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18/07/2003 | SUISSE | N°4P.82/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 juillet 2003, 4P.82/2003


{T 0/2}
4P.82/2003 /ech

Arrêt du 18 juillet 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Nyffeler.
Greffier: M. Carruzzo.

X. ________ AG,
recourante, représentée par Me Peter Heinrich, avocat, c/o Lenz &
Staehelin,
Bleicherweg 58, case postale, 8027 Zurich,

contre

A.________,
intimé, représenté par Me Bernard Détienne, avocat, rue des Vergers
1, case
postale 2103, 1950 Sion 2,
IIe Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Valais, Palais de
Justice,<

br> 1950 Sion 2.

art. 8, 9 et 29 al. 1 et 2 Cst. (procédure civile; brevet d'invention;
dépens; droit d'être ente...

{T 0/2}
4P.82/2003 /ech

Arrêt du 18 juillet 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Nyffeler.
Greffier: M. Carruzzo.

X. ________ AG,
recourante, représentée par Me Peter Heinrich, avocat, c/o Lenz &
Staehelin,
Bleicherweg 58, case postale, 8027 Zurich,

contre

A.________,
intimé, représenté par Me Bernard Détienne, avocat, rue des Vergers
1, case
postale 2103, 1950 Sion 2,
IIe Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Valais, Palais de
Justice,
1950 Sion 2.

art. 8, 9 et 29 al. 1 et 2 Cst. (procédure civile; brevet d'invention;
dépens; droit d'être entendu),

recours de droit public contre le jugement de la IIe Cour civile du
Tribunal
cantonal du canton du Valais du 12 mars 2003.

Faits:

A.
A. ________ est titulaire du brevet CH .... Après que sa requête de
mesures
provisionnelles déposée le 12 mars 1997 eut été admise, il a ouvert
action,
le 1er avril 1997, devant le Tribunal cantonal valaisan, contre la
société
Z.________ AG (actuellement: X.________ AG). Il a demandé à cette
juridiction
d'interdire à la défenderesse de fabriquer et de commercialiser des
vannes
comprises dans le champ de protection du brevet CH ..., en
particulier la
vanne; d'ordonner la destruction immédiate de tels objets, ainsi que
des
appareils servant à leur fabrication et du matériel publicitaire;
d'inviter
la défenderesse à en informer immédiatement tous ses clients par
écrit; de
l'enjoindre de remettre au demandeur ou au Tribunal toutes ses
factures et
listes de clients à compter du 1er janvier 1995; enfin, de la
condamner à
payer au demandeur un montant de 300'000 fr. avec intérêts à 5% dès
le 1er
juin 1995.

La défenderesse a conclu au rejet des conclusions du demandeur et,
reconventionnellement, à la constatation de la nullité du brevet CH
....

Après avoir mis en oeuvre deux experts, le Tribunal cantonal
valaisan, par
jugement du 12 mars 2003, a constaté la nullité du brevet litigieux,
dit que
l'action du demandeur devenait ainsi sans objet et mis les frais de la
procédure principale et de la procédure de mesures provisionnelles à
la
charge du demandeur. Celui-ci a, en outre, été condamné à verser à la
défenderesse une indemnité de 43'000 fr. à titre de dépens, dont
40'000 fr.
pour la procédure principale, y compris 2'000 fr. de débours.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ AG
demande au
Tribunal fédéral d'annuler le chef du dispositif du jugement cantonal
relatif
aux dépens et de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle
décision dans le sens des considérants. La recourante invoque la
violation
des art. 8, 9 et 29 al. 1 et 2 Cst. Selon elle, les deux avocats qui
ont
assuré la défense de ses intérêts dans le procès au fond y ont
consacré 560
heures (70 heures pour Me Schmid, 490 heures pour Me Heinrich).
L'indemnité
qui lui a été allouée pour rémunérer cette activité correspond ainsi
à des
honoraires calculés au tarif horaire de 67 fr. 85, TVA incluse, resp.
63 fr.
05 net, et ne couvre donc que 10 à 20% de ses frais d'avocat.
L'octroi d'une
indemnité aussi faible serait dès lors contraire aux principes de
l'égalité
de traitement et de l'interdiction de l'arbitraire. En réalité, de
l'avis de
la recourante, c'est une indemnité de 200'000 fr. qui eût constitué le
minimum admissible, eu égard au travail accompli par ses mandataires.
En ne
lui allouant qu'un montant de 40'000 fr. à cette fin, les juges
cantonaux
auraient, partant, rendu une décision insoutenable et méconnu les
dispositions constitutionnelles susmentionnées.

C.
Le Tribunal cantonal valaisan se réfère aux motifs énoncés dans la
décision
attaquée. De son côté, l'intimé conclut au rejet du recours, dans la
mesure
où il est recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir un
exposé
succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques
violés,
précisant en quoi consiste la violation. Saisi d'un recours de droit
public,
le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel
soulevés
et suffisamment motivés dans l'acte de recours; il n'entre pas en
matière sur
les critiques de nature purement appellatoire (ATF 127 I 38 consid.
4; 125 I
492 consid. 1b p. 495). Le présent recours est dès lors irrecevable
dans la
mesure où son auteur n'indique pas quels droits constitutionnels la
décision
cantonale sur les dépens méconnaîtrait et en quoi elle le ferait.

2.
Dans son jugement, le Tribunal cantonal rappelle qu'en vertu de
l'art. 26 al.
2 de la loi du 14 mai 1998 fixant le tarif des frais et dépens devant
les
autorités judiciaires ou administratives (LTar; RSV 173.8), les
honoraires de
l'avocat sont, en règle générale, proportionnels à la valeur
litigieuse;
lorsque celle-ci ne peut être exprimée en chiffres, les honoraires
sont fixés
d'après la nature et l'importance de la cause, ses difficultés,
l'ampleur du
travail et le temps utilement consacré par l'avocat. L'art. 28 al. 1
LTar
permet à l'autorité d'accorder des honoraires d'un montant supérieur
à celui
prévu par le tarif dans les causes délicates qui ont nécessité un
travail
particulier. La cour cantonale a fixé la valeur litigieuse de la cause
relative à la nullité du brevet à 300'000 fr. Arrêtant les honoraires
à
19'000 fr., conformément à l'art. 32 al. 1 LTar, elle a alloué à la
recourante une indemnité correspondant au double de cette somme pour
tenir
compte du travail particulier de l'avocat valaisan, qui a dû
s'assurer les
services d'un spécialiste du droit des brevets, ainsi que de la
complexité
des questions de fait et de droit à traiter.

2.1 Se fondant sur les art. 8 et 9 Cst., la recourante soutient que
les juges
valaisans, faisant usage de leur pouvoir d'appréciation, auraient dû
fixer
les honoraires à un montant supérieur au double du maximum prévu par
le
tarif. Elle leur fait grief d'avoir violé le principe de l'égalité de
traitement et d'être tombés dans l'arbitraire en lui allouant une
indemnité
ne permettant de couvrir que 10 à 20% de la rémunération à laquelle
ses
avocats ont droit pour les 560 heures de travail qu'ils ont
consacrées à la
défense de ses intérêts dans le procès au fond. Selon la recourante,
l'ampleur du travail que ledit procès a occasionné aux parties
tendrait à
démontrer le bien-fondé de son estimation de la valeur litigieuse
(4'000'000
fr.) et l'insuffisance du montant - 500'000 fr. (recte: 300'000 fr.)
- que la
cour cantonale a pris pour base de calcul. Par conséquent, ne lui
allouer
qu'une indemnité de 6'000 fr. par an, comme l'ont fait les juges
valaisans,
heurterait de manière choquante le sentiment de la justice et de
l'équité.

2.2 Le Tribunal cantonal valaisan a fixé la valeur litigieuse à
300'000 fr.
sur le vu de son dossier; il a donc exprimé cette valeur en chiffres
conformément à l'art. 26 al. 2 LTar. La recourante conteste certes la
fixation de cette valeur, mais elle n'explique pas, par une
argumentation qui
satisferait aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, en quoi le
montant
retenu à ce titre serait tout à fait insoutenable et, partant,
arbitraire. Au
demeurant, elle ne critique pas la constatation selon laquelle le
juge chargé
de l'instruction a fixé la valeur litigieuse du procès au fond à
300'000 fr.,
sans que les parties aient élevé une objection sur ce point. Cela
étant, du
moment que les honoraires doivent être calculés dans la présente
espèce en
fonction de la valeur litigieuse, l'ampleur du travail des avocats ne
constitue pas le critère principal pour leur calcul, contrairement à
ce que
la recourante soutient implicitement. Il n'est donc pas nécessaire
d'examiner
plus avant dans quelle mesure le temps consacré par les avocats au
traitement
de cette affaire l'a été utilement ou non. Les griefs de violation
des art. 8
et 9 Cst. sont ainsi dénués de fondement.

3.
Les juges cantonaux ont refusé de porter en compte les montants de
17'792 fr.
et de 4'060 fr. réclamés par la recourante pour couvrir,
respectivement, les
frais de l'ingénieur-conseil H.________ et les débours de l'avocat
Heinrich.
Relativement au premier montant, ils ont constaté que ces frais de
"collaboration" n'avaient été allégués que dans le
mémoire-conclusions de la
partie concernée, si bien que la partie adverse n'avait pas pu se
déterminer
à leur sujet; ils ont encore souligné que le tribunal, en appliquant
l'art.
28 LTar, avait déjà largement tenu compte de la nécessité du recours
à un
spécialiste. S'agissant du second montant, la cour cantonale l'a
écarté au
motif qu'il n'était pas détaillé, ni étayé par une pièce
justificative.

3.1 En ce qui concerne les débours de Me Heinrich, la recourante
invoque la
violation de son droit d'être entendue du fait que l'occasion ne lui
a pas
été offerte de spécifier et de justifier le montant réclamé à ce
titre. Elle
ne conteste toutefois pas qu'elle n'a produit la facture y relative
qu'en
annexe à sa dernière écriture et ne soutient pas non plus que les
juges
cantonaux auraient méconnu arbitrairement une disposition du droit de
procédure valaisan qui leur aurait imposé de lui donner l'occasion de
détailler et de justifier cette facture. La garantie minimale de
l'art. 29
al. 2 Cst. (cf. ATF 127 I 54 consid. 2b) n'est pas violée lorsqu'une
autorité
écarte une prétention insuffisamment étayée, sans donner à la partie
qui a
élevé cette prétention l'occasion d'en justifier le bien-fondé. Au
demeurant,
celui qui entend obtenir le remboursement de débours doit savoir
qu'il lui
incombe de détailler sa prétention et, si possible, de l'étayer par
des
pièces.

3.2 Le Tribunal cantonal a tenu compte de la nécessité, pour la
recourante,
de faire appel à un spécialiste en majorant l'indemnité allouée à
l'intéressée. Ce faisant, il a fourni le motif pour lequel il
n'entendait pas
porter en compte séparément les frais de l'ingénieur-conseil
H.________.
Aussi la recourante lui reproche-t-elle à tort d'avoir écarté sa
prétention y
relative sans motiver sa décision. Il ressort, au contraire, de la
décision
attaquée que cette prétention est l'un des éléments qui ont conduit
la cour
cantonale à majorer fortement le montant de l'indemnité allouée à la
recourante.

4.
La recourante reproche enfin aux juges valaisans d'avoir violé le
principe de
l'égalité de traitement et d'être tombés dans l'arbitraire en ne lui
octroyant qu'une indemnité de 3'000 fr. pour la procédure de mesures
provisionnelles. A cet égard, le Tribunal cantonal indique que les
dépens
afférents à une telle procédure varient entre 500 fr. et 3'000 fr. La
recourante ne soutient pas qu'il aurait interprété ou appliqué de
manière
insoutenable la disposition pertinente du droit procédural valaisan.
Elle ne
prétend pas non plus qu'une réglementation cantonale prévoyant des
indemnités
forfaitaires pour certaines procédures serait inconstitutionnelle.
Enfin,
elle ne motive en rien son affirmation selon laquelle d'autres parties
obtiendraient la couverture d'une partie nettement plus importante de
leurs
frais dans des procédures comparables (art. 90 al. 1 let. b OJ).

5.
Au terme de cet examen, il y a lieu de rejeter le recours, dans la
mesure où
il est recevable. La recourante, qui succombe, devra assumer les
frais et
dépens afférents à la procédure fédérale (art. 156 al. 1 et 159 al. 1
OJ).
L'émolument judiciaire et l'indemnité allouée à la partie adverse
seront
calculés en fonction d'une valeur litigieuse de 160'000 fr.,
correspondant à
la différence entre le montant que la recourante entendait obtenir au
titre
des dépens pour la procédure cantonale au fond (200'000 fr.) et celui
qui lui
a été alloué dans le jugement attaqué (40'000 fr.).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 5'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
IIe Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 18 juillet 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.82/2003
Date de la décision : 18/07/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-18;4p.82.2003 ?
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