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17/07/2003 | SUISSE | N°5C.94/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 juillet 2003, 5C.94/2003


{T 0/2}
5C.94/2003 /viz

Arrêt du 17 juillet 2003
IIe Cour civile

Mme Nordmann, Juge présidant, Mmes les Juges fédérales Escher et Hohl.
Greffière: Mme Krauskopf.

A. A.________,
demandeur et recourant, représenté par Me Serge Beuret, avocat, rue
des
Moulins 12, case postale 937, 2800 Delémont,

contre

B.A.________,
défenderesse et intimée, représentée par Me Jean-Marie Allimann,
avocat, rue
de la Justice 1, 2800 Delémont.

modification d'un jugement de divorce,

re

cours en réforme contre l'arrêt de la Cour civile du Tribunal
cantonal de
la République et Canton du Jura du 19 février 2003....

{T 0/2}
5C.94/2003 /viz

Arrêt du 17 juillet 2003
IIe Cour civile

Mme Nordmann, Juge présidant, Mmes les Juges fédérales Escher et Hohl.
Greffière: Mme Krauskopf.

A. A.________,
demandeur et recourant, représenté par Me Serge Beuret, avocat, rue
des
Moulins 12, case postale 937, 2800 Delémont,

contre

B.A.________,
défenderesse et intimée, représentée par Me Jean-Marie Allimann,
avocat, rue
de la Justice 1, 2800 Delémont.

modification d'un jugement de divorce,

recours en réforme contre l'arrêt de la Cour civile du Tribunal
cantonal de
la République et Canton du Jura du 19 février 2003.

Faits:

A.
Le divorce des époux A.A.________, né le 17 octobre 1964, et
B.A.________,
née le 20 novembre 1962, a été prononcé par jugement du 22 octobre
1998.
Celui-ci a également homologué la convention sur les effets
accessoires par
laquelle A.A.________ s'engageait à verser pour l'entretien de chacun
de ses
deux enfants, C.A.________ (né le 26 juillet 1990) et D.A.________
(née le 4
mai 1995), une contribution mensuelle de 700 fr., allocations
familiales en
sus, et pour son ex-épouse une pension mensuelle de 300 fr. fondée
sur l'art.
152 aCC durant 3 ans à compter du prononcé du divorce, soit du 22
octobre
1998 au 22 octobre 2001.

A. A.________ réalisait à l'époque un revenu de 5'200 fr. net par
mois et
B.A.________ des revenus variables de 1'000 à 2'000 fr. par mois.

B.
A.A.________ s'est remarié avec une ressortissante française, s'est
installé
en France en mai 2000 et y a pris un nouvel emploi moins bien
rémunéré. Une
enfant, E.________, est issue de sa nouvelle union le 26 juillet 2001.
L'arrêt attaqué n'indique pas quel est exactement le nouveau revenu de
A.A.________, mais mentionne qu'il a subi, allocations familiales
comprises,
une baisse de près de la moitié par rapport à celui réalisé en Suisse
et que
les revenus du couple sont de 5'505 fr. 70.
De son côté, B.A.________ vit en concubinage depuis l'automne 2000.
Elle
tient un salon de coiffure, qui ne semble pas lui rapporter assez
pour vivre,
et fait des extras dans un restaurant, réalisant un revenu de l'ordre
de
2'000 fr. par mois. Elle indique que, comme indépendante, elle ne
peut pas
toucher d'allocations familiales pour ses enfants.

C.
Le 23 octobre 2000, A.A.________ a ouvert une action en modification
du
jugement de divorce devant le juge civil du Tribunal de première
instance du
canton du Jura, concluant à la suppression de la pension due à son
ex-épouse
dès le 23 octobre 2000 (soit pour les 12 mois qui restaient à courir)
et à la
réduction des contributions d'entretien de ses deux enfants
C.A.________ et
D.A.________ au montant de 375 fr. chacun dès le 1er avril 2000, date
de son
remariage.
Le 12 novembre 2002, le Juge du Tribunal de première instance a admis
partiellement la demande et réduit les contributions d'entretien des
deux
enfants de 700 fr. à 600 fr. chacun à compter du 1er août 2001.
Statuant sur appel du demandeur le 19 février 2003, la Cour civile du
Tribunal cantonal de la République et canton du Jura a confirmé ce
jugement.

D.
Contre cet arrêt, le demandeur interjette un recours en réforme au
Tribunal
fédéral dans lequel il reprend ses conclusions de première instance et
requiert l'octroi de l'assistance judiciaire. Parallèlement, il
interjette
également un recours de droit public au Tribunal fédéral.
Invitée à répondre au recours, la défenderesse a conclu à son rejet, y
compris en ce qui concerne l'assistance judiciaire. Elle requiert de
son côté
l'octroi de l'assistance judiciaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'arrêt attaqué tranche une contestation civile portant sur des
droits de
nature pécuniaire (ATF 116 II 493 consid. 2a p. 495; 95 II 68 consid.
2d p.
75), dont la valeur litigieuse atteint manifestement 8'000 fr. Formé
en temps
utile contre une décision finale prise par le tribunal suprême du
canton, le
recours est recevable au regard des art. 46, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.

2.
Il convient, en l'espèce, de déroger à l'art. 57 al. 5 OJ et de
traiter en
parallèle le recours en réforme et le recours de droit public (cf.
ATF 117 II
630 consid. 1c p. 631/632; arrêt 4C.213/1992, consid. 1, non publié
aux ATF
119 II 51). En effet, il se justifie de déroger à l'ordre de priorité
institué par cette disposition lorsque le sort du recours de droit
public
serait sans incidence sur celui du recours en réforme ou lorsque ce
dernier
paraît devoir être admis même sur la base des constatations de fait de
l'autorité cantonale, critiquées dans le recours de droit public (ATF
122 I
81 consid. 1 p. 82; 120 Ia 377 consid. 1 p. 379; 118 II 521 consid.
1b p.
523). Or, dans le cas présent, la décision attaquée tranche plusieurs
prétentions, à savoir la demande de suppression de la contribution
d'entretien de l'ex-épouse et celle de réduction des contributions
d'entretien des enfants; pour la première de ces questions, il y a
lieu de
traiter d'abord le recours en réforme, alors que pour la seconde, le
recours
de droit public doit être examiné au préalable.

3.
Le demandeur conclut à la suppression de la pension mensuelle de 300
fr.
fondée sur l'art. 152 aCC qu'il doit verser à son ex-épouse, et ce
dès le 23
octobre 2000, soit pour les 12 mois qui restent à courir jusqu'au 22
octobre
2001, ce qui représente un montant de 3'600 fr.

3.1 La modification d'un jugement de divorce rendu selon l'ancien
droit est
régie par l'ancien droit, sous réserve des dispositions relatives aux
enfants
et à la procédure (art. 7a al. 3 Tit. fin. CC). La pension
alimentaire de
l'art. 152 aCC, de même que la rente d'entretien de l'art. 151 al. 1
aCC,
fixées judiciairement ou par convention ratifiée par le juge, peuvent
être
réduites ou supprimées aux conditions prévues par l'art. 153 al. 2
aCC, à
savoir notamment lorsque la pension n'est plus en rapport avec les
facultés
du débiteur (ATF 117 II 359 consid. 4 p. 363; 105 II 166 consid. 1 p.
168).
La réduction ou la suppression présuppose toutefois une modification
importante, à vues humaines durable et non prévisible au moment du
divorce
(ATF 118 II 229 consid. 3a p. 232; 117 II 211 consid. 5a p. 217, 359
consid.
3 in fine p. 363). Pour décider si ces conditions sont remplies, il
faut
déterminer dans quelle mesure les capacités financières et les besoins
respectifs des parties ont évolué depuis le divorce.
Selon la jurisprudence, lorsque le débiteur diminue volontairement son
revenu, quel que soit le motif de sa décision, il doit en principe
supporter
les conséquences de sa décision (ATF 121 III 297 consid. 3b p. 299;
105 II
166 consid. 2 p. 170). Dans la fixation des contributions
d'entretien, le
juge peut donc tenir compte des gains antérieurs et imputer au
débiteur un
revenu hypothétique (ATF 119 II 314 consid. 4a p. 317). Toutefois, la
prise
en considération d'un revenu hypothétique supérieur au revenu que le
débirentier obtient effectivement n'est admissible que dans la mesure

celui-ci pourrait gagner plus que son revenu effectif, en faisant
preuve de
bonne volonté et en accomplissant un effort que l'on peut
raisonnablement
exiger de lui. Lorsque la possibilité réelle d'obtenir un revenu
supérieur
n'existe pas, il faut en faire abstraction. La raison pour laquelle
l'époux a
renoncé au revenu supérieur est en principe sans importance. La prise
en
compte d'un revenu hypothétique ne revêt pas un caractère pénal. Il
s'agit
simplement d'inciter le débiteur à réaliser le revenu qu'il est en
mesure de
se procurer et dont on peut raisonnablement exiger de lui qu'il
l'obtienne
afin de remplir ses obligations. La jurisprudence a laissé indécise la
question de l'opportunité de subordonner la fixation d'un revenu
hypothétique
aux conditions susmentionnées lorsque le débiteur a agi dans
l'intention
délibérée de nuire. Les critères permettant de déterminer le montant
du
revenu hypothétique sont en particulier la qualification
professionnelle,
l'âge, l'état de santé et la situation du marché du travail (ATF 128
III 4
consid. 4a p. 5 s. et les références citées).
Les mêmes principes sont applicables à la modification des
contributions à
l'entretien des enfants (art. 286 al. 2 CC).
Savoir si l'on peut raisonnablement exiger du débiteur une
augmentation de
son revenu est une question de droit, qui peut être revue en instance
de
réforme. En revanche, savoir quel revenu une personne a la possibilité
effective de réaliser est une question de fait, qui ne peut être
remise en
cause par la voie du recours en réforme (ATF 128 III 4 consid. 4c/bb
p. 7;
126 III 10 consid. 2b p. 12 s.).
3.2 Lorsqu'elle a statué sur la réduction de la contribution
d'entretien des
enfants, la cour cantonale est partie du revenu effectif du débiteur
et de sa
nouvelle épouse. En revanche, lorsqu'elle a tranché la question de la
réduction de la contribution de l'ex-épouse, la cour cantonale a
implicitement tenu compte d'un revenu hypothétique, alors que le même
principe est applicable dans les deux cas. Pour les juges cantonaux,
les
réductions de salaire ou le changement de poste de travail ne peuvent
être
pris en considération pour justifier une réduction, voire une
suppression de
la rente que si la modification est due à des circonstances externes
au
débirentier. Ils ont retenu que le demandeur a délibérément choisi,
sans y
être contraint d'une quelconque manière, de vivre en France avec son
futur
conjoint et que c'est en connaissance de cause qu'il a accepté de
gagner
moins, ayant touché d'ailleurs son 2e pilier et investi 27'000 fr.
dans
l'achat d'une maison familiale. Elle a estimé qu'il aurait pu
continuer
d'habiter à Genève ou en France voisine et travailler à Genève et que
son
épouse pouvait travailler en France à proximité de la région
genevoise. Quant
aux problèmes d'allergie allégués par le demandeur pour changer
d'emploi,
elle a jugé qu'ils étaient sans incidence sur le fait que celui-ci a
accepté
un emploi moins bien rémunéré en France, car il aurait pu travailler
à Genève
dans une autre entreprise où la rémunération aurait été équivalente.
Elle en
a conclu que la réduction de salaire due au changement du poste de
travail,
le fait d'avoir quitté la Suisse et de s'être établi en France et le
remariage ne peuvent pas être pris en considération, la détérioration
de la
situation financière du débiteur dépendant exclusivement de sa
décision.
Seule la naissance du troisième enfant pouvait justifier une
modification,
mais puisque la naissance de celui-ci a eu lieu trois mois avant
l'échéance
de la rente, la cour cantonale a estimé que la suppression ne se
justifiait
pas.

3.3 Ce faisant, la cour cantonale a violé les principes
jurisprudentiels
sus-exposés. Bien qu'elle ait admis, par appréciation des preuves,
que le
demandeur avait accepté en connaissance de cause de gagner moins,
elle ne
pouvait se dispenser d'examiner si celui-ci avait actuellement encore
la
possibilité d'obtenir à nouveau le même revenu en faisant preuve de
bonne
volonté et en accomplissant un effort que l'on peut raisonnablement
exiger de
lui. La prise en compte d'un revenu hypothétique ne peut en effet être
conforme au droit fédéral que si le débiteur est en mesure de se
procurer un
tel revenu et qu'on peut raisonnablement exiger de lui qu'il
l'obtienne.
Le recours doit donc être admis. La cour n'étant pas en mesure de
statuer, la
cause doit être renvoyée à la cour cantonale pour instruction
complémentaire
et nouveau jugement.

4.
Le demandeur obtenant partiellement gain de cause, les frais
judiciaires
doivent être mis pour moitié à sa charge et pour moitié à la charge
de la
défenderesse (art. 156 al. 3 OJ).
Vu la situation financière des parties, l'assistance judiciaire doit
leur
être accordée, et leurs avocats seront désignés conseil d'office.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en réforme est partiellement admis dans la mesure où il est
recevable.

2.
L'arrêt attaqué est annulé en ce qui concerne la contribution
d'entretien de
la défenderesse et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour
nouvelle
décision dans le sens des considérants.

3.
La requête d'assistance judiciaire du demandeur est admise et Me
Serge Beuret
lui est désigné comme avocat d'office.

4.
La requête d'assistance judiciaire de la défenderesse est admise et Me
Jean-Marie Allimann lui est désigné comme avocat d'office.

5.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis par moitié à la charge
des
parties, mais il est provisoirement supporté par la Caisse du Tribunal
fédéral.

6.
La Caisse du Tribunal fédéral versera à l'avocat d'office de chaque
partie
une indemnité de 1'000 francs.

7.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Cour civile du Tribunal cantonal de la République et Canton du Jura.

Lausanne, le 17 juillet 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Mme la Juge présidant: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.94/2003
Date de la décision : 17/07/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-17;5c.94.2003 ?
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