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17/07/2003 | SUISSE | N°4P.55/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 juillet 2003, 4P.55/2003


{T 0/2}
4P.55/2003 /ech

Arrêt du 17 juillet 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Walter, Klett, Nyffeler et
Favre.
Greffier: M. Ramelet.

X. ________ SA,
recourante, représentée par Me Nicolas Gagnebin, avocat, rue
Saint-Laurent 2,
1207 Genève,

contre

A.________,
intimé, représenté par Me Philippe Prost, avocat, rue du Rhône 61,
case
postale 3127, 1211 Genève 3,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211

Genève 3.

arbitraire,

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de
justice du canto...

{T 0/2}
4P.55/2003 /ech

Arrêt du 17 juillet 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Walter, Klett, Nyffeler et
Favre.
Greffier: M. Ramelet.

X. ________ SA,
recourante, représentée par Me Nicolas Gagnebin, avocat, rue
Saint-Laurent 2,
1207 Genève,

contre

A.________,
intimé, représenté par Me Philippe Prost, avocat, rue du Rhône 61,
case
postale 3127, 1211 Genève 3,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

arbitraire,

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de
justice du canton de Genève du 14 février 2003.

Faits:

A.
A.a A.________ (ci-après: le demandeur), qui réside au Royaume-Uni,
exerce la
profession de dessinateur au sein de la société Y.________ Ltd. qu'il
a créée
en Angleterre. En 1987, il a réalisé pour une agence de design de
Londres une
série de six images originales illustrant, dans le style des années
trente,
divers moyens de transport. Au nombre de ces images figurait en
particulier
la représentation d'une automobile (ci-après: le dessin); pour
effectuer ce
travail, A.________ s'est notamment inspiré du modèle Jaguar XK 120
ou 150
Roadstar.

A. ________ a perçu environ 15 000 £ pour la réalisation de
l'ensemble de ces
dessins. Les six images ont été reproduites en 1988 sur les boîtes
d'allumettes de la chaîne de grands magasins anglaise Z.________ .
Ultérieurement, elles ont été éditées et commercialisées par la propre
société du demandeur sous forme de cartes postales dénommées "V".

En 1988, A.________ a été récompensé pour sa création par
l'"International
Gold Award for packaging design", distinction conférée par le New
York Art
Directors Club. Ses dessins ont été reproduits la même année dans la
revue
internationale de la communication visuelle Graphis, publiée à
Zurich, avec
la mention du nom de l'intéressé en tant que "Illustrator".

A.b Au début 1994, X.________ SA (ci-après: la défenderesse) a confié
au
bureau de graphistes B.________ & Associés (ci-après: le bureau de
graphistes), qui était spécialisé dans la muséographie, la création
d'un
logotype pour X.________ SA, laquelle a ouvert ses portes en mars
1995 et
présenté depuis lors une collection de voitures anciennes dans les
locaux du
Palais des expositions (Palexpo), non loin de l'aéroport de
Genève-Cointrin.
Le graphiste C.________ a élaboré le logo, approuvé par B.________ ;
le
logotype a été utilisé par X.________ SA dès la fin de l'année 1994
sur tous
les supports relatifs à ses activités (papier à lettres, cartes
postales,
affiches, enseignes).

A.c En février 1999, A.________ , de passage à Genève, a eu son
attention
attirée par les affiches de X.________ SA, dont le logo lui est apparu
identique à son dessin reproduit sur les boîtes d'allumettes des
magasins
Z.________ . De retour en Grande-Bretagne, A.________ , par courrier
de son
avocat du 29 avril 1999 rédigé en anglais, a invité X.________ SA à
s'abstenir d'utiliser le logotype, dans la mesure où il représentait
l'oeuvre
qu'il avait créée en 1987, et à fournir toutes indications quant à
l'origine
et aux modalités de création et de reproduction du logo. Le 18
octobre 1999,
X.________ SA a contesté formellement avoir imité l'oeuvre d'un
tiers, sans
fournir à A.________ les références du créateur du logo.

B.
B.aLe 27 mars 2001, A.________ a déposé devant la Cour de justice du
canton
de Genève, à l'encontre de X.________ SA, une action en exécution au
sens de
l'art. 62 de la loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur
et les
droits voisins (LDA; RS 231.1), lui reprochant d'utiliser sans droit
son
oeuvre dans le cadre de ses activités commerciales. Il a fait valoir
que son
dessin est protégé par le droit d'auteur et que les éléments
essentiels de
son oeuvre ont été repris tels quels dans le logotype, à l'envers par
un
effet de miroir, de sorte qu'ils apparaissent identiques lorsque le
calque du
logo et celui du dessin original sont juxtaposés. Le demandeur a
conclu à la
reconnaissance de la reproduction illicite de son dessin, à
l'interdiction de
l'utiliser et à la confiscation des supports, objets et/ou documents
sur
lesquels la reproduction de son oeuvre a été apposée. Requérant en
outre la
remise des informations nécessaires à calculer le montant d'éventuels
dommages-intérêts ou la rétrocession de bénéfices, A.________ a
déclaré
introduire une action échelonnée (Stufenklage) en se réservant de
chiffrer
ultérieurement ses prétentions en dommages-intérêts.

La défenderesse a conclu à libération. Elle a invoqué sa bonne foi,
exposant
avoir confié la création du logotype à une entreprise d'excellente
réputation
spécialisée dans la muséographie. A sa connaissance, l'auteur du logo,
C.________, ne s'est pas inspiré de l'oeuvre du demandeur, dont il
n'avait
pas eu connaissance. X.________ SA a prétendu que le logo incriminé
et le
dessin du demandeur étaient des "créations parallèles", conçues de
manière
indépendante, qui devaient toutes deux être protégées par le droit
d'auteur.
A supposer que le logotype puisse être qualifié d'oeuvre dérivée, il
conviendrait de relever que les particularités du dessin de
A.________ sont
tombées dans le domaine public, si bien que ce dernier ne saurait
invoquer le
bénéfice du droit d'auteur.

En cours de procédure, la défenderesse a produit un classeur
comprenant plus
de deux cents pièces retraçant l'évolution de la création du logo au
sein du
bureau de graphistes (pièce 25 du chargé de la défenderesse).

Les parties ont été appelées à se déterminer sur ce document dans le
cadre
d'un deuxième échange d'écritures.

Le demandeur a ainsi relevé que la défenderesse avait échangé des
courriers
avec le bureau de graphistes pendant environ six mois. Il a souligné
qu'après
un désaccord total sur le concept même du logo, apparu en octobre
1994, le
logotype définitif avait été adopté au mois de décembre 1994, sans
que de la
correspondance ait été échangée à propos de la genèse du projet
retenu; une
coupure de presse présentait bien l'image d'une voiture Jaguar XK 120
de face
et de profil, mais elle ne revêtait, a poursuivi A.________ , aucune
des
caractéristiques du logo qu'il a créé (mise en perspective "oeil de
poisson",
forme originale de la courbe de l'aile de la voiture, ombre portée au
sol,
calandre surélevée et arrondie). Le demandeur a allégué que la pièce
25/11 de
la défenderesse (ci-après: pièce 25/11) est un calque, qui n'est que
la copie
conforme de son dessin (pièce 28 du demandeur, ci-après: pièce 28),
comme
l'atteste la superposition des deux images et le confirme un rapport
d'expertise privée établi à sa demande par un graphiste de l'Ecole
des Arts
appliqués de Genève.

Pour sa part, la défenderesse a exposé que les pièces produites,
qu'elle a
reçues de la veuve de B.________ , illustraient la démarche adoptée
par le
graphiste C.________ . Les principales sources d'inspiration de ce
dernier
provenaient de diverses publicités automobiles des années 1920/1930
que
X.________ SA lui avait remises. Le logotype n'avait rien "d'un calque
servile parachuté au sein de projets plus étudiés", mais représentait
le
résultat d'études, de croquis, de dessins et de recherches, placés
sans ordre
chronologique dans le classeur précité dans la mesure où l'auteur du
logotype
avait travaillé sur des feuilles volantes. La défenderesse a prétendu
que la
superposition de certains calques (pièces 25/11 et 25/12 de la
défenderesse)
sur le dessin du demandeur révélait des erreurs de reproduction
grossières,
incompatibles avec la thèse de la copie. De toute manière, le logo
finalement
adopté par X.________ SA, lequel ne serait pas très original, voire
"quasiment générique", résulterait d'un processus de création
parallèle, qui
"garant(it) à l'artiste de créer en toute liberté, dans un
environnement
d'oeuvres antérieures dont il n'a pas eu connaissance".

B.b Entendu comme témoin, C.________ a confirmé qu'il avait soumis à
l'ancien
administrateur de la défenderesse divers concepts qui n'avaient pas
convenu à
ce dernier, avant d'axer ses esquisses sur des affiches de voitures
des
années 1920/1930, caractérisées par une représentation en
contre-plongée avec
des perpectives exagérées. Il ne s'était inspiré d'aucune
illustration du
demandeur, dont le nom lui était alors inconnu. Il a toutefois admis
qu'il
consultait la revue internationale Graphis. Prétendant avoir décalqué
la
pièce 25/11 à partir d'une étude qu'il avait faite, dont il a concédé
n'avoir
pas retrouvé trace dans le classeur (pièce 25 de la défenderesse), il
a
reconnu être surpris par la similitude entre les pièces 25/11 et 28.

B.c En réplique, le demandeur a chiffré à un minimum de 100 000 fr. le
montant des dommages-intérêts auquel il prétend, lequel correspond à
la
rémunération qu'il aurait perçue pour créer un tel logotype pour une
société
("corporate image"), somme à laquelle il fallait ajouter les revenus
tirés de
la cession du droit d'utilisation ou de la vente du droit d'auteur.

B.d Par arrêt du 14 février 2003, la Chambre civile de la Cour de
justice du
canton de Genève a constaté le caractère illicite de l'atteinte subie
par le
demandeur et fait interdiction à la défenderesse d'utiliser sous
toutes les
formes les représentations graphiques de l'oeuvre originale de
A.________ et
de sa forme modifiée. Elle a rejeté toutes les autres conclusions des
parties.

Après avoir admis que le demandeur était toujours titulaire des droits
d'auteur sur ses oeuvres et qu'il avait donc la qualité pour agir, la
cour
cantonale a jugé que le dessin de l'intéressé disposait du degré
d'individualité nécessaire pour être protégé par le droit d'auteur.
Elle a
considéré que le dessin du demandeur et le logotype de la défenderesse
étaient quasiment similaires, la seule particularité du logo étant
d'être
inversé, grâce à un effet de miroir, par rapport au dessin; à cela
s'ajoutait
qu'il y avait encore une identité troublante en ce qui concernait les
formes
et dimensions respectives du dessin et du logotype, tel qu'il
apparaissait
sur le calque de C.________ agréé par X.________ SA. La Cour de
justice en a
déduit que le logo constituait une reproduction illicite de l'oeuvre
du
demandeur. Elle a donc fait droit à l'action en exécution de
celui-ci, fondée
sur l'art. 62 LDA, notamment en interdisant à la défenderesse
d'utiliser son
logo sur ses supports publicitaires. A propos des prétentions du
demandeur en
dommages-intérêts et en réparation du tort moral, l'autorité
cantonale a
considéré que A.________ n'avait pas établi que la défenderesse ait
adopté en
l'occurrence un comportement fautif, que rien ne permettait de mettre
en
doute la bonne foi de celle-ci et que l'usurpation de l'oeuvre du
demandeur
était le fait de C.________, employé du bureau de graphistes, lequel
n'était
pas intervenu en qualité d'auxiliaire de X.________ SA au sens de
l'art. 101
CO et encore moins en qualité de préposé de cette institution (cf.
art. 55
CO), de sorte que l'acte illicite de l'employé en cause n'était pas
opposable
à la défenderesse. En ce qui concernait l'action en remise du gain
selon les
dispositions de la gestion d'affaires (art. 423 CO), les magistrats
genevois
ont retenu que, puisque la mauvaise foi de X.________ SA n'avait pas
été
établie, la prétention devait être rejetée ipso facto.

C.
Parallèlement à un recours en réforme, X.________ SA forme un recours
de
droit public contre l'arrêt précité. Faisant valoir que la cour
cantonale
s'est livrée à une interprétation arbitraire des preuves qui lui ont
été
soumises, la défenderesse conclut à l'annulation de l'arrêt précité.

L'intimé conclut au rejet du recours dans la mesure de sa
recevabilité.

L'autorité cantonale se réfère aux considérants de sa décision.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Conformément à la règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ, il y a
lieu de
statuer d'abord sur le recours de droit public.

1.2 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre
une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des
citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ).
Le jugement rendu par la cour cantonale, qui est final, n'est
susceptible
d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal dans la
mesure
où la recourante invoque la violation directe d'un droit de rang
constitutionnel, de sorte que la règle de la subsidiarité du recours
de droit
public est respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). En revanche, si
la
recourante soulève une question relevant de l'application du droit
fédéral,
le grief n'est pas recevable, parce qu'il pouvait faire l'objet d'un
recours
en réforme (art. 43 al. 1 et 84 al. 2 OJ).
La recourante est personnellement touchée par la décision attaquée,
qui la
déboute presque entièrement de ses conclusions libératoires, de sorte
qu'elle
a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette
décision n'ait pas été prise en violation de ses droits
constitutionnels; en
conséquence, elle a qualité pour recourir (art. 88 OJ).

1.3 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine
que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans
l'acte
de recours (art.
90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 113 consid. 2.1; 128
III 50
consid. 1c et les arrêts cités, p. 53/54).

2.
2.1Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un
principe
juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa
motivation
soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse
arbitraire dans
son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la
solution
retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction
manifeste
avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en
violation d'un
droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre
solution
paraît également concevable, voire même préférable (ATF 129 I 8
consid. 2.1;
128 I 81 consid. 2 p. 86, 177 consid. 2.1 p. 182, 273 consid. 2.1;
128 II 259
consid. 5 p. 280/281).

2.2 En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des
faits,
l'autorité fait montre d'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en
compte, sans
raison sérieuse, un moyen de preuve propre à modifier la décision,
lorsqu'elle se trompe manifestement sur le sens et la portée d'un tel
élément, ou encore lorsqu'elle tire des déductions insoutenables à
partir des
éléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 127 I 38 consid. 2a p.
41; 124
I 208 consid. 4a). Le grief tiré de l'appréciation arbitraire des
preuves ne
peut être pris en considération que si son admission est de nature à
modifier
le sort du litige, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il vise une
constatation de
fait n'ayant aucune incidence sur l'application du droit.

3.
3.1A l'appui de son premier moyen, la recourante fait valoir que la
série de
cartes postales "V", comportant notamment la reproduction du dessin du
demandeur (pièce 28 du demandeur), a été éditée en 2000, de sorte que
le
graphiste C.________ ne pouvait pas avoir copié ledit dessin
lorsqu'il a créé
le logotype en 1994. Réitérant son propos sur près de quatre pages
(p. 12 -
15 du recours), elle en déduit que la cour cantonale, qui a admis
l'action en
exécution du demandeur sur la base des similitudes entres les pièces
25/11 de
la défenderesse et le dessin de A.________ (pièce 28), doit se voir
reprocher
"une carence inexplicable ... ou une appréciation délibérément
arbitraire des
preuves".

3.2 L'autorité cantonale a retenu, sans que l'arbitraire soit
invoqué, que
l'intimé a réalisé dans le courant de l'année 1987 la série de six
images
représentant, dans le style entre-deux-guerres, différents moyens de
transport, dont une automobile inspirée du modèle Jaguar XK 120 ou 150
Roadstar. Tous ces dessins ont été reproduits en 1988 dans la revue
internationale de la communication visuelle Graphis, éditée à Zurich.
Il
appert donc clairement que dès 1988 l'ensemble des images avait été
divulgué
et que notamment le dessin du demandeur, qui figure dans son chargé
de pièces
sous la forme d'une carte postale (pièce 28), était désormais
accessible au
public.

Les magistrats genevois ont encore retenu les faits non contestés
suivants, à
savoir que, toujours en 1988, les six images avaient été imprimées
sur des
boîtes d'allumettes d'une chaîne de grands magasins britannique et
que,
"ultérieurement" (c'est le Tribunal fédéral qui souligne), elles
avaient été
éditées et commercialisées par la société Y.________ Ltd., créée par
l'intimé
en Angleterre, sous la forme de cartes postales dites "V".

On voit donc que l'autorité cantonale n'a nullement ignoré
l'existence des
cartes postales "V". La recourante fait toutefois valoir qu'elles ont
été
publiées en 2000, si bien que le graphiste C.________, qui a élaboré
le
logotype six ans auparavant, n'a pas pu s'en inspirer.

La précision apportée par la défenderesse est dénuée de toute
pertinence. En
effet, il est admis que le dessin d'automobile conçu par le
demandeur, lequel
figure tel quel sur la série de cartes postales "V", a été reproduit
en 1988
dans la revue internationale Graphis. C.________, qui a reconnu qu'il
consultait la revue précitée, a donc parfaitement pu avoir
connaissance de ce
dessin en 1994, période où le bureau de graphistes l'avait chargé de
réaliser
le logo de X.________ SA. Il n'y avait en tout cas rien
d'insoutenable pour
la cour cantonale à retenir que C.________ avait été à même en 1994 de
travailler à partir du dessin de l'intimé. L'appréciation des preuves
opérée
par la Cour de justice n'est certainement pas arbitraire dans son
résultat.

4.
4.1Dans un deuxième moyen, la recourante allègue qu'avant sa
publication sous
forme de cartes postales, le dessin du demandeur n'avait été diffusé
qu'à
deux reprises, soit sur des boîtes d'allumettes et dans la revue
Graphis. Or,
les dimensions de ces deux premières diffusions sont plus petites que
celles
de la carte postale "V", laquelle est la seule à correspondre, par son
format, au logotype de X.________ SA représenté sur la pièce 25/11. La
défenderesse en conclut que dès l'instant où il n'aurait pas été
retenu que
C.________ ait copié le dessin reproduit sur les boîtes d'allumettes
en 1988
et publié dans la revue Graphis la même année, la pièce 25/11 de la
défenderesse ne peut pas être le calque de l'oeuvre du demandeur.

4.2 Le moyen, à supposer qu'il réponde aux exigences de motivation de
l'art.
90 al. 1 let. b OJ, fait totalement fi de la notion d'oeuvre ancrée à
l'art.
2 LDA. De fait, pour être protégée, une oeuvre doit être une création
de
l'esprit dans les domaines de l'art et de la littérature,
c'est-à-dire une
expression de la pensée humaine, laquelle se distingue par son
originalité
(cf. not. Kamen Troller, Précis du droit suisse des biens
immatériels, p.
124- 126). L'oeuvre est autrement dit le résultat d'un travail
intellectuel
ayant son cachet propre ou exprimant une nouvelle idée originale (ATF
125 III
328 consid. 4b; 116 II 351 consid. 2b et les références). La
circonstance
qu'une création qualifiée d'oeuvre en droit d'auteur soit reproduite
dans un
format plus grand ou, au contraire, dans des dimensions réduites, ne
change
rien à sa nature: c'est toujours la même oeuvre qui est publiée.

Il est donc sans importance, pour décider s'il y a eu copie servile
du dessin
du demandeur, que la pièce 25/11 - soit le calque ayant donné lieu à
l'adoption du logotype de la recourante - ait des dimensions
supérieures au
dessin de voiture créé par l'intimé en 1987, tel qu'il figurait en
1988 sur
les boîtes d'allumettes du magasin Z.________ et tel qu'il a été
publié à la
même époque dans la revue Graphis.

5.
La défenderesse prétend que la cour cantonale n'a arbitrairement pas
accordé
foi aux déclarations du témoin assermenté C.________, qui a nié avoir
copié
le dessin de l'intimé.

La critique est sans fondement. C.________ a été incapable de
présenter, au
cours des enquêtes, les esquisses ou les études qu'il aurait
successivement
réalisées avant de créer le logo de la défenderesse. S'il a certes
exposé ne
s'être inspiré d'aucune illustration émanant du demandeur, il a
reconnu
consulter dans son travail la revue Graphis. Admettant la grande
similitude
entre le dessin de l'intimé et la pièce 25/11, il a attribué cette
ressemblance au seul hasard.

L'autorité cantonale n'a donc pas fait montre d'arbitraire en ne
donnant pas
crédit à la déposition de C.________, du moment qu'un faisceau
d'indices -
qu'aucune circonstance n'est venue neutraliser - tendaient à
confirmer que le
prénommé avait simplement copié une oeuvre, en l'occurrence le dessin
du
demandeur, sans procéder lui-même à des essais préparatoires.

6.
La recourante soutient enfin que la postérité de la pièce 28 du
demandeur par
rapport à la pièce 25/11 de la défenderesse aurait été admise par
l'intimé au
cours de l'audience qui s'est tenue le 1er octobre 2002.

Comme on l'a vu au considérant 3 ci-dessus, l'année de publication
des cartes
postales "V" n'a aucune incidence pour l'application du droit
matériel. Il a
en effet été retenu - sans que la défenderesse ne se prévale
d'arbitraire à
ce propos - que C.________ consultait la revue Graphis et que le
dessin du
demandeur avait été reproduit dans ce périodique en 1988,
c'est-à-dire six
ans avant que ce dessinateur ait été chargé par le bureau B.________ &
Associés d'élaborer le logotype de X.________ SA.

Le grief n'a aucune consistance.

7.
Il suit de là que le recours doit être rejeté. La recourante, qui
succombe,
paiera donc l'émolument de justice et versera des dépens à l'intimé
(art. 156
al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 6000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 17 juillet 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.55/2003
Date de la décision : 17/07/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-17;4p.55.2003 ?
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