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07/07/2003 | SUISSE | N°5P.156/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 juillet 2003, 5P.156/2003


{T 0/2}
5P.156/2003 /frs

Arrêt du 7 juillet 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Escher et Hohl.
Greffier: M. Braconi.

Caisse X.________,
recourante, représentée par Me Patrick Burkhalter, avocat, rue de
France 22,
2400 Le Locle,

contre

Y.________,
intimé,
Tribunal de première instance du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1,
case postale 3736, 1211 Genève 3.

art. 9 Cst. (refus de séquestre),

recours de droit public contre l

'ordonnance du Tribunal de première
instance
du canton de Genève du 19 mars 2003.

Faits:

A.
Alléguant une créance i...

{T 0/2}
5P.156/2003 /frs

Arrêt du 7 juillet 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Escher et Hohl.
Greffier: M. Braconi.

Caisse X.________,
recourante, représentée par Me Patrick Burkhalter, avocat, rue de
France 22,
2400 Le Locle,

contre

Y.________,
intimé,
Tribunal de première instance du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1,
case postale 3736, 1211 Genève 3.

art. 9 Cst. (refus de séquestre),

recours de droit public contre l'ordonnance du Tribunal de première
instance
du canton de Genève du 19 mars 2003.

Faits:

A.
Alléguant une créance issue d'un prêt, la Caisse X.________ (la
Caisse) a, le
11 mars 2003, requis le Président du Tribunal de première instance de
Genève
d'ordonner au préjudice de Y.________, en vertu de l'art. 271 al. 1
ch. 4 LP,
le séquestre de la quotité saisissable des rémunérations échues et à
échoir
dues au débiteur par son employeur - l'Organisation Mondiale de la
Propriété
Intellectuelle (OMPI) -, à concurrence de 35'517 fr.80, plus intérêts
à
17,80% sur 9'010 fr.45 dès le 25 janvier 2002.

B.
Par ordonnance du 19 mars 2003, l'autorité de séquestre a débouté la
requérante.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral,
la
Caisse conclut à l'annulation de cette décision.

L'intimé n'a pas été invité à répondre.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 129 II 225 consid. 1 p. 227; 128 II 311
consid. 1 p.
315 et les arrêts cités).

1.1 L'ordonnance attaquée n'est susceptible que d'un recours de droit
public
(ATF 119 III 92); le présent recours est dès lors recevable de ce
chef.

1.2 Le rejet de la réquisition de séquestre n'ouvre pas au requérant
la voie
de l'opposition selon l'art. 278 LP (ATF 126 III 485 consid. 2a/aa p.
488).
Le législateur a renoncé à instituer un recours contre une telle
décision,
laissant cette compétence aux cantons (Message concernant la révision
de la
loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 8 mai
1991, FF
1991 III 197/198). Le droit de procédure genevois ne prévoit aucune
voie de
recours contre la décision refusant d'autoriser le séquestre (arrêt
5P.32/1997 du 15 mai 1997, consid. 2b, avec renvoi aux travaux
préparatoires). Il s'ensuit que l'ordonnance déférée a bien été prise
en
dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ).

2.
L'autorité cantonale a retenu que, en vertu de l'Accord entre le
Conseil
fédéral suisse et l'Organisation mondiale de la propriété
intellectuelle du 9
décembre 1970 (RS 0.192.122.23), celle-ci jouit de l'ensemble des
immunités
et privilèges habituellement reconnus aux organisations
internationales (art.
3); elle bénéficie de l'inviolabilité (art. 4 ch. 1); les bâtiments ou
parties de bâtiments, le terrain attenant et les biens, qui lui
appartiennent
ou qu'elle utilise à ses fins, ne peuvent faire l'objet d'aucune
perquisition, réquisition, saisie ou mesure d'exécution (art. 5 ch.
2). Dans
ces circonstances, elle a rejeté la requête, «son exécution s'avérant
impossible».
S'appuyant sur un arrêt du Tribunal fédéral (5P.464/1994 du 22 juin
1995,
reproduit partiellement in: RSDIE 1996 p. 597 ss), la recourante fait
grief
au premier juge d'être tombé dans l'arbitraire et d'avoir violé
l'accord
précité.

2.1 Dans l'arrêt en discussion, qui concernait le séquestre du
salaire d'un
fonctionnaire du Bureau International du Travail (BIT), le Tribunal
fédéral
s'est exprimé comme suit (consid. 3a et b):
«Il n'est [...] en principe pas possible de saisir ou de séquestrer,
sur les
biens de l'Organisation, le traitement d'un fonctionnaire, ces biens
jouissant de l'immunité d'exécution et de l'inviolabilité. Toutefois,
comme
le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de le relever en matière de
saisie -
dont les règles d'exécution s'appliquent au séquestre en vertu de
l'art. 275
LP -, l'avis au tiers débiteur prévu par l'art. 99 LP n'est pas une
condition
essentielle de la validité de la saisie et, donc, du séquestre; il a
surtout
pour but d'éviter que le tiers débiteur ne s'acquitte en mains du
débiteur
poursuivi et d'empêcher qu'il ne vienne un jour opposer à
l'adjudicataire
l'exception tirée de l'art. 167 CO. Qu'il s'agisse de biens corporels
ou de
créances, l'exécution de la saisie consiste dans la déclaration faite
par
l'Office que tel ou tel bien a été saisi et dans l'inscription de
cette
déclaration dans le procès-verbal de saisie.
Il est vrai qu'un séquestre (ou une saisie) de salaire non suivi de
l'avis au
tiers débiteur demeure sans effet certain. Toutefois, comme le
Tribunal
fédéral l'a relevé dans l'arrêt publié aux ATF 74 III 4, il faut
tenir compte
du fait que le tiers débiteur peut avoir été informé du séquestre (ou
de la
saisie) autrement que par l'Office - ne fût-ce que par le débiteur
poursuivi
- et il n'est pas dit qu'il ne se sente pas tenu, en pareil cas, de
verser à
l'Office la part de la créance qui a été séquestrée (respectivement
saisie).
Il se peut également que le débiteur poursuivi, qui sait ou est censé
savoir
qu'il n'a pas le droit de disposer d'une partie de la créance, vienne
lui-même remettre à l'Office la somme séquestrée. Il n'est pas
douteux que
l'Office doit, dans l'un comme dans l'autre cas, considérer le
versement
comme fait en exécution du séquestre, car si le fait pour le débiteur
d'encaisser la part de la créance séquestrée peut être considéré en
soi comme
un acte de disposition, cet acte devrait alors être réputé accompli
dans
l'intérêt du créancier séquestrant, autrement dit avec l'assentiment
tacite
de l'Office».

2.2 Ces principes sont valables dans la présente espèce. Il ne
ressort pas du
dossier que l'intimé rentre dans la catégorie des fonctionnaires
visés à
l'art. 14 de l'accord; en outre, il n'a pas contracté la dette (prêt
bancaire) dans l'exercice de ses fonctions (art. 15 de l'accord). Il
y a, par
conséquent, suffisamment de raisons d'admettre que le séquestre
déploiera
tous ses effets, d'autant que l'Organisation concernée s'est engagée à
coopérer en tout temps avec les autorités suisses en vue de faciliter
une
bonne administration de la justice, et d'empêcher tout abus des
privilèges,
immunités et facilités prévus par l'accord (art. 21); il est donc
plausible
que, loin de s'opposer à l'exécution du séquestre, elle consente, eu
égard à
son obligation de coopération, à se prêter à l'accomplissement de
mesures qui
doivent en assurer l'efficacité. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une
communication officielle à l'Organisation, mais seulement d'une
information,
cette voie offre une solution qui non seulement paraît dictée par le
texte de
l'accord lui-même, mais qui est également approuvée par la doctrine
(RSDIE
1996 p. 599 consid. 4 et les auteurs cités).

3.
Vu ce qui précède, le recours doit être admis et l'ordonnance attaquée
annulée.
Pour assumer pleinement son efficacité, le séquestre doit être
exécuté à
l'improviste; partant, il n'y a pas lieu d'inviter l'intimé à
présenter ses
observations, ce qui ne constitue pas une violation de son droit
d'être
entendu (cf. ATF 107 III 29 consid. 2 et 3 p. 30-32). En revanche, il
ne
saurait être assimilé à une partie qui «succombe» au sens des art.
156 al. 1
et 159 al. 1 OJ. Cela étant, les dépens doivent être supportés par le
canton
de Genève (cf. ATF 125 I 389 consid. 5 p. 393), à l'exception des
frais de
justice (art. 156 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'ordonnance attaquée est annulée.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le canton de Genève versera à la recourante une indemnité de 2'000
fr. à
titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la
recourante et au
Tribunal de première instance du canton de Genève.

Lausanne, le 7 juillet 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.156/2003
Date de la décision : 07/07/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-07;5p.156.2003 ?
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