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18/07/2003 | SUISSE | N°4P.73/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 juillet 2003, 4P.73/2003


{T 0/2}
4P.73/2003 /ech

Arrêt du 18 juillet 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre.
Greffière: Mme Michellod.

A. ________,
recourant, représenté par Me Jean-Franklin Woodtli, avocat, rue
Prévost-Martin 5, case postale 145,
1211 Genève 4,

contre

B.________,
intimée, représentée par Me Stéphane Zen-Ruffinen, avocat, boulevard
Saint-Georges 72, 1205 Genève,
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève,
case
postale 3688,

1211 Genève 3.

art. 9 et 29 al. 1 Cst. (procédure civile; appréciation des preuves),

recours de droit public cont...

{T 0/2}
4P.73/2003 /ech

Arrêt du 18 juillet 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre.
Greffière: Mme Michellod.

A. ________,
recourant, représenté par Me Jean-Franklin Woodtli, avocat, rue
Prévost-Martin 5, case postale 145,
1211 Genève 4,

contre

B.________,
intimée, représentée par Me Stéphane Zen-Ruffinen, avocat, boulevard
Saint-Georges 72, 1205 Genève,
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève,
case
postale 3688, 1211 Genève 3.

art. 9 et 29 al. 1 Cst. (procédure civile; appréciation des preuves),

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour d'appel de la
juridiction
des prud'hommes du canton de Genève, rendu le 21 novembre 2002.

Faits:

A.
A teneur d'un contrat conclu verbalement, A.________ a engagé
B.________ à
partir du 7 ou du 9 juin 1999 en qualité de vendeuse responsable du
rayon de
parfumerie, dans la pharmacie qu'il a ouverte à la même époque à
X.________.
Le salaire mensuel brut se montait à 4'500 fr. et l'horaire de
travail a été
arrêté à 40 ¿ heures par semaine. Les parties ont convenu que
l'employée
aurait droit chaque année à cinq semaines de vacances.

L'employée a été incapable de travailler du 29 mai au 10 juin 2000,
puis du
12 septembre 2000 au 31 janvier 2001. A.________ a résilié le contrat
de
travail par lettre du 29 novembre 2000, avec un préavis de deux mois.
Le
conseil de B.________ a dénoncé la nullité de la résiliation le 8
décembre
2000.

B.
Le 2 février 2001, B.________ a ouvert action devant le Tribunal des
prud'hommes du canton de Genève contre A.________, en paiement de
plusieurs
montants, dont 36'899,25 fr. correspondant à 1'030 heures
supplémentaires
effectuées en 1999 et 2000. Le défendeur a reconnu devoir la somme de
1'339,90 fr., représentant 44 heures supplémentaires effectuées en
novembre
et décembre 1999. Il a pour le surplus contesté toute autre heure
supplémentaire.

Par jugement du 26 septembre 2001, le Tribunal a considéré que le
contrat
avait été valablement résilié pour le 31 janvier 2001. Il a arrêté à
1'411,35
fr. la rémunération due pour les heures supplémentaires.

C.
Sur recours des deux parties, la Cour d'appel de la juridiction des
prud'hommes a admis l'existence de 696 heures supplémentaires et a
condamné
le défendeur à verser à ce titre à la demanderesse la somme brute de
22'324,20 fr.

S'agissant des mois de novembre et décembre 1999, la Cour d'appel a
constaté
que les heures alléguées par la demanderesse (55,5) ne
correspondaient pas
aux relevés qu'elle avait personnellement établis (37,5) et que les
44 heures
reconnues par le défendeur paraissaient elles-mêmes excessives. Elle a
finalement admis l'existence de 37,5 heures supplémentaires pour cette
période.
En ce qui concerne l'année 2000, la Cour a estimé que l'on pouvait
déduire
des plannings (auxquels le défendeur avait en permanence accès) que
d'autres
heures supplémentaires avaient été accomplies. Comme les parties
n'avaient
pas pris la peine de calculer leur nombre exact, la Cour a estimé
qu'il ne
lui appartenait pas de le faire elle-même. Elle a donc retenu
l'existence
d'heures supplémentaires pour l'année 2000 dans la même proportion,
par
rapport aux allégués de la demanderesse, que pour novembre et
décembre 1999.
Le total des heures supplémentaires retenues se montait donc à 696
heures
(1'030 x 0,675675 = 696 heures).

D.
Le défendeur interjette un recours de droit public au Tribunal
fédéral.
Invoquant les art. 9 et 29 al. 1 Cst., il conclut à l'annulation de
l'arrêt
attaqué.

Invitée à répondre, l'intimée conclut au rejet du recours et
sollicite en
outre l'octroi de l'assistance judiciaire. Quant à la Cour d'appel,
elle n'a
pas formulé d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que
les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés par
l'acte de
recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 113 consid. 2.1 p. 120).

2.
2.1
Le recourant soutient que la Cour d'appel est tombée dans
l'arbitraire en
retenant que l'intimée avait effectué 696 heures supplémentaires
durant les
années 1999 et 2000. Il estime tout d'abord que l'intimée ne saurait
se voir
payer des heures supplémentaires qui n'ont pas été exigées d'elle et
qui
n'ont pas été approuvées par l'employeur. Par ailleurs, l'intimée
aurait
échoué dans la preuve des 1'030 heures supplémentaires alléguées.
Enfin, la
Cour d'appel aurait arbitrairement évalué leur nombre à 696 en
appliquant un
pourcentage aux chiffres allégués par la demanderesse.

2.2 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst.,
ne
résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en
considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral
n'annulera la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement
insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la
situation de
fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique
indiscuté,
ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la
justice
et de l'équité; pour qu'une décision soit annulée pour cause
d'arbitraire, il
ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut
encore
que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 128 I
273 et les
arrêts cités).

2.3 Sauf clause contraire d'un accord écrit, d'un contrat-type de
travail ou
d'une convention collective, l'employeur est tenu de rétribuer les
heures de
travail supplémentaires qui ne sont pas compensées par un congé en
versant le
salaire normal majoré d'un quart au moins (art. 321c al. 3 CO).

Il appartient au travailleur de prouver, d'une part, qu'il a accompli
des
heures supplémentaires et, d'autre part, que celles-ci ont été
ordonnées par
l'employeur ou qu'elles étaient nécessaires à la sauvegarde des
intérêts
légitimes de ce dernier (Brunner/Bühler/Waeber, Commentaire du
contrat de
travail, 2e éd., Lausanne 1996, p. 32; Streiff/von Kaenel, Leitfaden
zum
Arbeitsvertragsrecht, 5e éd., n. 10, p. 82).

Lorsque le travailleur a prouvé avoir effectué des heures
supplémentaires
dont le nombre ne peut plus être établi de manière exacte, le juge
pourra en
faire l'estimation par application analogique de l'art. 42 al. 2 CO;
le
travailleur devra toutefois alléguer et prouver, dans la mesure du
possible,
toutes les circonstances qui permettent d'apprécier le nombre d'heures
supplémentaires exécutées, car la conclusion selon laquelle les heures
alléguées ont effectivement été fournies doit s'imposer au juge avec
une
certaine force (consid. 4a non publié de l'ATF 123 III 84,
4C.381/1996 du 20
janvier 1997).

2.4 Le recourant affirme que l'intimée n'a droit à aucune
rémunération pour
les heures supplémentaires effectuées durant l'année 2000 au motif
que ces
heures n'ont été ni exigées ni approuvées.

La cour cantonale a observé que le recourant était normalement
présent sur le
lieu de travail et qu'il avait en permanence accès aux plannings. On
ne voit
pas qu'elle soit tombée dans l'arbitraire en déduisant implicitement
que
l'employeur approuvait les heures supplémentaires effectuées.

2.5 Le recourant soutient que l'intimée s'est avérée incapable de
démontrer
avoir effectué 1'030 heures supplémentaires entre 1999 et 2000. Ayant
échoué
au chapitre de la preuve, elle devait être déboutée de ses
conclusions.

Comme cela a été rappelé ci-dessus, dans le cadre d'une application
analogique de l'art. 42 al. 2 CO, la preuve stricte du nombre d'heures
supplémentaires n'est précisément pas exigée. En revanche, le juge
doit être
convaincu, sur le principe, que le travailleur a bien exécuté des
heures
supplémentaires. Il n'apparaît pas, en l'espèce, que la Cour d'appel
se soit
contentée d'une simple vraisemblance à ce sujet. Au contraire, elle a
estimé,
au vu des plannings de la pharmacie et des déclarations du recourant,
que
l'intimée avait effectué des heures supplémentaires non seulement en
1999
mais en 2000 également. Cette constatation résiste au grief
d'arbitraire.

2.6 S'agissant de l'estimation du nombre d'heures supplémentaires
effectuées,
le recourant soutient qu'il était arbitraire d'appliquer un
pourcentage aux
1'030 heures alléguées par l'intimée, vu l'invraisemblance de ce
chiffre. Il
affirme que si une telle méthode était confirmée, il suffirait au
travailleur
de produire un décompte fantaisiste et surévalué pour obtenir le
paiement
d'une partie des heures alléguées.

Appréciant les preuves à sa disposition, notamment les relevés
établis par
l'intimée, la Cour d'appel a estimé que celle-ci avait effectué 37,5
heures
supplémentaires en novembre et décembre 1999, au lieu des 55,5
alléguées et
des 44 reconnues par le défendeur. Cette constatation n'est pas
critiquée par
le recourant.

La Cour d'appel a estimé les heures supplémentaires effectuées durant
l'année
2000 de la même manière que pour 1999. Elle a donc appliqué au total
des
heures alléguées (1'030), le pourcentage retenu comme vraisemblable
pour les
mois de novembre et de décembre 1999 (soit 67,5675%). Le recourant
n'expose
pas en quoi il était arbitraire, au vu d'autres pièces ou déclarations
figurant au dossier, d'évaluer de la sorte le nombre des heures
supplémentaires. On ne voit d'ailleurs pas en quoi cette méthode
serait
insoutenable. Le grief sera donc rejeté.

3.
Le recourant soutient enfin que la Cour d'appel aurait violé l'art.
29 al. 1
Cst. Il n'expose toutefois pas dans quelle mesure les droits
constitutionnels
garantis par cette disposition auraient été lésés par l'arrêt
attaqué. Faute
de motivation suffisante, ce grief est irrecevable (cf. consid. 1
ci-dessus).

4.
Le recours sera rejeté dans la mesure de sa recevabilité et il
appartiendra
au recourant, qui succombe, d'assumer les frais judiciaires et les
dépens de
la procédure fédérale (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

L'intimée a formé une requête d'assistance judiciaire. Selon l'art.
152 al. 1
OJ, l'assistance judiciaire n'est accordée qu'à la double condition
que la
partie requérante soit dans le besoin et que ses conclusions ne
paraissent
pas vouées à l'échec.

En l'espèce, l'intimée obtient gain de cause et se voit allouer des
dépens.
Sa requête d'assistance judiciaire n'a par conséquent plus d'objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr est mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre de
dépens.

4.
La requête d'assistance judiciaire de l'intimée est sans objet.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 18 juillet 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.73/2003
Date de la décision : 18/07/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-18;4p.73.2003 ?
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