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15/07/2003 | SUISSE | N°I.547/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 juillet 2003, I.547/02


{T 7}
I 547/02

Arrêt du 15 juillet 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Berset

P.________, recourant, représenté par Me Charles Guerry, avocat, rue
du
Progrès 1, 1701 Fribourg,

contre

Office AI du canton de Fribourg, impasse de la Colline 1, 1762
Givisiez,
intimé

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances
sociales,
Givisiez

(Jugement du 11 juillet 2002)

Faits:

A.
Par dé

cision du 11 mai 1993, l'Office de l'assurance-invalidité du
canton de
Fribourg (ci-après : office AI) a mis P.________ au bénéfice d'u...

{T 7}
I 547/02

Arrêt du 15 juillet 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Berset

P.________, recourant, représenté par Me Charles Guerry, avocat, rue
du
Progrès 1, 1701 Fribourg,

contre

Office AI du canton de Fribourg, impasse de la Colline 1, 1762
Givisiez,
intimé

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances
sociales,
Givisiez

(Jugement du 11 juillet 2002)

Faits:

A.
Par décision du 11 mai 1993, l'Office de l'assurance-invalidité du
canton de
Fribourg (ci-après : office AI) a mis P.________ au bénéfice d'une
rente
entière d'invalidité, avec effet rétroactif à partir du 1er décembre
1992, en
fonction d'un taux d'invalidité de 100 %. La rente a été maintenue
dans le
cadre de deux révisions successives (1994 et 1997).

Selon les constatations de l'époque, notamment celles des docteurs
A.________
et C.________, respectivement médecin adjoint et médecin assistant
du/au
service de neurologie du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
(CHUV), il
présentait une dystonie axiale (région lombaire gauche) et un status
après
hémilaminectomie L4-L5 gauche en août 1991, la situation devant être
réexaminée par leur confrère, le docteur B.________, à l'issue d'un
traitement d'une durée de deux mois (rapport du 10 février 1993). Dans
l'intervalle, le docteur D.________, spécialiste en médecine interne
et en
maladies rhumatismales, a posé le même diagnostic et fixé à 100 %
l'incapacité de travail de l'assuré dans sa profession de maçon.
Compte tenu
des douleurs constantes présentées par l'assuré et du peu d'effet des
traitements administrés, il ne voyait «pas d'autre issue que
l'attribution
d'une rente chez ce patient», et proposait une réévaluation de la
situation
dans le délai d'une année (rapport du 2 avril 1993). Pour sa part, le
docteur
B.________, médecin associé au service de neurologie du CHUV, a exclu
que
l'assuré puisse reprendre son ancienne profession de maçon, tout en
préconisant un changement d'activité immédiat, avec comme seule
limitation le
port de charges (rapport du 14 mai 1993).

Dans le cadre d'une nouvelle révision du droit à la rente, l'assuré a
été
soumis à une expertise pluridisciplinaire confiée à la Clinique
X.________.
Dans leur rapport du 27 juillet 2000, les docteurs E.________,
directeur
médical, et la doctoresse F.________, médecin assistante, ont posé le
diagnostic de lombalgies chroniques sur troubles statiques, status
après
hémilaminectomie L4-L5 gauche en 1991 pour suspicion de hernie et
trouble
factice non exclu. L'assuré présentait une capacité de travail
entière dans
une activité adaptée évitant le port de charges dépassant 20 kilos et
permettant une alternance des positions. Il n'y avait pas eu
d'évolution
radiologique depuis 1992 et, cliniquement, il n'y avait pas de
limitation
fonctionnelle majeure.

Se fondant sur les conclusions des experts, l'office AI a supprimé la
rente
de l'assuré à partir du 1er juillet 2001, au motif qu'il était en
mesure
d'exercer une activité lucrative adaptée à son état de santé, lui
permettant
de réaliser plus de la moitié du gain qu'il aurait pu obtenir s'il
n'était
pas devenu invalide (décision du 15 mai 2001).

B.
Par jugement du 11 juillet 2002, le Tribunal administratif du canton
de
Fribourg, Cour des assurances sociales, a rejeté le recours formé par
l'assuré contre cette décision.

C.
P.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
il requiert l'annulation, en concluant, sous suite de dépens, au
maintien
d'une rente entière d'invalidité.

L'office AI conclut implicitement au rejet du recours, tandis que
l'Office
fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Les premiers juges ont exposé correctement les règles applicables à la
solution du litige de sorte qu'il suffit de renvoyer aux considérants
du
jugement entrepris.

Il convient de compléter cet exposé en précisant que la loi fédérale
sur la
partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000
(LPGA) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de
nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Le
cas d'espèce demeure toutefois régi par les dispositions de la LAI en
vigueur
jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au principe selon lequel les
règles
applicables sont celles en vigueur au moment où les faits
juridiquement
déterminants se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1). En outre, le
Tribunal fédéral des assurances apprécie la légalité des décisions
attaquées,
en règle générale, d'après l'état de fait existant au moment où la
décision
litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b).

2.
Est litigieux en l'espèce le droit du recourant à une rente
d'invalidité à
partir du 1er juillet 2001, plus particulièrement la suppression de
la rente
entière d'invalidité allouée depuis le 1er décembre 1992, au motif que
l'octroi initial de celle-ci était manifestement erroné.

2.1 Selon la jurisprudence, si les conditions prévues à l'art. 41 LAI
font
défaut l'administration peut en tout temps revenir sur une décision
formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle une
autorité
judiciaire ne s'est pas prononcée sous l'angle matériel, à
condition
qu'elle soit sans nul doute erronée et que sa rectification
revête
une importance notable. Le juge peut, le cas échéant, confirmer une
décision
de révision rendue à tort pour le motif substitué que la décision de
rente
initiale était sans nul doute erronée et que sa rectification revêt
une
importance notable (ATF 125 V 369 consid. 2 et les références).

Pour juger s'il est admissible de reconsidérer la décision, pour le
motif
qu'elle est sans nul doute erronée, il faut se fonder sur la situation
juridique existant au moment où cette décision est rendue, compte
tenu de la
pratique en vigueur à l'époque (ATF 119 V 479 consid. 1b/cc et les
références). Par le biais de la reconsidération, on corrigera une
application
initiale erronée du droit, de même qu'une constatation erronée
résultant de
l'appréciation des faits (ATF 117 V 17 consid. 2c, 115 V 314 consid.
4a/cc).

Une décision est sans nul doute erronée non seulement lorsqu'elle a
été prise
sur la base de règles de droit non correctes ou inappropriées, mais
aussi
lorsque des dispositions importantes n'ont pas été appliquées ou
l'ont été de
manière inappropriée (DTA 1996/97 no 28 p. 158 consid. 3c). Au regard
de la
sécurité juridique, une décision administrative entrée en force ne
doit
pouvoir être modifiée par le biais de la reconsidération que si elle
se
révèle manifestement erronée. Cette exigence permet que la
reconsidération ne
devienne un instrument autorisant sans autre un nouvel examen des
conditions
à la base des prestations de longue durée. En particulier, les organes
d'application ne sauraient procéder en tout temps à une nouvelle
appréciation
de la situation après un examen plus approfondi des faits. Ainsi, une
inexactitude manifeste ne saurait être admise lorsque l'octroi de la
prestation dépend de conditions matérielles dont l'examen suppose un
pouvoir
d'appréciation, quant à certains de leurs aspects ou de leurs
éléments, et
que la décision paraît admissible compte tenu de la situation de fait
et de
droit (arrêt B. du 19 décembre 2002, I 222/02, consid. 3.2, et les
références).

Par ailleurs, on ne saurait supprimer ou diminuer une rente par voie
de
reconsidération si, depuis son octroi manifestement inexact, des
modifications de l'état de fait (au sens de l'art. 41 LAI) justifient
de
retenir un taux d'invalidité suffisant pour que la prestation en
question
soit maintenue (même arrêt, consid. 5.1).
2.2 La décision du 11 mai 1993 de l'office AI est fondée
principalement sur
le rapport du 2 avril 1993 du docteur D.________, complément à son
expertise
du 30 septembre 1992. Or, en avril 1993, ce médecin a fixé à 100 %
l'incapacité de travail du recourant dans son ancienne activité de
maçon; en
revanche, il ne s'est pas prononcé sur les activités exigibles de la
part de
l'intéressé, ni sur la capacité de travail qu'il aurait pu présenter
dans de
telles activités. Il a préconisé l'attribution (provisoire) d'une
rente, au
seul motif qu'il ne voyait pas d'autre issue, compte tenu du peu
d'efficacité
des traitements sur les douleurs de l'assuré. Force est de constater
que
cette appréciation ne permettait pas, à elle seule, de considérer que
l'incapacité de travail de l'assuré était totale également dans une
activité
adaptée. Une telle interprétation était même contraire au point de vue
exprimé par l'expert dans son rapport du 30 septembre 1992, selon
lequel - en
présence des mêmes éléments (constatations objectives, douleurs
constantes,
traitements inefficaces) - le recourant devait le plus rapidement
possible
être recyclé dans une activité légère, avec comme seule réserve la
position
assise prolongée. En outre, en se prononçant sur l'octroi d'une rente,
l'expert ne se prononçait pas sur la capacité de travail ou sur les
activités
encore possible, mais sur l'invalidité dont la détermination relève
de la
compétence de l'administration ou du juge (sur le rôle des médecins
dans la
détermination de l'invalidité, cf. ATF 125 V 261, consid. 4 et 107 V
20).

Les autres rapports établis à l'époque ne permettaient pas non plus de
conclure à une incapacité de travail de 100 % dans une activité
adaptée.
C'est ainsi que dans le cadre de l'appréciation globale de l'état de
santé du
recourant par les médecins du CHUV sur les plans neurologique,
rhumatologique
et psychiatrique en mai 1993, le docteur B.________ avait préconisé la
reprise immédiate d'une activité adaptée, sans aucune autre
limitation que le
port de charges. Il résultait en particulier du rapport du 10 février
1993
des docteurs A.________ et C.________ qu'il n'y avait ni syndrome
lombo-vertébral, ni signe de récidive d'une hernie discale, ni
instabilité
post-opératoire, ni signe d'arachnoïdite ou de spondylodiscite, ni,
enfin,
d'argument clinique en faveur d'une pathologie ostéoarticulaire ou
psychiatrique. C'est dire que l'appréciation du 30 septembre 1992 du
docteur
D.________ était confirmée par le collège des médecins du CHUV, qui
avait eu
tout loisir d'observer le recourant au cours de cinq jours
d'hospitalisation
(25 au 29 janvier 1993).

Il s'ensuit que les éléments au dossier réunis par l'office ne
permettaient
pas de fixer à 100 % le degré d'invalidité du recourant, la capacité
de
travail dans une activité adaptée exigible n'ayant tout simplement
pas été
examinée; la décision du 11 mai 1993 s'avère manifestement erronée.

2.3 C'est dès lors en vain que le recourant conteste cette
appréciation en se
bornant à alléguer le contraire.

3.
Il reste à déterminer le taux d'invalidité présenté par le recourant.

3.1 Dans la mesure où l'état de santé du recourant ne s'est pas
modifié
depuis 1992, l'on peut se référer aux conclusions des médecins de la
Clinique
X.________ selon lesquelles le recourant présente - et présentait en
1992 -
une capacité de travail entière das une activité adaptée évitant le
port de
charges et permettant l'alternance des positions.

L'expertise de la Clinique X.________ a été établie de manière très
détaillée
et se fonde sur les résultats d'examens pluridisciplinaires (examens
psychiatrique, neurologique y compris une électroneuromyographie,
radiologiques, et autres examens de laboratoire, ainsi que sur une
évaluation
approfondie des capacités physiques liées au travail ou ECPLT), de
même que
sur l'ensemble du dossier médical à disposition; elle prend également
en
compte les plaintes de l'assuré. Aussi, cette expertise remplit-elle
toutes
les exigences posées par la jurisprudence pour qu'on puisse lui
accorder une
pleine valeur probante (ATF 125 V 352 consid. 3a et les références)
et il n'y
a pas motif de s'écarter de ses conclusions.

3.2 Comme en procédure cantonale, le recourant conteste le bien-
fondé des
conclusions des experts, en faisant grief au docteur G.________,
psychiatre,
de ne pas avoir retenu d'incapacité de travail au terme de son
concilium.
Selon celui-ci, le status psychiatrique entre dans les limites de la
norme,
il n'y a pas d'atteinte cérébro-organique, ni d'anxiété pathologique,
ni de
trouble affectif significatif, ni de trouble de la personnalité
pouvant
atteindre le seuil diagnostique; en revanche, la notion de douleurs
sans base
organique peut faire évoquer un trouble factice qui n'impliquerait
pas une
incapacité de travail significative dans ce cas précis, le
comportement
d'invalide pouvant alors sortir du champ médical (rapport du 21 juin
2000).

Se prévalant d'une aggravation de son état de santé, le recourant
invoque
l'expertise du 24 janvier 2002 de la doctoresse H.________, médecin
cheffe de
clinique de l'Hôpital Z.________, qui a conclu à un trouble anxieux et
dépressif mixte (F 41.2) et à un syndrome douloureux somatoforme
persistant
(F 45.4) rendant toute activité régulière impossible. Or, la
doctoresse
H.________ ne fait que confirmer le bien-fondé de l'appréciation du
docteur
G.________, en déclarant que d'un point de vue psychiatrique, le
recourant
n'a présenté aucun trouble jusqu'à environ il y a six mois
(soit
jusqu'en
juin 2001), alors que le rapport incriminé date de juin 2000 et que la
décision litigieuse (du 15 mai 2001) est également antérieure à la
date à
laquelle les troubles allégués se seraient manifestés. Indépendamment
de ce
point, l'expertise de la doctoresse H.________ soulève d'autres
objections,
dans la mesure où elle passe sous silence toute la problématique
relative au
possible trouble factice évoqué par le docteur G.________ et les
résultats de
l'ECPLT qui font ressortir un niveau de cohérence des performances
faible et
la volonté incertaine du sujet de donner le maximum. Par ailleurs, si
son
anamnèse apparaît complète, ses conclusions quant à une incapacité de
travail
totale ne sont pas motivées. Dans ces circonstances, le rapport de la
doctoresse H.________ ne saurait remettre en question la pertinence
des
conclusions de l'appréciation du docteur G.________. En outre,
s'agissant de
la capacité de travail - dans une activité exigible - d'un assuré
dont la
pathologie est principalement ou exclusivement marquée par la
douleur, sans
substrat organique ou sans corrélation avec un état clinique patent,
il y a
lieu de retenir principalement comme en l'espèce, les conclusions
globales de
l'expertise pluridisciplinaire et non celles, forcément sectorielles,
des
différents intervenants à l'expertise; en effet l'expertise
pluridisciplinaire, qui prend en compte l'ensemble des différents
troubles
présentés par le patient et leurs interférences possibles, paraît
appropriée
à une détermination objective de la capacité de travail.

3.3 Sur le vu de ce qui précède, force est d'admettre que disposant
d'une
capacité de travail entière dans une activité adaptée évitant le port
de
charges dépassant 20 kilos et permettant une alternance des
positions, le
recourant ne présentait pas et ne présente toujours pas un taux
d'invalidité
ouvrant droit à une rente. Il s'ensuit que la décision du 11 mai 1993
mettant
le recourant au bénéfice d'une rente entière d'invalidité et qui
n'avait pas
fait l'objet d'un jugement d'une autorité judiciaire sur le plan
matériel,
était manifestement erronée et que sa rectification revêtait une
importance
notable, compte tenu des montants en jeu. Les conditions d'une
reconsidération étaient donc réunies.

C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont confirmé, par
substitution de motifs, la décision de révision du 15 mai 2001.

Il s'ensuit que le recours est mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal
administratif du
canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, et à l'Office
fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 15 juillet 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.547/02
Date de la décision : 15/07/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-15;i.547.02 ?
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