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18/07/2003 | SUISSE | N°1P.394/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 juillet 2003, 1P.394/2003


{T 0/2}
1P.394/2003 /col

Arrêt du 18 juillet 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

M.________,
recourant, représenté par Me Thomas Barth, avocat,
16, rue de Candolle, 1205 Genève,

contre

Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accu

sation, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

détention préventive,

recours de droit publ...

{T 0/2}
1P.394/2003 /col

Arrêt du 18 juillet 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

M.________,
recourant, représenté par Me Thomas Barth, avocat,
16, rue de Candolle, 1205 Genève,

contre

Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

détention préventive,

recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre
d'accusation de la
Cour de justice du canton de Genève du 24 juin 2003.

Faits:

A.
M.________, né en Espagne en 1981, se trouve en détention préventive
depuis
le 25 décembre 2002, sous l'inculpation d'un brigandage commis le 18
décembre
2002 sur un chauffeur de taxi, et d'une tentative analogue le 24
décembre
suivant. Il prétend avoir agi sous l'influence de diverses substances
(alcool
et cannabis). Le juge d'instruction chargé de la cause a ordonné, le
29
janvier 2003, une expertise psychiatrique. L'expert a déposé son
rapport le
16 juin 2003; il constate une impulsivité, exacerbée par la
consommation de
drogues, avec risque de passage à l'acte hétéroagressif; il conclut à
la
responsabilité en principe totale de l'inculpé, ou à une
responsabilité
restreinte si l'influence de l'alcool et du cannabis au moment des
faits peut
être démontrée. Entendu le 23 juin 2003, l'expert préconisa un
traitement
ambulatoire portant sur la gestion des émotions ainsi que sur les
problèmes
de dépendance à l'alcool.

B.
Par ordonnance du 24 juin 2003, la Chambre d'accusation genevoise a
prolongé
la détention préventive pour trois mois, et rejeté une demande de
mise en
liberté. Les besoins de l'instruction perduraient jusqu'au jugement,
et le
risque de récidive était évident compte tenu des antécédents de
l'inculpé, de
ses problèmes psychiques et de sa situation personnelle; la sortie de
prison
n'avait fait l'objet d'aucune préparation, en particulier s'agissant
d'un
emploi, de la mise sur pied du traitement médical et de l'encadrement
social.

C.
M.________ forme un recours de droit public contre cette ordonnance.
Il
conclut à l'annulation de cette dernière, à sa mise en liberté
immédiate,
éventuellement avec l'obligation de suivre un traitement médical
ambulatoire,
subsidiairement au renvoi de la cause à la cour cantonale pour
nouvelle
décision. Il requiert l'assistance judiciaire.
La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de son ordonnance.
Le
Procureur général conclut au rejet du recours dans la mesure où il est
recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit public est formé en temps utile contre un arrêt
rendu en
dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ). Le
recourant,
personnellement touché par l'arrêt attaqué qui refuse sa mise en
liberté
provisoire, a qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Par exception
à la
nature cassatoire du recours de droit public, les conclusions tendant
à la
mise en liberté immédiate, le cas échéant sous conditions, sont
recevables
(ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333).

2.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté
personnelle, garantie par l'art. 10 al. 2 Cst. et par l'art. 5 CEDH,
que si
elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.),
soit en
l'espèce l'art. 34 du code de procédure pénale genevois (CPP/GE).
Elle doit
en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de
la
proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c
p. 270).
Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée
par les
besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de
collusion ou de
réitération (cf. art. 34 let. b et c CPP/GE). Préalablement à ces
conditions,
il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes
(art. 5 par.
1 let. c CEDH, art. 34 in initio CPP/GE; ATF 116 Ia 144 consid. 3).
S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le
Tribunal
fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de
l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de
l'arbitraire (ATF
123 I 268 consid. 2d p. 271). L'autorité cantonale dispose ainsi
d'une grande
liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 283 consid. 3, 112
Ia 162
consid. 3b).

3.
Le recourant conteste les besoins de l'instruction. Il a reconnu les
faits
qui lui sont reprochés, et s'est soumis volontairement à l'expertise
psychiatrique. L'instruction préparatoire serait d'ailleurs terminée.

3.1 Le maintien du prévenu en détention peut être justifié par
l'intérêt
public lié aux besoins de l'instruction en cours, par exemple
lorsqu'il est à
craindre que l'intéressé ne mette sa liberté à profit pour faire
disparaître
ou altérer les preuves, ou qu'il prenne contact avec des témoins ou
d'autres
prévenus pour tenter d'influencer leurs déclarations. On ne saurait
toutefois
se contenter d'un risque de collusion abstrait, car ce risque est
inhérent à
toute procédure pénale en cours et doit, pour permettre à lui seul le
maintien en détention préventive, présenter une certaine
vraisemblance (ATF
128 I 149 consid. 2.1 p. 151, 123 I 31 consid. 3c p. 36, 117 Ia 257
consid.
4c p. 261). L'autorité doit ainsi indiquer, au moins dans les grandes
lignes
et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes
d'instruction elle doit encore effectuer, et en quoi la libération du
prévenu
en compromettrait l'accomplissement (cf. ATF 123 I 31 consid. 2b p.
33/34,
116 Ia 149 consid. 5 p. 152).

3.2 Ces indications font défaut en l'occurrence. Comme le relève le
recourant, les faits ont été admis. L'expertise psychiatrique a été
effectuée
et l'expert a confirmé oralement les termes de son rapport. Le 24
juin 2003,
la procédure a été communiquée au Parquet, et on ne se trouve
manifestement
pas dans un cas où le risque de collusion perdurerait après la
clôture de
l'instruction. Les besoins de l'enquête ne nécessitent donc pas le
maintien
en détention.

4. Le recourant conteste également l'existence d'un risque de
réitération.
L'expertise psychiatrique ne permettrait pas d'admettre un risque
pour la
sécurité publique, en particulier si le traitement ambulatoire est
suivi.
Celui-ci ne pourrait toutefois être appliqué en milieu carcéral. Le
père du
recourant se serait engagé à le prendre en charge dès sa sortie de
prison. Il
serait arbitraire d'exiger du recourant qu'il trouve un emploi alors
qu'il
est actuellement détenu.

4.1 Le maintien en détention préventive n'est admissible que si le
pronostic
de récidive est très défavorable. La simple possibilité,
hypothétique, de
commission de nouvelles infractions de même nature, ou la
vraisemblance que
soient commises des infractions mineures, sont des motifs
insuffisants (ATF
125 I 60 consid. 3a p. 62). Autant que possible, l'autorité doit
tenter de
substituer à la détention toute autre mesure moins incisive propre à
atteindre le même résultat (ATF 123 I 268 consid. 2c et e p. 270/271
et les
arrêts cités).

4.2 Le recourant a été arrêté après avoir commis deux agressions,
d'une
certaine gravité, dans un délai rapproché et des circonstances
semblables. Il
est prévenu de brigandage. L'expert explique ces gestes par une
impulsivité,
soit une difficulté à gérer le stress. Cette impulsivité engendrerait
un
risque important d'abus d'alcool et de consommation de stupéfiants,
et la
tendance à commettre des actes agressifs s'en trouverait à son tour
augmentée. L'expert relève un risque concret de retomber dans
l'alcoolisme,
et préconise un traitement psychiatrique ambulatoire, d'une vingtaine
de
séances, visant à une meilleure gestion des émotions et de
l'impulsivité, et
à rendre le recourant abstinent. Lors de son audition, l'expert a
certes
précisé que les programmes existants pour prendre en charge cette
problématique ne peuvent avoir lieu en milieu carcéral, faute de
spécialisation. Il ajoute toutefois qu'un psychiatre spécialisé
pourrait
traiter le recourant en milieu carcéral. Le recourant se dit prêt à
un tel
traitement, mais ne prétend pas avoir entrepris les démarches
nécessaires
pour le commencer en prison. Il est d'ailleurs douteux que les effets
d'un
tel traitement soient immédiats, au point de faire cesser le risque de
récidive. Même si son père s'est déclaré prêt à le prendre en charge
dès sa
sortie de prison, cette prise en charge est limitée à l'hébergement;
le
recourant se retrouverait, en cas de libération, dans une situation de
précarité qui, compte tenu de sa fragilité, l'exposerait à la
commission de
nouveaux actes de violence. Le risque de récidive ne peut, par
conséquent,
être écarté.

5.
Le recourant se plaint aussi d'une violation du principe de célérité
(art. 31
al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH). Il relève que l'expertise, sans être
compliquée
- deux entrevues ont eu lieu au mois de février 2003 -, a nécessité
cinq mois
et aurait causé un retard injustifié dans la procédure. Par ailleurs,
la
durée de la détention déjà subie se rapprocherait de celle de la peine
concrètement encourue.

5.1 En vertu des dispositions précitées, le prévenu doit être libéré
lorsque
la durée de son incarcération se rapproche de la peine privative de
liberté
qui sera éventuellement prononcée. Cette dernière doit être évaluée
avec la
plus grande prudence, car il faut éviter que le juge du fond ne soit
incité à
prononcer une peine excessive pour la faire coïncider avec la
détention
préventive à imputer (ATF 126 I 172 consid. 5a p. 176/177).
Par ailleurs, l'incarcération est disproportionnée en cas de retard
injustifié dans le cours de la procédure pénale (ATF 128 I 149
consid. 2.2 p.
151, 125 I 60 consid. 3d p. 64, 124 I 208 consid. 6 p. 215 et les
arrêts
cités). Toutefois, n'importe quel retard n'est pas suffisant pour
justifier
l'élargissement du prévenu. Il doit s'agir d'un manquement
particulièrement
grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite
n'est plus
en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable.
En cas
de retard de moindre gravité, des injonctions particulières peuvent
être
données, comme par exemple la fixation d'un délai de détention
maximum; c'est
au surplus au juge du fond qu'il appartient, le cas échéant par une
réduction
de peine, de tenir compte d'une violation de l'obligation de célérité
(ATF
128 I 149 consid. 2.2 p. 151/152). Dans ce dernier arrêt, le Tribunal
fédéral
a considéré qu'il y avait retard inadmissible de la part d'un expert
psychiatre resté inactif durant huit mois avant de renoncer ensuite au
mandat. En revanche, l'expert suivant avait rendu son rapport dans un
nouveau
délai de sept mois, considéré comme acceptable.

5.2 En l'occurrence, l'expert a été désigné le 29 janvier 2003; il a
entendu
le recourant les 4 et 18 février 2003, et a rendu son rapport le 16
juin
2003, soit quatre mois après ces auditions. Le recourant prétend que
deux à
trois mois étaient suffisants pour une pareille expertise, mais on ne
saurait
considérer que le délai de quatre mois pour rédiger le rapport était
manifestement exagéré, au point de constituer un retard inadmissible
dans le
déroulement de la procédure, justifiant l'élargissement du recourant.

5.3 Quant à la durée de la détention préventive, elle n'est pas non
plus
excessive au regard de la peine susceptible d'être prononcée: les
infractions
reprochées au recourant consistent en deux brigandages, et le
recourant a été
récemment, selon ses propres dires, condamné à huit mois
d'emprisonnement
avec sursis (procès-verbal d'audition du 23 juin 2003; cf. aussi les
observations du Procureur général, qui mentionne une peine avec sursis
pendant trois ans, pour des lésions corporelles). Compte tenu de la
communication du dossier au Procureur général, le 24 juin 2003, il y
a lieu
de penser que le recourant pourrait prochainement passer en jugement.

6.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Le
recourant a
demandé l'assistance judiciaire, et les conditions en sont remplies.
Me Barth
est désigné comme défenseur d'office, et rétribué par la caisse du
Tribunal
fédéral. Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Barth est désigné
comme
avocat d'office du recourant, et la caisse du Tribunal fédéral lui
versera
une indemnité de 2000 fr. à titre d'honoraires.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Procureur général et à la Chambre d'accusation de la Cour de justice
du
canton de Genève.

Lausanne, le 18 juillet 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.394/2003
Date de la décision : 18/07/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-18;1p.394.2003 ?
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