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09/07/2003 | SUISSE | N°5C.75/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 juillet 2003, 5C.75/2003


{T 0/2}
5C.75/2003 /frs

Arrêt du 9 juillet 2003
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président, Meyer et Hohl.
Greffière: Mme Jordan.

1. S.________ SA,
2. PPE A.________,
et les consorts 3 à 25,
défendeurs et recourants,
tous représentés par Me Antoine Zen Ruffinen, avocat,
avenue Ritz 33, case postale 2135, 1950 Sion 2,

ainsi que

G.G.________,
A.K.________,
E.K.________,
défendeurs qui s'en sont remis à justice,

contre

P.O.________, demandeur et

intimé,
représenté par Me Alain Viscolo, avocat,
case postale 414, 3962 Montana-Vermala.

action en rectification du regis...

{T 0/2}
5C.75/2003 /frs

Arrêt du 9 juillet 2003
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président, Meyer et Hohl.
Greffière: Mme Jordan.

1. S.________ SA,
2. PPE A.________,
et les consorts 3 à 25,
défendeurs et recourants,
tous représentés par Me Antoine Zen Ruffinen, avocat,
avenue Ritz 33, case postale 2135, 1950 Sion 2,

ainsi que

G.G.________,
A.K.________,
E.K.________,
défendeurs qui s'en sont remis à justice,

contre

P.O.________, demandeur et intimé,
représenté par Me Alain Viscolo, avocat,
case postale 414, 3962 Montana-Vermala.

action en rectification du registre foncier,

recours en réforme contre le jugement de la Cour civile II du Tribunal
cantonal du canton du Valais du 13 février 2003.

Faits:

A.
A.a P.O.________ et ses soeurs étaient propriétaires indivis de
l'article 242
plan no 6 de la commune de X.________. Après division du bien-fonds
en deux
parcelles portant, au nouvel état, les nos 242 et 1738, ils ont, par
acte
authentique du 10 mars 1988, conclu avec S.________ SA une promesse
de vente
et d'achat de l'immeuble no 242 et concédé à la société un droit
d'emption
sur celui-ci. S.________ SA s'est engagée à accorder au propriétaire
du no
1738 un droit de passage à pied et pour tous véhicules sur le n° 242,
dont
l'assiette serait fixée ultérieurement.

S. ________ SA a exercé son droit d'emption en signant le 31 octobre
1989 une
convention qui prévoyait également la constitution d'une servitude de
passage
à pied et à tous véhicules à charge de la parcelle no 242, selon un
plan
annexé. Le 14 décembre 1989, la réquisition d'inscription de cette
servitude
a été adressée au registre foncier; le plan annexé consistait en un
projet de
verbal de géomètre signé par les parties sur lequel était indiqué
grossièrement le tracé de la servitude. L'inscription a été opérée
sous le
libellé servitude de passage à pied et à véhicule, CH 242 D 1738,
avec la
référence PJ 20444-X.________.
Par la suite, P.O.________, qui était devenu propriétaire unique du
no 1738,
est intervenu fréquemment auprès de S.________ SA pour que l'assiette
définitive de la servitude soit déterminée.

A.b Par acte authentique du 27 août 1996, S.________ SA a divisé le
no 242
(désigné ci-après par le qualificatif ancien) en quatre immeubles
portant, au
nouvel état, les nos 242, 2817, 2762 (non concerné par le présent
litige) et
2809. La servitude n'a été reportée que sur l'article 2817 d'une
surface de
143 m2 correspondant au tracé initial du passage figurant sous PJ
20444-X.________. P.O.________ n'a pas été interpellé au sujet de ce
report.
Par ce même acte, S.________ SA a vendu les immeubles nos 2762 et
2809 à neuf
personnes, qui, le même jour, ont soumis la parcelle no 2809 au
régime de la
propriété par étages, dont elles ont vendu des unités à seize
acquéreurs.
S.________ SA est demeurée propriétaire des articles 242 et 2817.

A.c Le 15 octobre 1997, P.O.________ a fait tracer un plan de route,
puis, le
26 février 1998, une variante de celui-ci.

A.d Le 16 janvier 1998, alors que la construction d'un immeuble
(chalet
A.________) sur la parcelle no 2809 était prévue pour le printemps
suivant,
P.O.________ a saisi le Juge du district de Sierre d'une requête
tendant à
faire interdiction à H.________ SA, administratrice de la copropriété
par
étages, et à S.________ SA d'entreprendre des modifications ou
constructions
sur les parcelles nos 2809 et 2817. Le 18 mars suivant, se référant
au plan
du 15 octobre 1997, S.________ SA a informé le juge que la
construction telle
qu'autorisée ne compromettait pas la mise en place du passage
provisoire.
Lors de l'audience du 24 mars 1998, l'architecte de S.________ SA a
confirmé
que l'immeuble n'empiétait pas sur le passage. S.________ SA s'est en
outre
engagée à ne prétériter en rien la possibilité d'aménagement du chemin
revendiqué par P.O.________, sous la condition que celui-ci ouvre
action au
fond jusqu'au 1er mai 1998. P.O.________ n'a pas introduit de demande
dans ce
délai.

B.
B.aLe 11 décembre 1998, P.O.________ a ouvert action devant le Juge du
district de Sierre contre S.________ SA (propriétaire des parcelles
nos 2817
et 242), contre la communauté des propriétaires d'étages de la
parcelle no
2809 (chalet A.________) et contre tous les propriétaires d'étages.
Après
instruction, le 24 janvier 2003, il a finalement conclu à la
constatation
d'une servitude de passage à pied et à véhicules d'une largeur de 3 m
conforme aux plans déposés et à sa réinscription à charge des
parcelles nos
2809 et 242 en faveur de la parcelle no 1738. Subsidiairement, pour
le cas où
sa demande principale ne serait pas admise, il a demandé que les
défendeurs
soient condamnés à lui payer, solidairement entre eux, une indemnité
de
100'000 fr. avec intérêts, pour dépréciation de sa parcelle.
A l'exception de trois propriétaires d'étages, A. et E.K.________ et
G.G.________, qui s'en sont remis à justice, les défendeurs ont
conclu au
rejet de la demande, pour le motif que le demandeur est déchu de son
droit
d'intenter l'action en rectification du registre foncier, faute
d'avoir agi
dans le délai fixé au 1er mai 1998 lors de l'audience du 24 mars 1998.

B.b Le 13 février 2003, la Cour civile II du Tribunal cantonal
valaisan a
admis la demande. Elle a prononcé qu'une servitude de passage à pied
et à
véhicules grève les articles 2809 et 242 en faveur du no 1738 et que
son
assiette sur ces deux parcelles, ainsi que sur le no 2817, s'exerce
selon le
tracé en orange figurant sur le plan de situation annexé au jugement.
Pour le
surplus, elle a rejeté l'action qui avait été introduite contre la
communauté
des copropriétaires d'étages de la parcelle no 2809.

C.
Les défendeurs, à l'exception de A. et E.K.________ et de
G.G.________,
exercent un recours en réforme au Tribunal fédéral, concluant au
rejet de la
demande de P.O.________. Ils reprochent au Tribunal cantonal d'avoir
violé
l'art. 2 al. 2 CC en écartant leur objection tirée de leur bonne foi
et de la
déchéance du droit d'action du demandeur.
Ce dernier a conclu, principalement, à l'irrecevabilité du recours et,
subsidiairement, à son rejet dans la mesure de sa recevabilité.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 La contestation a pour objet une action en rectification du
registre
foncier au sens de l'art. 975 CC, la servitude de passage en faveur
du fonds
dominant - l'article 1738 - n'ayant pas été reportée sur toutes les
parcelles
issues de la division du fonds servant - l'article 242 ancien -, soit
en
particulier sur les parcelles nos 2809 et 242 (nouvel état). Dirigé
en temps
utile contre une décision finale rendue par le tribunal suprême du
canton
dans une contestation civile, dont la valeur litigieuse a été arrêtée
à
100'000 fr. en instance cantonale, le recours en réforme est
recevable au
regard des art. 46, 48 al. 1 et 54 OJ.

1.2 Le jugement querellé rejette l'action dirigée contre la
communauté des
propriétaires d'étages de l'immeuble A.________, faute de légitimation
passive, l'action ayant trait à l'inscription d'un droit réel à
charge de la
parcelle de base n° 2809. Alors que la PPE A.________ est formellement
indiquée au nombre des recourants, aucun des griefs du recours ne
remet en
cause ce rejet. Il s'ensuit que le recours est irrecevable en tant
qu'il est
dirigé à son encontre.

1.3 Bien qu'ils s'en soient remis à justice en instance cantonale, les
défendeurs A. et E.K.________ ainsi que G.G.________ sont néanmoins
parties à
la présente procédure de recours, l'action étant dirigée également
contre
eux.

2.
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt
sur les
faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité
cantonale, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées
ou que des constatations ne reposent sur une inadvertance manifeste
(art. 63
al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter les constatations de l'autorité
cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents
et
régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c p.
252; 126
III 59 consid. 2a p.65). En dehors de ces exceptions, il ne peut être
présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou
de moyens
de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). L'appréciation des
preuves à
laquelle s'est livrée l'autorité cantonale ne peut être remise en
cause (ATF
126 III 189 consid. 2a p. 191; 125 III 78 consid. 3a p. 79).

3.
3.1La cour cantonale a déterminé l'assiette de la servitude en
interprétant,
selon le principe de la confiance - dès lors que les parties au litige
n'étaient plus celles qui avaient constitué la servitude -, l'acte
constitutif du 10 mars 1988, la convention du 31 octobre 1989, la
déclaration
d'assiette des droits et le plan. Elle a jugé que le but poursuivi
était de
créer sur la parcelle vendue (ancien article 242, nouveaux articles
2809 et
242) un passage à pied et à véhicules donnant à la parcelle no 1738 du
demandeur un accès au chemin public. Certes, le tracé signé par les
parties
ne permettait pas de réaliser cet objectif, mais celles-là en avaient
expressément réservé la modification, l'organisation du projet de
construction sur l'immeuble grevé n'étant pas encore fixée. Pour une
personne
attentive, l'exercice du droit n'était pas limité à la bordure de la
limite
est de l'ancien article 242 (soit seulement de la parcelle no 2817
actuelle),
mais devait s'adapter à l'implantation des constructions et permettre
l'accès
à la voie publique à travers les immeubles nos 2809 et 242 actuels.
S'agissant de l'objection des défendeurs, tirée de la déchéance du
droit du
demandeur d'intenter l'action en rectification, les magistrats
cantonaux -
qui se sont fondés sur l'arrêt publié aux ATF 95 II 605 consid. 2a -
ont
considéré que l'intéressé n'était pas déchu de son droit. D'une part,
l'action en rectification n'était soumise à aucun délai. D'autre
part, le
fait que, après avoir introduit une procédure de mesures
provisionnelles le
16 janvier 1998, le demandeur se soit abstenu d'ouvrir action au fond
jusqu'au 11 décembre suivant, ne pouvait être interprété comme une
renonciation au droit de passage. Cette abstention n'avait pas
d'autre effet
que de délier S.________ SA de l'engagement pris, le 24 mars 1998, de
ne pas
prétériter la possibilité d'aménager le passage revendiqué et, au vu
des
assurances données par S.________ SA et son architecte les 18 et 24
mars
1998, le demandeur pouvait retenir que la construction autorisée sur
la
parcelle no 2809 ne compromettait pas la réalisation du passage.

3.2 Se référant à la jurisprudence publiée aux ATF 95 II 605, les
défendeurs
reprochent aux juges cantonaux d'avoir rejeté leur objection fondée
sur
l'art. 2 al. 2 CC, à savoir sur leur "bonne foi" lors de la
réalisation des
constructions sur la parcelle no 2809 et la "déchéance corrélative du
droit
d'action" du demandeur. Reprenant longuement les faits - dont ils
donnent
leur propre interprétation -, ils soutiennent ensuite que le
demandeur se
serait contenté de la servitude telle qu'indiquée sur le plan de
1989. Par
son attitude, il aurait manifesté qu'il disposait d'un accès au
domaine
public et que la servitude prévue était suffisante. Relevant par
ailleurs que
le report de la servitude en 1996 a donné à l'assiette son aspect
définitif,
que le demandeur n'a pas fait opposition lors de la mise à l'enquête
de la
construction du chalet A.________, qu'il n'a pas agi dans le délai
fixé après
les discussions sur un éventuel tracé et la procédure de mesures
provisionnelles et qu'il n'a réagi que tardivement aux actes du
propriétaire
grevé, les défendeurs affirment avoir de bonne foi conclu que le
demandeur
avait renoncé à l'idée de tout raccordement. Cette conclusion
s'imposait
d'autant plus que celui-ci avait mis en vente son chalet. Les
défendeurs se
prévalent enfin du fait qu'après construction, l'aménagement de la
servitude
ne peut plus être exécuté sans dommage et soutiennent qu'il serait
contraire
aux "règles de la loyauté en affaires" de leur imposer l'abandon d'une
"valeur patrimoniale", consistant en des aménagements extérieurs, que
le
demandeur a contribué à créer par son comportement.

3.3 En soutenant que, par son attitude, le demandeur aurait manifesté
qu'il
se contentait d'une assiette correspondant à l'actuel article 2817 et
qu'il
considérait la servitude comme suffisante pour accéder au domaine
public, les
défendeurs ne s'en prennent pas à l'interprétation objective de
l'assiette de
la servitude par l'autorité cantonale. Ils critiquent, d'une façon
irrecevable en instance de réforme, l'appréciation des preuves
relatives à la
volonté réelle du demandeur (cf. supra, consid. 2). Dans la mesure où
les
juges cantonaux se sont fondés sur la volonté objective, sans qu'une
telle
façon de faire soit contestée (ATF 121 III 118 consid. 4b p. 123 et
les
références; cf. aussi ATF 123 III 35 consid. 2b p. 39), leurs
arguments sont
sans objet.
L'objet du recours en réforme se limite dès lors à examiner si le
demandeur
abuse de son droit (art. 2 al. 2 CC) en demandant la réinscription de
la
servitude alors qu'il n'a pas ouvert action dans le délai fixé au 1er
mai
1998 et que les travaux d'aménagement de la
parcelle no 2809 ont été
réalisés.

4.
4.1L'extinction d'une servitude foncière inscrite suppose un titre
d'extinction (Verpflichtungsgeschäft), généralement un contrat,
valable et
causal (cf. Steinauer, Les droits réels, Tome II, n. 2258; Liver,
Zürcher
Kommentar, nos 15-16 ad art. 734 CC), suivi d'une opération
d'extinction,
soit une réquisition de radiation du propriétaire du fonds dominant
(acte de
disposition [Verfügunsgeschäft]; art. 963 al. 1 CC), et d'une
radiation
extinctive opérée par le conservateur du registre foncier, qui éteint
la
servitude matériellement et formellement (art. 734 CC; Steinauer, op.
cit.,
nos 2259 ss).
La servitude inscrite peut aussi s'éteindre matériellement, avec effet
immédiat, par renonciation du propriétaire du fonds dominant, tout en
conservant son apparence, puisqu'elle est encore inscrite. L'acte de
disposition (Verfügungsgeschäft) par lequel le propriétaire du fonds
dominant
renonce hic et nunc à son droit prend généralement la forme d'une
réquisition
de radiation adressée au registre foncier. La renonciation peut
toutefois
aussi intervenir indépendamment d'une telle réquisition, par actes
concluants; dans ce dernier cas, faute de réquisition de radiation du
titulaire de la servitude, le propriétaire du fonds servant doit
ouvrir
action en rectification du registre foncier conformément à l'art. 975
CC (ATF
95 II 605 consid. 2a p. 612 in fine; Liver, op. cit., nos 97 et 100
ad art.
734 CC; Steinauer, op. cit., nos 2252 et 2253, p. 317).

4.2 Lorsqu'une servitude n'est pas inscrite au registre foncier, elle
ne peut
s'éteindre qu'indépendamment d'une radiation; l'art. 734 CC ne
s'applique pas
(Steinauer, op. cit., n. 2555a; Liver, op. cit., n. 155 ad art. 734
CC).
Comme pour les servitudes inscrites, l'extinction peut d'abord faire
suite à
un acte juridique (Liver, op. cit., n. 156 ad art. 734 CC); elle
suppose
alors un titre d'extinction et un acte de disposition exprimant la
renonciation à la servitude, celle-là se manifestant par la cessation
des
actes d'usage (Steinauer, op. cit., n. 2255b). Elle peut ensuite
s'éteindre
de plein droit pour cause de renonciation, le propriétaire du fonds
dominant
renonçant par actes concluants à la servitude (Steinauer, op. cit.,
n. 2255c;
Liver, op. cit., n. 156 ad art. 734 CC).

4.3 Lorsque, comme en l'espèce, le fonds servant a été divisé et que
la
servitude n'a à tort pas été reportée sur toutes les parcelles (art.
744 al.
1 CC), on se trouve dans la situation d'une servitude non inscrite
(supra,
consid. 4.2). Le propriétaire du fonds dominant peut ouvrir une
action en
rectification du registre foncier (art. 975 CC). Celle-là tend à la
réinscription de la servitude radiée à tort et n'est soumise à aucun
délai
(ATF 95 II 605 consid. 2a p. 610 et les références).
Toutefois, le propriétaire du fonds servant peut d'abord objecter que
le
propriétaire du fonds dominant a renoncé par convention à la
servitude (titre
d'extinction) et que cette renonciation se manifeste par la cessation
des
actes d'usage. Il peut aussi prétendre que la servitude s'est éteinte
de
plein droit parce que le propriétaire du fonds dominant y a renoncé
par actes
concluants (supra, consid. 4.2). Dans cette seconde hypothèse, selon
la
jurisprudence, le propriétaire du fonds servant fait valoir que le
propriétaire du fonds dominant est déchu de son droit à la
réinscription
puisqu'il a renoncé à la servitude par actes concluants. Tel est le
cas si
l'intéressé n'exerce pas pendant un temps assez long le droit que lui
confère
la servitude et ne réagit pas aux actes du propriétaire grevé qui
rendent cet
exercice impossible (ATF 95 II 605 consid. 2a p. 612/613). Dans ces
circonstances en effet, l'inaction du propriétaire du fonds dominant
est
dépourvue de motifs suffisants et le propriétaire du fonds grevé a pu
en
conclure que le bénéficiaire l'approuvait dans son attitude qui ne
respectait
pas le droit en question. S'il en est ainsi, le propriétaire du fonds
servant
a créé de bonne foi, par son attitude non contestée, une valeur
patrimoniale,
dont l'abandon ne peut plus lui être imposé, selon les règles de la
loyauté
en affaires (ATF 95 II 605 consid. 2a p. 611). Dans ce cas, la
servitude
s'est éteinte matériellement et le propriétaire du fonds dominant ne
peut en
obtenir la réinscription.

4.4 L'interprétation du contrat extinctif de servitude s'effectue
selon les
principes applicables à l'interprétation des contrats (ATF 129 III 118
consid. 2.5 p. 122; 128 III 265 consid. 3a p. 267 et les arrêts
cités). Si la
volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si elle est
divergente, le juge doit interpréter les déclarations faites et les
comportements selon le principe de la confiance. Il doit rechercher
comment
une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en
fonction de l'ensemble des circonstances. Même si la teneur d'une
clause
contractuelle paraît claire à première vue, il peut résulter d'autres
conditions du contrat, du but poursuivi par les parties ou d'autres
circonstances que son texte ne restitue pas exactement le sens de
l'accord
conclu. La recherche de la volonté objective des parties selon le
principe de
la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral, saisi
d'un
recours en réforme, peut examiner librement (ATF 129 précité et la
jurisprudence mentionnée). Les faits postérieurs au moment où le
contrat a
été passé, en particulier le comportement ultérieur des parties,
permettent
d'établir quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants
eux-mêmes et constituent un indice de leur volonté réelle et non de
leur
volonté objective (ATF 126 III 20 consid. 3a/bb p. 22; 125 III 263
consid. 4c
p. 268; 107 II 417 consid. 6 et les références).

5.
5.1D'après l'autorité cantonale, le fait que, après avoir introduit
une
procédure de mesures provisionnelles le 16 janvier 1998, le demandeur
se soit
abstenu d'ouvrir action au fond jusqu'au 11 décembre suivant, ne
pouvait être
interprété comme une renonciation au droit de passage. Cette
abstention
n'avait pas d'autre effet que de délier S.________ SA de l'engagement
pris,
le 24 mars 1998, de ne pas prétériter la possibilité d'aménager le
passage
revendiqué et, au vu des assurances données par S.________ SA et son
architecte les 18 et 24 mars 1998, le demandeur pouvait penser que la
construction autorisée sur la parcelle no 2809 ne compromettait pas la
réalisation du passage.
Les défendeurs contestent cette interprétation de la convention. Ils
soutiennent que, vu la convention passée le 24 mars 1998 et le délai
imparti
au demandeur pour ouvrir action au 1er mai suivant, celui-ci a agi
tardivement. Ils ont conclu de bonne foi de son inaction qu'il avait
abandonné l'idée de ce raccordement, soit de la servitude à travers
les
articles 2809 et 242, ce d'autant qu'il avait manifesté l'intention
de vendre
son immeuble en juillet 1998.

5.2 En l'espèce, en séance du 24 mars 1998, les parties sont
convenues,
"après discussions", de ce qui suit:

"1. S.________ SA s'engage à ne prétériter en rien la possibilité
d'aménagement du passage revendiqué par P.O.________ (et contesté par
la
société précitée) durant la construction de l'immeuble projeté sur la
parcelle No 2809, de même qu'au terme de dite construction.

2. P.O.________ introduira action au fond d'ici au 1er mai 1998 au
plus
tard, à défaut de quoi S.________ SA sera déliée de l'engagement
souscrit
sous chiffre 1."
Comme le relève l'autorité cantonale, on peut seulement déduire de
cette
convention que la non-ouverture de l'action a eu pour effet de délier
S.________ SA de son obligation de ne pas prétériter l'aménagement de
la
servitude. On ne peut raisonnablement en tirer que le demandeur a
voulu
renoncer à exiger un chemin à travers les parcelles nos 2809 et 242 à
défaut
d'action dans le délai fixé. Textuellement, les clauses susmentionnées
contiennent un engagement unilatéral de S.________ SA, de ne pas
prétériter
la possibilité d'aménagement du passage jusqu'au 1er mai 1998 et, en
cas
d'action, au-delà de cette date. Les circonstances plaident aussi
pour une
telle interprétation. Lorsque le demandeur et ses soeurs ont vendu
l'ancien
article 242 à S.________ SA, ils se sont fait concéder un droit de
passage,
qui a fait l'objet d'une convention en 1989 et qui a été inscrit au
registre
foncier la même année. Le demandeur est par la suite intervenu
fréquemment
auprès de S.________ SA pour que l'assiette définitive de la
servitude soit
déterminée. Lors de la division de l'ancien article 242, il n'a pas
été
consulté et la servitude n'a pas été reportée, à son insu, sur les
parcelles
issues de la division. Ultérieurement, il a encore soumis un plan de
route,
ainsi qu'une seconde variante. Il s'est opposé, par requête de mesures
provisionnelles, aux travaux de construction entrepris sur l'immeuble
no
2809, ayant des craintes quant à la réalisation de son droit de
passage. Les
18 et 24 mars 1998, S.________ SA l'a assuré que l'immeuble en
construction
ne compromettait pas la mise en place d'un passage. Enfin, le passage
limité
à l'article 2817 n'offre pas au fonds dominant d'issue sur la voie
publique.
Au vu du texte des deux clauses et de ces circonstances objectives,
antérieures et concomitantes à la convention du 24 mars 1998,
S.________ SA
et, partant, les défendeurs ne pouvaient pas de bonne foi comprendre
que le
demandeur avait renoncé à un passage à travers leurs fonds. Le fait
que
celui-ci ait manifesté l'intention de vendre son immeuble en juillet
1998
n'est d'aucune utilité pour l'interprétation objective de cette
convention.
Dans ces conditions, la cour cantonale a jugé à bon droit que cette
dernière
ne valait pas renonciation (titre extinctif) du propriétaire du fonds
dominant.

6.
Les défendeurs soutiennent aussi que, les travaux de construction
étant
terminés, il n'est plus possible de créer un passage vers l'article
2817 sans
dommage pour les aménagements extérieurs et la terrasse des
copropriétaires
de la parcelle no 2809. "Par son attitude", le demandeur aurait créé
"une
valeur patrimoniale" dont l'abandon ne pourrait plus leur être
imposé, selon
les "règles de la loyauté en affaires". Cette argumentation, sur
laquelle le
jugement cantonal ne se prononce pas, n'est pas fondée.
Les défendeurs se méprennent sur le sens de la jurisprudence parue
aux ATF 95
II 605 lorsqu'ils prétendent que le demandeur a créé une "valeur
patrimoniale". Selon cet arrêt, lorsque le propriétaire du fonds
dominant
n'exerce pas pendant un temps assez long le droit que lui confère la
servitude et qu'il ne réagit pas aux actes du propriétaire grevé qui
rendent
cet exercice impossible, son inaction est dépourvue de motifs et le
propriétaire du fonds servant peut en déduire que le propriétaire du
fonds
dominant l'approuve dans son attitude qui ne respecte pas le droit en
question, partant que le propriétaire du fonds servant a créé de
bonne foi,
par son attitude non contestée, une valeur patrimoniale, dont
l'abandon ne
peut plus lui être imposé, selon les règles de la loyauté en affaires
(consid. 2 p. 611). Or, ces conditions ne sont pas remplies en
l'espèce.
En effet, il ne ressort pas des constatations du jugement entrepris
que le
propriétaire du fonds dominant n'a pas exercé pendant un temps assez
long son
droit de servitude. Le passage n'étant pas praticable en fait, son
bénéficiaire n'a pas pu renoncer à son exercice. Il a au contraire
constamment réclamé la détermination de l'assiette de son droit. Il
ne s'est
pas non plus abstenu de réagir aux actes des propriétaires des fonds
grevés
qui menaçaient son droit de passage puisqu'il a ouvert une procédure
de
mesures provisionnelles pour en obtenir la protection. Comme il a par
ailleurs été dit (supra, consid. 5.2), les défendeurs ne pouvaient de
bonne
foi déduire de la convention du 24 mars 1998 et de la non-ouverture
d'action
dans le délai échéant au 1er mai 1998 que le demandeur avait renoncé
à son
droit. Il ne ressort en outre pas des constatations de fait - dont les
défendeurs n'ont pas prétendu, dans un recours de droit public, qu'il
fût
insuffisant - que celui-là aurait par la suite expressément accepté
les
aménagements qui devraient désormais être modifiés. Dans ces
circonstances,
on ne saurait admettre que les défendeurs ont agi conformément à la
bonne foi
et que la modification des aménagements, entrepris à leurs risques et
périls,
ne pourrait plus être exigée d'eux.

7.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il
est
recevable. Les frais de la procédure doivent être mis à la charge des
défendeurs 1 et 3 à 25, qui succombent (art. 156 al. 1 OJ). Comme le
recours
formellement déposé par la défenderesse 2 a pu être déclaré
irrecevable sans
long examen, il n'y a pas lieu de mettre des frais et dépens à sa
charge. Il
en va de même pour les défendeurs qui s'en sont remis à justice. Les
défendeurs 1 et 3 à 25 verseront en outre une indemnité à titre de
dépens au
demandeur, qui a été invité à répondre (art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours interjeté par la PPE A.________ est irrecevable.

2.
Le recours interjeté par les défendeurs 1 et 3 à 25 est rejeté dans
la mesure
où il est recevable.

3.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge des
défendeurs 1
et
3 à 25, avec solidarité entre eux.

4.
Les défendeurs 1 et 3 à 25 verseront, solidairement entre eux, au
demandeur
une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour
civile II
du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 9 juillet 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.75/2003
Date de la décision : 09/07/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-09;5c.75.2003 ?
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