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11/07/2003 | SUISSE | N°1P.115/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 juillet 2003, 1P.115/2003


{T 0/2}
1P.115/2003 /svc

Arrêt du 11 juillet 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

A. ________,
B.________,
recourants,
tous deux représentés par Me Danielle Preti, avocate, rue des Cèdres
28, case
postale 2333, 1950 Sion 2,

contre

Commune d'Icogne, Administration communale,
Conseil d'Etat du canton du Valais,
Palais du Gouverneme

nt, 1950 Sion,
Tribunal cantonal du canton du Valais,
Cour de droit public, Palais de Justice,
av. Mathieu-Schiner 1, ...

{T 0/2}
1P.115/2003 /svc

Arrêt du 11 juillet 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

A. ________,
B.________,
recourants,
tous deux représentés par Me Danielle Preti, avocate, rue des Cèdres
28, case
postale 2333, 1950 Sion 2,

contre

Commune d'Icogne, Administration communale,
Conseil d'Etat du canton du Valais,
Palais du Gouvernement, 1950 Sion,
Tribunal cantonal du canton du Valais,
Cour de droit public, Palais de Justice,
av. Mathieu-Schiner 1, 1950 Sion 2.

art. 9, 26 et 29 al. 2 Cst.; art. 15 LAT (plan d'affectation partiel
de la
commune d'Icogne),

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton
du
Valais, Cour de droit public, du 6 décembre 2002.

Faits:

A.
Au mois de novembre 1994, la commune d'Icogne a soumis au Conseil
d'Etat
valaisan un projet de révision de son plan d'affectation. Celui-ci
prévoyait
notamment le maintien en zone constructible à aménagement différé
"R2" (zone
résidentielle à moyenne densité) des parcelles n° 625 à 628 et 1182,
dans le
secteur du Chachelar, au nord du village.
Dans son rapport de synthèse du 10 janvier 1997, le Service de
l'aménagement
du territoire (SAT) constatait que la capacité du plan d'aménagement
projeté
correspondait à 2,1 fois la population résidente et touristique et
les places
de travail recensées pour la commune. Il recommandait le classement
des
parcelles n° 625, 626 et 1182 en zone agricole: celles-ci n'étaient ni
bâties, ni équipées et le secteur ne répondait pas à un besoin de
développement pour les quinze prochaines années. Sous cette réserve,
le
Conseil d'Etat a donné son accord de principe au projet de révision.
Le 21 août 2000, sur réclamation des propriétaires concernés,
l'Assemblée
primaire d'Icogne a approuvé le plan d'affectation des zones (plan
général
des zones et plan des zones à bâtir) qui prévoyait notamment le
maintien des
parcelles précitées en zone constructible. Le 20 juillet 2001, le
plan a été
transmis au Département de l'économie, des institutions et de la
sécurité
(DAES), pour homologation par le Conseil d'Etat. Par avis du 26
octobre 2001
paru dans le Bulletin officiel, le DAES a fait savoir aux
propriétaires
concernés que plusieurs modifications étaient envisagées. En
particulier,
dans le secteur du Chachelar, les trois parcelles précitées devraient
être
affectées en zone agricole. Copropriétaires de la parcelle n° 626,
d'une
surface de 3701 m2, les époux A.________ et B.________ se sont
opposés à ce
classement en relevant que la parcelle était accessible et équipée,
que le
secteur était largement bâti et que des constructions étaient en
cours. Une
inspection locale a eu lieu le 26 avril 2002.
Par décision du 20 juin 2002, le Conseil d'Etat a notamment décidé de
classer
les parcelles n° 625, 626 et 1182 en zone agricole. Dans un périmètre
proche,
seules les parcelles 630 et 627 étaient bâties, une construction
étant en
cours sur la parcelle 628. Le secteur ne pouvait être considéré comme
une
partie du territoire largement bâtie. Les besoins d'extension de la
zone à
bâtir avaient été largement pris en compte, le coefficient
d'agrandissement
étant de 2.1 pour le territoire communal, et de 3.5 pour le seul
village
d'Icogne.
Par arrêt du 6 décembre 2002, le Tribunal administratif valaisan a
rejeté le
recours formé par les époux A.________ et B.________, en substance
pour les
mêmes motifs.

B.
A.________ et B.________ forment un recours de droit public concluant
à
l'annulation de cet arrêt et au renvoi de la cause au Tribunal
administratif
pour nouveau jugement.
La cour cantonale et le Conseil d'Etat ont renoncé à déposer des
observations. La commune d'Icogne se réfère aux déterminations
formulées en
instance cantonale, qui vont dans le sens de l'admission du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit public est ouvert contre une décision finale de
dernière
instance cantonale relative à l'approbation d'un plan d'affectation
au sens
de l'art. 14 LAT (art. 34 al. 3 LAT). En tant que propriétaires de la
parcelle dont l'affectation est contestée, les recourants ont qualité
pour
agir (art. 88 OJ). Compte tenu de la nature cassatoire du recours de
droit
public, ils ne peuvent toutefois conclure qu'à l'annulation de l'arrêt
attaqué, la conclusion tendant au renvoi de la cause étant à cet égard
superfétatoire.

2.
Dans un premier grief d'ordre formel, les recourants reprochent au
Tribunal
administratif d'avoir statué sans procéder à l'inspection locale
qu'ils
avaient requise. La cour cantonale aurait ainsi méconnu que le
secteur du
Chachelar s'inscrit dans le prolongement direct et naturel du vieux
village,
dont il n'est séparé que par une courte distance; elle aurait aussi
ignoré la
proximité de constructions voisines et les possibilités d'un
développement
harmonieux et cohérent offert par le secteur, éléments qui ne
ressortiraient
pas du dossier.

2.1 Garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu permet
au
justiciable de proposer des preuves et de participer à leur
administration.
Ce droit ne concerne que les éléments qui sont déterminants pour
l'issue du
litige. Il est ainsi possible de renoncer à l'administration de
certaines
preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter
l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas, que les
preuves
résultent déjà de constatations versées au dossier, et lorsque le juge
parvient à la conclusion qu'elles ne sont pas décisives pour la
solution du
litige ou qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF
126 I
15 consid. 2a/aa p. 16; 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p. 135).

2.2 En l'occurrence, les motifs retenus par la cour cantonale ont
trait,
essentiellement, à la nécessité de réduire la zone à bâtir. La
distance des
parcelles avec le centre du village, ainsi que la répartition des
constructions voisines ressortent clairement des plans à disposition,
et
n'ont d'ailleurs pas manqué d'être mentionnées dans l'arrêt attaqué.
Quant
aux possibilités d'un développement harmonieux du quartier, il ne
s'agit pas
d'un élément considéré comme déterminant par la cour cantonale pour
savoir si
la zone doit être incluse dans la zone à bâtir selon les critères de
l'art.
15 LAT, compte tenu du surdimensionnement actuel de cette zone.
La demande d'inspection locale - que les recourants s'abstiennent
d'ailleurs
de renouveler devant la cour de céans - pouvait donc être écartée
sans violer
le droit d'être entendu.

3.
Les recourants invoquent aussi les dispositions de droit cantonal
relatives
au pouvoir d'appréciation du Conseil d'Etat et du Tribunal
administratif
(soit les art. 78 let. a LPJE et 38 al. 2 LcAT), qui excluent
notamment le
contrôle de l'opportunité. La zone à bâtir étant, nonobstant la mesure
d'aménagement contestée, surdimensionnée au regard de l'art. 15 LAT,
seule la
commune pouvait décider du déclassement de certaines parcelles.

Même si le déclassement contesté n'est pas propre à rétablir, à lui
seul, une
situation conforme à l'art. 15 LAT, il n'est pas moins motivé par la
nécessité de définir une zone à bâtir davantage conforme aux
exigences de
cette disposition. Une zone à bâtir surdimensionnée n'est, en effet,
pas
seulement inopportune, mais aussi illégale au sens de l'art. 15 LAT
(Flückiger, Commentaire LAT n° 15 ad art. 15 LAT). Les critères
utilisés pour
le classement des parcelles découlent, eux aussi, du droit fédéral.
Dès lors,
contrairement à ce que soutiennent les recourants, le Conseil d'Etat,
puis le
Tribunal administratif, ne sont pas intervenus en opportunité, mais
sont
restés dans le cadre du contrôle de la légalité et de la conformité
au plan
directeur fixé, pour le Conseil d'Etat, à l'art. 38 al. 2 LcAT et,
pour le
Tribunal administratif, aux art. 33 al. 3 let. b LAT et 79 let. a
LPJA.

4.
Se plaignant d'arbitraire en relation avec l'art. 15 LAT, les
recourants
soutiennent que leur bien-fonds, d'une surface inférieure à 6000 m2
et situé
à environ 800 m du centre du village, constituerait une brèche dans
le tissu
bâti: la parcelle n° 626 serait en limite directe du vieux village;
l'ensemble serait bordé au sud (parcelles n° 627 et 628) et à l'ouest
par de
la zone à bâtir. La parcelle n° 626, desservie par la route menant au
centre
du village, serait équipée en eau et électricité, et pourrait être
raccordée
facilement aux égouts. Rien ne justifierait un traitement différent
des
parcelles n° 627 et 628, maintenues en zone à bâtir.

Les recourants invoquent également la garantie de la propriété. La
mesure
contestée n'apporterait qu'une amélioration négligeable de la
situation; elle
serait manifestement disproportionnée, compte tenu de l'absence de
tout
caractère agricole des parcelles concernées.

4.1 Une mesure d'aménagement du territoire comme le classement d'un
bien-fonds dans une zone agricole protégée, représente une
restriction au
droit de propriété qui n'est compatible avec l'art. 26 Cst. que pour
autant
qu'elle repose sur une base légale, se justifie par un intérêt public
suffisant et respecte les principes de la proportionnalité et de
l'égalité
devant la loi (art. 36 Cst.; ATF 125 II 129 consid. 8 p. 141 et
l'arrêt
cité). Le Tribunal fédéral examine en principe librement si une
restriction
de la propriété se justifie par un intérêt public et si cet intérêt
l'emporte
sur l'intérêt privé auquel il s'oppose; il jouit d'une même latitude
lorsqu'il s'agit d'apprécier si une telle restriction viole le
principe de la
proportionnalité. Il s'impose toutefois une certaine retenue
lorsqu'il s'agit
de tenir compte de circonstances locales ou de trancher de pures
questions
d'appréciation (ATF 125 II 86 consid. 6 p. 98 et les arrêts cités).
Tel est
notamment le cas lorsque le litige porte sur la délimitation des zones
d'affectation (ATF 113 Ia 444 consid. 4b/ba p. 448 et les arrêts
cités).

4.2 L'accomplissement d'une planification satisfaisant aux exigences
de la
LAT répond à un intérêt public important. Pour décider si
l'attribution d'une
parcelle à la zone agricole est justifiée par un intérêt public
prépondérant,
il y a lieu de tenir compte des critères posés dans la LAT, des règles
d'aménagement prévues par le droit cantonal, ainsi que de tous les
intérêts
déterminants dans le cas d'espèce (ATF 118 Ia 151 consid. 4b p. 157).

4.3 Selon l'art. 15 let. a et b LAT, les zones à bâtir comprennent les
terrains propres à la construction qui sont déjà largement bâtis ou
seront
probablement nécessaires à la construction dans les 15 ans à venir et
seront
équipés dans ce laps de temps. Dans le cas particulier, le Tribunal
cantonal
a confirmé la décision du Conseil d'Etat, prise pour réduire les
zones à
bâtir de la commune d'Icogne, considérées comme surdimensionnées.
Lorsque ces
zones ne sont probablement pas nécessaires à la construction dans les
15
années à venir au sens de l'art. 15 let. b LAT, les mesures servant à
les
réduire répondent à un intérêt public suffisant l'emportant sur le
principe
de la stabilité des plans et sur les intérêts privés opposés. Les
recourants
ne sauraient déduire du précédent classement de leurs terrains en
zone à
bâtir un droit au maintien de cette affectation (RDAT 2001 I 49 199,
1998 II
47 174; ATF 118 Ia 151 consid. 6c p. 162 et les arrêts cités).

4.4 Il n'est pas contesté que la zone à bâtir définie dans le plan
d'affectation communal est manifestement trop vaste puisqu'elle
correspond à
une capacité plus de deux fois supérieure à la population résidente et
touristique. Ce coefficient serait même de 3,5 pour le seul village
d'Icogne,
et le déclassement des parcelles concernées permettrait de ramener ce
chiffre
à 3,2. Dans ces conditions, la commune - et à défaut, l'autorité
d'homologation - se trouvait dans une situation où elle n'était pas
seulement
autorisée, mais bien davantage obligée de réduire ses zones à bâtir.
Même si
elle n'apparaît pas suffisante à elle seule pour rétablir une
situation
conforme à la LAT, la décision attaquée n'en répond pas moins à un
intérêt
public prépondérant. Le fait que les terrains litigieux disposent de
l'équipement de base n'impose d'ailleurs pas à lui seul leur
classement en
zone à bâtir (cf. ATF 117 Ia 434 consid. 3g p. 439 et les arrêts
cités).

4.5 Les recourants prétendent que le secteur du Chachelar serait
largement
bâti au sens de l'art. 15 let. a LAT. Pour que tel soit le cas, l'on
doit se
trouver en présence d'un groupement de constructions formant un noyau
(ATF
116 Ia 335 consid. 4a p. 337), soit un milieu bâti de manière compacte
comportant des accès et des infrastructures. Par ailleurs, les
terrains
largement bâtis comprennent également des surfaces non bâties formant
des
brèches dans le tissu bâti. Il doit s'agir de surfaces de peu
d'importance
(ATF 122 II 462 consid. 6a; 121 II 424 consid. 5a) par rapport à
l'étendue du
milieu bâti dans lequel elles s'insèrent.

4.6 En l'espèce, la parcelle des recourants est située dans le
secteur en
Chachelar, lequel forme un triangle délimité au nord par la zone
forestière,
à l'est par un chemin de desserte et à l'ouest par la route
Stand-Sossa. Un
stand
de tir désaffecté est situé au nord, actuellement en zone
forestière.
Les parcelles n° 627 et 628, situées au sud du secteur, sont
construites: la
première supporte une maison familiale, la seconde une villa en voie
d'achèvement. Le secteur Trechière situé à l'ouest, en aval de la
route
Stand-Sossa, est bâti dans sa partie la plus à l'ouest, ainsi que la
parcelle
n° 630 voisine de celle des recourants. En revanche, les parcelles n°
631 et
632, situées le long de la route, ne sont pas construites. Si le
secteur du
Chachelar se tient dans le prolongement au nord de la zone du vieux
village,
il est totalement séparé de l'agglomération proprement dite. Une
autre zone à
bâtir, séparée elle aussi de celle du village et formant un ensemble
distinct, se situe plus au nord.

La parcelle des recourants forme, avec les parcelles n° 1182 et 625,
l'extrémité nord du secteur du Chachelar. Hormis les parcelles n° 627
(choisie comme limite du périmètre à bâtir) et 630 (située de l'autre
côté de
la route), elle est entourée de terrains non construits. Les
constructions
avoisinantes ne forment manifestement pas un tissu suffisamment dense
pour
être considéré comme largement bâti au sens de l'art. 15 LAT. Compte
tenu de
l'absence totale de construction au nord et à l'est, le classement
contesté
n'a pas pour effet de former une brèche dans le milieu bâti. La
différence de
traitement avec les parcelles n° 627 et 628 s'explique au surplus par
le fait
que ces dernières, plus proches du village, sont déjà construites.

4.7 Il en résulte que l'application par le Tribunal cantonal des art.
15 et
17 LAT ne consacre aucune violation de la garantie de la propriété,
le grief
d'arbitraire n'ayant pas, en l'espèce, de portée distincte par
rapport à
celui tiré de l'art. 26 Cst.

5.
Le recours de droit public doit par conséquent être rejeté, dans la
mesure où
il est recevable. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument
judiciaire
est mis à la charge des recourants, qui succombent.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 4000 fr. est mis à la charge des
recourants.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des
recourants, à la
Commune d'Icogne, au Conseil d'Etat et au Tribunal cantonal du canton
du
Valais, Cour de droit public.

Lausanne, le 11 juillet 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.115/2003
Date de la décision : 11/07/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-11;1p.115.2003 ?
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