La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2003 | SUISSE | N°1P.205/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 juillet 2003, 1P.205/2003


{T 0/2}
1P.205/2003 /dxc

Arrêt du 3 juillet 2003
Ire Cour de droit public

M. le Juge Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral,
Reeb et Catenazzi.
Greffier: M. Zimmermann.

X. ________,
recourante, représentée par Me Aba Neeman, avocat, case postale 1224,
1870
Monthey 2,

contre

Hôtel Z.________,
intimé, représenté par Me Laurent Trivelli, avocat,
rue Caroline 7, case postale 3520, 1002 Lausanne,
Procureur général du canton de Vaud,
rue de l'Univ

ersité 24, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale, 1014 Lausanne.

procédure p...

{T 0/2}
1P.205/2003 /dxc

Arrêt du 3 juillet 2003
Ire Cour de droit public

M. le Juge Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral,
Reeb et Catenazzi.
Greffier: M. Zimmermann.

X. ________,
recourante, représentée par Me Aba Neeman, avocat, case postale 1224,
1870
Monthey 2,

contre

Hôtel Z.________,
intimé, représenté par Me Laurent Trivelli, avocat,
rue Caroline 7, case postale 3520, 1002 Lausanne,
Procureur général du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale, 1014 Lausanne.

procédure pénale; appréciation des preuves,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois,
Cour de
cassation pénale, du 26 février 2003.

Faits:

A.
X. ________ a travaillé comme réceptionniste à l'Hôtel Z.________
(ci-après:
Le Z.________) de 1992 à 1998. Le 8 mai 1998, la direction de cet
établissement a déposé plainte pénale contre son employée qu'elle
soupçonnait
d'avoir détourné un montant de plus de 55'000 fr. dans la gestion de
la
caisse de la réception de l'hôtel. Le 25 juin 1998, A.________,
comptable, a
établi un rapport selon lequel X.________ aurait, entre décembre 1996
et mars
1998, prélevé un montant total de 69'702,30 fr.

Les employés et les clients du Z.________ avaient la possibilité de
retirer
des montants en espèces à la réception de l'établissement, sur
présentation
d'une carte bancaire ou postale. L'employé de la réception portait
chaque
opération au débit d'un compte particulier géré par un logiciel
spécial («
Fidelio »). Un ticket justificatif était déposé dans un casier, d'où
il était
extrait pour classement dès que la pièce bancaire ou postale
attestant le
débit du compte de l'employé ou du client parvenait au Z.________. En
l'occurrence, X.________ aurait prélevé régulièrement un montant
déterminé
(de l'ordre de 100 à 300 fr.) dans la caisse de la réception, puis
aurait
effectué une opération de débit fictive pour un montant identique.
Pour
cacher la malversation, une opération de crédit effective était
effectuée à
double. Ce système n'avait pu fonctionner qu'en raison des failles du
système
Fidelio et d'un retard (de l'ordre de six mois) dans la saisie et le
contrôle
des pièces comptables. Entendue le 25 mai 1998 par la police
cantonale, puis
par le Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois,
X.________ a
reconnu les faits et décrit le mode opératoire utilisé. Par la suite,
elle a
contesté le montant total des malversations reprochées.

Le 18 octobre 1999, le Juge d'instruction a renvoyé X.________ devant
le
Tribunal correctionnel du district de Vevey comme accusée d'abus de
confiance
(art. 138 CP), d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (art. 147
CP) et de
faux dans les titres (art. 251 CP).

Le 28 janvier 2002, B.________ a remis au Tribunal correctionnel un
rapport
d'expertise comptable, confirmant les conclusions du rapport établi
par
A.________.

Le 6 juin 2002, le Tribunal correctionnel a reconnu X.________
coupable
d'abus de confiance et de faux dans les titres et l'a condamnée de ce
fait à
la peine de neuf mois d'emprisonnement avec un délai d'épreuve de
deux ans.

Par arrêt du 10 septembre 2002, la Cour de cassation pénale du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours formé par X.________
contre le
jugement du 6 juin 2002 qu'elle a confirmé.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 10 septembre 2002. Elle requiert
l'assistance judiciaire. Elle invoque les art. 9, 29 al. 2 et 32 al.
1 Cst.,
ainsi que l'art. 6 par. 2 CEDH.

La Cour de cassation pénale se réfère à son arrêt. Le Ministère
public et
l'Hôtel Résidence Le Z.________ concluent au rejet du recours.

C.
Le 3 avril 2003, le Tribunal fédéral a rejeté la demande d'assistance
judiciaire formée par la recourante.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Invoquant l'art. 9 Cst., la recourante se plaint d'une appréciation
arbitraire des preuves. Tel qu'il est formulé, le grief tiré de la
violation
de la présomption d'innocence (art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH)
n'a pas
de portée propre en l'espèce.

1.1 S'agissant de la constatation des faits et de l'appréciation des
preuves,
la maxime « in dubio pro reo » est violée lorsque l'appréciation
objective de
l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute
insurmontable
quant à la culpabilité de l'accusé (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41;
124 IV 86
consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Une constatation de
fait n'est
pas arbitraire pour la seule raison que la version retenue par le
juge ne
coïncide pas avec celle de l'accusé; encore faut-il que
l'appréciation des
preuves soit manifestement insoutenable, en contradiction flagrante
avec la
situation effective, qu'elle constitue la violation d'une règle de
droit ou
d'un principe juridique clair et indiscuté, ou encore qu'elle heurte
de façon
grossière le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 127 I 38
consid. 2a
p. 41; 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 118 Ia 28 consid. 1b p. 30; 117 Ia
133
consid. 2c p. 39, 292 consid. 3a p. 294). Saisi d'un recours de droit
public
ayant trait à l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral examine
seulement si le juge cantonal a outrepassé son pouvoir d'appréciation
et
établi les faits de manière arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p.
41; 124 IV
86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2d p. 37/38, et les arrêts
cités).

1.2 Dans un premier moyen, la recourante soutient que sa culpabilité
ne
pouvait être fondée sur les rapports de A.________ et B.________.

1.2.1 Le juge peut nommer des experts. A l'instar des autres moyens de
preuve, il apprécie librement la force probante de l'expertise. Cette
liberté
d'appréciation trouve sa limite dans l'interdiction de l'arbitraire.
Si le
juge n'est en principe pas lié par les conclusions de l'expert, il ne
peut
s'en défaire, à peine de violer l'art. 9 Cst., qu'en exposant les
motifs
déterminants et les circonstances bien établies qui lui commandent
d'agir de
la sorte (ATF 118 Ia 144 consid. 1c p. 146). Cette exigence disparaît
toutefois en cas de pluralité d'expertises dont les conclusions sont
contradictoires (cf. ATF 107 IV 5 p. 8).

1.2.2 Les conditions (notamment d'impartialité et d'indépendance)
attachées à
la désignation d'un expert judiciaire n'étaient pas applicables à
A.________
qui est intervenu à la demande de l'employeur, sans recevoir de
mandat de
l'autorité de jugement. Les critiques que la recourante adresse à
A.________
sont ainsi hors de propos.

Le Tribunal correctionnel a désigné B.________ comme expert, selon une
procédure à l'encontre de laquelle la recourante ne formule aucun
reproche.
Le rapport établi le 28 janvier 2002 par B.________ corrobore les
constatations faites par A.________, et notamment le tableau des
détournements annexé au rapport du 25 juin 1998. Que B.________ a fait
siennes les conclusions d'un rapport présenté par le plaignant ne
signifie
pas, ipso facto, que ses conclusions seraient fausses ou que l'expert
serait
partial.

1.3 Dans un deuxième moyen, la recourante reproche au Tribunal
correctionnel,
puis à la Cour de cassation, de n'avoir pas ordonné un complément
d'expertise. Elle y voit une violation de son droit d'être entendue.

1.3.1 Le droit des parties d'être entendues (art. 29 al. 2 Cst.)
inclut pour
elles le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à
leur
détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer
sur la
décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration
des
preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos
(ATF 129
I 85 consid. 4.1 p. 88/89; 127 I 54 consid. 2b p. 56; 126 V 130
consid. 2 p.
130-132, et les arrêts cités). L'autorité peut cependant renoncer au
moyen de
preuve offert par une partie, pour autant qu'elle puisse admettre sans
arbitraire que ce moyen n'aurait pas changé sa conviction (ATF 124 I
241
consid. 2 p. 242; 124 V 90 consid. 4b p. 94; 122 II 464 consid. 4a p.
469, et
les arrêts cités). Le droit d'être entendu est cependant violé lorsque
l'autorité nie sans motifs suffisants toute pertinence à un moyen de
preuve
(ATF 114 II 289 consid. 2a p. 291). Le Tribunal fédéral revoit cette
question
sous l'angle restreint de l'arbitraire, car elle porte uniquement sur
l'appréciation des preuves, et non point sur la portée du droit d'être
entendu (ATF 115 Ia 8 consid. 3a p. 11/12; 106 Ia 161).

1.3.2 A la demande de la défense, le Tribunal correctionnel a, le 19
mars
2001, ordonné une expertise, confiée à B.________, pour déterminer le
montant
des prélèvements effectués par l'accusée et vérifier si les périodes
de
travail de celle-ci correspondaient à celles des détournements.
S'agissant du
premier point, B.________ s'est rallié aux conclusions de A.________.
Pour ce
qui concerne le deuxième point, l'expert a indiqué qu'en tout cas
pour la
période allant de décembre 1996 à septembre 1997, il avait vérifié
que toutes
les opérations délictueuses avaient été ordonnées sous un code «
S.________ »
utilisé par l'accusée. A l'ouverture de l'audience du 4 juin 2002,
celle-ci a
requis que le rapport de B.________ soit complété. Elle a fait valoir
à ce
propos que les conclusions de l'expert seraient démenties par la
production
(qu'elle a réclamée) notamment de ses plans mensuels de travail pour
la
période allant de décembre 1996 à mars 1998. Le Tribunal
correctionnel a
rejeté cette requête au motif que les éléments contestés avaient pu
être
discutés devant lui dans le cadre de l'instruction contradictoire au
cours de
laquelle A.________ et B.________ avaient pu être questionnés et
entendus. La
Cour de cassation a estimé que sur le vu des pièces à sa disposition
et des
précisions apportées par A.________ et B.________ à l'audience, le
Tribunal
correctionnel pouvait admettre que les rapports des 25 juin 1998 et 28
janvier 2002 corroboraient la thèse de l'accusation selon laquelle
toutes les
opérations délictueuses énumérées dans le tableau annexé au rapport
du 25
juin 1998 avaient été commises lorsque l'accusée se trouvait à sa
place de
travail.

Cette appréciation n'est pas arbitraire. Contrairement à ce que
soutient la
recourante (et ce que semble aussi penser la cour cantonale), on ne
se trouve
pas en l'occurrence dans un cas de pluralité d'expertises, dont la
recourante
prétend qu'elles se contrediraient. S'agissant de l'aspect comptable
de
l'affaire, le Tribunal correctionnel ne disposait que d'un rapport
d'expert -
celui établi le 28 janvier 2002 par B.________. Celui-ci s'est fondé
sur les
investigations effectuées avant lui par A.________ (et dont la
répétition
pouvait paraître superflue) pour en confirmer les deux éléments
essentiels:
que le tableau établi par A.________ en annexe à ses conclusions
correspondait aux détournements opérés; que ceux-ci pouvaient être
imputés à
l'accusée. Le Tribunal correctionnel puis la Cour de cassation pénale
pouvaient ainsi admettre sans arbitraire que même s'il ne s'était pas
tenu à
la lettre de son ordre de mission défini le 19 mars 2001, B.________
avait
rempli le mandat qui lui avait été confié et, partant, renoncer à un
complément d'expertise.

1.3.3 Selon la recourante, les défauts du système informatique «
Fidelio »
auraient pu permettre à des tiers d'effectuer certaines opérations en
utilisant le code « S.________ » qui lui avait été attribué. Pour le
Tribunal
correctionnel, une telle manipulation aurait immanquablement attiré
l'attention de l'accusée. S'ajoute à cela la constatation retenue sans
arbitraire par l'autorité de jugement selon laquelle les opérations
frauduleuses ont été effectuées le plus souvent en fin de journée, à
un
moment où l'accusée se trouvait seule à la réception de l'hôtel.

1.4 Le 25 mai 1998, la recourante a confirmé aux agents de la police
cantonale, puis au Juge d'instruction, avoir indûment prélevé des
montants
dans la caisse de la réception de l'hôtel. Sans la description
qu'elle a
faite spontanément du mode opératoire, A.________ n'aurait pas été en
mesure
de découvrir la supercherie et d'établir la liste de ces
prélèvements. Pour
le surplus, rien ne permet de supposer que la recourante aurait passé
ces
aveux circonstanciés sous l'emprise d'une maladie ou l'influence de
médicaments qui auraient altéré ses facultés mentales, comme elle l'a
laissé
entendre dans son courrier du 18 septembre 1998 au Juge
d'instruction. Sans
doute a-t-elle contesté par la suite le montant total des
détournements mis à
sa charge, sans objecter toutefois que ceux-ci pouvaient atteindre un
montant
de l'ordre de 100 à 300 fr. par jour, ce qui correspond aux
constatations
retenues par l'autorité de jugement. Il est possible qu'en raison du
montant
encore modeste de ces prélèvements, la recourante ait sous-estimé le
dommage
total causé, lequel pouvait cependant lui être imputé sans arbitraire.

2.
Le recours doit ainsi être rejeté. La demande d'assistance judiciaire
ayant
été rejetée, les frais sont mis à la charge de la recourante (art.
156 OJ),
ainsi qu'une indemnité en faveur de l'intimé, à titre de dépens (art.
159
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours
est rejeté.

2.
Un émolument de 3'000 fr. est mis à la charge de la recourante,
ainsi qu'une
indemnité de 2'000 fr. à verser à l'Hôtel Z.________, à titre de
dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
au
Procureur général et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de
cassation pénale.

Lausanne, le 3 juillet 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.205/2003
Date de la décision : 03/07/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-03;1p.205.2003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award