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21/07/2003 | SUISSE | N°C.45/03

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 juillet 2003, C.45/03


{T 7}
C 45/03

Arrêt du 21 juillet 2003
IIe Chambre

Mme et MM. les Juges Widmer, Ursprung et Frésard. Greffier : M. Métral

S.________ SA, recourante, représentée par Me Bénédict Fontanet,
avocat, rue
du Rhône 84, 1211 Genève 3,

contre

Office cantonal de l'emploi, section assurance-chômage, rue des
Glacis-de-Rive 4-6, 1207 Genève, intimé,

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage, Genève

(Jugement du 21 novembre 2002)

Faits:

A.
A.a L

a société anonyme S.________ SA a été inscrite au registre du
commerce
le 9 mai 1989. Elle a pour but l'exécution d'opérations aff...

{T 7}
C 45/03

Arrêt du 21 juillet 2003
IIe Chambre

Mme et MM. les Juges Widmer, Ursprung et Frésard. Greffier : M. Métral

S.________ SA, recourante, représentée par Me Bénédict Fontanet,
avocat, rue
du Rhône 84, 1211 Genève 3,

contre

Office cantonal de l'emploi, section assurance-chômage, rue des
Glacis-de-Rive 4-6, 1207 Genève, intimé,

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage, Genève

(Jugement du 21 novembre 2002)

Faits:

A.
A.a La société anonyme S.________ SA a été inscrite au registre du
commerce
le 9 mai 1989. Elle a pour but l'exécution d'opérations afférentes à
la
construction d'immeubles, la surveillance en matière de bâtiments et
la
réalisation de mandats dans ces domaines. Elle a perçu des indemnités
en cas
de réduction de l'horaire de travail pour les périodes du 1er
novembre 1991
au 29 février 1992, du 1er septembre 1992 au 28 février 1993 et du 2
janvier
1995 au 30 avril 1995. Le montant total des indemnités versées à ce
titre
s'est élevé à 157'314 fr. 40.

Sur la base d'un rapport établi le 18 juin 1997, à la suite d'un
contrôle,
par l'Office cantonal genevois de l'emploi (ci-après : OCE), la Caisse
cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) a exigé de
S.________
SA la restitution du montant précité de 157'314 fr. 40. Cette
décision était
motivée par le fait que la réduction de l'horaire de travail dans
l'entreprise n'avait pas été suffisamment contrôlée et que les plans
de
chômage de l'entreprise n'avaient pas été respectés.

La société anonyme a déféré la cause au Groupe réclamations de l'OCE,
qui a
partiellement admis le recours et réduit le montant soumis à
restitution par
décision du 25 janvier 2001. Le groupe réclamations a considéré que
seule
pouvait être exigée la restitution des indemnités versées entre le 1er
septembre 1992 et le 30 avril 1995, ce qui représentait un montant de
101'843
fr. 50, compte tenu du délai quinquennal de péremption instauré par
la loi.

A.b Le recours interjeté par S.________ SA contre cette décision a
été rejeté
par la Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'assurance-chômage, dont le jugement a fait l'objet d'un recours au
Tribunal
fédéral des assurances. Celui-ci a rejeté les conclusions de la
société
recourante, par arrêt du 12 juin 2001.

A.c A réception de cet arrêt, S.________ SA a demandé la remise de
l'obligation de restituer les indemnités indûment perçues, en
alléguant sa
bonne foi ainsi que sa situation financière précaire. Sa demande a été
rejetée par la Section assurance-chômage de l'OCE, par décision du 16
novembre 2001, confirmée le 3 mai 2002 par le Groupe réclamations de
l'OCE.

B.
Cette dernière décision a fait l'objet d'un recours devant la
Commission
cantonale genevoise de recours en matière d'assurance-chômage, rejeté
par
jugement du 21 novembre 2002.

C.
S.________ SA interjette un recours de droit administratif en
concluant, sous
suite de frais et dépens, à l'annulation du jugement entrepris, de la
décision du 3 mai 2002 du Groupe réclamations de l'OCE et de la
décision du
16 novembre 2001 de la Section assurance-chômage de l'OCE, ainsi qu'à
la
remise de l'obligation de restituer les indemnités de chômages
indûment
perçues.

La Section assurance-chômage et le Groupe réclamations de l'OCE
concluent au
rejet du recours, alors que le Secrétariat d'Etat à l'économie a
renoncé à se
déterminer.

Considérant en droit:

1.
1.1 La question de l'obligation de restituer les prestations indûment
perçues
a été tranchée de manière définitive par l'arrêt du 12 juin 2001 du
Tribunal
fédéral des assurances. Le litige porte donc uniquement sur les
conditions
d'une remise de l'obligation de restituer au sens de l'art. 95 al. 2
LACI
(dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, applicable en
l'espèce
[cf. ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b ]).

1.2 Le litige n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations
d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si
les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès
ou par
l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont
été
constatés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou
s'ils ont
été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en
corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

2.
Selon l'art. 95 al. 2 LACI, si le bénéficiaire était de bonne foi en
acceptant des prestations indues et si leur restitution devait
entraîner des
rigueurs particulières, on y renoncera, sur demande, en tout ou
partie.

En ce qui concerne la notion de bonne foi, la jurisprudence
développée à
propos de l'art. 47 al. 1 LAVS (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31
décembre 2002, applicable en l'espèce; cf. arrêts cités au consid.
1.1 supra)
vaut par analogie en matière d'assurance-chômage (DTA 2001 no 18 p.
162
consid. 3a). Ainsi, l'ignorance, par le bénéficiaire, du fait qu'il
n'avait
pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre qu'il était de
bonne
foi. Il faut bien plutôt qu'il ne se soit rendu coupable, non
seulement
d'aucune intention malicieuse, mais aussi d'aucune négligence grave
(ATF 112
V 103 consid. 2c et les références; DTA 2002 no 38 p. 258 consid. 2a,
2001,
no 18 p. 162 consid. 3a).

3.
3.1La recourante fait valoir qu'elle avait établi des plans de
réduction de
l'horaire de travail préalablement aux périodes chômées, affichés
dans les
locaux de l'entreprise, et qu'elle avait donné pour instructions à ses
salariés de respecter ces plans. Dans la mesure où les horaires
prévus ne
pouvaient pas être tenus de manière rigoureuse, compte tenu des
impératifs
liés au domaine d'activité de la société, il avait été convenu avec
la caisse
que les modifications lui seraient annoncées par téléphone et que
cette
dernière tiendrait elle-même le décompte final. La caisse n'ayant
jamais
contesté ce système, la recourante estime qu'elle pouvait, de bonne
foi,
considérer qu'il répondait aux exigences de contrôle posées par la
loi.

3.2 Ce point de vue ne saurait être suivi. D'abord, il ne repose que
partiellement sur l'état de fait retenu par les premiers juges. Ces
derniers,
en particulier, n'ont pas retenu - sans qu'on puisse leur reprocher,
à cet
égard, une constatation manifestement inexacte ou incomplète des
faits -
l'existence d'un accord entre S.________ SA et la caisse, en vertu
duquel
cette dernière aurait accepté de tenir elle-même un décompte des
dérogations
à la réduction de l'horaire de travail prévue; tout au plus ont-ils
précisé,
en se référant sur ce point aux faits retenus par le Tribunal fédéral
des
assurances dans l'arrêt du 12 juin 2001 (relatif à l'obligation de la
prénommée de restituer les indemnités de chômage perçues), que la
caisse
avait effectivement été avisée de dérogations à l'horaire de travail,
sans
qu'il soit possible de dire si toutes les dérogations avaient été
annoncées
ou non. Au mieux, de tels avis permettaient aux employés de
S.________ SA de
déroger ponctuellement à la réduction de l'horaire de travail
planifiée et
annoncée à la caisse, sans que l'entreprise encoure une sanction en
cas de
contrôle inopiné de l'OCE. En revanche, on voit mal en quoi ils
auraient
dispensé l'employeur de tenir lui-même un décompte précis des
dérogations à
l'horaire réduit, ou pouvaient lui laisser croire que tel était le
cas.

Ensuite, l'argumentation de la recourante implique qu'elle ait exercé
un
minimum de contrôle des horaires de travail de ses employés, contrôle
qu'elle
aurait pu estimer suffisant, à défaut d'information précise de la
caisse sur
ce point. Tel n'était toutefois pas le cas : le respect de la
réduction de
l'horaire de travail par les salariés de l'entreprise reposait
entièrement
sur la confiance et ne faisait l'objet d'aucun contrôle, comme l'ont
retenu
les premiers juges et comme l'a admis son administrateur, G.________,
lors de
la procédure d'instruction (rapport du 18 juin 1997 de la Section des
enquêtes de l'OCE; cf. également, dans ce rapport, les déclarations de
M.________, chef de projets, ainsi que de B.________ L.________ et
Z.________, conducteur de travaux pour le compte de S.________ SA).
Autrement
dit, l'employeur s'est borné à déclarer obligatoire le plan horaire
affiché
dans ses locaux, sans en vérifier l'application effective. Il ne
saurait, dès
lors, soutenir avoir mis en place un système de contrôle interne, qui
se
serait par la suite révélé insuffisant, contre toute attente. Dans la
mesure
où il avait été dûment informé de la nécessité d'un tel contrôle - la
note
«info-service», notamment, qui lui avait été adressée après le dépôt
de sa
première demande d'indemnisation, attirait son attention sur ce point
-, son
omission est constitutive de négligence grave.

4.
4.1La recourante fait encore valoir que les prescriptions sur
l'obligation de
contrôle du temps de travail par l'employeur n'étaient pas claires
jusqu'à
l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1997, de l'art. 46b al. 1 OACI,
et qu'il
a fallu six ans de procédure pour établir si elle avait respecté ou
non son
obligation de contrôle, ce qui démontrerait sa bonne foi.

4.2 L'art. 46b al. 1 OACI précise que la perte de travail n'est
suffisamment
contrôlable que si le temps de travail est contrôlé par l'entreprise.
Comme
on l'a vu, toutefois (consid. 3.2 supra), la recourante avait été
informée
dès le dépôt de sa première demande d'indemnisation de son obligation
de
contrôler effectivement le temps de travail dans l'entreprise,
obligation
résultant de la nature même de l'indemnité en cas de réduction de
l'horaire
de travail (arrêt X. SA du 12 juin 2003 [C 295/02], consid. 2.2). Par
ailleurs, la durée de la procédure jusqu'à l'arrêt du 12 juin 2001 du
Tribunal fédéral des assurances, fixant définitivement le caractère
indu des
indemnités versées à la recourante, résulte exclusivement de
l'utilisation,
par S.________ SA, de toutes les voies de droit à sa disposition.
Elle ne
permet pas de déduire, contrairement à ce que laisse entendre la
recourante,
que les différentes instances appelées à se prononcer ont hésité à
admettre
ou nier le caractère suffisamment contrôlable de l'horaire de travail
au sein
de l'entreprise concernée.

5.
Vu la négligence grave commise par la recourante, celle-ci ne remplit
pas la
condition de la bonne foi prévue à l'art. 95 al. 2 LACI (dans sa
teneur
jusqu'au 31 décembre 2002). Partant, c'est à bon droit que la
juridiction
cantonale a confirmé le rejet de sa demande tendant à la remise de
l'obligation de restituer.

La recourante, qui succombe, ne peut prétendre de dépens (art. 159 et
135 OJ)
et supportera les frais de justice (art. 134 OJ a contrario; art. 156
al.1 et
135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 5'000 fr., sont mis à la charge
de la
recourante et compensés avec l'avance de frais qu'elle a versée.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission
cantonale de
recours en matière d'assurance-chômage, à l'Office cantonal de
l'emploi,
groupe réclamations, et au Secrétariat d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 21 juillet 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Juge présidant la IIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.45/03
Date de la décision : 21/07/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-21;c.45.03 ?
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