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10/07/2003 | SUISSE | N°2A.598/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 juillet 2003, 2A.598/2002


2A.598/2002/DAC/elo
{T 0/2}

Arrêt du 10 juillet 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Müller et Wuilleret, juge suppléant.
Greffière: Mme Dupraz.

A. T.________ et B.T.________, recourants,
tous les deux représentés par Me Charles Munoz,
avocat, rue du Casino 1, case postale 553,
1401 Yverdon-les-Bains,

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

Exception aux mesures de limitation

(recours de droit administratif contre la décis

ion du Dé- partement
fédéral
de justice et police du 6 novembre 2002)

Faits:

A.
Ressortissant yougoslave,...

2A.598/2002/DAC/elo
{T 0/2}

Arrêt du 10 juillet 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Müller et Wuilleret, juge suppléant.
Greffière: Mme Dupraz.

A. T.________ et B.T.________, recourants,
tous les deux représentés par Me Charles Munoz,
avocat, rue du Casino 1, case postale 553,
1401 Yverdon-les-Bains,

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

Exception aux mesures de limitation

(recours de droit administratif contre la décision du Dé- partement
fédéral
de justice et police du 6 novembre 2002)

Faits:

A.
Ressortissant yougoslave, X.T.________ a eu avec sa femme Y.________
deux
enfants: A.T.________, née le 19 mars 1981, et B.T.________, né le 29
mars
1982. X.T.________, qui vit dans le canton de Vaud, bénéficie d'une
autorisation d'établissement en Suisse. A.T.________ et B.T.________,
également ressortissants yougoslaves, sont arrivés en Suisse le 10
janvier
1999. Ils se sont vu accorder, le 5 février 1999, une autorisation
d'établissement pour vivre auprès de leurs parents.

Accompagnés de leur mère, A.T.________ et B.T.________ ont quitté la
Suisse
le 31 août 1999 pour effectuer l'année scolaire 1999/2000 dans leur
pays
d'origine. Revenus en Suisse le 2 juillet 2000, ils ont à nouveau
demandé une
autorisation d'établissement. Par décision du 7 septembre 2000, le
Service de
la population du canton de Vaud (ci-après: le Service cantonal) a
rejeté la
demande et imparti aux intéressés un délai d'un mois dès la
notification de
cette décision pour quitter le territoire vaudois. Il a constaté que
les
autorisations d'établissement délivrées le 5 février 1999 avaient
pris fin à
la suite de la longue absence des intéressés de Suisse. En outre, il a
considéré que les conditions pour leur délivrer de nouvelles
autorisations
d'établissement n'étaient pas remplies.

Par arrêt du 12 février 2001, le Tribunal administratif du canton de
Vaud
(ci-après: le Tribunal administratif) a rejeté le recours formé par
A.T.________ et B.T.________ contre la décision du Service cantonal
du 7
septembre 2000, confirmé cette décision et imparti aux intéressés un
délai de
départ échéant le 15 mars 2001. Il a admis l'extinction des
autorisations
d'établissement de A.T.________ et B.T.________ parce qu'ils avaient
séjourné
plus de six mois à l'étranger. Il a également nié que le Bureau des
étrangers
de Montagny-près-Yverdon eût violé le principe de la bonne foi en
donnant des
renseignements erronés aux intéressés.

Par arrêt du 19 juin 2001 (2A.129/2001), le Tribunal fédéral a rejeté
le
recours de droit administratif interjeté par A.T.________ et
B.T.________
contre l'arrêt du Tribunal administratif du 12 février 2001.

B.
Le 14 septembre 2001 A.T.________ et B.T.________ ont déposé auprès du
Service cantonal une demande d'autorisation de séjour fondée sur
l'art. 13
lettre f de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des
étrangers
(OLE ; RS 823.21). Le 3 janvier 2002, cette demande a été transmise à
l'Office fédéral des étrangers, actuellement l'Office fédéral de
l'immigration, de l'intégration et de l'émigration, (ci-après:
l'Office
fédéral). Par décision du 13 mars 2002, l'Office fédéral a refusé
d'exempter
A.T.________ et B.T.________ des mesures de limitation du nombre des
étrangers. Il a considéré que les arguments présentés à l'appui de la
demande
(séjour antérieur et présence en Suisse des parents) ne permettaient
pas de
conclure que les requérants se trouvaient personnellement dans une
situation
d'extrême gravité au sens de la législation et de la pratique
restrictive en
la matière.

C.
Par décision du 6 novembre 2002, le Département fédéral de justice et
police
(ci-après: le Département fédéral) a rejeté le recours de
A.T.________ et
B.T.________ contre la décision de l'Office fédéral du 13 mars 2002 et
confirmé que les intéressés restaient assujettis aux mesures de
limitation.
Il a notamment retenu que A.T.________ et B.T.________ avaient passé
dans
leur patrie les années décisives pour la formation de leur
personnalité et
qu'ils n'avaient pas pu nouer des liens particulièrement étroits en
Suisse,
puisqu'ils n'y avaient séjourné que trois ans en tout. Le fait que la
proche
famille des intéressés avait un droit de présence en Suisse n'était
pas
détermi- nant, puisque les intéressés étaient d'âge à vivre
indépendamment de
leurs parents. Au demeurant, le Département fédéral n'avait pas à
revenir sur
les circonstances ayant entraîné l'extinction des autorisations
d'établissement délivrées le 5 février 1999.

D.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.T.________
et
B.T.________ demandent au Tribunal fédéral, sous suite de dépens, que
la
décision du Département fédéral du 6 novembre 2002 soit réformée en
ce sens
qu'ils soient mis au bénéfice d'une exception aux mesures de
limitation,
conformément à l'art. 13 lettre f OLE. Les recourants font valoir
qu'ils
n'ont plus aucun lien avec leur pays d'origine, toute leur famille se
trouvant en Suisse au bénéfice d'une autorisation d'établissement. Ils
soulignent l'importance qu'eux-mêmes et leurs parents attachent à
l'union de
la famille et relèvent que leur famille va être séparée uniquement
pour des
motifs formels (ignorance des règles légales, voire mauvaise
information). En
outre, ils n'auraient jamais recouru à une aide sociale et auraient
toujours
été indépendants financièrement. De plus, ils n'auraient jamais occupé
défavorablement les autorités suisses; d'ailleurs, ils
bénéficieraient de
l'appui de la municipalité d'Yverdon-les-Bains. Les intéressés
invoquent
l'ATF 117 Ib 317. Ils demandent en outre que l'effet suspensif soit
accordé à
leur recours.

Le Département fédéral conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La voie du recours de droit administratif est ouverte contre les
décisions
relatives à l'assujettissement aux mesures de limitation prévues par
l'ordonnance limitant le nombre des étrangers (ATF 122 II 403 consid.
1 p.
404/405; 119 lb 33 consid. 1a p. 35). Par conséquent,
déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi, le
présent
recours est en principe recevable en vertu des art. 97 ss OJ. II ne
peut
toutefois porter que sur l'objet du litige, soit sur le refus des
autorités
fédérales d'exempter les recourants des mesures de limitation. Dès
lors, les
arguments des recourants qui ont déjà été examinés dans le cadre de la
décision relative à l'extinction de leurs autorisations
d'établissement,
devenue définitive à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral du 19
juin 2001,
ne peuvent pas être pris en considération.

2.
Saisi d'un recours de droit administratif dirigé contre une décision
qui
n'émane pas d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral revoit, le
cas
échéant d'office, les constatations de fait (art. 104 lettre b et 105
al. 1
OJ). Sur le plan juridique, il vérifie d'office l'application du droit
fédéral qui englobe en particulier les droits constitutionnels des
citoyens
(ATF 124 II 517 consid. 1 p. 519; 123 II 385 consid. 3 p. 388) - en
examinant
notamment s'il y a eu excès ou abus du pouvoir d'appréciation (art.
104
lettre a OJ) -, sans être lié par les motifs invoqués par les parties
(art.
114 al. 1 in fine OJ). En revanche, il ne peut pas revoir
l'opportunité de la
décision attaquée, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen
dans ce
domaine (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).

En matière de police des étrangers, lorsque la décision entreprise
n'émane
pas d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral fonde en principe
ses
jugements, formellement et matériellement, sur l'état de fait et de
droit
existant au moment de sa propre décision (ATF 124 II 361 consid. 2a
p. 365;
122 II 1 consid. 1b p. 4).

3.
3.1Les mesures de limitation visent, en premier lieu, à assurer un
rapport
équilibré entre l'effectif de la population suisse et celui de la
population
étrangère résidante, ainsi qu'à améliorer la structure du marché du
travail
et à assurer un équilibre optimal en matière d'emploi (art. 1er
lettres a et
c OLE). L'art. 13 lettre f OLE soustrait aux mesures de limitation
"les
étrangers qui obtiennent une autorisation de séjour dans un cas
personnel
d'extrême gravité ou en raison de considérations de politique
générale".
Cette disposition a pour but de faciliter la présence en Suisse
d'étrangers
qui, en principe, seraient comptés dans les nombres maximums fixés
par le
Conseil fédéral, mais pour lesquels cet assujettissement paraîtrait
trop
rigoureux par rapport aux circonstances particulières de leur cas ou
pas
souhaitable du point de vue politique.

II découle de la formulation de l'art. 13 lettre f OLE que cette
disposition
dérogatoire présente un caractère exceptionnel et que les conditions
auxquelles la reconnaissance d'un cas de rigueur est soumise doivent
être
appréciées restrictivement. II est nécessaire que l'étranger concerné
se
trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que
ses
conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la
moyenne
des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue,
c'est-à-dire
que le refus de soustraire l'intéressé aux restrictions des nombres
maximums
comporte pour lui de graves conséquences. Lors de l'appréciation d'un
cas
personnel d'extrême gravité, il y a lieu de tenir compte de
l'ensemble des
circonstances du cas particulier. La reconnaissance d'un cas personnel
d'extrême gravité n'implique pas forcément que la présence de
l'étranger en
Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une situation de
détresse.
Par ailleurs, le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant
une assez
longue période, qu'il s'y soit bien intégré, socialement et
professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de
plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême
gravité; il
faut encore que la relation du requérant avec la Suisse soit si
étroite qu'on
ne puisse pas exiger qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment
dans son
pays d'origine. A cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de
voisinage que le requérant a pu nouer pendant son séjour ne
constituent
normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils
justifieraient une
exemption des mesures de limitation du nombre des étrangers (ATF 124
II 110
consid. 2 p. 111/112 et la jurisprudence citée).

3.2 Les recourants sont deux étrangers célibataires qui, ayant plus
de vingt
et un et vingt-deux ans, sont en mesure de mener une existence
indépendante
de leurs parents. Ils n'ont vécu en Suisse que de janvier à août 1999
et
depuis juillet 2000 jusqu'à aujourd'hui, soit moins de quatre ans au
total,
et ne démontrent pas qu'ils y aient tissé des liens particulièrement
étroits.
Devant l'autorité intimée, ils ont admis au contraire qu'il était
difficile
de parler dans leur cas de pleine intégration en Suisse, en raison de
la
brièveté de leur séjour. Dans la mesure où ils ont vécu dans leur pays
d'origine jusqu'à l'âge de passé dix-sept ans pour l'une et passé
seize ans
pour l'autre, ils ont la possibilité de s'y réintégrer, quand bien
même leur
proche famille se trouve désormais en Suisse (cf. l'arrêt 2A.183/2002
du 4
juin 2002, consid. 3.2). En outre, l'art. 13 lettre f OLE n'a pas
pour but
d'étendre la notion de regroupement familial à des cas non couverts
par les
art. 7 et 17 de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et
l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20) (cf. l'arrêt
2A.490/1999 du
25 août 2000, consid. 2) et ne peut ainsi pas être invoqué pour
permettre à
des enfants majeurs de vivre en Suisse uniquement parce que leurs
parents y
séjournent. De plus, l'argument des intéressés selon lequel l'union
de la
famille est un élément extrêmement important pour eux et pour leurs
parents
en raison de leur culture est fortement relativisé par la réalité des
faits,
les recourants étant restés plusieurs années dans leur pays d'origine
pour y
poursuivre leur scolarité alors que leur père se trouvait déjà en
Suisse. Par
ailleurs, les considérations selon lesquelles les intéressés n'ont
jamais
occupé défavorablement les autorités suisses, n'ont jamais eu recours
à une
quelconque aide sociale et ont toujours été, ainsi que leur famille,
indépendants financièrement ne suffisent pas au sens de la
jurisprudence
précitée. Quant à l'argumentation selon laquelle il ne serait pas
admissible
de séparer une famille uniquement pour des motifs formels, plus
particulièrement parce que le père des recourants n'a pas entrepris
les
démarches nécessaires en vue de la prolongation des autorisations
d'établissement de ses enfants, alors qu'il lui était tout à fait
possible
d'obtenir cette prolongation, elle a déjà été examinée dans la
procédure
relative à l'extinction desdites autorisations d'établissement et ne
peut dès
lors pas être prise en considération dans le cadre du présent recours
(cf. le
consid. 1 ci-dessus).

Une appréciation globale tenant compte de l'ensemble des
circonstances ne
permet pas de conclure que les recourants se trouvent dans un cas
personnel
d'extrême gravité au sens de l'art. 13 lettre f OLE. L'autorité
intimée n'a
donc pas violé le droit fédéral.

3.3 Au demeurant, les recourants ne sauraient tirer
argument de l'ATF
117 Ib
317, car ce cas diffère sur des points essentiels de la présente
espèce. En
particulier, le recourant avait séjourné plus de vingt ans en Suisse
et s'y
était bien intégré. De plus, c'était pour s'occuper de ses parents
malades
qu'il était rentré dans sa patrie.

4.
Compte tenu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la
mesure où
il est recevable.

La décision au fond rend sans objet la requête d'effet suspensif,
admise à
titre provisoire.

Succombant, les recourants doivent supporter les frais judiciaires
(art. 156,
153 et 153a OJ) et n'ont pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des recou-
rants,
solidairement entre eux.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recou-
rants et au
Département fédéral de justice et police.

Lausanne, le 10 juillet 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.598/2002
Date de la décision : 10/07/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-10;2a.598.2002 ?
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