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18/07/2003 | SUISSE | N°4C.126/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 juillet 2003, 4C.126/2003


{T 0/2}
4C.126/2003 /ech

Arrêt du 18 juillet 2003
Ire Cour civile

Mme et MM. les Juges Corboz, président, Walter, Rottenberg
Liatowitsch,
Nyffeler et Favre.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

X.________, 1530 Payerne,
demandeur et recourant, représenté par Me Charles Guerry, avocat, case
postale 167, 1701 Fribourg,

contre

Y.________,
défendeur et intimé, représenté par Me Jean-Claude Mathey, avocat,
avenue du
Léman 30, case postale 2753, 1002 Lausanne.

contrat de travail, a

rt. 9 OLE

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal vaudois du 1er avril 2...

{T 0/2}
4C.126/2003 /ech

Arrêt du 18 juillet 2003
Ire Cour civile

Mme et MM. les Juges Corboz, président, Walter, Rottenberg
Liatowitsch,
Nyffeler et Favre.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

X.________, 1530 Payerne,
demandeur et recourant, représenté par Me Charles Guerry, avocat, case
postale 167, 1701 Fribourg,

contre

Y.________,
défendeur et intimé, représenté par Me Jean-Claude Mathey, avocat,
avenue du
Léman 30, case postale 2753, 1002 Lausanne.

contrat de travail, art. 9 OLE

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal vaudois du 1er avril 2003).

Faits:

A.
Y. ________ exploite un domaine agricole à A.________ et a recours à
des
travailleurs saisonniers. Son domaine ne nécessite pas plus de neuf
mois de
présence pour un ouvrier agricole.

A l'époque où son père exploitait encore le domaine, celui-ci
proposait à ses
travailleurs saisonniers, dès la fin de la quatrième saison, de
solliciter
pour eux un "permis B", tout en sachant qu'au terme de la cinquième
saison,
il leur faudrait chercher un autre travail.

De 1996 à 1999, Y.________ a engagé chaque année, de mars à décembre,
X.________, un travailleur portugais, en qualité de saisonnier.

En 1999, les parties ont discuté d'un contrat de travail permettant
l'octroi,
pour l'année 2000, d'une autorisation de séjour et de travail annuelle
(permis B) par les autorités de police des étrangers.

Le 16 août 1999, Y.________ et X.________ ont signé un formulaire
administratif de demande de main-d'oeuvre étrangère (formule 1350)
tendant à
obtenir du bureau des étrangers compétent une autorisation annuelle.
Ce
document indiquait qu'un contrat de travail devait être joint.

Le 27 août 1999, Y.________ et X.________ ont signé un contrat de
travail
pour employé agricole, établi sur une formule préimprimée, qui
prévoyait un
engagement pour une durée indéterminée, avec entrée en fonction le 1er
janvier 2000. Le salaire mensuel s'élevait à un montant brut en
espèces de
2'772 fr., auquel s'ajoutait 810 fr. en nature, soit au total 3'582
fr.
bruts, équivalant à 3'086 fr. 50 nets, plus les allocations
familiales. Ce
contrat a été joint aux documents remis à l'Office du travail
compétent.

Le 26 novembre 1999, l'Office cantonal vaudois de contrôle des
habitants et
de police des étrangers a délivré à X.________ une autorisation de
séjour et
de travail annuelle valable du 13 mars 2000 (soit le lendemain de
l'échéance
du dernier permis saisonnier) au 12 décembre 2000. Il a été retenu
que le
contrat du 27 août 1999 était à la base de l'octroi de ce permis.

Comme il n'avait pas de travail en hiver pour X.________, Y.________
lui a
proposé de louer ses services à un autre agriculteur à partir du
début du
mois de janvier 2000. X.________ a refusé en faisant valoir qu'il
avait sa
maison à restaurer au Portugal et qu'il n'était pas intéressé à venir
travailler avant le 15 mars 2000, comme les autres années.

Le 15 mars 2000, X.________ est venu reprendre son emploi chez
Y.________.

Le 15 avril 2000, les parties ont signé un contrat de travail d'une
durée
déterminée allant du 15 mars au 15 décembre 2000 pour un salaire
mensuel brut
de 2'920 fr. Cette convention n'a pas été soumise à l'autorité
administrative.

Le surlendemain, X.________ a signé sa feuille de salaire sur un
formulaire
en quatre langues. Par la suite, il a été payé ponctuellement chaque
mois,
sans protester contre les décomptes établis par son employeur, qui
étaient
tous semblables à celui du 17 avril 2000.

A la suite d'un accident du travail survenu le 20 septembre 2000,
X.________
a perçu des indemnités de l'assurance-accidents à la place de son
salaire. A
la mi-décembre 2000, il a signé le décompte de salaire afférent à la
période
du 15 novembre au 15 décembre 2000 qui comprenait la mention
manuscrite
suivante : "fin du contrat à durée déterminée - 15.12.2000".

L'incapacité de travail de X.________ a été entière jusqu'au 8 mai
2001, puis
a été réduite à 50 % jusqu'au 20 juillet 2001.

Le 8 mai 2001, X.________ a offert ses services à Y.________, qui les
a
refusés.

B.
Par demande du 8 août 2001, X.________ a réclamé en justice divers
montants à
Y.________, pour la somme totale de 12'400 fr. 70 en capital.
Celui-ci a
conclu au rejet de toutes les prétentions dirigées à son encontre.

Dans un premier temps, les parties ont limité le litige au point de
savoir si
le contrat de travail applicable était celui du 27 août 1999 ou celui
du
15 avril 2000 et si Y.________ était autorisé à substituer le second
contrat
au premier.

Par jugement préjudiciel du 11 juillet 2002, le Président du Tribunal
civil
d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a prononcé en
substance que
Y.________ restait obligé à l'égard de X.________ conformément au
contrat du
27 août 1999, que Y.________ n'était pas autorisé à substituer à cet
accord
un contrat de durée déterminée de neuf mois allant du 15 mars au 15
décembre
2000 et que le procès devait suivre son cours.

Par arrêt du 1er avril 2003, la Chambre des recours du Tribunal
cantonal
vaudois a admis le recours en réforme interjeté par Y.________ à
l'encontre
du jugement préjudiciel du 11 juillet 2002. Réformant partiellement
cette
décision, les juges cantonaux ont déclaré que les rapports de travail
entre
les parties étaient régis par le contrat du 15 avril 2000, que ceux-ci
avaient pris fin le 15 décembre 2000 et que les conclusions de
X.________
devaient être rejetées.

C.
Contre l'arrêt du 1er avril 2003, X.________ (le demandeur)
interjette un
recours en réforme au Tribunal fédéral. Il conclut à l'admission de
son
recours et à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que le recours
déposé
par Y.________ sur le plan cantonal est rejeté et le jugement
incident du 11
juillet 2002 est intégralement confirmé, avec suite de dépens.

Invité à déposer des observations, Y.________ (le défendeur) propose
à titre
principal le rejet du recours. Subsidiairement, il requiert la
réforme de
l'arrêt attaqué en ce sens qu'il est admis que les rapports de
travail entre
les parties étaient régis dès le 15 mars 2000 par le contrat du 15
avril
2000, sauf en ce qui concerne le salaire, qui est celui indiqué sur le
contrat du 27 août 1999, et que, dès le 16 décembre 2000, l'employeur
n'avait
plus aucune obligation envers X.________.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'arrêt attaqué, qui émane d'une autorité judiciaire supérieure
statuant avec
un plein pouvoir d'examen (cf. art. 452 al. 2 CPC vaud. applicable
par renvoi
de l'art. 46 al. 2 de la loi vaudoise sur la juridiction du travail),
rejette
les conclusions du demandeur. Il apparaît ainsi comme une décision
finale au
sens de l'art. 48 al. 1 OJ (cf. ATF 127 III 474 consid. 1a et les
arrêts
cités). Comme seul compte l'effet de la décision sur le droit déduit
en
justice, indépendamment de la procédure suivie (ATF 120 II 352
consid. 1b p.
354; Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, SJ 2000 II p.
1 ss,
7), il importe peu que l'arrêt entrepris ait été rendu à la suite d'un
recours contre une décision préjudicielle prononcée en première
instance.

Interjeté dans le cadre d'une contestation civile (cf. ATF 129 III 301
consid. 1.2.2 et les références citées) dont la valeur litigieuse
dépasse le
seuil de 8'000 fr. par la partie dont les conclusions en paiement ont
été
rejetées, le recours en réforme est donc en principe recevable,
puisqu'il a
été déposé en temps utile (art. 32, 34 al. 1 let. a et 54 al. 1 OJ;
art. 1 de
la loi fédérale du 21 juin 1963 sur la supputation des délais
comprenant un
samedi) et dans les formes requises (art. 55 OJ).

2.
La Chambre des recours a déclaré que les rapports de travail entre les
parties étaient régis par le contrat du 15 avril 2000, que ceux-ci
avaient
pris fin le 15 décembre 2000 et que, en conséquence, les conclusions
du
demandeur devaient être rejetées. Les juges ont considéré en
substance que le
contrat signé le 27 août 1999, soumis à l'autorité administrative en
vue de
la délivrance d'un permis B, n'avait jamais été exécuté. Celui-ci
avait été
résilié conventionnellement, les deux parties y ayant renoncé et
passé, le 15
avril 2000, un nouveau contrat de travail de durée déterminée, qui a
été
exécuté jusqu'à son échéance au 15 décembre 2000 et qui correspondait
aux
exigences de l'art. 9 de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le
nombre
des étrangers (OLE; RS 823.21).

3.
Parallèlement à la violation de diverses dispositions de droit
fédéral, le
demandeur reproche à la Chambre des recours d'avoir procédé à une
appréciation juridique erronée des faits au sens de l'art. 43 al. 3
(recte:
al. 4) OJ, dans la mesure où elle a estimé qu'il y avait eu
résiliation
conventionnelle du contrat du 27 août 1999.

L'appréciation juridique des faits, qui n'est autre en définitive
qu'une
forme de violation du droit fédéral (cf. Poudret, Commentaire de la
loi
fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, Berne 1990, n. 5 ad art.
43 OJ),
ne doit pas être confondue avec l'appréciation des preuves et la
constatation
des faits en découlant, qui ne peuvent, sous réserve d'exceptions non
invoquées en l'espèce (cf. art. 63 al. 2 et 64 OJ), être revues dans
un
recours en réforme (ATF 127 III 543 consid. 2c p. 547; 126 III 189
consid.
2a). Or, déterminer la volonté réelle et commune des parties de
conclure un
contrat est une question de fait (ATF 126 III 25 consid. 3c p. 29, 375
consid. 2e/aa p. 379; 125 III 305 consid. 2b p. 308). A fortiori, il
en va de
même de la volonté réelle des parties de mettre fin ou de modifier un
contrat.

En l'occurrence, la Chambre des recours a établi la réelle et commune
intention des parties, lorsque, sur la base des éléments de fait à sa
disposition, elle a retenu que celles-ci avaient résilié
conventionnellement
le contrat du 27 août 1999 et avaient, d'un commun accord, passé un
nouveau
contrat de travail le 15 avril 2000. Ce faisant, elle a procédé à une
appréciation des preuves que le demandeur ne peut, sous le couvert de
l'art.
43 al. 4 OJ, remettre en cause dans son recours en réforme (cf. ATF
119 II 84
consid. 3 p. 85).

Le grief tiré de l'art. 43 al. 4 OJ est donc irrecevable.

4.
Le demandeur reproche à la Chambre des recours d'avoir méconnu
l'article 9
OLE, ainsi que les articles 341 al. 1 et 342 al. 2 CO, en considérant
que les
rapports de travail entre les parties étaient régis par le contrat du
15
avril 2000 et non par celui du 27 août 1999.

L'application de l'un ou l'autre de ces contrats est déterminante
pour le
sort des prétentions du demandeur. En effet, le contrat du 15 avril
2000 a
une durée dans le temps limitée à neuf mois, allant du 15 mars au 15
décembre
2000, et porte sur une rémunération mensuelle brute de 2'920 fr.
L'accord du
27 août 1999 se présente en revanche comme un contrat de durée
indéterminée
et prévoit un salaire mensuel brut de 3'582 fr. Il ressort de l'arrêt
entrepris que l'employeur a respecté les termes de l'accord du 15
avril 2000.
Le litige revient ainsi à examiner si le demandeur peut se prévaloir
des
conditions fixées dans le contrat du 27 août 1999 s'agissant du
salaire d'une
part et de la durée indéterminée des relations de travail, d'autre
part,
attendu qu'il a été constaté que les parties ont, d'un commun accord,
résilié
ce contrat et qu'elles l'ont remplacé par celui d'avril 2000.

5.
5.1 En ce qui concerne la rémunération, il faut souligner que, comme
la prise
d'emploi du demandeur en Suisse est soumise à une autorisation
administrative, la liberté contractuelle des parties relative à la
fixation
du salaire s'en trouve limitée (cf. Wyler, Droit du travail, Berne
2002, p.
110; Staehelin, Commentaire zurichois, n. 16 ad art. 342 CO). Le
Tribunal
fédéral a précisé, dans un arrêt de principe, que l'art. 9 OLE
déploie des
effets de droit civil, dans le sens où cette disposition oblige
l'employeur à
respecter les conditions qui assortissent l'autorisation délivrée, en
particulier à verser le salaire approuvé par l'autorité
administrative; le
travailleur dispose alors d'une prétention qu'il peut faire valoir
devant les
juridictions civiles, conformément à l'art. 342 al. 2 CO (ATF 122 III
110
consid. 4d p. 114 s. et les références citées).

L'art. 342 al. 2 CO est l'une des dispositions auxquelles il ne peut
être
dérogé ni au détriment de l'employeur ni à celui du travailleur (art.
361 al.
1 CO). Il en découle que la clause du contrat individuel de travail
prévoyant
un salaire inférieur au salaire fixé par l'autorité administrative
compétente, en application de l'art. 9 OLE, est entachée de nullité
ex lege
(art. 361 al. 2 CO; arrêts du Tribunal fédéral 4C.239/2000 du 19
janvier
2001, consid. 2a; 4C.249/2000 du 18 décembre 2000, consid. 3b;
4C.448/1996 du
16 septembre 1997, consid. 1b). Le juge civil est alors lié par les
conditions de rémunération fixées concrètement dans l'autorisation
administrative délivrée pour un emploi donné (ATF 122 III 110 consid.
4d p.
115). Dès lors que la décision administrative est entrée en force, le
travailleur a droit au salaire fixé et il n'y a plus à prendre en
considération ni accord individuel ni convention collective (arrêt
4C.239/2000 précité,
consid. 2a). En outre, comme il appartient à
l'autorité
administrative compétente d'arrêter définitivement le salaire
conforme à
l'art. 9 OLE (arrêt 4C.249/2000 précité, consid. 3b; arrêt 4C.448/1996
précité, consid. 1b), il importe peu que la rémunération
contractuelle, bien
qu'inférieure au salaire fixé par l'autorité administrative, dépasse
le
salaire usuel dans la branche pour l'emploi considéré (arrêt
4C.448/1996
précité, consid. 1b; contra Aubert, Note in SJ 1990 p. 664 s.).
Il ressort de l'arrêt attaqué que le contrat du 27 août 1999 a été
soumis à
l'autorité administrative en vue de la délivrance d'un permis B et
que cet
accord a été à la base de l'autorisation administrative octroyée le 26
novembre 1999. Conformément aux principes précités, la Chambre des
recours
aurait donc dû constater la nullité de la clause salariale prévue
dans le
contrat subséquent du 15 avril 2000 et se fonder sur la rémunération
résultant de l'accord du 27 août 1999. Le fait que le salaire convenu
en
avril 2000, bien qu'inférieur à celui prévu dans le contrat du 27
août 1999,
puisse correspondre aux exigences de l'art. 9 OLE n'est pas
déterminant en
regard de la jurisprudence susmentionnée. En outre, le salaire étant
nul, il
n'y a pas de place ici pour l'application de l'art. 18 al. 1 CO
relatif à la
simulation (cf. arrêts précités 4C.239/2000, consid. 2a; 4C.249/2000,
consid.
3b; 4C.448/1996, consid. 1b), contrairement à ce que soutient le
défendeur.

5.2 Quant à l'existence d'un abus de droit (art. 2 al. 2 CC) également
invoqué par le défendeur, seules des circonstances tout à fait
exceptionnelles permettent à l'employeur de s'en prévaloir. Selon une
jurisprudence fermement établie, il serait contraire à l'esprit de la
loi de
priver le travailleur, par le biais de l'art. 2 al. 2 CC, de la
protection
que lui accorde l'art. 341 al. 1 CO (ATF 110 II 168 consid. 3c p.
171; 105 II
39 consid. 1b p. 42). Cette jurisprudence s'applique à plus forte
raison à
l'égard des travailleurs étrangers, tant il est vrai que la protection
accordée à ceux-ci par l'art. 9 OLE en liaison avec l'art. 342 al. 2
CO peut
souvent se révéler illusoire. Aussi convient-il, sinon d'exclure, du
moins de
réserver aux cas d'abus de droit caractérisés la possibilité pour
l'employeur
d'opposer l'art. 2 al. 2 CC au travailleur étranger (arrêts précités
4C.249/2000, consid. 3b et 4C.448/1996, consid. 1b). Le fait pour le
travailleur de n'avoir soulevé ses prétentions qu'à l'expiration des
rapports
de travail ne peut constituer, à lui seul, un abus de droit
manifeste, faute
de quoi les art. 341 al. 1 et 342 al. 2 CO, ainsi que l'art. 9 OLE,
seraient
lettre morte pour les travailleurs qu'ils sont censés protéger (arrêts
précités 4C.249/2000, consid. 3c et 4C.448/1996, consid. 1c/aa).

En l'espèce, les faits retenus dans l'arrêt attaqué ne permettent pas
d'en
inférer l'existence de circonstances exceptionnelles qui
permettraient de
conclure à un abus de droit de la part du demandeur. Il n'est pas
suffisant à
cet égard que celui-ci ait été d'accord avec la conclusion d'un
contrat
prévoyant des conditions salariales inférieures à l'accord du 27 août
1999 et
qu'il ait toujours signé ses fiches de paie sans se plaindre.

La Chambre des recours a donc violé le droit fédéral en déclarant que
les
rapports de travail entre les parties étaient régis par le contrat du
15
avril 2000, alors que, s'agissant du salaire, elle aurait dû se
fonder sur
les conditions de rémunération ressortant du contrat du 27 août 1999.
L'arrêt
attaqué doit être réformé sur ce point.

6.
Comme on vient de le voir, la clause salariale figurant dans le
contrat du 15
avril 2000 est nulle. On ne peut pour autant en déduire de facto la
nullité
de l'ensemble de ce contrat. Il convient donc de déterminer,
s'agissant du
second élément de nature à influencer les prétentions du demandeur, à
savoir
la durée du contrat, si la clause limitant celle-ci au 15 décembre
2000
prévue dans l'accord du 15 avril 2000 est applicable.

6.1 Cette question suppose de vérifier en premier lieu si, à l'instar
du
salaire, le juge civil se trouvait lié, en vertu des art. 9 OLE et
341 s. CO,
par la durée indéterminée du contrat de travail prévue dans l'accord
du 27
août 1999.

Selon l'arrêt attaqué, les parties ont requis et le demandeur a
obtenu, sur
la base de ce contrat, une autorisation de séjour et de travail
annuelle
(permis B) valable du 13 mars 2000 (le lendemain de l'échéance du
dernier
permis saisonnier) au 12 décembre 2000. Quant au nouveau contrat de
travail
signé en avril 2000 par les parties, il était expressément limité à
une durée
de neuf mois, du 15 mars au 15 décembre 2000, ce qui correspond, à
quelques
jours près, à la période couverte par l'autorisation administrative.

L'art. 9 OLE vise à maintenir la paix sociale en préservant les
travailleurs
suisses d'une sous-enchère salariale induite par la main-d'oeuvre
étrangère
et en protégeant les travailleurs étrangers eux-mêmes (ATF 122 III 110
consid. 4d p. 114). On conçoit mal que cette disposition, compte tenu
des
objectifs poursuivis, puisse restreindre la liberté contractuelle des
parties
de modifier leur contrat de travail, dans la mesure où elles ne font
qu'en
limiter la durée à celle couverte par l'autorisation de séjour et de
travail
octroyée.

En effet, sous l'angle de la garantie de l'emploi, un tel contrat de
durée
déterminée (art. 334 al. 1 CO), dont rien n'indique qu'il ait été
conçu comme
un contrat de durée maximale (cf. ATF 114 II 349 consid. 2a p. 351),
offre
une meilleure protection au travailleur au bénéfice d'une
autorisation de
séjour et de travail annuelle que ne le ferait un contrat à durée
indéterminée, car il le met à l'abri d'une résiliation ordinaire
durant toute
la période couverte par son permis (cf. Staehelin, op. cit., n. 17 ad
art.
334 CO). Certes, au terme du contrat, le travailleur est moins bien
protégé,
en cas de maladie notamment, que s'il bénéficiait d'un contrat de
durée
indéterminée. Cet élément n'est toutefois pas pertinent en regard de
l'art. 9
OLE, car il n'est pas propre à créer des différences entre la
main-d'oeuvre
étrangère et suisse. En revanche, il peut jouer un rôle sous l'angle
de
l'abus de droit (cf. infra consid. 6.2).

L'art. 9 OLE n'entraîne donc pas, ex lege, la nullité de la clause du
contrat
du 15 avril 2000 limitant la durée du contrat dans le temps.

6.2 Il reste à examiner s'il existe un autre obstacle légal qui aurait
empêché les parties de prévoir une telle clause.

Il ressort des faits retenus que le demandeur a été engagé pour
chacune des
années 1996 à 1999, de mars à décembre, en qualité de saisonnier par
le
défendeur. On peut douter que ces seules indications permettent d'en
conclure
que les parties ont, chaque année, conclu un nouveau contrat (cf. ATF
101 Ia
463 consid. 2 p. 465). Cette question peut toutefois demeurer
indécise, car,
même si tel avait été le cas, on ne voit pas que ce procédé fasse
apparaître
la conclusion d'un contrat de travail de durée limitée pour la saison
2000
comme abusif. Certes, l'art. 2 al. 2 CC, qui prohibe la fraude à la
loi,
s'oppose à la conclusion de "contrats en chaîne" dont la durée
déterminée ne
se justifie par aucun motif objectif et qui ont pour but d'éluder
l'application des dispositions sur la protection contre les congés ou
d'empêcher la naissance de prétentions juridiques dépendant d'une
durée
minimale des rapports de travail (ATF 119 V 46 consid. 1c p. 48 et les
références citées). Le Tribunal fédéral a toutefois jugé admissible,
dans son
principe, la conclusion de contrats saisonniers "en chaîne" (arrêt du
Tribunal fédéral des assurances I 240/98 du 30 novembre 1999, résumé
in PJA
2000 p. 1545, consid. 4c; arrêts du Tribunal fédéral 4C.133/1994 du 2
août
1994, consid. 3a; C.198/1986 du 9 septembre 1987, consid. 3a). Or, en
l'espèce, il a été constaté que le défendeur employait des
travailleurs
saisonniers neuf mois par an, car il n'avait pas de travail à leur
offrir en
hiver sur son exploitation. Après quatre saisons, il entreprenait,
comme le
faisait déjà son père, les démarches pour que ceux-ci obtiennent un
permis B,
tout en sachant qu'au terme de la cinquième saison, il leur faudrait
chercher
un autre travail. L'année 2000 correspondait précisément à cette
dernière
saison pour le demandeur. Il existait donc, cette année-là en tout
cas, un
motif objectif justifiant la conclusion d'un contrat de durée
limitée. En
outre, rien n'empêchait les parties de convenir suffisamment tôt,
qu'au terme
de la cinquième année, l'engagement saisonnier du demandeur prendrait
fin.
Par conséquent, le fait que les parties aient prévu, le 15 avril
2000, que le
contrat de travail arriverait à expiration le 15 décembre 2000
n'apparaît pas
comme contraire à l'art. 2 al. 2 CC.

Enfin, aucun des éléments retenus ne permet d'en conclure que le
contrat
signé le 15 avril 2000, et plus particulièrement la clause stipulant
un terme
au 15 décembre 2000, serait affecté d'une autre cause de nullité (cf.
art. 20
CO), d'un vice du consentement (art. 23 ss CO) ou qu'il ne
correspondrait pas
à la volonté commune et réelle des parties (art. 18 al. 1 CO). Au
contraire,
les faits constatés ne font que corroborer l'intention des parties,
telle
qu'elle résulte clairement du texte du contrat du 15 avril 2000, de se
libérer en décembre 2000. D'une part, on a vu que le défendeur
n'avait pas
assez de travail en hiver pour occuper un ouvrier agricole. D'autre
part, la
saison précédente, le demandeur lui-même, après s'être vu offrir la
possibilité de travailler durant l'hiver pour un autre agriculteur,
conformément au contrat de durée indéterminée du 27 août 1999 alors en
vigueur, avait refusé, faisant valoir qu'il avait sa maison à
restaurer au
Portugal et qu'il n'était pas intéressé à venir travailler avant le
15 mars
2000, comme les autres années.

En pareilles circonstances, la Chambre des recours n'a pas violé le
droit
fédéral en considérant que les rapports de travail entre les parties
avaient
bien pris fin le 15 décembre 2000, conformément au contrat du 15
avril 2000.

7.
Par conséquent, le recours sera partiellement admis dans la mesure où
il est
recevable. L'arrêt attaqué sera réformé dans le sens où il retient
que les
rapports de travail entre les parties sont régis par le contrat du 15
avril
2000, dès lors que le salaire déterminant est celui prévu par le
contrat du
27 août 1999 (cf. supra consid. 5). Il sera confirmé pour le surplus.

La cause sera renvoyée à la Chambre des recours, afin qu'elle statue à
nouveau sur les dépens de la procédure accomplie devant elle (art.
159 al. 6
OJ). Il lui appartiendra également de déterminer la suite à donner à
la
procédure, en application du droit cantonal.

8.
Comme la valeur litigieuse, selon les prétentions du demandeur à
l'ouverture
de l'action (ATF 115 II 30 consid. 5b p. 41; 100 II 358 consid. a) ne
dépasse
pas 30'000 fr., la procédure est gratuite (art. 343 al. 2 et 3 CO).

Le demandeur obtient partiellement gain de cause. Il en va de même du
défendeur, dont les conclusions subsidiaires correspondent à la
solution
retenue. En application de l'art. 156 al. 3 OJ, les dépens seront donc
compensés.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable.

2.
L'arrêt attaqué est annulé en tant qu'il admet le recours du
défendeur (ch. I
du dispositif), qu'il indique que les rapports de travail entre
parties sont
régis par le contrat du 15 avril 2000 (ch. II/I) et qu'il rejette les
conclusions du demandeur (ch. II/IV). Il est réformé en ce sens que
les
prétentions salariales du demandeur doivent être calculées en
fonction de la
rémunération prévue dans le contrat du 27 août 1999.

L'arrêt attaqué est confirmé pour le surplus.

3.
La cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle rende une
nouvelle
décision sur les dépens et qu'elle détermine la suite à donner à la
procédure.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre
des
recours du Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 18 juillet 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.126/2003
Date de la décision : 18/07/2003
1re cour civile

Analyses

Appréciation juridique erronée d'un fait (art. 43 al. 4 OJ). Distinction entre l'appréciation juridique des faits et l'appréciation des preuves (consid. 3). Effets de droit civil de l'art. 9 OLE; abus de droit dans le domaine du droit du travail; contrat de travail saisonnier (art. 9 OLE; art. 341 et 342 CO; art. 2 al. 2 CC). Examen, sous l'angle de l'art. 9 OLE et de l'art. 2 al. 2 CC, de la faculté pour les parties de conclure un nouveau contrat de travail d'une durée déterminée et prévoyant une rémunération inférieure à celle figurant dans le contrat de durée indéterminée sur la base duquel une autorisation de séjour et de travail annuelle a été décernée (consid. 2 et 4-7).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-18;4c.126.2003 ?
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