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04/07/2003 | SUISSE | N°I.703/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 juillet 2003, I.703/02


{T 7}
I 703/02

Arrêt du 4 juillet 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
von
Zwehl

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

S.________, intimé, représenté par Me Claire Charton, avocate, 1002
Lausanne

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 11 juillet 2002)

Faits :

A.
S. ________ travaillait comme aide-jardinie

r. Souffrant de douleurs
lombaires, il a cessé son activité dès le 13 octobre 1989, et
présenté, le 3
octobre 1990, une demande...

{T 7}
I 703/02

Arrêt du 4 juillet 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
von
Zwehl

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

S.________, intimé, représenté par Me Claire Charton, avocate, 1002
Lausanne

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 11 juillet 2002)

Faits :

A.
S. ________ travaillait comme aide-jardinier. Souffrant de douleurs
lombaires, il a cessé son activité dès le 13 octobre 1989, et
présenté, le 3
octobre 1990, une demande de prestations de l'assurance-invalidité
tendant à
l'octroi d'un reclassement dans une nouvelle profession.

Par décision du 10 mai 1993, l'Office AI du canton de Vaud (ci-après :
l'office AI) lui a alloué, avec effet au 1er octobre 1990, une rente
d'invalidité entière assortie de rentes complémentaires pour son
épouse et
ses enfants. Cette décision se fondait, d'une part, sur les
informations
recueillies auprès du docteur A.________, médecin traitant, selon
lesquelles
S.________ présentait des lombosciatalgies chroniques avec un syndrome
vertébral L5-S1 droit non déficitaire sur troubles dégénératifs et
statiques,
un canal étroit, ainsi qu'un excès pondéral (108 kg pour une taille
de 173,5
cm), affections le rendant incapable d'exercer une activité lourde,
et,
d'autre part, sur l'avis de l'Office régional de réadaptation
professionnelle
du canton de Vaud qui, au terme d'un stage de réentraînement au
travail suivi
par l'assuré, avait estimé que ce dernier n'était plus en mesure, vu
son état
de santé, de réintégrer le circuit économique traditionnel (rapport
du 24
décembre 1992). A l'issue d'une première procédure de révision, la
rente a
été maintenue (communication du 1er décembre 1998).

Dans le cadre d'une procédure de révision subséquente, l'office AI a
décidé
de mettre en oeuvre une expertise pluridisciplinaire et mandaté à
cette fin
la Clinique X.________. Le rapport d'expertise (du 3 octobre 2000) a
été
établi par le docteur B.________ qui a rendu ses conclusions après
avoir
confié un consilium psychiatrique au docteur C.________. Considérant
que les
éléments contenus dans ce rapport permettaient d'admettre
l'existence, chez
l'assuré, d'une capacité de travail entière dans une activité adaptée,
l'office AI a, par décision du 3 octobre 2001, supprimé ses
prestations avec
effet au premier jour du deuxième mois suivant la notification de
cette
décision.

B.
L'assuré a déféré cette décision au Tribunal des assurances du canton
de Vaud
qui a admis son recours, en ce sens qu'il lui a reconnu le droit à
une rente
d'invalidité entière au-delà du 30 novembre 2001 (jugement du 11
juillet
2002).

C.
L'office interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, dont
il requiert l'annulation.

S. ________ conclut, sous suite de dépens, au rejet du recours,
tandis que
l'Office fédéral des assurances sociales propose son admission.

Considérant en droit :

1.
La loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales (LPGA)
du 6
octobre 2000 a apporté diverses modifications dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Cette loi, entrée en vigueur le 1er janvier
2003,
n'est toutefois pas applicable au présent litige qui reste soumis au
droit en
vigueur jusqu'au 31 décembre 2002 (cf. ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V
366
consid. 1b).

2.
2.1En vertu de l'art. 41 LAI, les rentes en cours doivent être, pour
l'avenir, augmentées, réduites ou supprimées si le degré d'invalidité
se
modifie de manière à influencer le droit à ces prestations. Tout
changement
important des circonstances propres à influencer le degré
d'invalidité, et
donc le droit à la rente, peut motiver une révision. Pour juger si un
tel
changement s'est produit, il faut comparer les faits tels qu'ils se
présentaient au moment de la décision de rente initiale avec les
circonstances régnant à l'époque de la décision litigieuse (ATF 125 V
369
consid. 2 et la référence).

2.2 Si les conditions de l'art. 41 LAI font défaut, la décision de
rente peut
éventuellement être modifiée d'après les règles applicables à la
reconsidération de décisions administratives passées en force.
Conformément à
ces règles, l'administration peut en tout temps revenir sur une
décision
formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle une
autorité
judiciaire ne s'est pas prononcée sous l'angle matériel, à condition
qu'elle
soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une
importance
notable. Le juge peut, le cas échéant, confirmer une décision de
révision
rendue à tort pour le motif substitué que la décision de rente
initiale était
sans nul doute erronée et que sa rectification revêt une importance
notable
(ATF 125 V 369 consid. 2 et les arrêts cités).

Pour juger s'il est admissible de reconsidérer la décision pour le
motif
qu'elle est sans nul doute erronée, il faut se fonder sur la situation
juridique existant au moment où cette décision est rendue, compte
tenu de la
pratique en vigueur à l'époque (ATF 119 V 479 consid. 1b/cc et les
références). Par le biais de la reconsidération, on corrigera une
application
initiale erronée du droit, de même qu'une constatation erronée
résultant de
l'appréciation des faits (ATF 117 V 17 consid. 2c, 115 V 314 consid.
4a/cc).
Une inexactitude manifeste ne saurait être admise lorsque l'octroi de
la
prestation dépend de conditions matérielles dont l'examen suppose un
pouvoir
d'appréciation quant à certains de leurs aspects ou de leurs
éléments, et que
la décision paraît admissible compte tenu de la situation de fait et
de droit
(cf. arrêt B. du 19 décembre 2002, I 222/02, consid. 3.2). Par
ailleurs, il
n'y a pas lieu de supprimer ou diminuer une rente par voie de
reconsidération
si, depuis son octroi manifestement inexact, des modifications de
l'état de
fait (au sens de l'art. 41 LAI) justifient de retenir un taux
d'invalidité
suffisant pour que la prestation en cause soit maintenue (arrêt
précité
consid. 5.1).

3.
Dans son rapport d'expertise du 3 octobre 2000, le docteur B.________
a
retenu le diagnostic de lombalgies communes et d'obésité morbide. En
ce qui
concerne les problèmes de dos, il a relevé une nette discordance
entre les
plaintes subjectives de S.________ et ses troubles objectifs, ceux-ci
n'atteignant pas le seuil de gravité nécessaire, d'après lui, pour
provoquer
une incapacité de travail telle que celle admise chez le prénommé
depuis
1989. Par contre, ce dernier avait développé au fil du temps une
obésité
encore plus importante qu'auparavant (150 kg; BMI à 50) laquelle
limitait
incontestablement sa capacité fonctionnelle; cette obésité était
symptomatique de son caractère passif et dépendant, et le confortait
dans son
statut d'invalide. Compte tenu de ces traits de personnalité qui,
considérés
pour eux-mêmes, ne justifiaient cependant pas, selon le consilium du
docteur
C.________, le diagnostic d'une affection psychiatrique, ainsi que du
contexte familial dans lequel il vivait (son épouse et deux autres
membres de
sa famille étaient en attente ou au bénéfice de prestations de
l'assurance-invalidité), il était illusoire d'espérer que S.________
puisse
un jour recouvrer tout ou une partie de sa capacité de travail. Bien
qu'en
théorie, une reprise du travail était possible moyennant une perte de
poids
importante et une prise en charge psychothérapeutique, en l'état
actuel des
choses, l'incapacité de travail était totale et ce probablement de
manière
définitive. En ce sens, il y avait une aggravation de l'état de santé
de
l'assuré depuis l'octroi de la rente initiale.

4.
4.1Eu égard à ces considérations médicales, les premiers juges ont
estimé
qu'il n'existait, à la date déterminante de la décision litigieuse,
aucun
motif de supprimer la rente. Il en ressortait en effet que l'état de
santé de
l'assuré n'avait connu aucune amélioration - voire s'était péjoré -
par
rapport aux circonstances qui prévalaient au moment de la décision de
rente
initiale, si bien qu'une suppression des prestations par la voie de
révision
au sens de l'art. 41 LAI était exclue. Une reconsidération ne pouvait
pas non
plus entrer en ligne de compte, car même s'il fallait considérer la
première
décision du 10 mai 1993 comme étant manifestement erronée, tel
n'était plus
le cas, la situation médicale actuelle de l'assuré justifiant, en
tout état
de cause, la reconnaissance d'une incapacité de travail,
respectivement de
gain, totale.

4.2 Pour le recourant, en revanche, il y a matière à reconsidération
: dans
son rapport d'expertise du 3 octobre 2000, le docteur B.________ avait
clairement mis en évidence que les troubles dorsaux dont S.________
est
atteint depuis 1989 n'étaient pas de nature à fonder une incapacité de
travail de longue durée; quant à l'obésité, elle n'était pas en soi
une
maladie invalidante; enfin, sur le plan psychique, le docteur
C.________
avait également nié l'existence d'une affection psychiatrique ayant
valeur de
maladie. De fait, l'assuré ne présentait aucune atteinte à la santé
somatique
ou psychique qui lui aurait ouvert le droit à une rente.

5.
Pour modifier une décision administrative passée en force dans le
cadre d'une
révision au sens de l'art. 41 LAI ou par le biais d'une
reconsidération, il
faut se placer au moment où cette décision a été rendue.
L'administration ne
peut pas faire abstraction des éléments à la base de celle-ci comme
si elle
statuait pour la première fois sur les droits de l'assuré, et
modifier la
situation juridique de ce dernier à la lumière exclusivement de
circonstances
existant à la date de sa nouvelle prise de décision. En l'occurrence,
l'office AI semble reconnaître qu'une révision de sa décision
initiale de
rente ne se justifie pas, ce qu'il y a lieu de confirmer sans autres
développements vu les constatations claires du docteur B.________ au
sujet de
l'évolution de l'état de santé de l'assuré. Cela étant, on ne saurait
pas non
plus admettre qu'il existe un motif de reconsidération de cette
décision, qui
plus est dans le sens d'une suppression totale des prestations. Que
les
troubles dorsaux invoqués par S.________ à l'appui de sa demande AI
n'auraient jamais dû, aux yeux de l'expert, conduire à la
reconnaissance, par
l'assurance-invalidité, d'une incapacité de travail entière n'est à
cet égard
pas décisif. Car c'est à l'aune de la situation que l'office AI avait
instruite à l'époque uniquement, qu'il y a lieu de juger de
l'existence d'un
motif de reconsidération. Or, les pièces au dossier s'y rapportant ne
permettent pas de considérer que l'octroi d'une rente entière était
alors
manifestement erronée vu, d'une part, l'incapacité de travail totale
dans
l'activité d'aide-jardinier attestée par le docteur A.________ et,
d'autre
part, l'échec, pour raisons de santé, des mesures de réadaptation
mises en
oeuvre par l'office AI au cours de l'année 1992 (voir le rapport du 24
décembre 1992). Comme le seul avis médical au dossier émane du médecin
traitant de S.________, il aurait sans doute été opportun de
soumettre le
prénommé, au terme de son stage de réadaptation, à un examen médical
circonstancié auprès d'un médecin indépendant. L'office AI y a
renoncé, sans
que l'on puisse toutefois considérer que l'instruction menée était
lacunaire
à tel point qu'il n'a pas satisfait à ses obligations légales en la
matière
(art. 57 LAI et 69 RAI). Or, s'il apparaît ultérieurement, à la suite
d'une
nouvelle analyse de la situation, que l'appréciation médicale du cas à
l'époque était critiquable, cela ne rend pas pour autant la décision
prise
sur cette base comme étant manifestement erronée.

En l'absence d'un motif de révision ou de reconsidération de la
décision du
10 mai 1993, la rente d'invalidité entière accordée à l'intimé doit
être
maintenue. Le recours se révèle ainsi mal fondé.

6.
L'intimé, qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité de
dépens (art.
159 al. 1 OJ) à charge de l'office recourant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Office AI pour le canton de Vaud versera à l'intimé une indemnité
de dépens
de 200 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) pour l'instance
fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 4 juillet 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.703/02
Date de la décision : 04/07/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-04;i.703.02 ?
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