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17/07/2003 | SUISSE | N°4C.101/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 juillet 2003, 4C.101/2003


{T 0/2}
4C.101/2003 /ech

Arrêt du 17 juillet 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Walter, Klett, Nyffeler et
Favre.
Greffier: M. Ramelet.

A. ________,
demandeur, recourant et intimé, représenté par Me Philippe Prost,
avocat, rue
du Rhône 61, case postale 3127, 1211 Genève 3,

contre

X.________ SA,
défenderesse, recourante et intimée, représentée par Me Nicolas
Gagnebin,
avocat, rue Saint-Laurent 2, 1207 Genève.

droit d'auteur,

recours

en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 14 février 2003.

Faits:

...

{T 0/2}
4C.101/2003 /ech

Arrêt du 17 juillet 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Walter, Klett, Nyffeler et
Favre.
Greffier: M. Ramelet.

A. ________,
demandeur, recourant et intimé, représenté par Me Philippe Prost,
avocat, rue
du Rhône 61, case postale 3127, 1211 Genève 3,

contre

X.________ SA,
défenderesse, recourante et intimée, représentée par Me Nicolas
Gagnebin,
avocat, rue Saint-Laurent 2, 1207 Genève.

droit d'auteur,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 14 février 2003.

Faits:

A.
A.a A.________ (ci-après: le demandeur), qui réside au Royaume-Uni,
exerce la
profession de dessinateur au sein de la société Y.________ Ltd. qu'il
a créée
en Angleterre. En 1987, il a réalisé pour une agence de design de
Londres une
série de six images originales illustrant, dans le style des années
trente,
divers moyens de transport. Au nombre de ces images figurait en
particulier
la représentation d'une automobile (ci-après: le dessin); pour
effectuer ce
travail, A.________ s'est notamment inspiré du modèle Jaguar XK 120
ou 150
Roadstar.

A. ________ a perçu environ 15 000 £ pour la réalisation de
l'ensemble de ces
dessins. Les six images ont été reproduites en 1988 sur les boîtes
d'allumettes de la chaîne de grands magasins anglaise Z.________.
Ultérieurement, elles ont été éditées et commercialisées par la propre
société du demandeur sous forme de cartes postales dénommées "V".

En 1988, A.________ a été récompensé pour sa création par
l'"International
Gold Award for packaging design", distinction conférée par le New
York Art
Directors Club. Ses dessins ont été reproduits la même année dans la
revue
internationale de la communication visuelle Graphis, publiée à
Zurich, avec
la mention du nom de l'intéressé en tant que "Illustrator".

A.b Au début 1994, X.________ SA (ci-après: la défenderesse) a confié
au
bureau de graphistes B.________ & Associés (ci-après: le bureau de
graphistes), qui était spécialisé dans la muséographie, la création
d'un
logotype pour X.________ SA, laquelle a ouvert ses portes en mars
1995 et
présenté depuis lors une collection de voitures anciennes dans les
locaux du
Palais des expositions (Palexpo), non loin de l'aéroport de
Genève-Cointrin.
Le graphiste C.________ a élaboré le logo, approuvé par B.________; le
logotype a été utilisé par X.________ SA dès la fin de l'année 1994
sur tous
les supports relatifs à ses activités (papier à lettres, cartes
postales,
affiches, enseignes).

A.c En février 1999, A.________, de passage à Genève, a eu son
attention
attirée par les affiches X.________ SA, dont le logo lui est apparu
identique
à son dessin reproduit sur les boîtes d'allumettes des magasins
Z.________.
De retour en Grande-Bretagne, A.________, par courrier de son avocat
du 29
avril 1999 rédigé en anglais, a invité X.________ SA à s'abstenir
d'utiliser
le logotype, dans la mesure où il représentait l'oeuvre qu'il avait
créée en
1987, et à fournir toutes indications quant à l'origine et aux
modalités de
création et de reproduction du logo. Le 18 octobre 1999, X.________
SA a
contesté formellement avoir imité l'oeuvre d'un tiers, sans fournir à
A.________ les références du créateur du logo.

B.
B.aLe 27 mars 2001, A.________ a déposé devant la Cour de justice du
canton
de Genève, à l'encontre X.________ SA, une action en exécution au
sens de
l'art. 62 de la loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur
et les
droits voisins (LDA; RS 231.1), lui reprochant d'utiliser sans droit
son
oeuvre dans le cadre de ses activités commerciales. Il a fait valoir
que son
dessin est protégé par le droit d'auteur et que les éléments
essentiels de
son oeuvre ont été repris tels quels dans le logotype, à l'envers par
un
effet de miroir, de sorte qu'ils apparaissent identiques lorsque le
calque du
logo et celui du dessin original sont juxtaposés. Le demandeur a
conclu à la
reconnaissance de la reproduction illicite de son dessin, à
l'interdiction de
l'utiliser et à la confiscation des supports, objets et/ou documents
sur
lesquels la reproduction de son oeuvre a été apposée. Requérant en
outre la
remise des informations nécessaires à calculer le montant d'éventuels
dommages-intérêts ou la rétrocession de bénéfices, A.________ a
déclaré
introduire une action échelonnée (Stufenklage) en se réservant de
chiffrer
ultérieurement ses prétentions en dommages-intérêts.

La défenderesse a conclu à libération. Elle a invoqué sa bonne foi,
exposant
avoir confié la création du logotype à une entreprise d'excellente
réputation
spécialisée dans la muséographie. A sa connaissance, l'auteur du logo,
C.________, ne s'est pas inspiré de l'oeuvre du demandeur, dont il
n'avait
pas eu connaissance. X.________ SA a prétendu que le logo incriminé
et le
dessin du demandeur étaient des "créations parallèles", conçues de
manière
indépendante, qui devaient toutes deux être protégées par le droit
d'auteur.
A supposer que le logotype puisse être qualifié d'oeuvre dérivée, il
conviendrait de relever que les particularités du dessin de
A.________ sont
tombées dans le domaine public, si bien que ce dernier ne saurait
invoquer le
bénéfice du droit d'auteur.

En cours de procédure, la défenderesse a produit un classeur
comprenant plus
de deux cents pièces retraçant l'évolution de la création du logo au
sein du
bureau de graphistes (pièce 25 du chargé de la défenderesse).

Les parties ont été appelées à se déterminer sur ce document dans le
cadre
d'un deuxième échange d'écritures.

Le demandeur a ainsi relevé que la défenderesse avait échangé des
courriers
avec le bureau de graphistes pendant environ six mois. Il a souligné
qu'après
un désaccord total sur le concept même du logo, apparu en octobre
1994, le
logotype définitif avait été adopté au mois de décembre 1994, sans
que de la
correspondance ait été échangée à propos de la genèse du projet
retenu; une
coupure de presse présentait bien l'image d'une voiture Jaguar XK 120
de face
et de profil, mais elle ne revêtait, a poursuivi A.________, aucune
des
caractéristiques du logo qu'il a créé (mise en perspective "oeil de
poisson",
forme originale de la courbe de l'aile de la voiture, ombre portée au
sol,
calandre surélevée et arrondie). Le demandeur a allégué que la pièce
25/11 de
la défenderesse (ci-après: pièce 25/11) est un calque, qui n'est que
la copie
conforme de son dessin (pièce 28 du demandeur, ci-après: pièce 28),
comme
l'atteste la superposition des deux images et le confirme un rapport
d'expertise privée établi à sa demande par un graphiste de l'Ecole
des Arts
appliqués de Genève.

Pour sa part, la défenderesse a exposé que les pièces produites,
qu'elle a
reçues de la veuve de B.________, illustraient la démarche adoptée
par le
graphiste C.________. Les principales sources d'inspiration de ce
dernier
provenaient de diverses publicités automobiles des années 1920/1930
que
X.________ SA lui avait remises. Le logotype n'avait rien "d'un calque
servile parachuté au sein de projets plus étudiés", mais représentait
le
résultat d'études, de croquis, de dessins et de recherches, placés
sans ordre
chronologique dans le classeur précité dans la mesure où l'auteur du
logotype
avait travaillé sur des feuilles volantes. La défenderesse a prétendu
que la
superposition de certains calques (pièces 25/11 et 25/12 de la
défenderesse)
sur le dessin du demandeur révélait des erreurs de reproduction
grossières,
incompatibles avec la thèse de la copie. De toute manière, le logo
finalement
adopté par X.________ SA, lequel ne serait pas très original, voire
"quasiment générique", résulterait d'un processus de création
parallèle, qui
"garant(it) à l'artiste de créer en toute liberté, dans un
environnement
d'oeuvres antérieures dont il n'a pas eu connaissance".

B.b Entendu comme témoin, C.________ a confirmé qu'il avait soumis à
l'ancien
administrateur de la défenderesse divers concepts qui n'avaient pas
convenu à
ce dernier, avant d'axer ses esquisses sur des affiches de voitures
des
années 1920/1930, caractérisées par une représentation en
contre-plongée avec
des perpectives exagérées. Il ne s'était inspiré d'aucune
illustration du
demandeur, dont le nom lui était alors inconnu. Il a toutefois admis
qu'il
consultait la revue internationale Graphis. Prétendant avoir décalqué
la
pièce 25/11 à partir d'une étude qu'il avait faite, dont il a concédé
n'avoir
pas retrouvé trace dans le classeur (pièce 25 de la défenderesse), il
a
reconnu être surpris par la similitude entre les pièces 25/11 et 28.

B.c En réplique, le demandeur a chiffré à un minimum de 100 000 fr. le
montant des dommages-intérêts auquel il prétend, lequel correspond à
la
rémunération qu'il aurait perçue pour créer un tel logotype pour une
société
("corporate image"), somme à laquelle il fallait ajouter les revenus
tirés de
la cession du droit d'utilisation ou de la vente du droit d'auteur.

B.d Par arrêt du 14 février 2003, la Chambre civile de la Cour de
justice du
canton de Genève a constaté le caractère illicite de l'atteinte subie
par le
demandeur et fait interdiction à la défenderesse d'utiliser sous
toutes les
formes les représentations graphiques de l'oeuvre originale de
A.________ et
de sa forme modifiée. Elle a rejeté toutes les autres conclusions des
parties.
Après avoir admis que le demandeur était toujours titulaire des droits
d'auteur sur ses oeuvres et qu'il avait donc la qualité pour agir, la
cour
cantonale a jugé que le dessin de l'intéressé disposait du degré
d'individualité nécessaire pour être protégé par le droit d'auteur.
Elle a
considéré que le dessin du demandeur et le logotype de la défenderesse
étaient quasiment similaires, la seule particularité du logo étant
d'être
inversé, grâce à un effet de miroir, par rapport au dessin; à cela
s'ajoutait
qu'il y avait encore une identité troublante en ce qui concernait les
formes
et dimensions respectives du dessin et du logotype, tel qu'il
apparaissait
sur le calque de C.________ agréé par X.________ SA. La Cour de
justice en a
déduit que le logo constituait une reproduction illicite de l'oeuvre
du
demandeur. Elle a donc fait droit à l'action en exécution de
celui-ci, fondée
sur l'art. 62 LDA, notamment en interdisant à la défenderesse
d'utiliser son
logo sur ses supports publicitaires. A propos des prétentions du
demandeur en
dommages-intérêts et en réparation du tort moral, l'autorité
cantonale a
considéré que A.________ n'avait pas établi que la défenderesse ait
adopté en
l'occurrence un comportement fautif, que rien ne permettait de mettre
en
doute la bonne foi de celle-ci et que l'usurpation de l'oeuvre du
demandeur
était le fait de C.________, employé du bureau de graphistes, lequel
n'était
pas intervenu en qualité d'auxiliaire X.________ SA au sens de l'art.
101 CO
et encore moins en qualité de préposé de cette institution (cf. art.
55 CO),
de sorte que l'acte illicite de l'employé en cause n'était pas
opposable à la
défenderesse. En ce qui concernait l'action en remise du gain selon
les
dispositions de la gestion d'affaires (art. 423 CO), les magistrats
genevois
ont retenu que, puisque la mauvaise foi X.________ SA n'avait pas été
établie, la prétention devait être rejetée ipso facto.

C.
Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté par arrêt
de ce
jour, la défenderesse exerce un recours en réforme au Tribunal
fédéral. Elle
conclut principalement au déboutement du demandeur. A titre
subsidiaire, elle
requiert le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle
décision,
cette autorité étant invitée à compléter ses constatations de fait
dans le
sens des considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral.

Le demandeur propose le rejet du recours de la défenderesse dans la
mesure de
sa recevabilité. Il exerce également un recours en réforme contre
l'arrêt
précité de la Cour de justice. Il conclut à ce que la juridiction
fédérale
confirme l'arrêt déféré en tant qu'il a constaté le caractère
illicite de
l'atteinte subie, qu'il a fait interdiction à la défenderesse de
reproduire
ou faire reproduire, d'offrir ou faire offrir et d'assurer la
distribution ou
de confier la distribution en Suisse des représentations graphiques de
l'oeuvre originale du demandeur et de sa forme modifiée. Cela fait, il
requiert que le Tribunal fédéral renvoie la cause à l'autorité
cantonale aux
fins d'instruire l'action échelonnée en reddition de compte des gains
réalisés et le montant des dommages-intérêts dus au demandeur.

La défenderesse conclut à l'irrecevabilité du recours en réforme du
demandeur, subsidiairement à son rejet.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Les deux recours en réforme concernent des faits de même nature et
sont
dirigés contre la même décision, si bien qu'il se justifie de les
réunir et
de les liquider dans un seul arrêt (ATF 120 V 463 consid. 1;
Jean-François
Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire,
tome I, n.
2 ad art. 40 OJ, p. 343 s.).

2.
2.1Interjetés par la défenderesse, qui a partiellement succombé dans
ses
conclusions libératoires, et par le demandeur, qui a été débouté de
ses
conclusions en dommages-intérêts, et dirigés contre un jugement final

rendu
en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al.
1 OJ)
sur une contestation civile relative à la propriété littéraire et
artistique
pour laquelle la voie de la réforme est ouverte sans égard à la valeur
litigieuse (art. 45 let. a OJ), les deux recours sont en principe
recevables,
puisqu'ils ont été déposés en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les
formes
requises (art. 55 OJ).

2.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral
(art. 43
al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation
directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la
violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant
sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter
les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127
III 248
ibidem). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de
fait qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir avec
précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il
n'est pas
possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut
être
présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou
de moyens
de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas
ouvert
pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations
de fait
qui en découlent (ATF 127 III 543 consid. 2c; 126 III 189 consid. 2a;
125 III
78 consid. 3a).
Le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des
parties (qui
ne peuvent en prendre de nouvelles: art. 55 al. 1 let. b OJ), mais il
n'est
pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al.
3 OJ;
ATF 128 III 22 consid. 2e/cc in fine; 127 III 248 consid. 2c; 126 III
59
consid. 2a).

2.3 Le présent litige contient un élément d'extranéité dès lors que le
demandeur, qui requiert en Suisse la protection de l'oeuvre qu'il a
créée au
Royaume-Uni, est domicilié dans cet Etat et que la défenderesse a son
siège
en Suisse.

L'art. 109 LDIP détermine la compétence internationale des tribunaux
suisses
pour connaître des actions ayant trait aux droits de propriété
intellectuelle. Selon l'al. 1er, 1ère phrase, de cette norme, sont
compétents
pour connaître des actions portant sur la violation des droits de
propriété
intellectuelle les tribunaux suisses du domicile du défendeur ou, à
défaut de
domicile, ceux du lieu où la protection est invoquée. Le juge suisse
du
domicile du défendeur est compétent, quel que soit le lieu de la
violation du
droit; il n'importe que le droit violé soit suisse ou étranger (cf.
Bernard
Dutoit, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 3e éd.,
n. 6 ad
art. 109 LDIP, p. 315).

In casu, la défenderesse ayant son siège en Suisse, lequel vaut
domicile
(art. 21 al. 1 LDIP), les tribunaux suisses sont compétents à raison
du lieu.

Recours en réforme de la défenderesse

3.
3.1 A l'appui de son premier moyen, X.________ SA fait valoir que
l'arrêt
cantonal est fondé sur une inadvertance manifeste dans la
constatation des
faits au sens de l'art. 63 al. 2 OJ. Les juges cantonaux n'auraient
pas vu,
par mégarde, que la pièce 28 du demandeur (la carte postale "V") était
postérieure de six ans à la pièce 25/11 de la défenderesse (le calque
définitif résultant des travaux du graphiste C.________), puisque les
cartes
postales "V" avaient été éditées en 2000. Cette inadvertance
manifeste aurait
exercé une influence sur le dispositif de l'arrêt critiqué, car, si
la cour
cantonale ne l'avait pas commise, elle aurait accordé foi à la
déposition du
témoin C.________ et jugé que l'oeuvre du demandeur n'avait pas été
copiée.

3.2 Il y a inadvertance manifeste lorsque l'autorité cantonale, par
une
simple inattention, a dressé un état de fait qui ne correspond
manifestement
pas au résultat de l'administration des preuves. Tel est notamment le
cas si
l'autorité cantonale a omis de prendre connaissance d'une pièce, l'a
mal lue
ou mal comprise par une simple inadvertance; il ne suffit pas qu'elle
ait mal
apprécié les preuves (Bernard Corboz, Le recours en réforme au
Tribunal
fédéral, SJ 2000 II p. 66; ATF 115 II 399 consid. 2a; 109 II 159
consid. 2b).
Cela étant, l'inadvertance doit être causale, c'est-à-dire porter sur
une
constatation qui peut influer sur le sort du recours (Jean-François
Poudret,
op. cit., tome II, n. 1.6.2 in fine ad art. 55 OJ et n. 5.1 ad art.
63 OJ;
Georg Messmer/Hermann Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in
Zivilsachen, ch. 100, p. 138).

3.3 Sur la base d'une appréciation des preuves qui a été considérée
comme non
arbitraire en instance de recours de droit public, la Cour de justice,
écartant les dénégations du graphiste C.________, est parvenue à la
conviction que ce dernier n'avait pas modifié l'oeuvre du demandeur
dans une
mesure telle que sa création aurait acquis le statut de création
parallèle,
mais qu'il l'avait purement et simplement plagiée.

L'autorité cantonale n'a nullement ignoré que les cartes postales
avaient été
réalisées "ultérieurement" à la publication en 1988 dans la revue
internationale Graphis du dessin de l'intimé. Dès l'instant où le
témoin
C.________ a expressément reconnu qu'il consultait la publication
précitée,
la circonstance que les cartes postales "V" ont été éditées en 2000
n'exerce
aucune incidence sur l'issue du litige puisqu'il a été retenu en fait
que le
prénommé avait copié en 1994 l'oeuvre de A.________, laquelle était
accessible au public depuis six ans. L'autorité cantonale n'a donc
commis
aucune inadvertance manifeste. La critique est privée de consistance.

4.
4.1La défenderesse revient à la charge en requérant le Tribunal
fédéral de
faire application de l'art. 64 al. 1 OJ. A suivre X.________ SA, faute
d'avoir constaté la postériorité des cartes postales "V",
représentant le
dessin du demandeur, par rapport au calque définitif élaboré par
C.________
(pièce 25/11 de la défenderesse), l'arrêt attaqué contiendrait une
lacune
portant sur un élément de fait capital à la compréhension de la cause.

4.2 L'art. 64 OJ est conçu pour l'hypothèse où, généralement du fait
d'une
analyse juridique erronée, la cour cantonale n'a pas tenu compte de
certains
faits parce qu'elle n'en a pas saisi la pertinence. Cette disposition
s'applique ainsi toutes les fois qu'il est nécessaire de compléter les
constatations de fait pour pouvoir statuer sur un recours en réforme,
c'est-à-dire pour trancher les questions de droit posées par celui-ci
et par
les moyens libératoires de l'intimé (arrêt 4C. 152/2002 du 22 juillet
2002,
consid. 1.3.3; Poudret, op. cit., tome II, n. 1.3 ad art. 64 OJ).
L'application de l'art. 64 al. 1 OJ suppose qu'en raison de l'absence
d'une
constatation décisive, la cause ne soit pas en état d'être jugée par
le
Tribunal fédéral (ATF 123 III 367 consid. 4b; Poudret, op. cit., tome
II, n.
2.1 ad art. 64 OJ; Max Guldener, Schweizerisches Zivilprozessrecht,
3e éd.,
Zurich 1979, p. 552).

4.3 Comme on vient de le voir, il n'importe, pour trancher la présente
querelle, que les cartes postales "V" aient été éditées en 2000. Dans
ces
conditions, il est exclu d'admettre que l'état de fait posé par la
cour
cantonale ne contiendrait pas les constatations nécessaires pour que
la cause
soit jugée par la juridiction fédérale. Le moyen est privé de tout
fondement.

5.
5.1La défenderesse demande enfin au Tribunal fédéral de compléter les
constatations de fait - toujours à propos de la postériorité des
cartes
postales par rapport à la pièce 25/11 - en application de l'art. 64
al. 2 OJ.

5.2 Comme il est apparu que la constatation incriminée est dénuée de
toute
pertinence, le Tribunal fédéral n'a pas à compléter lui-même l'état
de fait
sur le point en question.

Le moyen, en tant qu'il est recevable, doit être rejeté, à l'instar
d'ailleurs du recours en réforme de la défenderesse dans son ensemble.

Recours en réforme du demandeur

6.
6.1 Le demandeur prétend tout d'abord que la Cour de justice, en lui
déniant
le droit d'obtenir réparation pour le préjudice subi, a manifestement
violé
l'art. 423 CO. Concédant que cette norme ne s'applique qu'en cas de
mauvaise
foi du gérant, il allègue que le directeur de X.________ SA, en sa
qualité
d'ancien animateur d'un atelier de publicité et de graphisme, ne
saurait
soutenir avoir méconnu la similitude du logotype créé par C.________
avec
l'oeuvre du demandeur. A tout le moins, la défenderesse ne pourrait
invoquer
sa bonne foi après le 29 avril 1999, date à partir de laquelle, en
raison de
l'envoi du courrier de l'avocat anglais du demandeur, "elle avait
conscience
de la violation du droit d'auteur (de A.________) au regard de la
similitude
troublante des dessins".

6.2 L'art. 62 al. 2 LDA réserve, à côté des actions spécifiques du
droit
d'auteur, les actions générales du droit civil, en particulier
l'action
tendant à la remise du gain selon les dispositions sur la gestion
d'affaires.
Il faut donc se reporter à l'art. 423 al. 1 CO (cf. Denis
Barrelet/Willi
Egloff, Le nouveau droit d'auteur, 2e éd., n. 15 ad art. 62 LDA; Kamen
Troller, Précis du droit suisse des biens immatériels, § 63, ch. 8.2,
p.
371). Cette norme dispose que lorsque la gestion n'a pas été
entreprise dans
l'intérêt du maître, celui-ci n'en a pas moins le droit de
s'approprier les
profits qui en résultent. Cette notion juridique est qualifiée de
gestion
d'affaires imparfaite ou intéressée; elle a pour but de régler les
conséquences de l'ingérence inadmissible dans les affaires d'autrui
(cf. Jörg
Schmid, Commentaire zurichois, n. 14 et 15 ad Vorbemerkungen zu Art.
419-424
CO; Anne Héritier Lachat, Commentaire romand, n. 3 ad art. 423 CO).
L'élément
qui caractérise la gestion imparfaite est la volonté du gérant de
traiter
l'affaire d'autrui comme la sienne propre et de s'en approprier les
profits
(ATF 126 III 69 consid. 2a). La jurisprudence a désormais posé que
l'art. 423
CO ne s'applique que si le gérant est de mauvaise foi (ATF 129 III 422
consid. 4; 126 III 69 consid. 2a, 382 consid. 4b/aa). Agit de
mauvaise foi
celui qui sait ou aurait dû savoir qu'il gère dans son propre intérêt
l'affaire d'un tiers sans avoir de motif pour le faire (ATF 126 III 69
consid. 2a). La preuve de la mauvaise foi incombe au maître (art. 8
CC; Anne
Héritier Lachat, op. cit., n. 10 ad art. 423 CO).

6.3 Dans l'arrêt déféré, l'autorité cantonale a considéré que
X.________ SA
(et ses organes) ignoraient que C.________ leur avait présenté un
plagiat de
l'oeuvre du demandeur avant l'introduction de la demande. Or,
déterminer ce
qu'une personne savait ou ignorait à un moment donné est une question
de
fait, qui lie le Tribunal fédéral en instance de réforme (ATF 124 III
182
consid. 3 p. 184; 118 II 58 consid. 3a). Il s'ensuit que la
défenderesse, qui
n'était pas consciente que C.________ avait reproduit sans droit
l'oeuvre de
A.________, était bel et bien de bonne foi pendant toute la période,
antérieure au procès, où elle a utilisé le logo litigieux, comme l'a
jugé la
cour cantonale.

Le demandeur fait grand cas de la lettre de son conseil anglais du 29
avril
1999, qui invitait la défenderesse à s'abstenir d'utiliser le
logotype - car
c'était une copie de l'oeuvre de A.________ créée en 1987 - et à
délivrer
toutes indications quant aux modalités de sa création. Il n'apparaît
toutefois pas que ce courrier, rédigé en langue anglaise, était
propre à
convaincre d'emblée X.________ SA que le logo qu'il utilisait
jusqu'alors
n'était qu'un plagiat du dessin du demandeur. Il est en effet de
jurisprudence que celui qui, confronté à des circonstances difficiles
à
apprécier, adopte une opinion certes erronée mais néanmoins
soutenable, peut
se prévaloir de sa bonne foi (ATF 94 II 297 consid. 5h p. 312). C'est
exactement la situation dans laquelle se trouvait la défenderesse en
avril
1999.

La cour cantonale n'a ainsi nullement violé le droit fédéral en
rejetant
l'action tirée de la gestion d'affaires imparfaite pour absence de
preuve de
la mauvaise foi du gérant.

7.
7.1Le demandeur est d'avis que l'arrêt critiqué consacrerait une
violation de
l'art. 41 CO, dont les quatre conditions cumulatives seraient
remplies.
S'agissant de l'exigence de la faute, il fait valoir qu'à la
réception de la
lettre de son conseil anglais du 29 avril 1999, X.________ SA a
indubitablement agi de manière fautive, en tout cas par négligence
consciente, en refusant d'entreprendre les démarches nécessaires pour
faire
cesser le préjudice subi par A.________ et en persévérant dans
l'illicéité de
son comportement.

7.2 L'action en dommages-intérêts dans le droit d'auteur, réservée
par l'art.
62 al. 2 in initio LDA, est régie par le droit commun. Partant, celui
qui
exerce l'action fondée sur l'art. 41 CO doit prouver l'existence du
dommage,
l'illicéité du comportement, le rapport de causalité
entre l'acte
fautif et
le dommage ainsi que la faute de l'auteur (Barrelet/Egloff, op. cit.,
n. 12
ad art. 62 LDA; cf., à propos de la responsabilité délictuelle, Karl
Oftinger/Emil W. Stark, Schweizerisches Haftpflichtrecht, Allgemeiner
Teil,
vol. I, 5e éd., n. 102 ss., p. 44/45).

La cour cantonale, en l'espèce, a rejeté l'action basée sur l'art. 41
CO au
motif que le demandeur n'avait pas établi l'existence d'un
comportement
fautif de la part de la défenderesse.

D'une part, celle-ci pouvait avoir entière confiance dans le bureau de
graphistes, qui était une agence spécialisée en muséographie. Cette
considération ne prête pas le flanc à la critique. Le demandeur ne
formule
d'ailleurs aucun grief à son encontre.

D'autre part, X.________ SA ne connaissait pas l'oeuvre de A.________
avant
que le second n'actionne le premier. Il s'agit là d'une constatation
relative
au for intérieur de la défenderesse, qu'il est impossible de revoir
dans le
présent recours (art. 63 al. 2 OJ).

Le demandeur tente à nouveau de s'appuyer sur la lettre de son
conseil du 29
avril 1999 pour prouver la faute de sa partie adverse. En pure perte.
Cette
écriture, qui faisait valoir les droits immatériels de A.________ sur
le
logotype adopté par X.________ SA, ne contenait pas d'éléments
suffisamment
probants pour que cette institution ne puisse continuer à penser, sans
manquer à la diligence due, que le graphiste C.________, chargé par
le bureau
B.________ & Associés d'élaborer le logo incriminé, avait créé une
oeuvre
originale, comme il n'a point cessé de l'affirmer.

Le moyen est infondé.

Il suit de là que le recours du demandeur doit être rejeté.

8.
En définitive, les deux recours doivent être rejetés, celui de la
défenderesse l'étant dans la mesure de sa recevabilité. Il se
justifie donc
de faire supporter à chacune des parties les frais de justice
entraînés par
son propre recours et de condamner chacune d'elle à verser des dépens
à son
adversaire (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en réforme de la défenderesse est rejeté dans la mesure où
il est
recevable.

2.
Le recours en réforme du demandeur est rejeté.

3.
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge de la
défenderesse.

4.
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge du demandeur.

5.
La défenderesse versera au demandeur une indemnité de 6000 fr. à
titre de
dépens.

6.
Le demandeur versera à la défenderesse une indemnité de 6000 fr. à
titre de
dépens.

7.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 17 juillet 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.101/2003
Date de la décision : 17/07/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-17;4c.101.2003 ?
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