesquelles les parties ont pu se
déterminer au
cours de la procédure du recours de droit administratif 1E.13/1998):
La décision du DETEC du 22 juin 1998 mentionne des calculs effectués
par
l'Inspection fédérale des installations à courant fort (IFICF) dont il
résulte que, dans les locaux habitables de la maison des expropriés,
l'intensité du champ électrique de la nouvelle ligne serait de
l'ordre de 135
V/m, tandis que l'induction du champ magnétique serait de 0.870 mT.
Un rapport de l'IFICF du 16 avril 1999, intitulé "Mesures in situ des
champs
électromagnétiques produits par la ligne 380/132 kV St-Triphon -
Chamoson
dans la propriété X.________ parcelle n° 2515, commune de
St-Maurice", donne
les résultats de mesures effectuées sur place le 17 février 1999, à
trois
endroits au niveau du sol (à l'extérieur devant l'entrée, dans la
cuisine,
dans le salon - la ligne électrique était alors déjà construite et en
exploitation, après une décision d'envoi en possession anticipé - cf.
arrêt
1E.17/1998 du 22 octobre 1998). Les valeurs mesurées sont comprises
entre
0.19 et 0.31 mT (dans ce dernier cas, la mesure a été effectuée alors
qu'une
machine à café était enclenchée dans la même pièce). La charge de la
ligne
380/132 kV était au moment des mesures de 471 A. La présence à
proximité
directe d'une autre ligne électrique est mentionnée (ligne 200 kV
Riddes-Morgins, dont le tracé est parallèle, quelques mètres à
l'ouest); le
jour des mesures, la charge de cette dernière ligne était de 284 A.
Le degré
de précision des mesures est de +/- 10 %.
Le rapport de l'IFICF indique encore le résultat de calculs du champ
magnétique de la nouvelle ligne 380/132 kV dans le bâtiment des
expropriés.
En prenant en considération la charge au moment des mesures, la
densité de
flux magnétique est de 0.23 mT; avec une charge maximale de 2000 A,
cette
densité serait de 0.78 mT. Une note établie par l'expropriante le 11
juin
1999, intitulée "Enregistrement des valeurs électriques - Période du 9
décembre 1998 au 30 mai 1999", indique qu'en pratique on ne devrait
pas
dépasser sur de longues périodes la moitié de la puissance ou charge
thermique de la ligne, soit en l'occurrence 1120 A (ou 785 MW). Le
rapport de
l'IFICF du 16 avril 1999 en déduit que la valeur réelle des
immissions dans
cette zone d'habitation devrait la plupart du temps être inférieure à
0.5 mT.

D.
Dans leur recours de droit administratif contre la décision du DETEC,
les
consorts X.________ prétendaient en outre que le bruit de la ligne
électrique
serait excessif. Ce grief a été rejeté par le Tribunal fédéral, qui a
appliqué sur ce point la législation fédérale sur la protection de
l'environnement. L'arrêt 1E.13/1998 mentionne des calculs effectués
par
l'IFICF pour déterminer le niveau de bruit dans la villa (niveau Lr,
calculé
selon l'annexe 6 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit
[OPB; RS
814.41], à la fenêtre du premier étage sur la façade ouest); il en est
résulté un dépassement de 3.36 dB(A) de la valeur de planification
pour la
nuit (consid. 6 de l'arrêt 1E.13/1998). En d'autres termes, le niveau
Lr est
d'après ces calculs d'environ 48 dB(A) la nuit. L'arrêt ajoute que les
valeurs limites d'immissions (60 dB le jour et 50 dB la nuit) sont
respectées.
Le Tribunal fédéral s'est encore référé à un rapport d'expertise
acoustique
établi le 21 juin 1999 par le bureau d'ingénieur Gilbert Monay, à
Lausanne,
dans une procédure de recours de droit administratif instruite
parallèlement
concernant la même ligne électrique (affaire 1E.14/1998, consorts
A.________
et B.________ c. EOS). Ces données avaient été portées à la
connaissance des
consorts X.________. La détermination du niveau Lr par le bureau
Monay a
abouti, dans cette affaire, à des résultats inférieurs à ceux des
calculs
précédents de l'IFICF; aussi le Tribunal fédéral a-t-il admis la
représentativité de cette dernière évaluation du niveau de bruit.

E.
Dans leur opposition, les expropriés demandaient encore une indemnité
pour la
constitution de la servitude, en se référant essentiellement aux
champs
électromagnétiques engendrés par la nouvelle ligne, d'après eux
nuisibles
pour leur santé. La conciliation a été tentée en vain le 1er octobre
1997 par
le Président de la Commission fédérale d'estimation du 3e
arrondissement
(ci-après: la Commission fédérale).
Après le traitement des oppositions, la procédure d'estimation a été
ouverte.
Le 7 décembre 2000, les expropriés ont communiqué leurs prétentions à
la
Commission fédérale: ils ont demandé l'expropriation totale de leur
immeuble
et à titre subsidiaire le versement d'une indemnité compensant la
moins-value
causée par les champs électromagnétiques, le bruit et l'atteinte au
site.
La Commission fédérale a entendu les parties le 13 décembre 2000. Les
expropriés ont alors requis une nouvelle expertise des nuisances de
la ligne
électrique, en contestant le "caractère neutre" de l'Inspection
fédérale
(IFICF). Cette requête a été rejetée le jour même. Les expropriés ont
formé
contre cette décision incidente un recours de droit administratif. Le
Tribunal fédéral l'a partiellement admis, en annulant la condamnation
des
expropriés aux frais de la décision incidente, mais en considérant en
revanche que le refus d'ordonner une nouvelle expertise était fondé
(arrêt
1E.18/2001 du 10 décembre 2001).

F.
La Commission fédérale a statué le 27 février 2002, après avoir
entendu une
nouvelle fois les parties. Elle a prononcé la constitution "par voie
d'expropriation, sur la parcelle n° 2515 de la Commune de
Saint-Maurice,
propriété de X.________ et Y.________, et en faveur de l'Energie
Ouest-Suisse, ou de ses ayants droit, en plus des droits déjà
existants,
[d']une servitude personnelle et cessible apparente (art. 676 al. 3
CC) de
passage de ligne à haute tension (sur une distance de 12 mètres
linéaires)
pour la durée de 50 ans, avec droit d'accès pour la construction,
l'entretien, la surveillance, le renforcement et la transformation des
installations". Elle a rejeté la demande d'expropriation totale de la
parcelle et condamné l'expropriante à verser aux expropriés une
indemnité de
14'750 fr., avec intérêts au taux usuel, "pour l'indemnisation de la
moins-value au bâtiment et à la parcelle". Les frais de la procédure
ont été
mis à la charge de l'expropriante, y compris les dépens dus aux
expropriés,
par 2'000 fr. Dans les motifs de son prononcé, la Commission fédérale
a
exposé que l'indemnité était formée d'un montant de 4'750 fr. pour la
moins-value subie par le terrain, soit 5 fr./m2, et de 10'000 fr.
pour celle
affectant le bâtiment, ce dernier montant étant fixé ex aequo et bono.

G.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, les expropriés
requièrent le Tribunal fédéral de prononcer l'expropriation totale de
leur
immeuble et de charger un expert judiciaire de fixer l'indemnité. A
titre
subsidiaire, ils demandent que la moins-value pour "changement
d'affectation
du bâtiment" et "dévaluation de la parcelle" soit compensée par une
indemnité
fixée par expertise judiciaire.
L'expropriante conclut au rejet du recours des expropriés.

H.
Par un recours de droit administratif joint, l'expropriante demande
l'annulation de la décision attaquée dans la mesure où elle la
condamne au
versement d'une indemnité de 10'000 fr., censée compenser la
dépréciation du
bâtiment des expropriés.
Les expropriés concluent au rejet du recours joint tout en confirmant
les
conclusions de leur recours principal.

I.
La Commission fédérale a renoncé à se déterminer sur les recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit administratif est recevable contre une décision
prise par
une commission fédérale d'estimation (art. 77 al. 1 LEx, art. 115 al.
1 OJ).
Les expropriés ont qualité pour recourir, conformément à l'art. 78
al. 1 LEx.
En vertu de cette disposition, l'expropriante a également qualité pour
recourir et le droit fédéral lui permet, dans le délai de dix jours
dès la
réception du recours principal, de se joindre à celui-ci et de
prendre des
conclusions comme si elle avait formé un recours indépendant (recours
joint -
art. 78 al. 2 LEx). Les autres conditions de recevabilité étant
remplies
(art. 97 ss OJ), il y a lieu d'entrer en matière.

2.
Dans leur conclusion principale, les expropriés demandent
l'expropriation
totale de leur bien-fonds. Leur acte de recours est dépourvu de toute
motivation à ce sujet: ils n'exposent pas en quoi l'argumentation de
la
Commission fédérale sur le refus de l'expropriation totale - elle
serait
disproportionnée compte tenu des nuisances constatées sur place et de
l'absence de lien de causalité prouvé entre la présence d'une ligne à
haute
tension et les problèmes de santé des personnes résidant à proximité
- serait
contraire au droit fédéral; ils se bornent en effet à critiquer le
montant de
l'indemnité allouée pour l'expropriation partielle de leur bien-fonds
(cf.
infra, consid. 3).
Comme la procédure a été ouverte en vue de la constitution d'une
servitude
grevant l'immeuble litigieux, il ne s'agissait pas de conférer à
l'expropriante le droit d'obtenir le transfert de la propriété de ce
bien-fonds. Si les expropriés voulaient se plaindre du refus de la
Commission

fédérale d'étendre l'expropriation - et de modifier ainsi l'objet de
la
contestation -, il leur appartenait de présenter sur ce point une
argumentation topique, conformément aux exigences de motivation du
recours de
droit administratif énoncées à l'art. 108 al. 2 OJ (cf. ATF 123 V 335
consid.
1b p. 337; 118 Ib 134 consid. 2 p. 135). Telle qu'elle est présentée,
cette
conclusion principale du recours principal est donc irrecevable.
Par conséquent, seules doivent être examinées leurs conclusions
subsidiaires,
tendant au paiement d'une indemnité pour la constitution d'une
servitude par
voie d'expropriation. Contrairement à ce qui figure dans le
dispositif de la
décision attaquée, la longueur de la limite de l'assiette de cette
servitude,
sur la parcelle des expropriés, n'est pas de 12 m, mais bien de 23 m,
comme
cela a été précisé dans l'arrêt 1E.13/1998 du 9 novembre 1999
(consid. 3 de
cet arrêt).

3.
Les expropriés demandent une indemnité compensant la perte de valeur
de leur
immeuble, à cause de la nouvelle ligne électrique et des nuisances
qu'elle
provoque. Ils se prévalent de l'art. 5 al. 1 LEx qui permet
l'expropriation
des droits résultant des dispositions sur la propriété foncière en
matière de
rapports de voisinage ("expropriation de droits de voisinage", selon
une
formule utilisée dans la jurisprudence). Ils critiquent le montant
alloué par
la Commission fédérale, implicitement qualifié d'insuffisant.

3.1 Les questions à résoudre, pour statuer sur le présent recours,
sont
identiques à celles qui se posaient dans la cause connexe 1E.14/2002,
A.________ et B.________ c. EOS. Le Tribunal fédéral a rendu ce jour
un arrêt
dans cette cause (arrêt destiné à la publication). Les mêmes solutions
doivent être adoptées dans la présente affaire.

3.2 En l'espèce, l'expropriation n'a pas pour objet des droits
résultant des
dispositions sur la propriété foncière en matière de rapports de
voisinage
(cf. art. 5 al. 1 LEx, en relation avec les art. 679 ss CC), soit les
droits
des propriétaires fonciers voisins des biens-fonds où passe la ligne
électrique litigieuse de se défendre contre les immissions,
conséquences
indirectes que l'exercice de la propriété sur un fonds peut avoir sur
les
fonds voisins (cf. ATF 129 II 72 consid. 2.3 p. 75; 124 II 543
consid. 3a p.
548). La présente procédure a été ouverte en vue de la constitution,
par voie
d'expropriation, d'une servitude grevant le bien-fonds des expropriés,
lesquels sont dès lors directement touchés dans l'exercice de leurs
droits
sur cet immeuble.
Selon la jurisprudence, l'imposition forcée d'une servitude sur un
fonds
constitue juridiquement une expropriation partielle. Comme les droits
réels
restreints ne sont pas des objets de commerce, l'indemnité pleine et
entière
à verser au propriétaire du fonds grevé (art. 16 LEx) correspond à la
dépréciation de la parcelle. Il s'agit donc d'appliquer non pas
l'art. 19
let. a LEx, en vertu duquel l'indemnité comprend "la pleine valeur
vénale du
droit exproprié", mais l'art. 19 let. b LEx, qui prévoit que
l'indemnité
comprend "le montant dont est réduite la valeur vénale de la partie
restante". Cette indemnité se calcule donc selon la méthode dite de la
différence, laquelle consiste à déduire de la valeur vénale du fonds
libre de
servitude celle du fonds grevé de la servitude (cf. ATF 122 II 337
consid. 4c
p. 343; 114 Ib 321 consid. 3 p. 324; 111 Ib 287 consid. 1 p. 289 et
les
arrêts cités).
Conformément à l'art. 22 al. 2 LEx, il faut tenir compte du dommage
résultant
de la perte ou de la diminution d'avantages influant sur la valeur
vénale et
que la partie restante aurait, selon toute vraisemblance, conservés
s'il n'y
avait pas eu d'expropriation. D'après la jurisprudence, il peut s'agir
d'avantages de fait, ou d'éléments concrets ayant une influence sur
la valeur
vénale. Un lien de causalité adéquate doit pourtant exister entre
l'expropriation elle-même - à distinguer des effets de l'ouvrage de
l'expropriant sur les biens-fonds voisins - et une telle perte (ATF
114 Ib
321 consid. 3 p. 324/325; 106 Ib 381 consid. 2b et 3a p. 385 s., et
les
arrêts cités; Heinz Hess/Heinrich Weibel, Das Enteignungsrecht des
Bundes,
vol. I, Berne 1986, n. 20 ad art. 19 LEx p. 241 et n. 8-9 ad art. 22
LEx p.
339). En cas d'expropriation partielle, la jurisprudence prend
notamment en
considération la perte d'avantages valorisant ou protégeant l'immeuble
touché: protection contre les nuisances provenant du voisinage,
garantie
d'une vue dégagée sur le paysage, interdiction de construire grevant
le fonds
voisin en vertu d'une servitude, etc. (perte d'un "écran
protecteur"); cette
dépréciation doit être indemnisée (cf. ATF 106 Ib 381 consid. 4b p.
389; 104
Ib 79 consid. 1b p. 81; 100 Ib 190 consid. 8 p. 197; 94 I 286 consid.
2-4 p.
292 ss; cf. aussi ATF 110 Ib 43 consid. 2 p. 46; 102 Ib 348 consid.
3b p.
352; 98 Ib 329 consid. 1 p. 331; Hess/Weibel, op. cit., n. 23 ad art.
19 LEx,
p. 242). En revanche, si le compartiment de terrain exproprié est
modeste et
qu'il ne remplit aucune fonction particulièrement valorisante ou
protectrice
pour le reste du bien-fonds, les principes sur l'expropriation des
droits de
voisinage s'appliquent conformément à l'art. 5 LEx (cf. ATF 110 Ib 43
consid.
2 p. 47; 106 Ib 381 consid. 2a p. 383/384; Hess/Weibel, op. cit., n.
23 ad
art. 19 LEx, p. 242). Ces droits sont en principe énumérés aux art.
684 ss CC
(ATF 128 II 368 consid. 2.1 p. 372).

4.
Les expropriés affirment que la dévaluation de leur immeuble est due
au bruit
provoqué par la nouvelle ligne électrique ainsi qu'aux champs
électromagnétiques, lesquels mettraient en danger la santé des
habitants de
la maison. Dans les deux cas, ils prétendent que les valeurs limites
prévues
par le droit fédéral de la protection de l'environnement - dans
l'ordonnance
sur la protection contre le bruit (OPB) ou dans l'ordonnance sur la
protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI; RS 814.710) -
seraient
dépassées, et ils critiquent les rapports, figurant au dossier de la
procédure d'opposition, relatifs à l'évaluation de ces nuisances.

4.1 La Commission fédérale, sans procéder au calcul détaillé de la
différence
entre la valeur vénale de l'immeuble avant et après la constitution
de la
servitude de passage, a considéré qu'une indemnité de 10'000 fr.
était de
nature, ex aequo et bono, à compenser la présence de la ligne
électrique à
proximité du bâtiment des expropriés, tandis qu'un montant de 5 fr./m2
correspondait à la diminution de la valeur du terrain, ce qui
représente,
pour une parcelle de 950 m2, une indemnité de 4'750 fr. (équivalant à
5 % de
la valeur du terrain, celle-ci étant d'après la Commission fédérale
de 100
fr./m2 en zone résidentielle à Saint-Maurice). Selon la décision
entreprise,
cette ligne entraîne des bourdonnements, des sifflements ainsi que
d'autres
inconvénients et, même si aucune immission importante n'est à
craindre, la
valeur de l'immeuble est diminuée; l'existence d'autres nuisances
incommodantes, sonores ou électromagnétiques, n'ayant pas été
prouvée, il n'y
avait pas lieu d'allouer une indemnité à ce titre. Cette
argumentation est
présentée de manière sommaire.

4.2 La conformité de la nouvelle ligne électrique aux prescriptions
de la loi
fédérale sur la protection de l'environnement a été examinée dans le
cadre de
la procédure d'opposition, à savoir dans la décision du DETEC du 22
juin 1998
et dans l'arrêt du Tribunal fédéral du 9 novembre 1999 (1E.13/1998).
En
outre, elle avait déjà été l'objet de la procédure préalable
d'approbation
des plans, au cours de laquelle une étude de l'impact sur
l'environnement
avait été effectuée (cf. arrêt 1E.13/1998 consid. 4c). Du reste, dans
le
système de la loi fédérale sur l'expropriation, c'est au stade de
l'opposition et de la production des prétentions (cf. art. 35 LEx)
qu'un
exproprié peut présenter des demandes fondées sur l'art. 7 al. 3 LEx.
Cette
disposition astreint l'expropriant à exécuter les ouvrages propres à
mettre
le public et les fonds voisins à l'abri des dangers et des
inconvénients
qu'impliquent nécessairement l'exécution et l'exploitation de son
entreprise
et qui ne doivent pas être tolérés d'après les règles du droit de
voisinage
(cf. art. 684 ss CC). De ce point de vue, l'appréciation du caractère
excessif ou non des immissions de la nouvelle installation (cf. art.
684 al.
2 CC) s'effectue donc déjà dans la procédure d'opposition.
En l'espèce, il n'est pas nécessaire de se prononcer à nouveau sur ces
questions. Les données de fait sur les nuisances de la ligne
électrique,
telles qu'elles ressortent du dossier de la procédure d'opposition -
les
indications sur les niveaux des immissions de bruit et des champs
électromagnétiques -, ne sont pas sérieusement contestées par les
expropriés
(qui critiquent de manière manifestement non concluante certaines
méthodes de
mesure ou de calcul). Quant aux griefs, d'ordre formel, tirés d'un
prétendu
manque d'indépendance ou d'impartialité des auteurs des rapports
relatifs aux
nuisances, c'est dans la procédure d'opposition qu'ils devaient être
soulevés
et traités. Le Tribunal fédéral s'est du reste prononcé à ce sujet
dans son
arrêt 1E.13/1998 du 9 novembre 1999, en écartant les critiques des
recourants
(consid. 5c et 6b de cet arrêt; cf. aussi arrêt 1E.18/2001 du 10
décembre
2001, consid. 3; arrêt 1E.14/1998 du 9 novembre 1999 dans la cause
connexe
A.________ et B.________ c. EOS, consid. 3c et 4b).

4.3 Dans la procédure tendant à la fixation de l'indemnité
d'expropriation,
les effets ou immissions de la ligne électrique seront pris en
considération
de manière différenciée, selon qu'il faut indemniser ou non la
dépréciation
de la partie restante, en l'occurrence de la maison d'habitation (cf.
supra,
consid. 3.2).
4.3.1 Dans l'hypothèse où la dépréciation est causée par la perte ou
la
diminution d'avantages (art. 22 al. 2 LEx), tous les éléments ayant
une
influence sur la valeur vénale doivent être pris en considération
(cf. supra,
consid. 3.2), y compris les immissions qui sont suffisamment
sensibles, sans
toutefois être excessives au sens du droit civil ou du droit public
(cf.
Hess/Weibel, op. cit., n. 9 ad art. 22 LEx, p. 340). L'expérience
montre que
la proximité d'une ligne à haute tension entraîne une baisse des prix
du
marché foncier, même sans diminution des possibilités de construire
prévues
par la réglementation d'aménagement du territoire; cela peut dépendre
de
l'atteinte au paysage, ou encore, selon la jurisprudence, de motifs
purement
psychologiques, qui sont alors des inconvénients de fait (ATF 102 Ib
348
consid. 3 p. 350). Le survol d'un jardin par des lignes est
incontestablement
un désavantage, car on peut toujours craindre l'effondrement d'un
pylône et
la chute d'un conducteur. Le bruit provoqué par la ligne, même s'il
n'est pas
excessif au sens des normes du droit privé sur les rapports de
voisinage (ou
de celles du droit public de la protection de l'environnement - cf.
infra,
consid. 4.3.2), est lui aussi un inconvénient; le propriétaire qui le
subit
perd un avantage de fait pour sa maison d'habitation. Pour les champs
électromagnétiques, la question est plus délicate car il ne s'agit pas
d'immissions perceptibles pour les sens. Les expropriés font du reste
valoir
que ces champs représentent un inconvénient essentiellement parce que,
d'après eux, le fait de résider à proximité d'une ligne à haute
tension
aurait des effets à long terme sur la santé. Il faut donc déterminer,
dans la
situation concrète, si ces champs ont des effets physiques (ou
biologiques
voire sanitaires) suffisamment évidents pour constituer en eux-mêmes
un
désavantage, ou si au contraire la crainte de tels effets, non
avérés, est
simplement une des composantes des inconvénients d'ordre
psychologique déjà
évoqués.

4.3.2 Si l'expropriation partielle n'a pas pour conséquence de priver
l'immeuble d'avantages protecteurs, la dépréciation de la partie
restante
n'est indemnisée que si les conditions prévues pour l'expropriation
de droits
de voisinage sont satisfaites (cf. supra, consid. 3.2). Il peut en
aller
ainsi lorsque, du fait de l'ouvrage de l'expropriant, l'immeuble est
exposé à
des immissions excessives au sens de l'art. 684 al. 2 CC.
D'après la jurisprudence à ce sujet, l'expropriant peut être tenu
d'indemniser le propriétaire foncier voisin d'une route nationale,
d'une voie
de chemin de fer ou d'un aéroport s'il subit, à cause des immissions
de bruit
de ces installations, un dommage spécial, imprévisible et grave (cf.
ATF 129
II 72 consid. 2.1 p. 74 les arrêts cités). La première de ces
conditions
cumulatives, celle de la spécialité, est réalisée dès lors que les
nuisances
sonores ont atteint une intensité excédant le seuil de ce qui est
usuel et
tolérable; ce seuil correspond aux valeurs limites d'immissions
prévues par
la législation fédérale sur la protection de l'environnement (ATF 124
II 543
consid. 5a p. 552; 123 II 481 consid. 7c p. 492, 560 consid. 3d/bb p.
568 et
les arrêts cités). Cette loi fédérale a pour but, conformément à son
art. 1
al. 1, de protéger les hommes (notamment) des atteintes nuisibles et
incommodantes. Le bruit est une atteinte visée par la loi (art. 7 al.
1 LPE).
Empêcher les atteintes nuisibles vise à protéger la santé des êtres
humains;
quant à la lutte contre les atteintes incommodantes,
elle tend à
préserver le
bien-être de la population, qui ne doit pas être gêné de manière
sensible
(cf. Pierre Tschannen, Kommentar zum Umweltschutzgesetz [Kommentar
USG], art.
1, Zurich 2003, n. 18-19). D'après la loi, les valeurs limites
d'immissions
sont "applicables à l'évaluation des atteintes nuisibles ou
incommodantes"
(art. 13 al. 1 LPE); en d'autres termes, un dépassement de ces valeurs
signifie, selon l'état de la science et l'expérience, que l'atteinte
est
nuisible ou incommodante (cf. art. 14 let. b et 15 LPE; André
Schrade/Theo
Loretan, Kommentar USG, art. 13, Zurich 1998, n. 13; ATF 119 Ib 348
consid.
5b/dd p. 360; cf. également ATF 126 II 399 consid. 4b p. 405). Ces
critères
du droit de l'environnement servent donc, dans ce domaine, à définir
la
portée des droits des propriétaires fonciers voisins; c'est là un des
points
de convergence des réglementations de droit public et de droit privé
sur la
protection contre les immissions excessives (cf. notamment ATF 129
III 161
consid. 2.6 p. 165; 126 III 223 consid. 3c p. 226).
Les rayonnements ou champs électromagnétiques peuvent, à l'instar du
bruit,
être considérés comme des immissions "matérielles" au sens de l'art.
684 CC
(cf. notamment Heinz Rey, Kommentar zum Schweizerischen Privatrecht
[Commentaire bâlois], 1998, n. 26 ad art. 684 CC; Arthur Meier-Hayoz,
Commentaire bernois, 1975, n. 178 ad art. 684 CC). Ils tombent
également sous
le coup de la loi fédérale sur la protection de l'environnement, la
définition des atteintes englobant les rayons (art. 7 al. 1 LPE). Les
règles
des art. 11 ss LPE sur la limitation des nuisances y sont applicables,
notamment celles sur les valeurs limites d'immissions (cf. art. 11
al. 1 LPE
et art. 14 LPE, cette dernière disposition exprimant selon la
jurisprudence
des principes généraux s'appliquant également aux rayonnements - ATF
124 II
219 consid. 7a p. 230). Depuis le 1er février 2000, l'ordonnance sur
la
protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI) contient des
règles
précises à ce propos, qui s'appliquent en particulier aux lignes
aériennes de
courant alternatif. A priori, en matière d'expropriation de droits de
voisinage, il n'y a aucun motif de ne pas appliquer à ces immissions,
mutatis
mutandis, les règles prévues pour les immissions de bruit.

5.
Les expropriés se plaignent d'une violation de l'art. 8 CEDH. Ils en
déduisent une obligation, pour les autorités étatiques, de prendre les
mesures nécessaires à la protection effective du droit au respect de
la vie
privée et familiale, droit dont l'exercice serait menacé par les
nuisances
provenant de la ligne électrique.
L'art. 8 par. 1 CEDH garantit le droit de toute personne au respect
de sa vie
privée et familiale. Il impose à l'Etat d'adopter des mesures
raisonnables et
adéquates pour protéger ce droit, notamment quand les nuisances d'une
installation polluante ou bruyante diminuent aux alentours la qualité
de la
vie privée (cf. arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme du
21
février 1990 dans l'affaire Powell et Rayner [§ 41], du 9 décembre
1994 dans
l'affaire Lopez Ostra c. Espagne [§ 51], et du 19 février 1998 dans
l'affaire
Guerra et autres c. Italie [§ 58]). Cela étant, l'art. 8 par. 2 CEDH
permet
une "ingérence d'une autorité publique dans l'exercice" du droit
garanti à
l'art. 8 par. 1 CEDH si cette ingérence "constitue une mesure qui,
dans une
société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la
sûreté
publique, au bien-être économique du pays", notamment. Les mesures
prises
pour l'approvisionnement du pays en électricité entrent manifestement
dans ce
cadre. Il faut dès lors, selon la jurisprudence de la Cour européenne
des
droits de l'homme, "avoir égard au juste équilibre à ménager entre les
intérêts concurrents de l'individu et de la société dans son
ensemble" (cf.
arrêts Powell et Rayner, Lopez Ostra précités, ibid.). Cette
appréciation ou
cette pesée des intérêts est intervenue, pour la construction de la
ligne
électrique litigieuse, à l'occasion de l'approbation des plans et de
l'examen
des oppositions. Si les droits des propriétaires voisins de
l'installation
sont compromis, ils peuvent prétendre à une indemnité d'expropriation
(pour
l'expropriation partielle de leur immeuble ou l'expropriation de
droits de
voisinage). Le droit fédéral permet ainsi, dans un cas tel que celui
des
recourants, de tenir compte des exigences de l'art. 8 CEDH (cf. ATF
121 II
317 consid. 5c p. 333; cf. également ATF 126 II 300 consid. 5c p.
315).

6.
Les expropriés soutiennent que l'exploitation de la ligne électrique
provoquerait un dépassement des valeurs limites d'exposition de
l'ordonnance
sur la protection contre le bruit.
Les valeurs limites d'exposition au bruit de l'industrie et des arts
et
métiers, selon l'annexe 6 de l'OPB, s'appliquent au bruit produit par
les
installations de production d'énergie (en allemand: "Energieanlagen")
exploitées régulièrement durant une période prolongée (annexe 6, ch.
1 al.
2), donc au bruit provoqué par la ligne à haute tension litigieuse
(cf. arrêt
1E.13/1998 du 9 novembre 1999, consid. 6a). En admettant que le
bien-fonds en
cause se trouve dans une zone à laquelle le degré de sensibilité au
bruit II
a été attribué (cf. arrêt 1E.13/1998 du 9 novembre 1999, consid. 6a),
les
valeurs limites d'immissions déterminantes (niveau Lr) sont de 60
dB(A) le
jour et de 50 dB(A) la nuit. Il résulte du dossier de la procédure
d'opposition que le bruit provoqué par la ligne à haute tension ne
dépasse
pas ces valeurs sur la parcelle des expropriés.
Dans l'hypothèse d'une perte d'"écran protecteur" entraînant la
dépréciation
de la partie restante de l'immeuble, les bourdonnements et sifflements
qu'évoque la décision attaquée peuvent être considérés comme un
inconvénient
de fait ou une gêne, peu sensible, que l'immeuble n'aurait pas subi,
ou pas
de manière aussi perceptible, sans l'expropriation (cf. ATF 109 Ib
298 consid
4a p. 301, où il est aussi question, à propos d'une installation
analogue, de
nuisances sonores sous forme de crépitements).
S'il faut, au contraire, appliquer les critères de la seule
expropriation de
droits de voisinage, l'octroi d'une indemnité destinée à compenser le
préjudice subi par le propriétaire voisin serait exclu parce que la
condition
de la spécialité n'est pas satisfaite.

7.
Les expropriés se plaignent par ailleurs de nuisances qui seraient
dues aux
champs électromagnétiques. Selon eux, la nouvelle ligne électrique
aurait des
effets nocifs sur leur santé.

7.1 Tout fil électrique sous tension produit un champ électrique dans
son
voisinage. Ce champ, dont l'intensité se mesure en volts par mètre
(V/m),
existe même si aucun courant ne circule. Le champ est d'autant plus
intense
que la tension est élevée. C'est à proximité directe d'une charge
électrique
ou d'un conducteur sous tension que le champ électrique est le plus
élevé;
son intensité diminue rapidement avec la distance. Le champ
électrique créé
par les lignes de transport d'électricité situées à l'extérieur est
réduit
par la présence de murs, de bâtiments ou d'arbres (lorsque ces lignes
sont
enterrées, le champ électrique en surface est à peine décelable).
Les champs magnétiques sont provoqués par le déplacement de charges
électriques. Contrairement au champ électrique, le champ magnétique
n'apparaît que lorsqu'un appareil électrique est allumé et que le
courant
passe. Son intensité se mesure en ampères par mètre (A/m); toutefois,
dans la
recherche et les applications techniques, on utilise généralement une
autre
grandeur, liée à l'intensité: la densité de flux magnétique (appelée
aussi
induction magnétique), qui s'exprime en teslas ou plus communément en
microteslas (mT). Plus l'intensité du courant est forte, plus le champ
magnétique est élevé. Comme dans le cas du champ électrique, le champ
magnétique est d'autant plus intense qu'on est proche de la source et
il
diminue rapidement lorsque la distance augmente. Les matériaux usuels
tels
que les matériaux de construction ne constituent pas un blindage
efficace
contre les champs magnétiques.
Une onde électromagnétique est l'association d'un champ électrique et
d'un
champ magnétique qui varient dans le temps et se propagent dans
l'espace. Un
courant alternatif crée un champ variable dans le temps; il change de
sens à
intervalles réguliers. Dans la plupart des pays européens, pour
l'électricité
du réseau, ce changement de sens s'opère avec une fréquence de 50
Hertz (Hz),
soit 50 cycles par seconde; de même, le champ magnétique engendré par
ce
courant oscille à raison de 50 cycles par seconde. Les champs
électromagnétiques variables dans le temps produits par les appareils
électriques et les conduites qui les alimentent sont un exemple de
champs de
fréquence extrêmement basse (champs FEB, ou en anglais: ELF,
Extremely Low
Frequency - on entend par là les fréquences inférieures à 300 Hz).
Même en l'absence de tout champ électrique extérieur, le corps humain
est le
siège de micro-courants dus aux réactions chimiques qui correspondent
aux
fonctions normales de l'organisme. Les champs électriques de basse
fréquence
agissent sur l'organisme humain comme sur tout autre matériau
constitué de
particules chargées. En présence de matériaux conducteurs, les champs
électriques agissent sur la distribution des charges électriques
présentes à
leur surface; ils provoquent la circulation des courants du corps
jusqu'à la
terre. Les champs magnétiques de basse fréquence font également
apparaître à
l'intérieur du corps des courants électriques induits dont
l'intensité dépend
de l'intensité du champ magnétique extérieur. S'ils atteignent une
intensité
suffisante, ces courants peuvent stimuler les nerfs et les muscles ou
affecter divers processus biologiques (les informations ci-dessus
sont tirées
d'un document publié par l'Organisation mondiale de la santé
[OMS/WHO],
intitulé "A propos des champs électromagnétiques", document élaboré
dans le
cadre de son Projet international pour l'étude des champs
électromagnétiques
[projet international CEM, International EMF Project] - cf. page
internet
http://www.who.int/peh-emf/about/WhatisEMF/fr/index.html).

7.2 Au-delà d'une certaine intensité, les champs électromagnétiques
sont
susceptibles de déclencher certains effets biologiques. Un effet
biologique
peut être, ou ne pas être, nocif; en d'autres termes, il peut ou non
causer
une altération décelable de la santé des personnes exposées et de leur
descendance. Un organisme scientifique indépendant, l'ICNIRP
(Commission
internationale pour la protection contre les rayonnements non
ionisants), a
été chargé dès 1992 d'étudier les risques potentiels liés aux
différents
types de rayonnements non ionisants (on entend par là tous les
rayonnements
et champs du spectre électromagnétique qui n'ont normalement pas assez
d'énergie pour provoquer l'ionisation de la matière). Cette
Commission a
succédé à un groupe émanant d'associations internationales,
l'IRPA/INIRC, qui
avait entrepris à partir de 1974 d'élaborer des documents sur les
critères
d'hygiène relatifs à ces rayonnements, en collaboration avec la
Division
d'hygiène de l'environnement de l'OMS. L'IRPA/INIRC avait publié, en
1988 et
1990, des guides sur l'exposition aux champs électromagnétiques hautes
fréquences et de fréquence 50/60 Hz. Ces guides ont été remplacés par
la
publication de l'ICNIRP intitulée "Guide pour l'établissement de
limites
d'exposition aux champs électriques, magnétiques et
électromagnétiques -
Champs alternatifs (de fréquence variable dans le temps, jusqu'à 300
GHz)",
élaborée en 1998 (pour être diffusée d'abord en anglais) et depuis peu
disponible en traduction française (in: Cahier de notes documentaires
-
Hygiène et sécurité du travail, Institut National de Recherche et de
Sécurité, Paris 2001; ci-après: le Guide [cf. aussi page internet
http://
www.icnirp.org/downloads.htm]). Ce Guide a été rédigé à la suite
d'une revue
qualifiée d'exhaustive de la littérature scientifique publiée; seuls
les
effets avérés ont été retenus comme fondements pour les valeurs
limites
d'exposition proposées. Les effets cancérogènes à long terme n'ont
pas été
considérés comme avérés. Le Guide n'est fondé que sur des effets
immédiats
sur la santé, tels que la stimulation des muscles ou des nerfs
périphériques,
les chocs et brûlures provoqués par le contact avec des objets
conducteurs,
ou encore l'élévation de température des tissus sous l'effet de
l'absorption
d'énergie liée à l'exposition aux champs électromagnétiques (Guide, p.
21/22). Il précise que l'exposition du corps humain aux champs
électriques ou
magnétiques basses fréquences n'entraîne généralement qu'une
absorption
d'énergie négligeable et aucune élévation de température mesurable
(ibid., p.
22); l'induction de courants dans les tissus constitue le principal
mécanisme
d'interaction (ibid. p. 23). Le Guide indique qu'il existe de
nombreuses
revues bibliographiques des études épidémiologiques portant sur les
risques
de cancer liés à l'exposition à des champs à la fréquence du réseau
(champ
ELF), notamment dans les zones d'habitation; l'ICNIRP estime que les
résultats de la recherche épidémiologique sur l'exposition aux champs
électromagnétiques et le cancer, et en particulier la leucémie de
l'enfant,
ne sont pas assez assurés, en l'absence du soutien de la recherche
expérimentale,
pour servir de base scientifique à l'établissement de
guides
pour la limitation de l'exposition (ibid., p. 23, 25).
Le Guide de l'ICNIRP fait la distinction entre la limitation de
l'exposition
professionnelle et la limitation (plus sévère) de l'exposition de la
population générale. Il prévoit des restrictions de base et des
niveaux de
référence. Les restrictions d'exposition de base sont fondées sur les
effets
avérés sur la santé. Quant aux niveaux d'exposition de référence, ils
sont
fournis à des fins de comparaison avec les valeurs mesurées des
grandeurs
physiques; le respect de tous les niveaux de référence assure
normalement la
conformité aux restrictions de base. Toutefois, si les valeurs
mesurées sont
supérieures aux niveaux de référence, il ne s'ensuit pas
nécessairement qu'il
y ait dépassement des restrictions de base; une analyse détaillée
serait
alors nécessaire (Guide, p. 34-35). Le Guide comporte donc un tableau
des
niveaux de référence pour l'exposition de la population générale à
des champs
électriques et magnétiques alternatifs (p. 37).

7.3 Le Conseil fédéral a adopté le 23 décembre 1999 l'ordonnance sur
la
protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI; RS 814.710),
laquelle
est entrée en vigueur le 1er février 2000. Cette ordonnance contient
une
annexe 2, fixant des "Valeurs limites d'immissions pour la valeur
efficace de
grandeurs de champs" (ch. 1.1 de l'annexe 2; en allemand:
"Immissionsgrenzwerte für Feldgrössen"). Cette liste de valeurs
limites
d'immissions, en fonction de la fréquence, correspond à celle du Guide
précité (niveaux de référence pour l'exposition de la population
générale).
Ces valeurs - à distinguer des valeurs limites de l'installation, qui
ont une
autre signification (art. 2 al. 6 ORNI; cf. notamment ATF 126 II 399
consid.
3b p. 403) - doivent être respectées partout où des gens peuvent
séjourner
(art. 13 al. 1 ORNI). Le rapport explicatif sur l'ORNI, publié en
1999 par
l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage,
indique du
reste que le droit fédéral reprend les valeurs préconisées par
l'ICNIRP, le
Conseil fédéral ayant décidé de ne pas élaborer des normes nationales
propres
dans ce domaine (p. 5-6 du rapport explicatif).
La légalité des valeurs limites d'immissions fixées par cette
ordonnance a
déjà été admise par le Tribunal fédéral (ATF 126 II 399 consid. 4b p.
405;
cf. également arrêt 1A.62/2001 du 24 octobre 2001, consid. 3a non
publié aux
ATF 128 I 59). Cela signifie que, selon l'état de la science et
l'expérience,
ces valeurs représentent le seuil en-deçà duquel le rayonnement ne
peut pas
être qualifié de nuisible ou incommodant (cf. supra, consid. 4.3.2).
Il n'y a
aucun motif de réexaminer cette question dans le présent arrêt, les
recourants n'invoquant du reste pas de nouveaux éléments à ce sujet.
Avant
l'adoption de l'ORNI, la jurisprudence se référait déjà aux travaux
des
organisations internationales, reconnues par la communauté
scientifique et
l'Organisation Mondiale de la Santé, qui ont élaboré les critères
retenus
pour la fixation des valeurs limites d'immissions (IRPA/INIRC, puis
ICNIRP;
cf. ATF 124 II 219 consid. 7b p. 230; 117 Ib 28 consid. 4b p. 32;
arrêt
1E.14/1998 du 9 novembre 1999, consid. 5b, et les références).

7.4 Pour la ligne électrique de l'expropriante (courant alternatif,
fréquence
de 50 Hz), les valeurs limites d'immissions fixées par l'annexe 2 de
l'ORNI
sont les suivantes:
- intensité du champ électrique: 5000 V/m
- intensité du champ magnétique: 80 A/m
- densité du flux magnétique: 100 mT.
Il ressort du dossier que ces valeurs sont largement respectées dans
le
bâtiment des expropriés et à proximité directe de celui-ci: moins de
150 V/m
pour l'intensité du champ électrique, et moins de 1 mT pour la
densité du
flux magnétique (comme cela a déjà été exposé [supra, consid. 7.1],
il est
inutile de déterminer au surplus l'intensité du champ magnétique en
A/m).
Il se justifie de déduire du respect des valeurs limites
d'immissions, en
matière de champs électromagnétiques, les mêmes conséquences qu'en
matière de
bruit, selon qu'il y a perte d'un avantage particulier ou simple
expropriation des droits de voisinage (cf. supra, consid. 6).

8.
La Commission fédérale n'a pas, dans le cas particulier, appliqué la
méthode
de la différence, qui s'impose quelle que soit l'hypothèse retenue
pour
l'indemnisation (cf. supra, consid. 3.2). Elle n'a pas déterminé la
valeur
vénale de l'immeuble avant la constitution de la servitude; la
décision
entreprise mentionne un prix de 100 fr./m2 pour le terrain mais le
dossier ne
fait pas état d'investigations à ce sujet (notamment quant aux prix
payés
dans la région pour des terrains analogues - cf. art. 72 LEx et 48 de
l'ordonnance concernant les commissions fédérales d'estimation [RS
711.1]).
Elle n'a pas examiné si l'expropriation entraînait une dévaluation de
la
partie restante de l'immeuble au sens de l'art. 22 al. 2 LEx, ou si au
contraire on ne se trouvait pas dans cette hypothèse, ce qu'il faut
déterminer en fonction des circonstances concrètes, notamment de la
distance
verticale entre les conducteurs et la maison ainsi que des
restrictions
d'utilisation du sol à l'intérieur de l'assiette de la servitude de
passage.
En arrêtant le montant de l'indemnité en grande partie ex aequo et
bono, la
Commission fédérale a renoncé à appliquer les normes du droit fédéral
régissant l'estimation et la fixation de l'indemnité d'expropriation,
soit
principalement l'art. 19 let. b LEx. Elle a ainsi violé le droit
fédéral,
tout en constatant de manière incomplète les faits pertinents. Cela
justifie
l'admission du recours de droit administratif des expropriés et
l'annulation
de la décision attaquée (cf. art. 104 let. a et b OJ). Il convient
donc de
renvoyer l'affaire à la Commission fédérale pour instruction
complémentaire
et nouvelle décision (art. 114 al. 2 OJ).

9.
L'admission du recours principal rend sans objet le recours joint de
l'expropriante.

10.
Conformément à l'art. 116 al. 1 LEx, les frais causés par la
procédure devant
le Tribunal fédéral, y compris les dépens alloués à l'exproprié, sont
supportés par l'expropriant. La société expropriante devra donc payer
l'émolument judiciaire et elle versera une indemnité aux expropriés,
assistés
par un avocat (cf. art. 153, 153a et 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif des expropriés est admis dans la
mesure où
il est recevable, la décision prise le 27 février 2002 par la
Commission
fédérale d'estimation du 3e arrondissement est annulée et l'affaire
est
renvoyée à cette autorité pour nouvelle décision.

2.
Le recours de droit administratif joint formé par l'expropriante est
sans
objet.

3.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge de la société
anonyme L'Energie de l'Ouest-Suisse.

4.
Une indemnité de 1'500 fr., à payer à titre de dépens à X.________,
Y.________ et aux époux Z.________, pris solidairement, est mise à la
charge
de la société anonyme L'Energie de l'Ouest-Suisse.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Commission fédérale d'estimation du 3e arrondissement.

Lausanne, le 22 juillet 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1E.17/2002
Date de la décision : 22/07/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-22;1e.17.2002 ?
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