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07/07/2003 | SUISSE | N°4C.90/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 juillet 2003, 4C.90/2003


{T 0/2}
4C.90/2003 /ech

Arrêt du 7 juillet 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffière: Mme Michellod.

A. ________,
demanderesse et recourante, représentée par
Me Nicolas Mattenberger, avocat, case postale 33,
1800 Vevey 2,

contre

Fondation X.________,
défenderesse et intimée, représentée par
Me Dominique Rigot, avocat, place St-François 11,
case postale 3373, 1002 Lausanne.

contrat de travail; salaire afférent aux vacances,

r

ecours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal
cantonal
vaudois, rendu le 23 août 2002.

Faits:

...

{T 0/2}
4C.90/2003 /ech

Arrêt du 7 juillet 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffière: Mme Michellod.

A. ________,
demanderesse et recourante, représentée par
Me Nicolas Mattenberger, avocat, case postale 33,
1800 Vevey 2,

contre

Fondation X.________,
défenderesse et intimée, représentée par
Me Dominique Rigot, avocat, place St-François 11,
case postale 3373, 1002 Lausanne.

contrat de travail; salaire afférent aux vacances,

recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal
cantonal
vaudois, rendu le 23 août 2002.

Faits:

A.
La Fondation X.________ a pour but "d'organiser la psychiatrie
publique dans
le secteur et dispenser les soins qui en découlent". Elle a son siège
à la
clinique de X.________, sise à Y.________.

Par contrat des 11 juillet et 19 septembre 1979, A.________ a été
engagée par
la Fondation X.________ en qualité "d'aide de division et veilleuse
occasionnelle". Le 29 septembre 1982, la demanderesse a donné son
congé pour
le 15 décembre 1982. Elle a été réengagée dès le 1er mai 1983. Pour
des
raisons de gestion administrative interne, les parties ont signé un
nouveau
contrat le 9 septembre 1985. Il s'agissait notamment d'intégrer au
salaire
par nuit le montant des vacances et des jours fériés pour rendre les
décomptes des employés moins compliqués.

Le contrat signé par les parties stipule que la demanderesse est
engagée
comme "aide de division veilleuse" à 100%, représentant au maximum
180 nuits
de 11 heures par année. En 1998, la demanderesse recevait pour chaque
veille,
en sus du salaire de base, le 10,64% de ce montant à titre
d'indemnité de
vacances et le 3,78% à titre d'indemnité pour jours fériés. Ce mode de
rémunération par nuit est usuel pour un veilleur.

La demanderesse ne prenait que quelques jours de congé ci et là. La
Fondation
lui a plusieurs fois intimé l'ordre de prendre des vacances d'une
durée
usuelle, à savoir d'une, deux ou trois semaines. Il était cependant
problématique de faire prendre à la demanderesse les vacances
auxquelles elle
avait droit, celle-ci renonçant volontairement, au vu de ses
difficultés
financières, à prendre des vacances d'une telle durée. La direction
de la
Fondation a finalement baissé les bras, sachant que si la
demanderesse ne
venait pas travailler comme veilleuse, elle travaillerait de toute
façon
ailleurs. Il était en effet notoire qu'elle travaillait durant son
temps
libre pour gagner de l'argent.

Par courrier du 24 juillet 1998, la Fondation a licencié la
demanderesse pour
le 31 octobre 1998, en raison de manquements professionnels graves. La
demanderesse a contesté le bien-fondé de son congé.

B.
Par demande déposée le 29 octobre 1999, la demanderesse a actionné la
Fondation X.________ en paiement d'un montant de 84'300 fr., sous
déduction
des charges sociales, avec intérêts à 5% l'an dès le 31 mai 1999. Ce
montant
représentait le salaire du mois de mai 1999, une indemnité en raison
de longs
rapports de travail, une indemnité pour les vacances non prises en
nature et
une indemnité pour licenciement abusif.

Par jugement du 23 août 2002, la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois a
rejeté les conclusions de la demanderesse.

C.
A.________ interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral
contre le
jugement cantonal. Invoquant une violation de l'art. 329d CO, elle
conclut à
sa réforme en ce sens que la Fondation X.________ est condamnée à lui
payer
la somme de 32'323,80 fr. avec intérêts à 5% dès le 30 avril 1999.

Elle sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire. Par
décision
du 2 mai 2003, le Tribunal fédéral a accédé à cette requête et a
désigné Me
Nicolas Mattenberger comme défenseur d'office de la recourante.

Invitée à déposer une réponse, l'intimée conclut au rejet du recours
et à la
confirmation du jugement attaqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral
(art. 43 al.
1 OJ). En revanche, il ne permet pas d'invoquer la violation directe
d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1, 2e phrase OJ) ou la
violation
du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c).

Dans son examen du recours, le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà
des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de
nouvelles (art.
55 al. 1 let. b OJ); en revanche, il n'est lié ni par les motifs que
les
parties invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation
juridique de la
cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ). Il peut donc admettre un recours
pour
d'autres motifs que ceux invoqués par la partie recourante et peut
également
rejeter un recours en adoptant une autre argumentation juridique que
celle
retenue par la cour cantonale (ATF 127 III 248 consid. 2c et les
références
citées).

2.
2.1La cour cantonale a constaté que la demanderesse, payée par nuit de
veille, recevait une indemnité pour les vacances et les jours fériés
en sus
de son salaire. La demanderesse, qui connaissait de grosses
difficultés
financières, ne prenait au cours de l'année que quelques jours de
vacances
épars, renonçant volontairement à prendre de plus longues vacances,
malgré
les sommations de son employeur.

La cour cantonale a considéré que les conditions restrictives posées
par la
jurisprudence pour autoriser l'inclusion d'une indemnité de vacances
dans le
salaire étaient en l'espèce réalisées, vu l'horaire irrégulier de la
demanderesse. Cette dernière avait donc reçu le salaire total
afférent à ses
vacances. Le fait qu'elle n'ait effectivement pas pris de vacances ne
lui
donnait droit à aucune indemnité supplémentaire .

2.2 Invoquant une violation de l'art. 329d CO, la demanderesse
soutient que
les conditions permettant d'inclure le salaire des vacances dans le
salaire
global ne sont pas réunies. Elle estime donc avoir droit au paiement
du
salaire afférent à ses vacances pour les cinq années précédent le
dépôt de sa
demande en justice (soit de novembre 1994 à avril 1999).

2.3 L'employeur accorde au travailleur, chaque année de service, au
moins
quatre semaines de vacances (art. 329a al. 1 CO), pendant lesquelles
il doit
lui verser le salaire total y afférent (art. 329d al. 1 CO). A teneur
de
l'art. 329d al. 2 CO, tant que durent les rapports de travail, les
vacances
ne peuvent pas être remplacées par des prestations en argent ou
d'autres
avantages.

Selon la jurisprudence, cette disposition prohibe en particulier les
clauses
stipulant que le salaire relatif aux vacances n'est pas versé au
moment où
celles-ci sont prises mais qu'il est compris dans le salaire global
(ATF 118
II 136 consid. 3b; 116 II 515 consid. 4a; 107 II 430 consid. 3a). Le
paiement
d'une indemnité de vacances avec le salaire global présente en effet
le
risque qu'un employé rencontrant des difficultés financières dépense
l'indemnité immédiatement et renonce par
conséquent à prendre des vacances en nature. Le but de l'art. 329a
al. 1 CO,
soit le repos du travailleur, est alors compromis.

L'inclusion du salaire afférent aux vacances dans le salaire global
est
toutefois admissible dans des situations très particulières; tel sera
par
exemple le cas d'un travailleur à temps partiel dont le taux
d'activité varie
fortement, d'un travailleur intérimaire (ATF 118 II 136 consid. 3b,
116 II
515 consid. 4a, arrêt du 6 août 1992, 4C.18/1992, publié à la SJ 1993
355
consid. 2a, ATF 107 II 430 consid. 3a; Message du Conseil fédéral, FF
1982
III p. 210; Staehelin, Commentaire zurichois, art. 329d CO n. 15;
Rehbinder,
Commentaire bernois, art. 329d CO n. 15 et Commentaire bâlois, art.
329d CO
n. 2; Streiff/von Kaenel, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 5e éd.,
Zurich
1992, art. 329d CO n. 9), ou encore d'un travailleur au service de
différents
employeurs simultanément (Rehbinder, Commentaire bernois, art. 329d
CO n.
15). Il peut être en effet dans ces cas très difficile pour
l'employeur de
calculer en cours d'année le montant du salaire afférent aux
vacances, afin
de le verser au moment où elles sont prises.

Encore faut-il que le contrat de travail et les décomptes de salaire
mentionnent clairement la part du salaire global destinée à
l'indemnisation
des vacances. Le Tribunal fédéral doit en effet être en mesure de
contrôler
si la part convenue du salaire afférent aux vacances garantit
l'entier du
salaire dû pour cette période (ATF 118 II 136 consid. 3b; 116 II 515
consid.
4a; SJ 1993 355 consid. 2a).

2.4
2.4.1En l'espèce, le contrat conclu par les parties le 9 septembre
1985
prévoit expressément qu'une indemnité pour les vacances et les jours
fériés
est comprise dans le salaire global et précise le montant y relatif,
tant en
pour-cent qu'en francs. Par ailleurs, le décompte du mois de juin 1998
contient un poste distinct intitulé "vacances" et fait également
état, en
pour-cent et en francs, du montant relatif aux vacances.

Les conditions de forme posées par la jurisprudence étant réalisées,
il reste
à se demander si les rapports de travail entre les parties étaient à
ce point
particuliers qu'ils justifiaient l'inclusion du salaire afférent aux
vacances
dans le salaire versé par nuit de veille.

2.4.2 Aux termes du contrat de travail, la demanderesse était engagée
à 100%
comme veilleuse; une activité à 100% correspond en théorie à quatre
nuits par
semaine. Toutefois, il n'était pas systématique que la demanderesse
se voie
attribuer quatre veilles. Son horaire hebdomadaire pouvait être de
cinq
veilles, sans que cela soit systématique non plus. De plus, elle
refusait
rarement les remplacements, lesquelles s'ajoutaient à ses propres
nuits de
garde. La cour cantonale a estimé que cet horaire n'était pas
déterminable
par périodes, ce qui justifiait l'inclusion d'une indemnité de
vacances dans
le salaire global.

2.4.3 On pourrait dans un premier temps douter que les circonstances
du cas
d'espèce justifient l'inclusion du salaire afférent aux vacances dans
le
salaire horaire versé à la demanderesse. En effet, la jurisprudence a
admis
ce système pour des cas de temps partiels irréguliers et non pour des
emplois
à plein temps; or en l'espèce, la demanderesse était engagée à 100 %
par la
défenderesse, ce qui correspondait à quatre nuits de veille par
semaine. Par
ailleurs, il n'était pas systématique qu'elle effectue cinq veilles
par
semaine. Dans l'arrêt paru à la SJ 1993 355, le Tribunal fédéral a
estimé que
le caractère variable du revenu mensuel du travailleur ne justifiait
pas une
exception au principe de l'art. 329d CO; il s'agissait toutefois d'un
cas où
la part du salaire relatif aux vacances n'était indiquée ni dans le
contrat
ni dans les décomptes et n'était pas connue par le travailleur (SJ
1993 355
consid. 2b).

Il ne faut cependant pas perdre de vue que la jurisprudence
autorisant le
paiement d'une indemnité de vacances vise à prendre en considération
les
difficultés pratiques rencontrées par certains employeurs lors du
calcul du
salaire afférent aux vacances. Ainsi pour les temps partiels
irréguliers
cités par le jurisprudence, la détermination du salaire afférent aux
vacances
exige de l'employeur une succession de calculs au cours de l'année,
puis un
décompte annuel suivi d'un versement ou d'un remboursement, avec le
risque
d'erreur et de contestation inhérent à ce genre de calcul.

La relation de travail examinée en l'espèce revêt les mêmes
caractéristiques,
dans la mesure où il n'était pas systématique que la demanderesse se
voie
attribuer quatre veilles par semaine. Son horaire hebdomadaire
pouvait être
de cinq veilles sans que cela ne soit systématique non plus. En
outre, elle
refusait rarement des remplacements, lesquels s'ajoutaient à ses
propres
nuits de garde. Le planning des veilles était effectué chaque quatre
semaines, ce qui rendait difficilement prévisible pour l'employeur
quel
serait le montant du salaire mensuel de la demanderesse. On ne peut
exiger,
dans ces circonstances, que la défenderesse effectue tout au long de
l'année
le calcul du salaire afférent aux vacances auxquelles avait droit la
demanderesse ou qu'elle s'astreigne à un décompte annuel compliqué.

En retenant que le salaire afférent aux vacances avait été payé en
sus du
salaire ordinaire dans le respect des exigences posées par la
jurisprudence,
l'autorité cantonale n'a nullement violé l'art. 329d CO.

3.
Dans un dernier grief, la demanderesse se plaint du fait qu'on lui
reproche
d'avoir systématiquement refusé de prendre des vacances. Sans
toutefois
remettre en cause cette constatation de fait, elle relève que son
employeur
n'a jamais cessé de l'inclure dans ses plannings de veille et de lui
verser
les indemnités de vacances avec le salaire mensuel. Elle semble
soutenir
qu'en ne la forçant pas à prendre des vacances et en continuant à lui
verser
les indemnités y relatives, son employeur aurait violé l'art. 329d
al. 2 CO.

Ce grief est inconsistant. En effet, la seule question pertinente en
l'espèce
était de savoir si le salaire afférent aux semaines de vacances
auxquelles
avait droit la demanderesse lui avait été valablement versé. La
réponse,
positive en l'espèce, n'était pas liée au fait que la demanderesse
ait ou non
pris ces semaines
de vacances en nature; elle dépendait uniquement des
conditions posées par la jurisprudence rappelée ci-dessus au
considérant 2.3,
3e paragraphe. Il n'est donc pas nécessaire de se demander si la
défenderesse
aurait dû empêcher d'une manière ou d'une autre son employée de se
rendre au
travail pour la durée de ses vacances.

4.
Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

En application de l'art. 156 al. 1 OJ, la demanderesse, qui succombe,
devra
supporter les frais de la procédure fédérale; celle-ci n'est pas
gratuite
puisqu'elle a trait à un différend résultant du contrat de travail
dont la
valeur litigieuse déterminante, calculée au moment du dépôt de la
demande,
dépasse le plafond de 30'000 fr. fixé à l'art. 343 al. 2 CO.

Comme la demanderesse plaide au bénéfice de l'assistance judiciaire,
l'émolument mis à sa charge de même que les honoraires de son avocat
seront
supportés par la Caisse du Tribunal fédéral, sous réserve de
remboursement
ultérieur (art. 152 al. 1 et 3 OJ).

En outre, la demanderesse versera à la défenderesse une indemnité à
titre de
dépens (art. 152 al. 1 OJ a contrario et art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la
demanderesse.
Celui-ci est supporté par la Caisse du Tribunal fédéral.

3.
La demanderesse versera à la défenderesse une indemnité de 2'500 fr.
à titre
de dépens.

4.
La Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Nicolas Mattenberger une
indemnité
de 2'500 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour
civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 7 juillet 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.90/2003
Date de la décision : 07/07/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-07;4c.90.2003 ?
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