{T 0/2}
1A.152/2002 /col
Arrêt du 10 juillet 2003
Ire Cour de droit public
MM. les Juges Nay, Juge présidant et Vice-président du Tribunal
fédéral,
Reeb, Féraud, Catenazzi et Fonjallaz.
Greffier: M. Kurz.
la société S.________,
recourante, représentée par Me Jacques Ballenegger, avocat, rue
Beau-Séjour
10, case postale 2860,
1002 Lausanne,
contre
B.________,
intimé,
Municipalité de Grandvaux, 1091 Grandvaux,
Département des infrastructures du canton de Vaud, place de la
Riponne 10,
1014 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15,
1014
Lausanne.
extension d'une exploitation en zone viticole, ordre de démolition
recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
administratif du
canton de Vaud du 10 juin 2002.
Faits:
A.
La société S.________ a pour actionnaires les descendants de son
fondateur
A.________, soit C.________ (actionnaire principal), D.________
(administrateur), E.________, F.________ et G.________. Elle a pour
but la
transformation, la mise en valeur et le commerce de produits viticoles
provenant de vignes situées à Lavaux, Champagne, Ollon, Yvorne, ainsi
qu'en
Valais et à Neuchâtel, pour un total d'environ 26 ha. S.________ est
propriétaire de la parcelle n° 630 du cadastre de Grandvaux, située à
la
sortie du village, en zone viticole. D'une surface de 6 ha, cette
parcelle
supporte un bâtiment d'une surface au sol de 200 m2 environ, dans
lequel se
trouvent les installations du domaine (pressoirs, cuves,
installations de
mise en bouteilles et caves) ainsi qu'un logement occupé par
C.________. Ce
bâtiment a fait l'objet de plusieurs agrandissements successifs.
Le 10 février 1997, S.________ a obtenu l'autorisation de réaliser un
couvert
de 100 m2 ainsi qu'une extension en sous-sol de 350 m2 destinée au
stockage
et à la commercialisation du vin. Le Service de l'aménagement du
territoire
(SAT) précisa que les possibilités d'extension fondées sur l'art. 24
LAT (RS
700) étaient ainsi épuisées. Lors des travaux, S.________ a excédé le
cadre
de l'autorisation de construire en aménageant notamment une extension
de 58,8
m2 (14 m par 4,2 m) de la cave située à l'ouest du bâtiment, ainsi
qu'un
local enterré de 30 m2 (7,51 m par 4 m) à l'extrémité ouest de
celui-ci. Ces
travaux ont fait l'objet d'une enquête complémentaire au mois de
septembre
1999, et ont suscité l'opposition de B.________, propriétaire voisin.
Le 12
avril 2000, le SAT a refusé l'autorisation spéciale requise, et exigé
la
démolition du local enterré précité, tout en réservant pour les autres
travaux une procédure ultérieure de régularisation. Cette décision a
été
notifiée le 3 mai 2000 par la municipalité, laquelle précisa qu'après
discussions avec les services concernés, la remise en état pouvait se
limiter
à une mise hors service du local litigieux. Un recours contre la
décision du
12 avril 2000, ainsi qu'une demande de reconsidération de cette
décision, ont
été écartés par le Tribunal administratif vaudois (arrêt du 31 mai
2001,
confirmé par arrêt du Tribunal fédéral du 24 janvier 2002).
B.
Un projet de régularisation des travaux, en particulier des deux
extensions
souterraines, a été mis à l'enquête du 3 au 23 avril 2001. Il a fait
l'objet
d'oppositions, notamment de B.________ et de l'association "Sauvez
Lavaux".
Par décision notifiée le 21 juin 2001, le SAT a refusé l'autorisation
spéciale pour l'agrandissement de la cave souterraine en considérant
qu'il
s'agissait de locaux d'encavage de vins de provenances diverses, par
conséquent de nature commerciale et non viticole; les droits
dérogatoires
déduits de l'art. 24 LAT avaient déjà été épuisés. La cave devait être
comblée et rendue inutilisable dans un délai au 15 septembre 2001.
S'agissant
de la construction souterraine de 30 m2, le SAT renvoyait à sa
décision du 12
avril 2000, définitive sur ce point.
C.
Par arrêt du 10 juin 2002, le Tribunal administratif vaudois a
confirmé la
décision du SAT. Appliquant à l'ensemble des constructions les
dispositions
de la LAT entrées en vigueur au 1er septembre 2000, il a considéré
que seule
était conforme à la zone agricole l'exploitation viticole consacrée
principalement à l'exploitation du sol et, accessoirement seulement,
au
traitement, au stockage et à la vente de produits. La vigne devait
provenir
de la région et, au moins pour moitié, de l'exploitation ou de la
communauté
de production; la mise en valeur ne devait pas se faire de manière
industrielle. En l'occurrence, la récolte vinifiée et mise en
bouteille
provenait de 53 parcelles dont 22 étaient situées dans la région du
Lavaux
(soit un tiers des 26 ha exploités), 13 dans le district d'Aigle, 9 à
Grandson et 6 en Valais. Même en étendant la notion de région aux
districts
de Lavaux, Vevey et Aigle, il resterait 6 ha exploités dans le nord
vaudois
et en Valais. S.________ était une société immobilière, et
C.________, son
actionnaire principal, ne paraissait pas pouvoir être considéré comme
un
exploitant à la tête d'une unité d'exploitation, son activité se
rapprochant
davantage de celle d'une coopérative viticole. Le bâtiment n'était
donc pas
conforme à l'affectation de la zone viticole, et le constructeur avait
largement dépassé les possibilités dérogatoires offertes par les art.
24ss
LAT. L'ordre de comblement des locaux souterrains a également été
confirmé,
la constructrice ne pouvant se prétendre de bonne foi, ni invoquer le
principe de la proportionnalité. Le délai pour la remise en état a
été fixé
au 30 novembre 2002.
D.
S.________ forme un recours de droit administratif contre ce dernier
arrêt.
Elle conclut à sa réforme, et à l'octroi d'un permis de construire
pour les
divers agrandissements requis, subsidiairement au renvoi de la cause
à la
cour cantonale pour nouvelle décision. L'effet suspensif est également
requis; il a été accordé par ordonnance présidentielle du 13
septembre 2002.
Le Tribunal administratif et le SAT concluent au rejet du recours. La
Municipalité de Grandvaux propose l'admission du recours. L'Office
fédéral du
développement territorial conclut au rejet du recours et à la
fixation d'un
nouveau délai pour exécuter l'ordre de remise en l'état. La
recourante a
répliqué.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Selon l'art. 97 OJ en relation avec l'art. 5 PA, le recours de droit
administratif est ouvert contre les décisions fondées sur le droit
public
fédéral - ou qui auraient dû l'être -, rendues par les autorités
énumérées à
l'art. 98 OJ. Il est également recevable contre des décisions fondées
sur le
droit cantonal et sur le droit fédéral, dans la mesure où la
violation de
dispositions de droit fédéral directement applicables est en jeu (ATF
126 V
252 consid. 1a p. 254; 123 II 16 consid. 2a p. 20, 359 consid. 1a/aa
p. 361;
121 II 161 consid. 2a et les arrêts cités).
1.1 Le recours de droit administratif est en particulier ouvert
contre les
décisions de dernière instance cantonale sur la reconnaissance de la
conformité à l'affectation de la zone des constructions sises hors de
la zone
à bâtir, ou concernant des autorisations exceptionnelles de construire
fondées sur l'art. 24 LAT (art. 34 al. 1 LAT; cf. ATF 123 II 499
consid. 1a);
il en va de même lorsque la décision attaquée confirme la démolition
d'une
construction ou d'une installation réalisée sans autorisation, alors
que le
constructeur allègue la conformité des travaux à l'affectation de la
zone, ou
prétend à l'octroi d'une dérogation selon l'art. 24 LAT (cf. ATF 105
Ib 272
consid. 1c p. 276).
1.2 La décision attaquée émanant d'une autorité judiciaire, le
Tribunal
fédéral est lié par les faits constatés, sauf s'ils sont manifestement
inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris des règles
essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ).
2.
La recourante soutient que son bâtiment serait conforme à
l'affectation de la
zone viticole. L'exigence de la provenance régionale ne figurerait
pas à
l'art. 34 al. 1 OAT (RS 700.1), et le bâtiment, comprenant les
installations
de pressage et d'encavage, servirait au développement interne de
l'exploitation. Le type de culture et de produit correspondrait en
outre aux
critères retenus à l'art. 34 al. 1 OAT. A supposer qu'un critère de
provenance géographique soit applicable, la recourante soutient qu'un
rayon
de 15 km, inspiré de l'art. 10 al. 1 let. a de l'ordonnance du 7
décembre
1998 sur la terminologie agricole et la reconnaissance des formes
d'exploitation (OTerm; RS 910.91), serait inapproprié dans le domaine
viticole, puisqu'il empêcherait à une exploitation de produire des
vins
d'appellations différentes, alors que la diversification est
actuellement
nécessaire pour permettre la survie des entreprises vinicoles.
3.
Aux termes de l'art. 52 de la loi vaudoise sur l'aménagement du
territoire et
les constructions, les zones agricoles et viticoles sont destinées à
l'exploitation agricole, horticole et viticole liée au sol ainsi
qu'aux
activités reconnues conformes à ces zones par le droit fédéral.
3.1 Selon l'art. 16a al. 1, 1re phrase LAT, dans sa teneur au 1er
septembre
2000 (et dont la cour cantonale a fait application en vertu de l'art.
52 al.
2 OAT), sont conformes à l'affectation de la zone agricole les
constructions
et installations qui sont nécessaires à l'exploitation agricole ou à
l'horticulture productrice. Cette définition correspond à celle que la
jurisprudence avait élaborée sur la base de l'ancien art. 16 LAT:
seules les
constructions dont la destination correspond à la vocation agricole
du sol
peuvent donner lieu à une autorisation ordinaire au sens de l'art. 22
al. 2
let. a LAT. En d'autres termes, le sol doit être le facteur de
production
primaire et indispensable et les modes d'exploitation dans lesquels
le sol ne
joue pas un rôle essentiel ne sont pas agricoles (cf. ATF 125 II 278
consid.
3a p. 281 et les arrêts cités). L'art. 34 al. 1 OAT reprend cette
définition
en précisant que sont conformes à l'affectation de la zone les
constructions
qui servent à l'exploitation tributaire du sol ou au développement
interne.
Selon l'art. 34 al. 2 OAT, sont aussi conformes à l'affectation de la
zone
les constructions servant à la préparation, au stockage ou à la vente
de
produits agricoles ou horticoles (a) si ces derniers sont produits
dans la
région et que plus de la moitié d'entre eux proviennent de
l'exploitation où
se trouvent lesdites constructions ou d'exploitations appartenant à
une
communauté de production, (b) si la préparation, le stockage ou la
vente ne
revêt pas un caractère industriel et (c) si l'exploitation où se
trouvent
lesdites constructions conserve son caractère agricole ou horticole.
3.2 La novelle du 20 mars 1998 admet plus largement la conformité à
l'affectation de la zone agricole: elle est désormais reconnue non
seulement
pour les constructions et installations répondant à la définition de
l'art.
16a al. 1, 1re phrase LAT, mais également, aux termes de l'art. 16a
al. 2
LAT, pour celles qui servent au développement interne d'une
exploitation
agricole ou d'une exploitation pratiquant l'horticulture productrice,
indépendamment des conditions restrictives de l'art. 24 LAT. Il y a
"développement interne" lorsqu'un secteur de production non
tributaire du sol
- garde d'animaux de rente (art. 36 OAT), cultures maraîchères ou
horticoles
indépendantes du sol (art. 37 OAT) - est adjoint à une exploitation
tributaire de façon prépondérante du sol afin que la viabilité de
cette
exploitation soit assurée. Le fait qu'une activité agricole remplisse
les
conditions énoncées aux art. 16 et 16a LAT ne signifie pas encore
qu'une
autorisation de construire une nouvelle installation en application
de l'art.
22 LAT doive nécessairement être délivrée. En effet, l'autorité
compétente
doit examiner en premier lieu si la nouvelle activité peut être
réalisée dans
les locaux existants; si tel n'est pas le cas, elle doit en outre
vérifier
que la nouvelle construction n'est pas surdimensionnée par rapport à
l'utilisation envisagée et les besoins de l'exploitation et qu'aucun
intérêt
prépondérant ne s'oppose à l'implantation du nouveau bâtiment à
l'endroit
prévu (art. 34 al. 4 OAT; ATF 125 II 278 consid. 3a p. 281).
3.3 Outre les constructions et installations directement nécessaires
à la
production agricole, sont également conformes à l'affectation de la
zone
agricole les bâtiments d'exploitation et installations
indissolublement liés
à la production (récolte, traite), au conditionnement, au chargement
et au
transport des produits à l'endroit de transformation. Certaines
installations
de transformation, de traitement et de mise en valeur des produits
agricoles
peuvent aussi trouver leur place en zone agricole. Le procédé de
traitement
et de mise en valeur doit se trouver dans un rapport direct avec
l'utilisation du sol, et le mode de travail doit se trouver en lien
étroit
avec l'exploitation du sol, la limite se situant là où la production
d'origine n'est plus prépondérante: lorsque la transformation du
produit
passe au premier plan ou lorsque l'exploitation prend un caractère
industriel
ou commercial, il n'y a pas place dans la zone agricole (ATF 125 II
278
consid. 7 p. 285).
3.4 La recourante soutient que la conformité à la zone viticole
pourrait être
admise sur la seule base de l'art. 34 al. 1 OAT, ce qui dispenserait
de tenir
compte du critère régional posé à l'art. 34 al. 2 OAT. Elle relève
que la
culture de la vigne est tributaire du sol, que les installations
situées dans
l'exploitation serviraient à son développement interne et à la
transformation
de denrées alimentaires ainsi qu'à l'exploitation de surfaces proches
de leur
état naturel (art. 34 al. 1 let. a et b OAT). La recourante perd de
vue que
les locaux souterrains, exclusivement destinés au dépôt ou au
stockage du
vin, ne servent pas directement à l'exploitation tributaire du sol. La
première hypothèse de l'art. 34 al. 1 OAT n'est donc pas réalisée;
quant au
développement interne (art. 16a al. 2 LAT), il concerne des activités
sans
rapport direct avec la culture du sol mais nécessaires à la
subsistance de
l'exploitation (voir les exemples de développement interne aux art.
36 et 37
OAT), ce qui n'est pas le cas des activités en rapport avec le
travail de la
vigne. Par ailleurs, en l'absence d'une mesure de planification
spéciale
selon l'art. 16a al. 3 LAT, la recourante ne saurait se prévaloir de
l'art.
34 al. 1 let. a ou b OAT. C'est dès lors avec raison que la cour
cantonale a
examiné la conformité des installations à l'affectation de la zone
sur la
base des critères fixés à l'art. 34 al. 2 OAT. Bien qu'elle n'y
figure pas
expressément, la notion de région est d'ailleurs inhérente à la
définition de
la conformité de la zone posée à l'art. 16a LAT.
3.5 Dans les régions traditionnellement vouées à la viticulture, les
installations destinées non seulement à la culture, au traitement et
à la
récolte de la vigne, mais aussi au pressurage du raisin, à la
vinification, à
l'élevage et, dans une certaine mesure en tout cas, au stockage,
peuvent être
maintenues en zone agricole. Quand bien même la vinification et
l'élevage
constituent des activités de mise en valeur essentielles, qui
confèrent au
produit une importante valeur ajoutée et apparaissent, techniquement,
indépendantes de la culture du sol, elles ne sauraient toutefois en
être
dissociées dans la mesure où le processus d'élaboration du vin peut
être
considéré comme un tout. ll faut toutefois pour cela que cette
activité
constitue réellement le prolongement de la culture viticole; cela
exclut en
particulier les exploitations dans lesquelles le caractère agricole
passe au
second rang, au profit d'une activité de caractère industriel ou
commercial
(art. 34 al. 2 let. b et c OAT). Le privilège de pouvoir presser,
vinifier,
élever, mettre en bouteille et stocker à l'intérieur de la zone
agricole n'a
plus de sens si la majeure partie de la récolte provient de régions
disséminées et éloignées du centre de l'exploitation (art. 34 al. 2
let. a
OAT). Dans ce cas, le caractère industriel prend le dessus.
3.6 En l'occurrence, l'exploitation dispose de 26 ha de vignes
réparties sur
53 parcelles, soit une capacité de 293'800 litres de vin dont 80% de
vin
blanc, en majorité du chasselas. Les vignes sont détenues par la
société (6
ha à Grandvaux et Ollon), par la famille Vogel (16 hectares) ou
louées à des
tiers (5 ha). Sur une surface totale de 258'282 m2, 92'357 m2 se
trouvent
dans le district de Lavaux (22 parcelles à Grandvaux, Villette,
Puidoux et
Cully), 102'097 m2 dans le district d'Aigle (13 parcelles à Yvorne et
Ollon),
35'288 m2 en Valais (8 parcelles à Ardon, Conthey et Sion) et 19'529
m2 dans
le district de Grandson (9 parcelles à Bonvillars, Champagne,
Concises et
Onnens). C.________, considéré comme le directeur de l'exploitation,
s'occupe
essentiellement de la vinification; le travail des parcelles est
confié à
d'autres vignerons, que la recourante considère comme des salariés,
par le
biais de contrats "d'entreprise agricole": ceux-ci livrent la récolte
et en
reçoivent les deux tiers du prix; ils bénéficient des paiements
directs
alloués aux exploitants selon la législation fédérale sur
l'agriculture, et
il n'est pas payé de cotisations sociales. C.________ ne travaille
pas la
vigne, mais donne les instructions aux vignerons quant à
l'encépagement, au
planning des cultures et aux traitements.
3.7 Le Tribunal administratif a considéré à juste titre que la notion
de
région au sens de l'art. 34 al. 2 let. a OAT pouvait varier en
fonction du
type de produit. La région supposerait des caractéristiques
géographiques,
topographiques, politiques ou économiques communes. En matière
viticole, la
variété des cépages constituerait un critère pertinent. Il serait en
tout cas
exclu de recourir à des découpages aussi étendus que le Mittelland,
la Suisse
orientale ou centrale.
La recourante critique la référence faite dans l'arrêt cantonal à
l'art. 10
al. 1 let. a OTerm, qui fixe un rayon de 15 km entre les différentes
parties
de l'exploitation. La recourante conteste la pertinence de cette
réglementation, et mentionne d'autres dispositions, notamment de la
LDFR, qui
permettent des exploitations plus vastes. La critique tombe à faux
puisque la
cour cantonale a renoncé aux critères de l'OTerm, pour se fonder en
définitive sur le Règlement du 19 juin 1995 sur les appellations
d'origine
des vins vaudois (RAOV), qui partage le vignoble vaudois en six
régions
"présentant une homogénéité d'encépagement et dont les vins
présentent des
caractères organoleptiques analogues" (art. 1 RAOV). Or, la
recourante ne
conteste pas la pertinence de ce critère, et n'en propose pas de
meilleur.
Le critère de l'appellation ne saurait certes être retenu de manière
systématique. On ne peut exclure, en effet, qu'une exploitation
située à la
limite de plusieurs appellations d'origine différentes ou d'une
étendue
restreinte ne soit légitimée à produire, au même endroit, des vins
d'appellations différentes. En l'espèce toutefois, l'application de ce
critère permet d'aboutir à un résultat sans ambiguïté. L'exploitation
est
située à Grandvaux, au coeur du Lavaux, soit la région comprenant
toutes les
communes du district de Lausanne (situées à l'est de la ville), de
Lavaux et
de Vevey. Seuls 35% de la récolte traitée par l'exploitation
proviendrait de
cette région, le solde provenant du Chablais, de Bonvillars ou du
Valais.
La recourante fait grand cas des nouvelles tendances, notamment de
l'élévation de la taille critique de l'entreprise et des nécessités de
diversifier les cépages. On peut se demander si, face à cette nouvelle
tendance, le mode d'exploitation ne devrait pas lui aussi être
adapté, si le
maintien de l'exploitation au sein de la maison vigneronne
traditionnelle est
encore justifié, et s'il ne se justifierait pas au contraire de
déplacer les
activités ultérieures à la récolte en zone constructible, compte tenu
notamment des nombreux transports qu'impose ce nouveau genre
d'exploitation
viticole. La question peut toutefois demeurer indécise.
3.8 C'est par conséquent avec raison que la cour cantonale a nié la
conformité des installations litigieuses à l'affectation de la zone,
dans la
mesure où près des deux tiers de la production ne proviennent pas de
la
région, au sens de l'art. 34 al. 2 let. a OAT. Cela dispense
d'examiner s'il
existe une véritable unité d'exploitation (ce que la cour cantonale a
mis en
doute compte tenu de la dispersion des parcelles et de l'intervention
de
vignerons-tâcherons, la recourante affirmant pour sa part qu'il y
aurait
"plusieurs unités de production" d'une même exploitation), et si les
installations litigieuses sont proportionnées aux besoins de
l'exploitation
(art. 34 al. 4 let. a OAT), ce que la recourante, même avec le
concours d'un
expert, s'est trouvée en peine de démontrer.
3.9 La recourante invoque aussi la loi cantonale du 12 février 1979
sur le
plan de protection de Lavaux (LPPL), assimilable à un plan directeur
partiel
(ATF 112 Ib 229), qui inclut expressément le bâtiment en zone
viticole, ce
qui confirmerait son caractère de maison vigneronne. Un tel plan ne
saurait
toutefois lier l'autorité chargée, au moment de l'autorisation de
construire,
d'apprécier la conformité d'un bâtiment à l'affectation de la zone
dans
laquelle il se trouve, au regard des règles contraignantes de la LAT.
Comme
le relève la cour cantonale (cf. aussi ci-dessous consid. 4), le
bâtiment de
la recourante a progressivement perdu son caractère au gré de ses
transformations successives, de sorte que la référence à un plan
directeur
datant de 1979 n'a plus guère de pertinence.
4.
Le Tribunal administratif s'est ensuite interrogé sur les conditions
d'octroi
d'une autorisation fondée sur l'art. 24c al. 2 LAT. Il a estimé que le
bâtiment faisait encore partie d'une exploitation viticole au 1er
juillet
1972, mais avait ensuite perdu cette vocation. Il était devenu non
conforme à
l'affectation de la zone après le changement de réglementation au
sens de
l'art. 41 OAT. La recourante estime que la vocation du bâtiment n'a
jamais
changé, le mode d'exploitation ayant toujours été le même, et que
rien ne
permettrait de fixer le moment ou un tel changement aurait eu lieu.
La cour
cantonale ne s'est toutefois pas limitée à ces considérations: elle a
aussi
estimé que les agrandissements autorisés successivement depuis 1972
avaient
fait porter la surface initiale, d'environ 200 m2, à environ 1000 m2
dont 350
en sous-sol, de sorte que l'identité du bâtiment s'était trouvée
fondamentalement modifiée. Les limites posées à l'art. 42 OAT étaient
dépassées. Cette considération, qui empêche à elle seule l'octroi
d'une
nouvelle autorisation fondée sur l'art. 24c LAT, n'est pas remise en
cause
par la recourante; elle ne procède en tout cas pas d'un établissement
manifestement incomplet ou inexact des faits. Elle empêche également
une
autorisation fondée sur l'art. 37a LAT (constructions à usage
commercial non
conformes à l'affectation de la zone), la limite de 30% fixée à
l'art. 43 al.
2 OAT étant elle aussi manifestement dépassée.
5.
Pour des motifs analogues, une autorisation exceptionnelle au sens de
l'art.
24 al. 1 LAT n'entre pas en considération. Selon la jurisprudence
rendue en
application de cette disposition, une construction nouvelle n'est en
effet
imposée par sa destination en dehors de la zone à bâtir que si elle
est
adaptée aux besoins qu'elle est censée satisfaire, de par son
importance et
son implantation (ATF 123 II 499 consid. 3b/cc p. 508), les motifs
économiques ou de convenance étant irrelevants. Comme le relève
l'arrêt
attaqué, l'exploitation actuelle du domaine viticole nécessite un
grand
nombre de transports de raisin entre le lieu des récoltes et celui de
la
transformation. On ne voit pas, par conséquent (outre la commodité
résultant
des installations existantes), la nécessité d'effectuer cette
dernière en
zone agricole.
6.
La recourante soulève aussi plusieurs arguments, plus spécifiques à
l'ordre
de remise en état. Elle relève que l'impact des constructions en
sous-sol
serait négligeable, et en tout cas préférable à une construction hors
sol. Le
Tribunal administratif aurait injustement douté de sa bonne foi.
6.1 Selon la jurisprudence, l'ordre de démolir une construction
édifiée sans
permis et pour laquelle une autorisation ne peut être accordée n'est
en
principe pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui
place
l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce que cette
dernière se
préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que
des
inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATF 108 Ia 216
consid.
4b p. 218). L'autorité doit renoncer à une telle mesure si les
dérogations à
la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à
justifier le dommage que la démolition causerait au maître de
l'ouvrage, si
celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou
encore s'il
y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme
conforme
au droit qui aurait changé dans l'intervalle (ATF 123 II 248 consid.
4a p.
255).
6.2 La recourante ne saurait se prévaloir de sa bonne foi dès lors
qu'elle a
entrepris les travaux sans avoir obtenu l'autorisation de construire
nécessaire à cet effet, et après avoir été clairement informée que
toutes les
possibilités d'autorisations dérogatoires étaient épuisées. L'intérêt
public
à empêcher toute construction illicite - même souterraine - hors de
la zone à
bâtir l'emporte manifestement sur l'intérêt de la recourante à
agrandir une
exploitation qui, dans son mode actuel, n'est pas conforme à
l'affectation
prévue. Il n'est pas prétendu que les frais de remise en état des
lieux -
limitée pour l'essentiel à un comblement des locaux - seraient
excessifs, ni
que cette mesure pourrait mettre en péril l'exploitation. L'ordre de
remise
en état ne viole dès lors pas le principe de la proportionnalité.
7.
Le recours de droit administratif doit par conséquent être rejeté, un
nouveau
délai étant fixé pour la remise en état ordonnée par le Tribunal
administratif. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument
judiciaire
est mis à la charge de la recourante. Il n'est pas alloué de dépens.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours de droit administratif est rejeté; un délai est fixé au 30
novembre 2003 pour l'exécution de l'ordre de remise en état.
2.
Un émolument judiciaire de 4000 fr. est mis à la charge de la
recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, à la
Municipalité de
Grandvaux, au Département des infrastructures et au Tribunal
administratif du
canton de Vaud ainsi qu'à l'Office fédéral du développement
territorial.
Lausanne, le 10 juillet 2003
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le juge présidant: Le greffier: