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04/07/2003 | SUISSE | N°I.842/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 juillet 2003, I.842/02


{T 7}
I 842/02

Arrêt du 4 juillet 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M.
Berthoud

Office fédéral des assurances sociales, Effingerstrasse 20, 3003
Berne,
recourant,

contre

R.________, intimé, représenté par Jean-Louis Duc, Docteur en droit,
Chalet
La Corbaz, Les Quartiers, 1837 Château-d'Oex,

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 6 novembre 2002)

Faits:

A.
R. ____

____ souffre de séquelles d'une hémiplégie droite survenue en
1969.
Par décision du 20 février 1985, la Caisse cantonale vaudoise de
...

{T 7}
I 842/02

Arrêt du 4 juillet 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M.
Berthoud

Office fédéral des assurances sociales, Effingerstrasse 20, 3003
Berne,
recourant,

contre

R.________, intimé, représenté par Jean-Louis Duc, Docteur en droit,
Chalet
La Corbaz, Les Quartiers, 1837 Château-d'Oex,

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 6 novembre 2002)

Faits:

A.
R. ________ souffre de séquelles d'une hémiplégie droite survenue en
1969.
Par décision du 20 février 1985, la Caisse cantonale vaudoise de
compensation
a admis de prendre en charge des séances de physiothérapie à titre de
mesures
médicales de réadaptation de l'assurance-invalidité, pour autant
qu'elles
soient dispensées par un physiothérapeute qualifié.

Saisi de diverses notes de frais afférentes à des traitements de
physiothérapie administrés du 6 novembre 2000 au 25 juin 2001,
l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (l'office AI) a demandé
des
renseignements au docteur A.________, médecin traitant. Dans un
rapport du 21
mai 2001, ce médecin a attesté, notamment, que les séances de
physiothérapie
hebdomadaires ont pour but de lutter contre la spasticité et
l'enraidissement
de l'épaule, de la main et de la cheville droites.

Le 26 juillet 2001, l'office AI a fait savoir à l'assuré que la
physiothérapie hebdomadaire ne pouvait être qualifiée de mesure
médicale au
sens de l'AI, de tels soins incombant à l'assurance-maladie; il
envisageait
ainsi de refuser de les prendre en charge, L'assuré a manifesté son
désaccord. Par décision du 17 août 2001, notifiée à son destinataire
le 20
août suivant, l'office AI a rendu une décision conforme à son projet.

B.
R.________ a déféré cette décision au Tribunal des assurances du
canton de
Vaud. Il a conclu à sa réforme en ce sens que les séances de
physiothérapie
effectuées avant le 17 août 2001 fussent entièrement remboursées et
que de
tels frais continuassent d'être pris en charge aussi longtemps que la
physiothérapie serait de nature à préserver sa capacité de gain.

L'office AI a conclu à l'admission partielle du recours, en ce sens
que le
droit de l'assuré fût reconnu pour les soins de physiothérapie
prodigués
jusqu'au 31 août 2001.

Par jugement du 6 novembre 2002, la juridiction cantonale a admis le
recours
et jugé qu'il incombait à l'office AI de poursuivre la prise en
charge des
mesures de physiothérapie.

C.
L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) interjette recours de
droit
administratif contre ce jugement dont il demande l'annulation, en
concluant
au rétablissement de la décision du 17 août 2001.

L'intimé conclut, avec suite de dépens, principalement au rejet du
recours et
subsidiairement à ce que les mesures de physiothérapie exécutées
jusqu'au 31
août 2001 soient prises en charge par l'office AI. Ce dernier se
rallie aux
conclusions de l'OFAS.

Considérant en droit:

1.
A teneur de l'art. 12 al. 1 LAI, l'assuré a droit aux mesures
médicales qui
n'ont pas pour objet le traitement de l'affection comme telle, mais
sont
directement nécessaires à la réadaptation professionnelle et sont de
nature à
améliorer de façon durable et importante la capacité de gain ou à la
préserver d'une diminution notable.

L'art. 12 LAI vise notamment à tracer une limite entre le champ
d'application
de l'assurance-invalidité et celui de l'assurance-maladie et
accidents. Cette
délimitation repose sur le principe que le traitement d'une maladie
ou d'une
lésion, sans égard à la durée de l'affection, ressortit en premier
lieu au
domaine de l'assurance-maladie et accidents (ATF 104 V 81 consid. 1,
102 V 41
consid. 1; RCC 1981 p. 519 consid. 3a).

La loi désigne sous le nom de «traitement de l'affection comme telle»
les
mesures médicales que l'assurance-invalidité ne doit pas prendre en
charge.
Aussi longtemps qu'il existe un phénomène pathologique labile et qu'on
applique des soins médicaux, qu'ils soient de nature causale ou
symptomatique, qu'ils visent l'affection originaire ou ses
conséquences, ces
soins représentent, du point de vue du droit des assurances sociales,
le
traitement de l'affection comme telle. La jurisprudence a de tout
temps, en
principe, assimilé à un phénomène pathologique labile toutes les
atteintes à
la santé non stabilisées qui ont valeur de maladie. Ainsi, les soins
qui ont
pour objet de guérir ou de soulager un phénomène de nature
pathologique
labile ou ayant d'une autre manière valeur de maladie, ne
ressortissent pas à
l'assurance-invalidité. Ce n'est qu'au moment où la phase du phénomène
pathologique labile (primaire ou secondaire) est achevée et qu'un état
stabilisé ou relativement stabilisé est apparu, qu'on peut se
demander - dans
le cas des assurés majeurs - si une mesure médicale est une mesure de
réadaptation. En règle générale, l'assurance-invalidité ne prend en
charge
que des mesures qui sont propres à éliminer ou à corriger des états
stables
défectueux ou des pertes de fonction, pour autant qu'on puisse en
attendre
une amélioration durable et importante au sens de l'art. 12 al. 1
LAI. En
revanche, l'assurance-invalidité n'a pas à prendre en charge une
mesure
destinée au traitement de l'affection comme telle, même si l'on peut
prévoir
qu'elle améliorera de manière importante la réadaptation. Dans le
cadre de
l'art. 12 LAI, le succès de la réadaptation ne constitue pas, en
lui-même, un
critère décisif car, pratiquement, toute mesure qui réussit du point
de vue
médical a simultanément des effets bénéfiques sur la vie active (ATF
120 V
279 consid. 3a, 115 V 194 consid. 3, 112 V 349 consid. 2, 105 V 19 et
149,
104 V 82, 102 V 42).

Des mesures visant la stabilisation s'appliquent toujours à un
phénomène
pathologique labile. C'est pourquoi une thérapie continue, qui est
nécessaire
pour empêcher la progression d'une affection, doit être considérée
comme le
traitement de l'affection comme telle. Par conséquent, un état
pathologique
qui ne peut être maintenu en équilibre que par des mesures
thérapeutiques
n'est pas le résultat stable d'une maladie, d'un accident ou d'une
infirmité
congénitale, quel que soit le genre du traitement. Un tel état est
certes
stationnaire tant qu'il peut être maintenu en équilibre, mais non pas
stable
au sens de la jurisprudence. Les mesures médicales qui sont
nécessaires au
maintien d'un état stationnaire ne peuvent donc être prises en charge
par
l'assurance-invalidité (ATF 102 V 42 ss; VSI 1999 p. 130 consid. 2d
et les
références).

On ajoutera enfin que la loi fédérale sur la partie générale du droit
des
assurances sociales (LPGA), du 6 octobre 2000, entrée en vigueur le
1er
janvier 2003, n'est pas applicable en l'espèce, le juge des assurances
sociales n'ayant pas à tenir compte des modifications du droit ou de
l'état
de fait survenues après que la décision sur opposition (i.c. du 17
août 2001)
a été rendue (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b).

2.
2.1En l'occurrence, le docteur A.________ a indiqué que la thérapie
hebdomadaire dont bénéficie l'intimé lui permet de lutter contre la
spasticité et l'enraidissement de l'hémi-corps droit. Comme cette
thérapie
permanente est nécessaire pour empêcher la progression de
l'affection, l'OFAS
soutient - en se référant à l'arrêt publié dans la RCC 1988 p. 96 -
qu'il
s'agit ainsi d'un cas de traitement de l'affection comme telle et que
ces
soins ne doivent pas être pris en charge par l'assurance-invalidité.

L'intimé rétorque que les mesures litigieuses n'ont pas pour but de
soigner
l'affection comme telle, car le traitement de l'affection causale est
achevé
depuis longtemps ou n'a plus qu'une importance secondaire. Leur
finalité est
en revanche de supprimer ou d'atténuer les séquelles de l'hémiplégie,
afin de
maintenir sa capacité de gain de façon durable et importante. Aussi
estime-t-il que ces mesures incombent à l'AI.

2.2 Les mesures de physiothérapie litigieuses n'ont effectivement pas
pour
but de soigner l'hémiplégie dont l'intimé souffre depuis l'année
1969, mais
d'atténuer les conséquences que cette hémiplégie serait susceptible
d'entraîner à défaut de l'administration de soins appropriés,
notamment la
spasticité et l'enraidissement de l'hémi-corps droit. Dans ces
conditions,
l'état de l'intimé doit être qualifié de stationnaire et non de
stable, au
sens de la jurisprudence précitée.

En conséquence et par identité de motifs avec les considérants de
l'arrêt VSI
1999 p. 130 consid. 2d et 3 (cf. consid. 1 ci-dessus, in fine), il
faut
admettre que les mesures litigieuses constituent un cas de traitement
de
l'affection comme telle et qu'elles ne sauraient être qualifiées de
mesures
médicales de réadaptation au sens de l'art. 12 LAI, en relation avec
l'art. 2
al. 3 RAI. La jurisprudence a d'ailleurs admis que des traitements
tels que
la physiothérapie et autres gymnastique curative, massages, cures de
bain,
etc., appliqués à des assurés adultes, représentent dans la plupart
des cas
des thérapies «de soutien» permanentes ou renouvelables
périodiquement,
destinées à empêcher l'évolution d'un mal. En cela, ils visent avant
tout à
stabiliser une affection, de sorte qu'ils doivent être considérés
comme des
traitements de l'affection comme telle, qui ne sont pas à la charge de
l'assurance-invalidité (voir par ex. ATF 97 V 45; RDAT 1993 II n° 65
p. 179;
RCC 1988 p. 96 [cité par l'OFAS], 1970 p. 154 et p. 270; arrêt non
publié S.
du 9 janvier 1988, I 253/87).

Vu ce qui précède, les mesures de physiothérapie litigieuses
n'incombent pas
à l'assurance-invalidité, mais à l'assurance-maladie.

2.3 Pour les motifs qui viennent d'être exposés, la décision initiale
rendue
le 20 février 1985 procédait d'une erreur de droit manifeste et était
erronée
dans son résultat, nonobstant ce que l'intimé soutient. Peu importe au
demeurant que l'administration de l'AI ait ensuite accepté à tort de
prendre
les mesures litigieuses à sa charge durant plus de quinze ans.

L'office AI était donc fondé, par voie de reconsidération, à revenir
sur la
position de la Caisse cantonale vaudoise de compensation, en sa
qualité de
successeur de celle-ci, d'autant qu'aucune autorité judiciaire ne
s'était
prononcée quant au fond et que la rectification de la décision
revêtait une
importance notable (cf. ATF 127 V 469 consid. 2c et les arrêts cités).

3.
3.1Il reste à déterminer le moment, également contesté, à partir
duquel la
suppression des mesures médicales doit prendre effet.

3.2 Selon la jurisprudence, la répétition de prestations en espèces
indûment
touchées de l'AVS et de l'assurance-invalidité (art. 47 al. 1 LAVS et
art. 49
LAI) est admissible aux conditions qui président à la révocation, par
son
auteur, d'une décision administrative (cf. ATF 122 V 138 consid. 2c).
En
principe, l'adaptation des prestations a lieu avec effet rétroactif
(ex
tunc). L'assurance-invalidité connaît une réglementation différente
lorsque
la modification de la prestation d'assurance a lieu parce que se
posent des
questions spécifiques au droit de l'assurance-invalidité. Dans ces
cas, la
modification de la prestation d'assurance intervient en principe avec
effet
ex nunc et pro futuro (art. 85 al. 2 RAI), sauf en cas de violation de
l'obligation de renseigner (art. 77 RAI); dans ce dernier cas, la
modification de la prestation d'assurance a un effet rétroactif (art.
85 al.
2 et 88bis al. 2 lit. b RAI). Pour déterminer si la réduction ou la
suppression a un effet rétroactif ou non, il faut donc examiner si
l'erreur
concerne un état de fait propre au domaine de l'AVS ou si elle porte
sur des
facteurs régis spécifiquement par le droit de l'assurance-invalidité.
A ce
propos, la jurisprudence a par exemple considéré que le défaut de la
qualité
d'assuré ou l'erreur dans le calcul de la rente sont des questions
analogues
à celles qui se posent en droit de l'AVS, tandis que l'évaluation du
degré
d'invalidité ou la nécessité et le caractère adéquat de mesures
médicales
relèvent du domaine spécifique au droit de l'assurance-invalidité
(ATF 119 V
432 consid. 2, 110 V 300-301 consid. 2a et les références; SVR 1995
IV n° 58
pp. 166-167 consid. 5a).

3.3 En l'espèce, la suppression du droit de l'intimé aux mesures de
physiothérapie accordées en 1985 à titre de mesures médicales de
réadaptation
relève du domaine spécifique au droit de l'assurance-invalidité. Comme
l'intimé ne s'est pas fait attribuer de façon irrégulière les
traitements de
physiothérapie dont il a bénéficié et qu'il n'a pas manqué à son
obligation
de renseigner, la suppression de ces prestations ne saurait intervenir
rétroactivement, ainsi que l'office AI l'a décidé à tort, mais
uniquement ex
nunc et pro futuro.

En pareilles circonstances, il convient d'appliquer l'art. 85 al. 2
RAI (cf.
ATF 105 V 175 consid. 2a in fine), si bien que la suppression des
mesures
médicales doit prendre effet à partir du mois qui suit cette
décision, soit
en septembre 2001. Le recours de l'OFAS sera dès lors partiellement
admis, la
décision litigieuse et le jugement attaqué étant réformés en ce sens
que
l'intimé a droit, de la part de l'AI, aux soins de physiothérapie qui
lui ont
été prodigués jusqu'au 31 août 2001.

4.
L'intimé,
qui obtient partiellement gain de cause, est créancier d'une
indemnité réduite de dépens (art. 159 al. 1 OJ), à charge de l'OFAS
recourant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est partiellement admis. Le jugement du Tribunal des
assurances du
canton de Vaud du 6 novembre 2002 et la décision de l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 17 août 2001 sont
réformés
en ce sens que l'intimé a droit aux soins de physiothérapie qui lui
ont été
prodigués jusqu'au 31 août 2001.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le recourant versera à l'intimé la somme de 1'000 fr. (y compris la
taxe à la
valeur ajoutée) à titre de dépens pour la procédure fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton
de
Vaud.

Lucerne, le 4 juillet 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.842/02
Date de la décision : 04/07/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-04;i.842.02 ?
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