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04/07/2003 | SUISSE | N°2P.329/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 juillet 2003, 2P.329/2001


{T 0/2}
2P.329/2001/mks

Séance du 4 juillet 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président, Betschart, Hungerbühler,
Müller,
Yersin, Merkli et Fonjallaz.
Greffière: Mme Dupraz.

Fédération des syndicats patronaux de Genève,
1201 Genève,
A.________ & Cie,
B.________,
recourants, tous les trois représentés par Me Daniel Peregrina,
avocat, Etude
Baker & McKenzie, chemin des Vergers 4,
1208 Genève,

contre

Grand Conseil du canton de Genève,
ru

e de l'Hôtel-de-Ville 2, case postale 3970,
1211 Genève 3.

Art. 8 et 127 Cst.: constitutionnalité de la législation
gene...

{T 0/2}
2P.329/2001/mks

Séance du 4 juillet 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président, Betschart, Hungerbühler,
Müller,
Yersin, Merkli et Fonjallaz.
Greffière: Mme Dupraz.

Fédération des syndicats patronaux de Genève,
1201 Genève,
A.________ & Cie,
B.________,
recourants, tous les trois représentés par Me Daniel Peregrina,
avocat, Etude
Baker & McKenzie, chemin des Vergers 4,
1208 Genève,

contre

Grand Conseil du canton de Genève,
rue de l'Hôtel-de-Ville 2, case postale 3970,
1211 Genève 3.

Art. 8 et 127 Cst.: constitutionnalité de la législation
genevoise en matière d'allocations familiales

(recours de droit public contre la loi genevoise du
21 septembre 2001 modifiant la loi sur les allocations
familiales)

Faits:

A.
Le 21 septembre 2001, le Grand Conseil du canton de Genève (ci-après:
le
Grand Conseil) a adopté une loi (ci-après: la novelle) modifiant la
loi du
1er mars 1996 sur les allocations familiales (ci-après: LAF ou loi
genevoise). La novelle a notamment introduit un taux de contribution
identique pour toutes les personnes tenues de contribuer et créé un
fonds
cantonal de compensation des allocations familiales. L'entrée en
vigueur de
la novelle a été fixée au 1er janvier 2002. La novelle a été publiée
dans la
Feuille d'Avis Officielle du canton de Genève une première fois le 28
septembre 2001 et une seconde fois le 16 novembre 2001, à
l'expiration du
délai référendaire, avec l'arrêté de promulgation.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, la Fédération des
syndicats
patronaux de Genève (ci-après: la Fédération), ainsi qu'A.________ &
Cie et
B.________ demandent au Tribunal fédéral, sous suite de frais et
dépens,
principalement, d'annuler la novelle et, subsidiairement, d'annuler
les art.
12A, 12B et 27 LAF tels que modifiés par la novelle. Ils invoquent
les art.
8, 9, 127 et 164 Cst. Ils se plaignent de violation des principes de
la
légalité et de la généralité de l'impôt.

Le Grand Conseil conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du
recours
dans la mesure où il est recevable.

Au cours d'un second échange d'écritures, les recourants ont demandé
au
Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, de constater
l'inconstitutionnalité de la novelle et d'admettre le recours dans le
sens
des considérants, en invitant le législateur genevois à trouver
rapidement
une solution conforme à la Constitution, en matière d'allocations
familiales.
Le Grand Conseil a maintenu ses conclusions initiales.

C.
Par ordonnance du 22 janvier 2002, le Président de la IIe Cour de
droit
public a rejeté la demande d'effet suspensif présentée par les
recourants.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48).

1.1 Le droit genevois ne connaît pas le contrôle direct de la
constitutionnalité des lois. Par conséquent, le délai de trente jours
prévu à
l'art. 89 al. 1 OJ pour déposer un recours de droit public contre un
arrêté
de portée générale commence à courir dès la publication de cet acte
dans la
Feuille d'Avis Officielle du canton de Genève. Lorsqu'il s'agit d'un
arrêté
soumis au référendum facultatif et que le référendum n'est pas
utilisé, le
délai de trente jours commence à courir au moment où l'autorité
compétente
donne officiellement connaissance du fait que l'arrêté est promulgué
pour
être exécutoire dans tout le canton, le référendum n'ayant pas été
utilisé,
(ATF 121 I 187 consid. 1a p. 189; 119 Ia 123 consid. 1a p. 126).

La novelle a été publiée à deux reprises dans la Feuille d'Avis
Officielle du
canton de Genève, d'abord le 28 septembre 2001, puis à l'expiration
du délai
référendaire, le 16 novembre 2001. Le présent recours, qui a été
posté le 17
décembre 2001, a donc été déposé en temps utile.

1.2 Aux termes de l'art. 88 OJ, le recours de droit public est ouvert
aux
particuliers et aux collectivités lésés par des arrêtés ou des
décisions qui
les concernent personnellement ou qui sont de portée générale.
Lorsque le
recours est dirigé contre un arrêté de portée générale, la qualité
pour
recourir appartient à toute personne dont les intérêts juridiquement
protégés
sont effectivement touchés par l'acte attaqué ou pourront l'être un
jour; une
simple atteinte virtuelle suffit, pourvu qu'il y ait un minimum de
vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les
dispositions prétendument inconstitutionnelles (ATF 128 I 167 consid.
4.3 p.
172; 125 I 474 consid. 1d p. 477/478).

Une association peut agir par la voie du recours de droit public en
vue de
sauvegarder les intérêts de ses membres, même si elle-même n'est pas
touchée
par l'acte entrepris. Il faut notamment qu'elle ait la personnalité
juridique
et que la défense des intérêts de ses membres figure parmi les buts
statutaires. En outre, ses membres doivent être personnellement
touchés par
l'acte litigieux, du moins en majorité ou en grand nombre, (ATF 129 I
113
consid. 1.6 p. 119 et la jurisprudence citée).

D'après ses statuts du 30 juin 1947 (ci-après: les statuts), la
Fédération
est une association constituée conformément aux art. 60 ss CC (art.
1er al. 1
des statuts) qui a pour but en particulier la représentation des
intérêts de
ses membres et la défense de leurs droits (art. 2 lettre o des
statuts). Ses
membres sont pour l'essentiel des employeurs ou des patrons
indépendants,
d'une part, ainsi que des associations professionnelles ou
interprofessionnelles d'employeurs ou de patrons indépendants,
d'autre part,
(art. 3 des statuts). Ils sont atteints par les dispositions
attaquées. Les
associations professionnelles et interprofessionnelles sont touchées
comme
l'association faîtière. Il faut dès lors reconnaître la qualité pour
recourir
à la Fédération. De même, il faut admettre la qualité pour agir en
tant
qu'employeur d'A.________ & Cie, société en nom collectif ayant pour
objet la
manufacture et le commerce de sacs de couchage, duvetterie et articles
d'enfants, ainsi que, en tant qu'indépendant, de B.________ qui
exploite une
entreprise individuelle de tapissier-décorateur.

1.3 Selon l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit - sous
peine
d'irrecevabilité - contenir "un exposé des faits essentiels et un
exposé
succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques
violés,
précisant en quoi consiste la violation". Lorsqu'il est saisi d'un
recours de
droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier, de
lui-même, si la
décision attaquée est en tout point conforme au droit et à l'équité.
Il
n'examine que les moyens de nature constitutionnelle, invoqués et
suffisamment motivés dans l'acte de recours (ATF 129 I 113 consid.
2.1 p. 120
et la jurisprudence citée). Ainsi, lorsqu'un recourant demande
l'annulation
d'articles de loi, il doit invoquer des moyens visant chacune des
dispositions de ces articles, sans quoi seuls les passages
véritablement
attaqués pourront, le cas échéant, être cassés; au surplus, il y aura
annulation totale si, vu l'inconstitutionnalité de certains passages
ou de
certains articles, le reste de la loi n'a plus de sens. Le recourant
ne
saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux
actes
cantonaux (ATF 129 I 113 consid. 2.1 p. 120 et la jurisprudence
citée). En
outre, dans un recours pour arbitraire, le recourant ne peut pas se
contenter
de critiquer l'acte entrepris comme il le ferait dans une procédure
d'appel
où l'autorité de recours peut revoir librement l'application du
droit. Il
doit préciser en quoi l'acte attaqué serait arbitraire, ne reposant
sur aucun
motif sérieux et objectif, apparaissant insoutenable ou heurtant
gravement le
sens de la justice (ATF 128 I 295 consid. 7a p. 312).

Bien que les recourants invoquent l'art. 9 Cst., ils ne motivent pas
suffisamment, au regard de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, leur grief
d'arbitraire. Le recours est donc irrecevable sur ce point.

2.
Les recourants attaquent, expressément, les trois dispositions
suivantes de
la loi genevoise, telles que modifiées par la novelle:
Art. 12A Allocations pour cas spéciaux (nouveau)

"Le fonds de compensation des allocations familiales défini à
l'article 31
verse des prestations aux personnes dans le besoin, qui ont des
enfants à
leur charge et qui n'ont aucun droit à des allocations familiales ou
des
prestations similaires".

Art. 12B Conditions d'octroi (nouveau)

"1 Toute personne, domiciliée dans le canton, dont les revenus ne
dépassent
pas les limites prévues à l'alinéa 2 et qui a un ou plusieurs enfants
à
charge, également domiciliés dans le canton, peut prétendre aux
prestations
conformément aux dispositions ci-après si cet enfant ne donne aucun
droit à
des allocations familiales ou à des prestations similaires.
2 Le droit aux prestations est ouvert si les revenus bruts de l'ayant
droit
ne dépassent pas une fois et demie le montant fixé à l'art. 3, alinéa
1, de
la loi sur les prestations cantonales complémentaires à
l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité, du
25
octobre 1968, et s'il ne dispose pas d'une fortune nette supérieure à
25'000
F.

3 Ces montants sont majorés de:
a)50% si l'ayant droit fait ménage commun avec un adulte dont il
assume la
charge d'une manière prépondérante et durable;
b)25% pour chaque enfant mineur dont le revenu brut propre est
inférieur à
30'000 F par année;
c)25% pour chaque enfant majeur de moins de 25 ans vivant en
communauté
domestique avec l'ayant droit et dont le revenu brut propre est
inférieur à
30'000 F par année.
4 L'ordre dans lequel les personnes visées à l'alinéa 1 peuvent faire
valoir
le droit aux prestations est le suivant:
a)la mère;
b)le père;
c)la personne qui assume l'entretien de l'enfant de manière
prépondérante et
durable.
En cas de divorce ou de séparation judiciaire, le droit appartient à
la
personne qui a la garde de l'enfant."

Art. 27 Contributions (nouvelle teneur)

"1 Les employeurs visés à l'article 23, alinéa 1, paient la
contribution
fixée en pour-cent des salaires soumis à cotisations dans
l'assurance-vieillesse et survivants fédérale, versés aux personnes
dépendantes de l'établissement stable qu'ils possèdent dans le canton.

2 Les personnes de condition indépendante et les salariés d'un
employeur non
tenu de cotiser à l'assurance-vieillesse et survivants paient la
contribution
fixée en pour-cent des revenus soumis à cotisations dans
l'assurance-vieillesse et survivants jusqu'à un montant maximum de
243'000 F
par année.

3 Le taux de contribution est identique pour les employeurs, les
indépendants
et les salariés d'un employeur exempt de l'AVS, qu'ils soient
affiliés auprès
d'une caisse d'allocations familiales privée ou publique. Ce taux est
fixé
chaque année, en juillet, par le Conseil d'Etat de manière à couvrir,
l'année
suivante, les frais découlant de l'application de la présente loi.

4 Les contributions versées aux caisses d'allocations familiales sont
affectées exclusivement:
a)au paiement des allocations familiales;
b)au financement des allocations d'encouragement à la formation
prévues par
l'article 120A de la loi sur l'orientation, la formation et le
travail des
jeunes gens, du 25 juin 1985, et par l'article 36A de la loi sur
l'encouragement aux études, du 4 octobre 1989;

c)à la compensation des charges effectuée par le fonds cantonal de
compensation des allocations familiales;
d)à la couverture des frais de gestion dont le taux maximal est fixé
par le
Conseil d'Etat;

e)à l'approvisionnement du fonds de réserve."

Enfin, l'art. 31 LAF intitulé "Fonds cantonal de compensation des
allocations
familiales", dont la teneur est nouvelle et auquel se réfère l'art.
12A LAF,
dispose:
"1 Est créé, sous la dénomination de Fonds cantonal de compensation
des
allocations familiales, un fonds indépendant, doté de la personnalité
juridique, qui est crédité ou débité de toutes les ressources et
prestations
prévues par la présente loi.

2 Le fonds couvre prioritairement les prestations suivantes:
a)les allocations familiales versées aux personnes sans activité
lucrative;
b)les allocations familiales versées au personnel de maison;
c)les allocations familiales pour cas spéciaux;
d)le financement des allocations d'encouragement à la formation;
e)les frais de gestion.
3 Le fonds est géré par un conseil d'administration selon des
principes
semblables à ceux prévus par la législation fédérale en matière de
fonds de
compensation de l'AVS.

4 Le conseil d'administration est nommé par le Conseil d'Etat. Il se
compose
de:
a)1 président désigné par le Conseil d'Etat;
b)4 membres désignés par les partenaires sociaux en fonction de leurs
compétences en matière d'assurances sociales et de gestion
financière, à
raison de deux pour l'Union des associations patronales genevoises et
2 pour
la Communauté genevoise de l'action syndicale;
c)1 représentant du département de l'action sociale et de la santé.
5 Le fonds est exonéré des impôts cantonaux et communaux.

6 Le contrôle périodique du fonds est assuré par l'inspection
cantonale des
finances.

7 Le Conseil d'Etat fixe par règlement les compétences
et le
fonctionnement
du fonds de compensation et de son conseil d'administration."

3.
3.1 Les recourants prétendent que l'art. 27 al. 3 LAF (tel que
modifié par la
novelle) ne respecte pas le principe de la légalité qui résulte, sur
le plan
fiscal, de l'art. 127 al. 1 Cst. en relation avec l'art. 164 al. 1
lettre d
Cst. qui serait applicable par analogie au niveau cantonal. Ils font
valoir
que la disposition critiquée n'indique aucun taux permettant de
déterminer, à
la lecture de la loi genevoise, le montant des contributions
susceptible
d'être perçu auprès des personnes et des entreprises assujetties à la
loi
genevoise. L'art. 27 al. 3 LAF donnerait en réalité un blanc-seing au
Conseil
d'Etat du canton de Genève (ci-après: le Conseil d'Etat).

3.2 En matière de contributions publiques, le principe de la légalité
est un
droit constitutionnel indépendant dont la violation peut être
directement
invoquée dans un recours de droit public (cf. dans ce sens, en
rapport avec
l'art. 4 aCst., l'ATF 126 I 180 consid. 2a/aa p. 182). Il est
concrétisé par
l'art. 127 al. 1 Cst. qui prévoit que la qualité de contribuable,
l'objet de
l'impôt et son mode de calcul sont définis par la loi. Cette
disposition
reprend la jurisprudence rendue sous l'empire de l'ancienne
Constitution
fédérale et vaut aussi bien pour les impôts fédéraux que cantonaux
(cf. le
message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle
Constitution fédérale, in FF 1997 I 1 ss p. 351/352). Au demeurant,
l'art.
164 al. 1 lettre d Cst. ne contient pas des exigences supérieures à
celles de
l'art. 127 al. 1 Cst., de sorte que les recourants ne pourraient de
toute
façon pas déduire une meilleure protection de cette disposition, si
elle
était applicable en l'espèce, que de l'art. 127 al. 1 Cst. Dès lors,
il n'est
pas nécessaire d'examiner si l'art. 164 al. 1 lettre d Cst. est
applicable
par analogie au niveau cantonal.

Le principe de la légalité exige également qu'une disposition légale
déléguant à l'organe exécutif la compétence d'établir une
contribution ne
constitue pas un blanc-seing et indique, au moins dans les grandes
lignes, le
cercle des contribuables, l'objet et le mode de calcul de ladite
contribution
(ATF 125 I 182 consid. 4a p. 193). Le Tribunal fédéral examine
librement si
la norme de délégation en cause satisfait à ces exigences (ATF 122 I
305
consid. 5a p. 311 et la jurisprudence citée).

3.3 Dans un arrêt du 30 octobre 1997, qui portait sur la
constitutionnalité
de la loi genevoise dans sa version initiale, le Tribunal fédéral a
considéré
que, même si les contributions aux caisses d'allocations familiales
présentaient un caractère fiscal, elles ne pouvaient être assimilées
à des
impôts généraux sur le revenu et la fortune. Il a ajouté qu'elles
pouvaient
toutefois constituer des impôts d'affectation (SJ 1998 p. 473 consid.
7b p.
484/485, 2P.210/1996, et les références citées). Ce sont en tout cas
des
contributions de droit public (ATF 73 I 47 consid. 6 p. 55 ss; arrêt
2P.335/1997 du 16 décembre 1997 consid. 3c).

En tant que contributions publiques, les cotisations aux caisses
d'allocations familiales doivent respecter le principe de la
légalité. En
effet, ce principe s'applique, de façon générale, à toutes les
contributions
publiques, mais avec des nuances visant à tenir compte de la nature
spécifique de la contribution en cause. Ainsi, le principe précité
peut être
assoupli lorsque d'autres principes jouent le même rôle, par exemple
les
principes de la couverture des frais ou des charges et de
l'équivalence (au
sujet des définitions de principe de la couverture des frais et de
principe
de l'équivalence, cf. l'ATF 126 I 180 consid. 3a p. 188). Toutefois,
ces deux
derniers principes ne peuvent pas remplacer entièrement l'exigence
d'une base
légale formelle (ATF 125 I 173 consid. 9c p. 180).

3.4 L'art. 27 al. 3 2ème phrase LAF délègue au Conseil d'Etat le
pouvoir de
fixer chaque année, en juillet, le taux des contributions versées aux
caisses
d'allocations familiales, de manière à couvrir, l'année suivante, les
frais
découlant de l'application de la loi genevoise. Quant à l'art. 27 al.
4 LAF,
il détermine l'affectation exclusive desdites contributions en
énumérant cinq
postes dont le premier est le "paiement des allocations familiales"
(lettre
a), le quatrième "la couverture des frais de gestion dont le taux
maximal est
fixé par le Conseil d'Etat" (lettre d) et le cinquième
"l'approvisionnement
du fonds de réserve" (lettre e). En ce qui concerne le premier poste
(art. 27
al. 4 lettre a), on relèvera que le cercle des bénéficiaires des
allocations
familiales est litigieux en l'occurrence. Le fond de réserve fait
l'objet de
l'art. 32 LAF. Selon cette disposition, les caisses d'allocations
familiales
privées et publiques, à l'exception de celle pour personnes sans
activité,
créent un fonds de réserve, destiné exclusivement à parer aux
insuffisances
temporaires de recettes, dont le montant correspond à trois mois au
moins et
six mois au plus d'allocations, calculé sur la base de celles payées
au cours
des deux dernières années.

Il convient d'examiner si la délégation du législatif à l'exécutif
quant à la
fixation du taux de contribution respecte le principe de la légalité
en
l'espèce. En effet, cette délégation spécifie que le taux de
contribution
doit permettre de couvrir les frais découlant de l'application de la
loi
genevoise, alors qu'une partie des frais susmentionnés est précisément
arrêtée par l'exécutif, dans certaines limites il est vrai, et qu'au
surplus
le cercle des bénéficiaires des allocations familiales est contesté.

Comme le taux de la contribution doit être fixé de manière à couvrir,
l'année
suivante, les frais découlant de l'application de la loi genevoise,
on peut
considérer que l'art. 27 al. 3 2ème phrase LAF établit une quotité
minimum
non chiffrée. En revanche, dans la mesure où certains postes sont
déterminés
par le Conseil d'Etat, il manque une limite maximum. En effet, même
si les
montants des allocations sont fixés dans la loi genevoise (art. 8
LAF) et si,
sur les autres postes, le Conseil d'Etat n'est pas entièrement libre
(cf. en
particulier l'art. 32 LAF), il jouit d'une marge de manoeuvre trop
étendue
pour que le principe de la couverture des frais permette de contrôler
le
montant de la contribution. Ainsi, en fixant le taux unique de
contribution à
1,9%, le Conseil d'Etat a pu prendre une décision portant, d'une
part, sur un
montant de 30'000'000 fr. environ, qui permettait de couvrir
l'augmentation
des allocations familiales pour les enfants de moins de quinze ans qui
avaient passé de 170 à 200 fr. en 2001 et, d'autre part, sur un
montant
estimé à quelque 334'400'000 fr correspondant au montant des
contributions
qui devaient être prélevées pour 2002 (cf. la lettre du Conseil
d'Etat du 3
décembre 2001 à un administrateur d'une caisse d'allocations
familiales). Le
Conseil d'Etat dispose donc d'un pouvoir non négligeable d'influencer
le
montant des "frais découlant de l'application de la loi genevoise"
qui doit
servir de base au calcul de la contribution.

Ainsi, en l'absence d'une disposition légale fixant un taux plafond,
le
principe de la légalité n'est pas respecté. L'art. 27 al. 3 2ème
phrase LAF,
tel que modifié par la novelle, est donc inconstitutionnel. Au
demeurant, on
rappellera que, dans ses déterminations des 15 janvier et 25 février
2002, le
Grand Conseil a lui-même indiqué que, dans l'hypothèse où
l'inconstitutionnalité de la délégation serait constatée, il ne
manquerait
pas de procéder aux amendements nécessaires en introduisant un taux
plafond
ou une fourchette dans la loi genevoise, en tant que le Tribunal
fédéral
l'inviterait à le faire.

4.
Un des buts de la novelle consiste en la création d'un fonds de
compensation.
L'idée qui est à la base de cette innovation a été expliquée dans
l'exposé
des motifs d'un projet de loi modifiant la loi genevoise - mais
antérieur à
la novelle - (Mémorial des séances du Grand Conseil 2000 p. 10095):
"Etant
donné que les allocations familiales sont gérées par un très grand
nombre de
caisses et que le taux uniforme aurait pour conséquence que certaines
d'entre
elles ne pourraient pas verser les allocations dues et que d'autres
capitaliseraient des cotisations non utilisées, le projet de loi
propose de
créer une caisse de compensation qui permette de redistribuer entre
les
caisses le produit des cotisations de manière à ce que celles-ci
soient en
mesure de verser les allocations familiales telles que fixées par la
loi tout
en évitant de créer des réserves inutilisées." Schématiquement, les
employeurs paient des cotisations à leurs caisses d'allocations
familiales
qui, après avoir versé les allocations familiales qu'elles doivent
payer,
font parvenir leurs excédents au fonds de compensation. Ces excédents
permettent notamment de financer les allocations familiales des
personnes
sans activité lucrative ou dans le besoin (cas spéciaux). Les
recourants s'en
prennent à la modification du financement résultant de la novelle, en
particulier de la création d'un fonds de compensation.

4.1 Les recourants allèguent la violation du principe de la
généralité de
l'impôt et par là-même celle du principe de l'égalité garanti par
l'art. 8
Cst. Ils se plaignent notamment de l'introduction d'un régime
prévoyant que
les contributeurs financent les allocations familiales versées non
seulement
aux salariés mais encore aux personnes sans activité lucrative et
dans le
besoin (cas spéciaux), avec lesquelles il n'existe aucun lien
professionnel.
Dans leur mémoire de recours, ils illustrent leur grief en analysant
la
situation des personnes dans le besoin; ils se réfèrent en
particulier aux
art. 12A et 27 al. 4 lettre c LAF (introduits par la novelle) et
remarquent
que le nouveau système élargit le cercle des bénéficiaires des
allocations
familiales sans étendre - et même en restreignant - celui des
contributeurs
qui, par conséquent, doivent supporter une charge plus lourde.
Développant
leur argumentation dans leur mémoire complétif, les recourants
s'attachent
plus spécialement à la condition des personnes sans activité lucrative
domiciliées dans le canton de Genève et assujetties à la loi fédérale
du 20
décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS; RS
831.10) (cf.
les art. 2 et 3 ainsi que 27 et 31 LAF, et l'abrogation de l'art. 29
LAF).
Ils soulignent que, si les allocations familiales pour cas spéciaux
s'élèvent
à environ 100'000 fr. par année, celles qui sont versées aux
personnes sans
activité lucrative assujetties à la LAVS atteignent annuellement
quelque
10'000'000 à 11'000'000 fr.

4.2 Le Grand Conseil prétend que, dans leur mémoire de recours, les
intéressés se seraient contentés d'attaquer le financement des
allocations
familiales pour cas spéciaux. D'après lui, les recourants n'auraient
contesté
que dans leur mémoire complétif le financement des allocations
familiales
versées aux personnes sans activité lucrative et, plus généralement,
l'institution du fonds de compensation ainsi que son mode de
financement. Le
Grand Conseil soutient que ces griefs, qui auraient pu être soulevés
dans le
mémoire de recours, sont irrecevables.

En réalité, les intéressés ont déjà attaqué, dans leur mémoire de
recours, la
modification du système de financement introduite par la novelle et,
plus
spécialement, la création d'un fonds de compensation. Certes, ils
n'ont pas
demandé expressément l'annulation de l'art. 31 LAF, tel que modifié
par la
novelle. Cependant, l'annulation de cette disposition était comprise
dans
leur conclusion visant à l'annulation de toute la novelle et
l'ensemble de
leur argumentation y tendait. Par ailleurs, les recourants ont
souligné
concrètement les failles du nouveau système de financement en
analysant plus
particulièrement, dans leur mémoire de recours, les allocations
familiales
pour cas spéciaux et, dans leur mémoire complétif, les allocations
familiales
versées aux personnes sans activité lucrative. Dès lors, il y a lieu
d'écarter l'objection susmentionnée du Grand Conseil quant à la
recevabilité
des griefs soulevés par les recourants d'autant plus que, la novelle
n'ayant
pas été accompagnée d'un exposé des motifs, c'est la réponse du Grand
Conseil
au présent recours qui a clarifié certains points (cf. l'ATF 125 I 71
consid.
1d/aa p. 77).

4.3 Les allocations familiales ont pour objectif de compenser en
partie la
charge financière engendrée par la constitution d'une famille, en
particulier
la présence d'un ou de plusieurs enfants. Aux préoccupations de
caractère
purement social peuvent s'ajouter d'autres objectifs: démographiques,
de
politique économique, d'assistance (Pascal Mahon, Les allocations
familiales,
in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, éd. par Heinrich Koller/
Georg
Müller/ René Rhinow/ Ulrich Zimmerli, vol. III: Soziale Sicherheit,
Bâle/Genève/Munich 1998, p.119 ss, spéc. n. 5 p. 121; cf. aussi
Pierre-Yves
Greber, Droit suisse de la sécurité sociale, Lausanne 1982, p. 509).
En
principe, le régime des allocations familiales se fonde sur une
relation de
travail. Les lois cantonales, pour la plupart, ne prévoient le
paiement
d'allocations familiales qu'aux salariés et, dans toutes les
législations
cantonales, le versement
de telles allocations est couvert par les
cotisations des employeurs (cf. Office fédéral des assurances
sociales,
Aperçu des régimes cantonaux d'allocations familiales, Berne 2002, p.
25/26).
D'autres lois cantonales étendent le versement d'allocations
familiales aux
indépendants (généralement, à l'exclusion des agriculteurs), qui en
assurent
partiellement le financement eux-mêmes (Office fédéral des assurances
sociales, op. cit., p. 29). Enfin, cinq cantons (Fribourg, Valais,
Jura,
Schaffhouse et Genève) ont instauré un système comprenant également
l'octroi
d'allocations familiales aux personnes sans activité lucrative
(principe de
l'universalité des allocations familiales; Office fédéral des
assurances
sociales, op. cit., p.5). Dans le canton de Fribourg, les frais sont
pris en
charge à raison de la moitié par le canton, d'une part, et par les
communes,
d'autre part. En Valais, le canton assume le financement. Dans le
canton du
Jura, les allocations familiales versées sont à la charge des caisses
reconnues, conformément à une clé de répartition. Dans le canton de
Schaffhouse, le financement des allocations familiales est assumé par
le
canton, les communes, le fonds social et les caisses de compensation
familiale pour salariés (Office fédéral des assurances sociales, op.
cit., p.
31).

Les cotisations alimentant les caisses d'allocations familiales sont
assurément des contributions publiques, qu'on ne saurait qualifier
d'impôts
généraux sur le revenu et la fortune. Comme ces contributions
poursuivent un
but déterminé et que leur produit est consacré à des dépenses
précises, en
particulier au paiement d'allocations familiales, elles peuvent
entrer dans
la catégorie des impôts (spéciaux) d'affectation liés à certains coûts
particuliers. On désigne ainsi des contributions destinées à couvrir
des
dépenses déterminées et perçues auprès d'un cercle de contribuables
comprenant les personnes à la charge desquelles la collectivité
publique
peut, pour des motifs objectifs et raisonnables, mettre en priorité
les
dépenses en cause plutôt que de les imposer à l'ensemble des
contribuables.
Un tel impôt est dû indépendamment de l'usage ou de l'avantage obtenu
individuellement par le contribuable ou de la dépense que celui-ci a
provoquée (ATF 122 I 305 consid. 4b p. 309/310; cf. aussi l'ATF 124 I
289
consid. 3b p. 291; Peter Böckli, Indirekte Steuern und
Lenkungssteuern,
Bâle/Stuttgart 1975, p. 52/53; Xavier Oberson, Droit fiscal suisse,
2e éd.,
Bâle/Genève/Munich 2002, p. 9/10).

Il convient donc d'examiner si des motifs objectifs et raisonnables
justifient qu'en l'occurrence, le financement des allocations
familiales
incombe entièrement aux employeurs, aux indépendants et aux salariés
d'un
employeur exempté de l'AVS. On a rappelé ci-dessus le but des
allocations
familiales (compensation partielle des frais occasionnés par des
enfants).
Dans la mesure où ces allocations poursuivent un objectif économique,
elles
reposent en principe sur une relation professionnelle, de sorte qu'il
est
objectivement fondé de mettre leur financement à la charge des
cotisants
énumérés ci-dessus (employeurs, indépendants et salariés d'un
employeur
exempté de l'AVS). En revanche, un système qui, comme celui du canton
de
Genève, consacre le principe de l'universalité des allocations
familiales,
poursuit aussi un but social. A partir du moment où des allocations
familiales sont versées à des bénéficiaires indépendamment de toute
relation
professionnelle, il n'est plus justifié de mettre le financement de
ces
allocations à la charge du cercle - restreint - des contribuables
susmentionnés. En effet, en l'absence d'un lien suffisant entre les
contribuables et le but de la contribution, le principe de la
généralité de
l'impôt interdit d'exiger de certains citoyens (les employeurs,
notamment)
qu'ils contribuent à la couverture de frais en faveur d'autres
citoyens avec
lesquels ils n'ont aucune relation particulière. Ce précepte exclut la
création de privilèges, tous les assujettis devant, en principe,
s'agissant
de la couverture des dépenses générales, être soumis à la même
réglementation
(cf. Walter Ryser/Bernard Rolli, Précis de droit fiscal suisse, 4e
éd., Berne
2002, p. 56; cf aussi Danielle Yersin, L'égalité de traitement en
droit
fiscal, in RDS 1992 II 145 ss, p. 166).

La novelle a simultanément étendu le cercle des bénéficiaires des
allocations
familiales qui englobe les personnes sans activité lucrative, en
introduisant
les allocations familiales pour cas spéciaux (art. 12A LAF), et elle a
restreint le cercle des cotisants potentiels, en supprimant la
possibilité de
demander une contribution également aux personnes sans activité
lucrative
(abrogation de l'art. 29 LAF). Ce nouveau système impose à une partie
seulement des contribuables toute la charge que représentent les
allocations
familiales versées à des personnes sans activité lucrative ou qui
sont dans
le besoin et remplissent les conditions de l'art. 12A LAF (cf. les
art. 27 et
31 LAF). En instaurant ce nouveau régime de financement, le Grand
Conseil a
violé le principe de la généralité de l'impôt et, par conséquent,
celui de
l'égalité garanti par l'art. 8 Cst. On relèvera que, des autres
cantons
consacrant le principe de l'universalité des allocations familiales,
trois
(Fribourg, Valais et Schaffhouse) mettent, en tout cas partiellement,
le
financement des allocations familiales versées aux personnes sans
activité
lucrative à la charge des collectivités publiques et prennent ainsi
en compte
le caractère social de ce type d'allocations familiales; quant au
quatrième
(Jura), il finance ces allocations en fonction d'une clé de
répartition entre
toutes les caisses reconnues.

En conclusion, l'inconstitutionnalité dont est entachée la novelle ne
vise
pas le versement d'allocations familiales aux personnes sans activité
lucrative et aux personnes dans le besoin (cas spéciaux), mais le
financement
de ce genre d'allocations familiales. En effet, dans la mesure où de
telles
allocations relèvent en réalité de la politique sociale et de
l'assistance
qui incombent aux collectivités publiques, on ne saurait en imposer
la charge
financière à un cercle déterminé de contribuables. Il convient donc de
changer les dispositions de la novelle établissant le financement de
ce type
d'allocations familiales, en particulier l'art. 31 al. 2 lettres a et
c LAF
tel que modifié par la novelle.

5.
Les recourants ont conclu, dans un premier temps, à l'annulation de la
novelle ou du moins des art. 12A, 12B et 27 LAF tels que modifiés par
la
novelle, puis ils ont demandé, dans un second temps, que le Tribunal
fédéral
constate l'inconstitutionnalité de la novelle et prenne une décision
incitative.

5.1 Le Tribunal fédéral prend une décision incitative lorsque, pour
éviter un
vide juridique - qui aurait, en définitive, des conséquences plus
néfastes
que l'application d'une disposition viciée -, il renonce à annuler une
disposition inconstitutionnelle et rejette le recours - voire l'admet
suivant
la façon dont ses conclusions ont été formulées -, le cas échéant
dans le
sens des considérants (ATF 110 Ia 7 consid. 6 p. 27 s'agissant d'un
contrôle
abstrait des normes; ZBl 88/1987 p. 306 consid. 5 p. 313/314,
P.1020/1986, et
87/1986 p. 482 consid. 2c p. 485/486, P.1881/1984, s'agissant d'un
contrôle
concret des normes). On parle de décision incitative
("Appellentscheid") car
cette décision comporte un appel plus ou moins précis et directif à
l'égard
du législateur afin qu'il élabore une réglementation conforme à la
Constitution (Walter Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen
Beschwerde,
Berne 1994, 2e éd., p. 403). Une telle décision a ainsi pour
conséquence,
d'une part, de maintenir un acte vicié, le cas échéant en déboutant un
recourant qui obtient gain de cause, et, d'autre part, de légitimer
les
autorités (à continuer) à appliquer, au moins temporairement, une
norme
reconnue comme n'étant pas conforme à la Constitution jusqu'à ce que
le
législateur adopte une nouvelle réglementation (cf. Andreas Auer,
L'effet des
décisions d'inconstitutionnalité du Tribunal fédéral, in PJA 5/92 p.
559 ss,
n. 23, p. 564). Aussi une décision incitative ne peut-elle être admise
qu'exceptionnellement et pour de justes motifs (ATF 112 Ia 311
consid. 2c p.
313; RDAF 1998 2 148 consid. 3b/aa p. 153/154, 2P.96/1997).

5.2 Comme on l'a vu, le système de financement des allocations
familiales
instauré par la novelle est inconstitutionnel parce qu'il ne respecte
pas le
principe de la légalité dans la mesure où il ne fixe pas un taux de
contribution plafond (consid. 3 ci-dessus) et qu'il viole le principe
de la
généralité de l'impôt (consid. 4 ci-dessus). Toutefois, l'annulation
des
dispositions litigieuses (les art. 12A, 12B, 27 al. 3 2ème phrase et
31 al. 2
lettre a et c LAF) ne permettrait plus d'assurer le financement des
allocations familiales prévues par la loi genevoise. Une telle
décision
entraînerait des conséquences graves, spécialement pour les personnes
les
plus défavorisées financièrement. Il apparaît donc justifié de rendre
une
décision incitative dans le cas d'espèce, d'autant plus que, selon le
mémoire
complétif des recourants (p. 8), "une procédure de révision globale
de la
réglementation genevoise sur les allocations familiales" est
actuellement en
cours (cf. aussi les déterminations du Grand Conseil du 30 mai 2002,
p. 5).
D'ailleurs, les recourants ont eux-mêmes déposé des conclusions dans
ce sens,
dans leur mémoire complétif, et le Grand Conseil a envisagé cette
solution au
cas où la délégation de compétence de l'art. 27 al. 3 2ème phrase LAF
serait
déclarée inconstitutionnelle (cf. les déterminations du Grand Conseil
du 15
janvier 2002, p. 10, et du 25 février 2002, p. 9/10). Le Grand
Conseil devra
établir rapidement un régime d'allocations familiales conforme à la
Constitution, respectant en particulier le principe de la légalité,
ainsi que
celui de la généralité de l'impôt. Il devra donc déterminer dans la
loi
genevoise le taux des cotisations alimentant les caisses d'allocations
familiales soit en fixant un plafond, soit en établissant une
fourchette
entre le minimum et le maximum de ces contributions; sur ce point, il
devra
simplement compléter la novelle. Le Grand Conseil devra en outre
trouver un
mode de financement des allocations pour personnes sans activité
lucrative et
dans le besoin (cas spéciaux) qui en répartisse la charge sur
l'ensemble des
citoyens et ne la fasse pas supporter exclusivement par les
employeurs, les
indépendants et les salariés d'un employeur exempté de l'AVS.

6.
Les recourants ont demandé à l'autorité de céans de constater
l'inconstitutionnalité de la novelle et de rendre une décision
incitative
(cf. lettre B et consid. 5 ci-dessus), ce que fait l'autorité de
céans. Le
recours doit donc être admis, au demeurant partiellement seulement,
puisque
le Tribunal fédéral n'a constaté l'inconstitutionnalité que de
certaines
dispositions de la novelle, et dans la mesure où il est recevable
(cf. le
consid. 1.3).

Compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas, il se justifie de
statuer
sans frais et d'allouer des dépens aux recourants (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours est admis
partiellement dans
le sens des considérants.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Le canton de Genève versera aux recourants, créanciers solidaires, une
indemnité de 4'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants
et au
Grand Conseil du canton de Genève.

Lausanne, le 4 juillet 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.329/2001
Date de la décision : 04/07/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-04;2p.329.2001 ?
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