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15/07/2003 | SUISSE | N°U.216/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 juillet 2003, U.216/02


{T 7}
U 216/02

Arrêt du 15 juillet 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffière :
Mme
Berset

R.________, recourant, représenté par Me Jérôme Picot, avocat, rue
Verdaine
12, 1211 Genève 3,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 4 juin 2002)

Faits :


A.
R. ________, né le 1er août 1954, était employé en tant que
mécanicien par le
Garage X.________. Il était, à ce titre, ass...

{T 7}
U 216/02

Arrêt du 15 juillet 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffière :
Mme
Berset

R.________, recourant, représenté par Me Jérôme Picot, avocat, rue
Verdaine
12, 1211 Genève 3,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 4 juin 2002)

Faits :

A.
R. ________, né le 1er août 1954, était employé en tant que
mécanicien par le
Garage X.________. Il était, à ce titre, assuré par la Caisse
nationale
suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) contre les maladies
professionnelles ainsi que les accidents professionnels ou non.

Le 1er septembre 1999, alors qu'il serrait un boulon, la clef ayant
ripé sur
l'écrou, son coude gauche a heurté le véhicule sur lequel il
travaillait. Les
radiographies réalisées le jour même n'ont pas permis de mettre en
évidence
des lésions traumatiques visibles de la main ni du coude gauches. La
main
présentait en revanche un petit corps étranger radio-opaque dans la
région
interphalangienne du 2e rayon et le coude une petite calcification en
surprojection de l'interligne radio-huméral (rapport du docteur
A.________,
du 2 septembre 1999). Après exérèse d'un hygroma de cette
articulation le 22
octobre 1999, des douleurs au coude et au pouce persistant, il a
encore été
procédé à des examens radiographiques à l'issue desquels le docteur
B.________ a conclu à la manifestation, pour l'essentiel, d'une
atteinte
dégénérative au niveau du pouce et, à un moindre degré, du coude, la
confrontation radioclinique évoquant également une épitrochléite
(rapport du
17 décembre 1999). Le docteur C.________, médecin d'arrondissement de
la CNA,
a conclu à un examen essentiellement négatif en ce qui concerne la
découverte
et la mise en évidence de pathologie traumatique (rapport du 24
février
2000). Consulté au mois de mars 2000, le docteur E.________, du
service de
rhumatologie de l'Hôpital Y.________, n'a constaté ni signe
inflammatoire ni
limitation des amplitudes articulaires du coude, mais une
rhizarthrose très
modérée au niveau du pouce (rapport du 10 mars 2000). A l'issue d'un
séjour
de cinq semaines (du 8 mai au 16 juin 2000) à la Clinique Z.________,
les
médecins de cet établissement ont confirmé la quasi absence de
constatations
objectives hormis la rhizarthrose débutante; force et mobilité du
coude
gauche sont, en particulier, conservées; il n'y a pas d'atrophie
musculaire;
la palpation est douloureuse au bord interne de l'olécrane, mais il
n'y a ni
oedème ni signe inflammatoire (rapport du 17 juillet 2000). Par IRM,
le
docteur D.________ a constaté que l'aspect du cartilage du coude
évoquait une
ostéochondrite du condyle huméral externe, cet examen mettant en
évidence, au
niveau du pouce, un épanchement de l'articulation
trapézo-métacarpienne, avec
remaniement et épaississement du ligament trapézo-métacarpien, qui
prend un
aspect hyperintense évoquant une lésion capsulo-ligamentaire (rapport
du 23
septembre 2000).

La CNA a alors demandé au docteur F.________, spécialiste FMH en
chirurgie
orthopédique de l'équipe de médecine des accidents, de se prononcer
sur
l'étiologie des troubles dont se plaint l'assuré et sur
l'appréciation du
docteur D.________. Ce médecin a rendu son rapport le 16 février 2001.

Compte tenu de cette appréciation, par décision du 26 mars 2001,
confirmée
sur opposition le 18 avril suivant, la CNA a mis un terme à toutes ses
prestations (indemnités journalières et frais médicaux) au 31 mars
2001 au
soir, au motif qu'un rapport de causalité avec l'accident n'était
plus donné
au-delà de cette date.

B.
R.________ a formé recours contre la décision sur opposition devant le
Tribunal administratif de la République et canton de Genève. En cours
de
procédure, diverses pièces ont été produites, dont l'ensemble du
dossier de
l'assurance-invalidité et, en particulier, le rapport d'expertise du 2
février 2002 du docteur G.________, privat docent à la faculté de
médecine de
W.________, spécialiste en orthopédie et chirurgie.

Par jugement du 4 juin 2002, la cour cantonale a rejeté le recours,
motif
pris de l'absence d'un lien de causalité naturelle entre l'accident
du 1er
septembre 1999 et les atteintes au coude gauche et au pouce
présentées par
l'assuré.

C.
R.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, en
concluant, avec suite de frais et dépens, à son annulation. Il
requiert
principalement que la CNA soit condamnée à poursuivre l'octroi de ses
prestations au-delà du 31 mars 2001 et, à titre subsidiaire, que la
cause
soit renvoyée à l'autorité judiciaire précédente afin qu'elle complète
l'instruction par la mise en oeuvre d'une expertise médicale et rende
un
nouveau jugement.

La CNA conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances
sociales
a renoncé à se déterminer.

D.
En cours d'instruction, le juge délégué a requis le Tribunal
administratif de
transmettre à la cour de céans les pièces versées par les parties en
instance
cantonale.

Le Tribunal administratif a produit un dossier CNA 11.10753.92.2.
Bien que ce
dossier ait trait à des faits en partie postérieurs à ceux de la
présente
cause, il permet d'en compléter l'exposé. Il en ressort, que la CNA a
refusé
de prendre en charge la rechute, annoncée le 28 août 2001, de
troubles au
coude droit survenus à la suite d'un événement accidentel du 7 mars
1992
(décision du 3 mai 2002, confirmée par décision sur opposition du 5
septembre
2002, apparemment entrée en force), au motif qu'une radiographie
pratiquée
deux jours après l'accident mettait en évidence la présence
d'importants
troubles dégénératifs.

Considérant en droit :

1.
Le litige a pour objet le droit du recourant au versement par
l'intimée de
prestations de l'assurance-accidents obligatoire. Il s'agit,
singulièrement,
de déterminer si les troubles physiques au coude et au pouce gauches
dont se
plaint le recourant, au-delà du 31 mars 2001, sont en rapport de
causalité
avec l'accident du 1er septembre 1999.

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-accidents. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard
au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V
467
consid. 1, 121 V 366 consid. 1b).

Le jugement entrepris expose correctement les principes
jurisprudentiels
applicables en matière de causalité naturelle, ainsi que ceux
relatifs à la
libre appréciation des preuves et à la valeur probante des rapports
médicaux
de sorte qu'il peut y être renvoyé.

3.
Les premiers juges ont nié l'existence d'une causalité naturelle entre
l'atteinte à la santé présentée par le recourant (affections au pouce
et au
coude gauches) en se fondant, notamment, sur l'expertise du docteur
G.________ et les rapports des médecins de la CNA, les docteurs
F.________ et
C.________.

Le recourant conteste cette appréciation. Il met en cause la valeur
probante
du rapport du médecin commis par l'assurance-invalidité; d'une part
l'expert
n'a pas eu à sa disposition le dossier de l'intimée concernant
l'affection du
coude gauche et aurait ainsi fait siennes purement et simplement les
conclusions du 24 février 2000 du docteur C.________; d'autre part,
il ne
s'est pas prononcé sur la question topique du lien de causalité. Il
allègue
également que la détermination du docteur F.________, empreinte de
réserves,
n'était pas propre à emporter la conviction de la cour cantonale; en
outre
cette dernière aurait passé sous silence les appréciations des
docteurs
H.________ (7 février 2000), D.________ (23 septembre 2000) et
I.________ (24
avril 2001), qui, selon lui, faisaient état d'un rapport de cause à
effet
probable, voire certain entre l'événement assuré et le dommage.

4.
La CNA a nié le droit du recourant à des prestations de
l'assurance-accidents
au-delà du 31 mars 2001 en se fondant sur l'appréciation du docteur
F.________ du 16 février 2001.

4.1 Selon la jurisprudence, le juge peut accorder valeur probante aux
rapports et expertises établis par les médecins de la CNA aussi
longtemps que
ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs
conclusions sont
sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de
contradictions et
qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé.
Le
simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un
rapport de
travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son
appréciation
ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en
présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de
l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme
objectivement
fondés. Etant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans
le droit
des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences
sévères
quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 353 sv. consid. 3b/ee)
4.2Selon le docteur F.________, qui se réfère sur ce point à la
casuistique
rapportée par la littérature médicale spécialisée, la nécrose osseuse
localisée au coude mise en évidence, selon le docteur D.________, par
l'IRM
se rattache à la même catégorie que les nécroses de l'épiphyse (morbus
Panner), soit au groupe des nécroses aseptiques résultant de
microtraumatismes ou d'une surcharge, mais non d'un traumatisme
unique. Ce
médecin évoque, par ailleurs, ses doutes quant à la pertinence
clinique et
l'influence sur les troubles signalés par l'assuré du status mis en
évidence
par l'IRM, qui découle probablement d'un problème de circulation
d'origine
non traumatique, l'événement en question (choc sur le coude) n'étant
vraisemblablement pas de nature à causer une nécrose partielle de la
tête
humérale de ce genre. De surcroît, l'existence d'un ostéoïde-ostéome
(diagnostique différentiel) était improbable, dès lors qu'il n'était
pas
visible sur l'IRM à l'aide d'autres techniques de coupes que celle par
effacement de graisse, entre autres, sur les images obtenues par
coupes
axiales. Les troubles du pouce, enfin, n'apparaissent pas comme la
conséquence de l'un des événements accidentels ressortant des pièces
du
dossier.

4.3 Quoiqu'en dise le recourant, on doit convenir que le docteur
F.________ a
expliqué de façon circonstanciée les raisons pour lesquelles il a
considéré,
non seulement que l'accident invoqué n'était pas propre à provoquer
une
nécrose partielle de la tête humérale, telle que l'IRM a pu l'évoquer
pour le
docteur D.________, mais également, que le diagnostic différentiel
d'ostéoïde-ostéome devait être écarté. Par ailleurs, ce médecin a
établi son
rapport au terme d'une analyse attentive et exhaustive du dossier, en
se
penchant sur les radiographies/IRM y figurant et en s'appuyant sur les
connaissances tirées de son expérience confrontées à celles relatées
dans la
littérature médicale appropriée. Le grief tiré du fait que le docteur
F.________ n'a pas examiné personnellement le recourant doit être
écarté, dès
lors que, selon la jurisprudence, une expertise médicale établie sur
la base
d'un dossier a valeur probante pour autant que celui-ci contienne
suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un
examen
personnel de l'assuré (RAMA 2001 no U 438 p. 346 consid. 3d); or,
cette
condition est remplie par tous les autres rapports médicaux figurant
au
dossier.

Dans ce contexte, les appréciations des docteurs H.________ (7
février 2000)
et I.________ (24 avril 2001), la première consistant en une seule
ligne et
l'autre en une demi-page, n'ont pas la portée que leur attribue le
recourant.
En particulier, le docteur I.________ se borne à affirmer, en dépit
des
réserves formulées par son auteur lui-même, que l'IRM du docteur
D.________
révèle la présence d'une petite ostéochondrite du condyle externe
«qu'on est
obligé d'admettre comme post-traumatique». Lacunaires dans leur
motivation,
ces appréciations ne sauraient ébranler la crédibilité du rapport du
docteur
F.________. Au demeurant, admettre le point de vue du docteur
I.________
reviendrait à accorder au principe «post hoc ergo propter hoc» une
valeur
probante qu'il n'a pas, comme la Cour de céans a déjà eu l'occasion
de le
préciser (cf. ATF 119 V 341 ss consid. 2b/bb; RAMA 1999 no U 341 p.
408 sv
consid. 3b).

4.4 Les conclusions du docteur F.________ relatives aussi bien au
coude qu'au
pouce gauches sont corroborées par les constatations des docteurs
B.________
(17 décembre 1999), C.________ (24 février 2000), E.________ (10 mars
2000),
J.________, médecin d'arrondissement de la CNA (18 décembre 2000),
G.________, expert mandaté par l'assurance-invalidité (2 février
2002), ainsi
que par le rapport des médecins de la Clinique de réadaptation du 17
juillet
2000. S'agissant plus spécifiquement du pouce gauche, l'ensemble de
ces
praticiens a évoqué des lésions
dégénératives, par opposition à des
séquelles
traumatiques, au regard, notamment du dossier radiographique.

Dans ce contexte, les critiques du recourant visant l'appréciation du
docteur
G.________ sont mal fondées, ce d'autant plus que ce médecin a
procédé à une
analyse personnelle soignée de son bilan de santé (anamnèse complète,
examen
des radiographies, prise en compte des plaintes actuelles,
observation des
deux coudes et du pouce gauche, discussion). De toute manière, la
caisse
intimée ne s'est pas fondée sur le rapport du docteur G.________ pour
justifier son refus de prester.

4.5 Sur le vu de ce qui précède, il y a lieu d'accorder entière valeur
probante au rapport du docteur F.________ qui répond aux exigences
posées par
la jurisprudence (cf. consid. 5 du jugement cantonal, ainsi que
consid. 4.1
et 4.3 supra). On doit dès lors admettre que l'atteinte à la santé du
recourant n'était pas au-delà du 31 mars 2001 en rapport de causalité
avec
l'accident du 1er septembre 1999, de sorte que la caisse intimée
était fondée
à mettre fin au versement de ses prestations à cette date.

Il s'ensuit que le jugement entrepris confirmant le refus des
prestations
d'assurance au-delà du 31 mars 2001, au titre de l'accident du 1er
septembre
1999, doit être confirmé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à Abeille Assurances,
Société
Anonyme d'Assurances Incendie, Accidents et Risques Divers, Paris
Cedex, au
Tribunal administratif de la République et Canton de Genève et à
l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 15 juillet 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.216/02
Date de la décision : 15/07/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-15;u.216.02 ?
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