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15/07/2003 | SUISSE | N°1A.125/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 juillet 2003, 1A.125/2003


{T 0/2}
1A.125/2003 /col

Arrêt du 15 juillet 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Catenazzi.
Greffier: M. Zimmermann.

1. A.________,

2. B.________,

3. C.________,

4. D.________,

5. E.________,
recourants,
tous représentés par Me Pascal Maurer, avocat, Etude de Mes Keppeler &
Associés, 15, rue Ferdinand-Hodler, case postale 360, 1211 Genève 17,

contre

Ministère public

de la Confédération, Taubenstrasse 16, 3003 Berne.

Entraide judiciaire internationale en matière pénale avec le Brésil

recou...

{T 0/2}
1A.125/2003 /col

Arrêt du 15 juillet 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Catenazzi.
Greffier: M. Zimmermann.

1. A.________,

2. B.________,

3. C.________,

4. D.________,

5. E.________,
recourants,
tous représentés par Me Pascal Maurer, avocat, Etude de Mes Keppeler &
Associés, 15, rue Ferdinand-Hodler, case postale 360, 1211 Genève 17,

contre

Ministère public de la Confédération, Taubenstrasse 16, 3003 Berne.

Entraide judiciaire internationale en matière pénale avec le Brésil

recours de droit administratif contre l'ordonnance du Ministère
public de la
Confédération du 2 mai 2003.

Faits:

A.
En juillet 2002, le Ministère public de la Confédération (ci-après: le
Ministère public) a ouvert une enquête préliminaire notamment contre
les
ressortissants brésiliens A.________, B.________, C.________,
E.________ et
D.________, soupçonnés de blanchiment d'argent (art. 305bis CP). Cette
procédure a été désignée sous la rubrique BA/EAII/7/02/120.
Le 29 juillet 2002, le Ministère public a ordonné le séquestre des
comptes
détenus par les suspects auprès de la banque X.________, à Genève.
Cette
mesure a porté sur les comptes suivants:
1) n°---, dont E.________ est le titulaire;
2) n°---, dont C.________ est le titulaire;
3) n°---, dont A.________ est le titulaire;
4) n°---, dont B.________ est le titulaire;
5) n°---, dont D.________ est le titulaire;
6) n°---, dont A.________ est le titulaire.
Le montant total des fonds bloqués est de l'ordre de 48'000'000 fr.
Le 29 octobre 2002, le Ministère public a adressé une demande
d'entraide à la
République fédérative du Brésil (ci-après: la République fédérative).
Il a
exposé que les suspects, agents du fisc brésilien, avaient indiqué
que les
fonds bloqués provenaient d'honoraires, donnés de la main à la main,
pour la
rémunération de conseils fiscaux donnés à de grandes entreprises
actives au
Brésil. La demande tendait à ce qu'un représentant du Ministère
public soit
autorisé à se rendre au Brésil afin de communiquer personnellement
d'autres
informations au magistrat chargé de l'exécution de la demande, de
prendre
connaissance du résultat d'enquêtes menées éventuellement au Brésil et
d'obtenir une copie des pièces pouvant lui être communiquées.
En octobre 2002, plusieurs représentants du Ministère public se sont
rendus
au Brésil pour conférer de l'affaire avec des membres des autorités
brésiliennes.
Le 12 février 2003, le Ministère public a complété la demande du 29
août
2002. Ce complément reprend l'exposé des faits de la demande
initiale, en
détaillant différents mouvements opérés sur les comptes saisis. Il
tend
notamment à la confirmation de l'existence dans l'Etat requis d'une
procédure
pénale à raison des mêmes faits et à la transmission de tous les
documents et
informations utiles pour la procédure ouverte en Suisse.

B.
Par note verbale du 17 février 2003, l'Ambassade de la République
fédérative
à Berne a adressé à l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'Office
fédéral) une demande d'entraide, datée du 14 février précédent,
présentée
pour les besoins de la procédure pénale ouverte au Brésil contre
A.________,
B.________, C.________, E.________ et D.________, soupçonnés de
corruption
et de blanchiment d'argent.
L'exposé des faits joint à la demande fait état des renseignements
fournis
par le Ministère public. Pour les autorités brésiliennes, les fonds
saisis en
Suisse ne pouvaient provenir que de la corruption ou de la concussion
des
prévenus. La demande tendait à la saisie des fonds, à la remise de la
documentation relative aux comptes n°s 1 à 6 pour les cinq dernières
années,
ainsi qu'à la transmission de toute la documentation contenue dans les
dossiers des procédures pénales ouvertes en Suisse contre les mêmes
personnes.
Le 19 février 2003, l'Office fédéral a délégué l'exécution de la
demande au
Ministère public.
Le 28 mars 2003, celui-ci a rendu une décision d'entrée en matière
ordonnant
le séquestre de tous les comptes saisis auprès de la banque
X.________ dans
le cadre de la procédure BA/EAII/7/02/120.
Le 2 mai 2003, le Ministère public a clos la procédure et ordonné la
transmission à l'Etat requérant de la documentation relative aux
comptes n°s
1 à 6, soit les documents d'ouverture, l'estimation des avoirs au 26
mars
2003 et les relevés dès janvier 1998, ainsi qu'un courrier adressé le
3
(recte: 7) avril 2003 par la banque X.________ au Ministère public
pour
confirmer le blocage des comptes.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________,
B.________, C.________, D.________ et E.________ demandent au Tribunal
fédéral de déclarer la demande irrecevable et, partant, d'annuler la
décision
du 2 mai 2003. Ils invoquent les art. 28, 67a et 76 EIMP.
Le Ministère public se réfère à sa décision. L'Office fédéral a
renoncé à se
déterminer.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La Confédération et la République fédérative ne sont pas liées par un
traité
relatif à l'entraide judiciaire en matière pénale. Cette matière est
dès lors
régie, pour la Suisse comme Etat requis, par le droit interne
applicable (cf.
ATF 113 Ib 257 consid. 2 p. 264; 111 Ib 138 consid. 2 p. 141; 110 Ib
173
consid. 2 p. 176, et les arrêts cités), soit en l'occurrence l'EIMP
et son
ordonnance d'exécution (OEIMP; RS 351.11).

2.
Selon les recourants, la demande serait insuffisamment motivée.

2.1 La demande d'entraide doit indiquer l'organe dont elle émane et,
le cas
échéant, l'autorité pénale compétente (art. 28 al. 2 let. a EIMP),
son objet
et ses motifs (art. 28 al. 2 let. b EIMP), la qualification juridique
des
faits (art. 28 al. 2 let. c EIMP), ainsi que la désignation aussi
précise et
complète que possible de la personne poursuivie (art. 28 al. 2 let. d
EIMP).
On ne saurait être trop exigeant quant à l'exposé joint à la demande.
Il faut
en effet tenir compte de ce que l'enquête ouverte dans l'Etat
requérant n'est
pas terminée, puisque l'entraide est demandée précisément pour
éclaircir les
faits. Les indications fournies à ce titre doivent simplement suffire
pour
vérifier que la demande n'est pas d'emblée inadmissible (ATF 116 Ib 96
consid. 3a p. 101; 115 Ib 68 consid. 3b/aa p. 77). Lorsque la
procédure
étrangère est ouverte pour des faits de blanchiment d'argent, la
demande ne
doit pas nécessairement contenir la preuve de la commission de ce
délit ou de
l'infraction principale; elle peut se borner à faire état de
transactions
suspectes (ATF 129 II 97). Lorsque la demande tend, comme en
l'espèce, à la
remise de documents bancaires et au blocage de fonds, l'Etat
requérant ne
peut se limiter à communiquer une liste des personnes recherchées et
des
sommes qui auraient été détournées; il lui faut joindre à la demande
des
éléments permettant de déterminer, de manière minimale, que les
comptes en
question ont été utilisés dans le déroulement des opérations
délictueuses
poursuivies dans l'Etat requérant (arrêt 1A.211/1992 du 29 juin 1993;
consid.
3a non publié de l'ATF 126 II 258 et consid. 6a non publié de l'ATF
125 II
356).

2.2 Se rapportant aux indications fournies par le Ministère public, la
demande fait simplement état de l'existence d'une procédure pénale
ouverte
notamment contre les recourants, du chef de concussion, de corruption
et de
blanchiment d'argent. Elle ne contient toutefois aucune information
permettant de discerner, même de manière minimale, les faits
reprochés aux
personnes poursuivies. Tout ce que savent les autorités de poursuite,
c'est
que les recourants disposent en Suisse de fonds dont les montants et
la
provenance peuvent paraître suspects, car sans proportion avec les
revenus et
la fortune déclarés des recourants. Ces circonstances donneraient à
penser
que ces agents du fisc se seraient laissés suborner contre
rémunération. Ces
conjectures ne suffisent pas encore pour admettre que l'origine des
fonds
soit délictuelle. En l'état, faute d'indications plus précises, il est
impossible de déterminer l'objet, le champ et les protagonistes de la
procédure ouverte dans l'Etat requérant. Ces vices affectent la
demande d'une
manière telle qu'ils empêchent de vérifier l'existence d'un lien
entre des
infractions commises au Brésil et les fonds saisis en Suisse.

2.3 Le recours doit être admis pour ce motif et la décision attaquée
annulée,
sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs évoqués par
les
recourants. Il incombera au Ministère public de statuer à nouveau
pour le cas
où l'Etat requérant devait présenter une nouvelle demande qui
contiendrait
des éléments concrets permettant de déterminer de manière minimale la
vraisemblance d'opérations délictueuses. Pour le surplus, la décision
incidente de saisie des comptes est exorbitante du cadre du présent
litige.
Il est statué sans frais (art. 156 OJ). Le Ministère public versera
aux
recourants une indemnité de 2000 fr. à titre de dépens (art. 159 OJ).
Il
n'est pas alloué de dépens pour le surplus.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et la décision attaquée annulée.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Le Ministère public de la Confédération versera aux recourants une
indemnité
de 2000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants
et au
Ministère public de la Confédération ainsi qu'à l'Office fédéral de la
justice (B 135 406).

Lausanne, le 15 juillet 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.125/2003
Date de la décision : 15/07/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-15;1a.125.2003 ?
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