La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/07/2003 | SUISSE | N°1P.585/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 juillet 2003, 1P.585/2002


{T 0/2}
1P.585/2002/sch

Séance du 2 juillet 2003
Ire Cour de droit public

MM les Juges Aemisegger, Président de la Cour
et Président du Tribunal fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal
fédéral,
Reeb, Féraud et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

X. ________,
recourant, représenté par Me Jean-Pierre Garbade, avocat, rue de la
Synagogue
41, case postale 5654,
1211 Genève 11,

contre

Chef de la police du canton de Genève,
p.a. Service juridique police, case postale 236,
12

11 Genève 8,
Procureur général du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565,
1211 Genève 3,
Chambr...

{T 0/2}
1P.585/2002/sch

Séance du 2 juillet 2003
Ire Cour de droit public

MM les Juges Aemisegger, Président de la Cour
et Président du Tribunal fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal
fédéral,
Reeb, Féraud et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

X. ________,
recourant, représenté par Me Jean-Pierre Garbade, avocat, rue de la
Synagogue
41, case postale 5654,
1211 Genève 11,

contre

Chef de la police du canton de Genève,
p.a. Service juridique police, case postale 236,
1211 Genève 8,
Procureur général du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565,
1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108,
1211 Genève 3.

liberté personnelle; contrôle d'identité,

recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre
d'accusation du
canton de Genève du 2 octobre 2002.

Faits:

A.
Une manifestation autorisée à l'encontre de l'Organisation Mondiale du
Commerce s'est déroulée en ville de Genève dans l'après-midi du 16
mai 1998.
A un certain moment, des casseurs ont infiltré le cortège et ont
causé de
nombreux dégâts; en fin de soirée, les manifestants se sont déplacés
en
direction de la Plaine de Plainpalais où de nouvelles déprédations
ont été
commises. Ces faits, au cours desquels neuf policiers ont été
blessés, ont
donné lieu à cinquante-cinq interpellations, entre les 16 et 17 mai
1998 au
soir. A la suite de nouveaux heurts entre la police et les
manifestants, des
interpellations ont eu lieu les jours suivants en ville de Genève, au
Cimetière des Rois, à la Place des Nations et dans les locaux de
l'association Artamis, à la rue du Stand.
Le 17 mai 1998, vers 18h00, X.________ a été interpellé par la police
genevoise à proximité de la douane de Moillesullaz, avec une
quinzaine de
personnes soupçonnées d'être impliquées dans les débordements de la
veille.
Il a été menotté au moyen d'un ruban adhésif et conduit au poste de
police
aménagé pour l'occasion dans les locaux de la protection civile du
Bachet-de-Pesay. Il est resté attaché durant environ deux heures,
menottes
dans le dos, à une chaîne disposée autour d'un pilier, avant que la
police ne
vienne le chercher pour lui prendre les empreintes et le
photographier; il a
dû par la suite se déshabiller complètement durant deux minutes pour
les
besoins d'une fouille. Il a fait l'objet de deux interrogatoires,
l'un de
trente minutes et l'autre de quinze minutes, avant d'être enfermé
dans une
cellule en compagnie de quatre à dix personnes, sans couverture, ni
nourriture. Il a pu utiliser les toilettes et boire de l'eau à un
lavabo,
mais n'a pas reçu l'autorisation d'aviser un proche de son
interpellation. Il
a été libéré le 18 mai 1998 entre 03h00 et 03h30. X.________ a été
appréhendé
le lendemain matin au Cimetière des Rois, en compagnie de huit autres
personnes, et entendu dans les locaux de la police de sûreté.
A raison des faits survenus dans la nuit du 17 au 18 mai 1998,
X.________ a
déposé, le 3 juin 1998, auprès du Procureur général du canton de
Genève
(ci-après: le Procureur général), une plainte contre les
interventions de la
police, au sens de l'art. 114A du Code de procédure pénale genevois
(CPP
gen.), valant plainte pénale pour arrestation et détention illicites.
Il
concluait à la constatation de la violation des art. 17 al. 2 et 3,
20 et 24
de la loi genevoise sur la police du 26 octobre 1957 (LPol), à la
constatation de l'illicéité de son arrestation et de sa détention
prolongée,
à l'allocation d'une indemnité équitable de 1'000 fr., à la
destruction du
matériel photographique et dactyloscopique recueilli lors de son
interpellation et à l'ouverture d'une instruction pénale.
Par ordonnance du 29 juillet 1999, le Procureur général a classé la
plainte
pénale et a constaté pour le surplus que les art. 16 à 22 LPol
n'avaient pas
été violés. La Chambre d'accusation du canton de Genève (ci-après: la
Chambre
d'accusation ou la cour cantonale) a rejeté le recours formé par
X.________
contre cette décision, en tant qu'elle rejetait la plainte déposée en
application de l'art. 114A CPP gen., au terme d'une ordonnance rendue
le 3
juillet 2000. Par arrêt du 14 décembre 2000, le Tribunal fédéral a
admis
partiellement le recours de droit public formé contre cette décision
qu'il a
annulée (1P.545/2000). Il a retenu en substance que la cour cantonale
avait
violé le droit d'être entendu du recourant en ne l'autorisant pas à
consulter
le procès-verbal de son audition par la police du 18 mai 1998 et en
admettant
que la fouille corporelle s'était déroulée selon les exigences de
l'art. 20
al. 3 LPol, sans avoir entendu le gendarme ayant procédé à cette
mesure. Il a
en revanche estimé que la cour cantonale n'avait pas commis de déni de
justice formel en considérant que le droit de la personne retenue au
poste de
police à des fins d'identification d'aviser un proche ne résultait
pas des
art. 16 à 22 LPol et que sa violation éventuelle ne pouvait pas être
examinée
dans le cadre de la plainte prévue à l'art. 114A CPP gen.
Statuant à nouveau le 20 février 2001, après avoir donné aux parties
l'occasion de prendre connaissance du procès-verbal d'audition du 18
mai 1998
et recueilli leurs observations, la Chambre d'accusation a admis le
recours
de X.________ contre l'ordonnance de classement du 29 juillet 1999 et
renvoyé
le dossier au Procureur général en l'invitant à ouvrir une information
préparatoire. Le Juge d'instruction en charge de la cause a entendu le
plaignant le 5 avril 2001. Il a également interrogé, en date du 28
août 2001,
le gendarme qui a enregistré la déclaration de l'intéressé le 18 mai
1998. Il
n'a en revanche pas été possible de déterminer l'identité du policier
qui a
procédé à la fouille corporelle de X.________. Considérant que
l'instruction
n'avait apporté aucun élément nouveau justifiant qu'il soit revenu
sur la
décision de classement, le Procureur général a classé la plainte au
terme
d'une décision prise le 28 mai 2002.
Par acte du 13 juin 2002, X.________ a recouru contre cette décision
en
concluant à son annulation dans la mesure où elle rejette sa plainte
fondée
sur l'art. 114A CPP gen.; il demandait également à la Chambre
d'accusation de
constater la violation des art. 17 al. 2 et 3, 18 al. 1 et 20 LPol, de
constater l'illicéité de son arrestation et de sa détention
prolongée, de lui
allouer une indemnité équitable de 6'000 fr. couvrant les frais
engagés dans
la procédure de recours et d'inviter le Procureur général à ordonner
la
destruction du matériel photographique et dactyloscopique recueilli
lors de
son interpellation.

Statuant le 2 octobre 2002, la Chambre d'accusation a admis le
recours en
tant qu'il concernait la constatation d'une violation de l'art. 20
al. 3 LPol
et l'a rejeté pour le surplus. Elle a tenu pour justifiées la
conduite de
X.________ au poste de police aux fins de contrôler son identité et
les
mesures y afférentes parce qu'il aurait été interpellé au sein d'un
groupe de
manifestants soupçonnés d'avoir participé aux émeutes de la veille.
Elle a
admis qu'au vu des circonstances, la procédure avait été menée dans
les
meilleurs délais et dans le respect du principe de la
proportionnalité. Elle
a jugé la fouille conforme aux conditions d'application de l'art. 20
al. 1
LPol dans la mesure où le plaignant était soupçonné d'avoir pris part
aux
actes de violence perpétrés en marge de la manifestation du 16 mai
1998 au
cours desquels des dégâts auraient été provoqués par des barres de
fer et
d'autres objets dangereux. Elle a en revanche vu une violation de
l'art. 20
al. 3 LPol dans le fait que X.________ s'est retrouvé entièrement
dévêtu
durant un très court laps de temps au cours de sa fouille, sans
toutefois que
cette mesure procède d'une intention vexatoire ou humiliante de la
part des
policiers. Elle a considéré que cette circonstance ne constituait pas
une
grave atteinte à la dignité humaine justifiant l'allocation d'une
indemnité
fondée sur l'art. 114B al. 4 CPP gen. Enfin, elle a estimé que le
Procureur
général n'était pas tenu de se prononcer sur la requête visant à la
destruction du matériel photographique et dactyloscopique dès lors
qu'il
n'était pas compétent pour ordonner une telle mesure et qu'aucune
violation
de l'art. 17 LPol n'avait été constatée.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle rejette
son
recours. Il reproche à la Chambre d'accusation d'avoir constaté
arbitrairement les faits en retenant qu'il avait été interpellé au
sein d'un
groupe de manifestants soupçonnés d'avoir participé aux émeutes de la
veille,
ce dont il aurait été informé lors de son interrogatoire, qu'il avait
participé à des actes de violence perpétrés en marge de la
manifestation au
cours desquels des dégâts ont été provoqués par des barres de fer et
d'autres
objets dangereux, et qu'il avait été interpellé le 19 mai 1998 au
matin avec
des personnes porteuses d'armes et de cagoules. Invoquant la liberté
personnelle et l'art. 5 CEDH, il tient sa conduite au poste de
police, sa
fouille, son audition puis sa rétention durant plus de neuf heures
pour
dénuées de base légale et disproportionnées. Il estime enfin
arbitraire le
refus de lui verser une indemnité en réparation du préjudice subi. Il
requiert l'assistance judiciaire.
Le Chef de la police et le Procureur général concluent au rejet du
recours.
La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de sa décision.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Dans l'arrêt rendu le 14 décembre 2000 entre les mêmes parties et
dans le
cadre du même état de fait en la cause 1P.545/2000, le Tribunal
fédéral a
admis que le recourant pouvait se prévaloir d'un intérêt juridiquement
protégé à l'annulation de l'ordonnance de la Chambre d'accusation, en
tant
qu'elle confirme le classement de sa plainte contre les interventions
de la
police au sens de l'art. 114A CPP gen. et le refus de lui verser une
indemnité équitable en réparation du préjudice résultant de son
interpellation et de sa rétention dans les locaux de la police pendant
environ neuf heures. Il n'y a pas lieu de revenir sur ce point. Les
autres
conditions de recevabilité du recours de droit public sont par
ailleurs
réunies, de sorte qu'il convient d'entrer en matière sur le fond.

2.
Le recourant se plaint à divers titres d'une constatation arbitraire
et
inexacte des faits pertinents. Selon lui, la Chambre d'accusation
aurait
retenu arbitrairement qu'il avait été interpellé au sein d'un groupe
de
manifestants soupçonnés d'avoir participé aux émeutes de la veille. Il
conteste par ailleurs avoir été informé de ces faits lors de son
interrogatoire. La présence de barres de fer et d'autres objets
dangereux
n'aurait au surplus été établie que pour les déprédations commises
les jours
suivant son interpellation. Enfin, l'affirmation d'après laquelle il
aurait
été interpellé le 19 mai 1998 au matin au Cimetière des Rois avec des
personnes porteuses d'armes et de cagoules serait contraire aux faits
relatés
dans le rapport de police.

2.1 Saisi d'un recours de droit public mettant en cause
l'appréciation des
preuves, le Tribunal fédéral examine seulement si le juge cantonal a
outrepassé son pouvoir d'appréciation et établi les faits de manière
arbitraire (ATF 129 I 49 consid. 4 p. 58; 127 I 38 consid. 2a p. 41;
124 I
208 consid. 4 p. 211). Une constatation de fait n'est pas arbitraire
pour la
seule raison que la version retenue par le juge ne coïncide pas avec
celle de
l'une ou l'autre des parties; encore faut-il que l'appréciation des
preuves
soit manifestement insoutenable, en contradiction flagrante avec la
situation
effective, constitue la violation d'une règle de droit ou d'un
principe
juridique clair et indiscuté ou encore qu'elle heurte de façon
grossière le
sentiment de la justice et de l'équité. Enfin, il ne suffit pas que la
décision attaquée soit fondée sur une motivation insoutenable; il
faut encore
qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 173 consid. 3.1
p. 178
et les arrêts cités); ainsi, pour être qualifiée d'arbitraire, une
appréciation erronée des preuves doit influer sur le jugement ou,
autrement
dit, porter sur des faits pertinents pour juger de la culpabilité du
prévenu
ou de l'accusé (cf. ATF 119 Ib 492 consid. 5b/bb p. 505 et les arrêts
cités).

2.2 X.________ a indiqué dans sa plainte du 3 juin 1998 qu'environ une
quinzaine de personnes étaient présentes autour de lui au moment de
son
interpellation. Interrogé le 5 avril 2001 sur les circonstances de
celle-ci,
il a déclaré se trouver avec d'autres personnes, venues à Genève pour
la
manifestation, qui s'étaient rendues à la frontière franco-suisse pour
ramener les véhicules de ressortissants allemands dont l'entrée en
Suisse
avait été interdite. Il n'était donc nullement arbitraire de déduire
de ces
indications que le recourant avait été interpellé au sein d'un groupe
de
manifestants soupçonnés d'avoir participé aux émeutes de la veille.
Selon le procès-verbal d'audition du 18 mai 1998, X.________ a été
entendu au
sujet des événements de la manifestation qui s'est déroulée dans la
nuit du
samedi 16 au dimanche 17 mai 1998. Il a été interrogé sur les raisons
qui ont
motivé sa participation à cette manifestation et sur d'éventuels
dommages

qu'il aurait commis à cette occasion. Enfin, à l'issue de son
interrogatoire,
il a été informé du fait qu'une poursuite pénale était ouverte contre
lui,
que le dossier serait transmis au Procureur général et qu'il lui
incombait de
prendre toutes les dispositions utiles pour recevoir un courrier qui
pourrait
lui être adressé au domicile indiqué. Même s'il ne ressort pas
expressément
du procès-verbal d'audition que le recourant a été rendu attentif au
fait
qu'il était soupçonné d'avoir participé à des actes de violence en
marge de
la manifestation anti-mondialisation, il connaissait à tout le moins
les
raisons pour lesquelles il avait été interpellé et ce qui lui était
reproché.
Sur ce point, on ne discerne aucun arbitraire dans la constatation
des faits
propre à justifier l'annulation de l'arrêt attaqué, sans qu'il soit
nécessaire d'examiner si cet élément était pertinent pour apprécier
une
éventuelle violation des art. 16 à 22 LPol, condition nécessaire à
l'octroi
d'une indemnité fondée sur l'art. 114B al. 4 CPP gen.
Pour le surplus, le recourant ne conteste pas que des actes de
violence ayant
causé des dommages à la propriété ont été perpétrés en marge de la
manifestation qui s'est déroulée dans la nuit du 16 au 17 mai 1998.
Le Chef
de la police précise à cet égard dans ses observations que des
vitrines ont
été brisées, que des véhicules ont été endommagés et que des dégâts
ont été
causés à la chaussée. Le fait que ces dommages aient été provoqués à
l'aide
de barres de fer et d'autres objets dangereux, comme l'a retenu la
Chambre
d'accusation, ou par d'autres moyens importe peu, s'agissant
d'apprécier si
le recourant pouvait s'être rendu coupable d'émeute au sens de l'art.
260 al.
1 CP (cf. ATF 124 IV 269 consid. 2b), respectivement si une fouille
était
nécessaire pour des raisons de sécurité. Dans tous les cas en effet,
celle-ci
pouvait se justifier par les actes de violence commis à l'encontre
des forces
de l'ordre et à la propriété privée. Une constatation arbitraire des
faits
sur ce point n'est donc pas propre à aboutir à l'annulation de l'arrêt
attaqué. Au demeurant, la nature et l'ampleur des dégâts, estimés à
plusieurs
centaines de milliers de francs selon un article de la "Neue Zürcher
Zeitung"
du 18 mai 1998 versé au dossier par le conseil du recourant, permet
sans
arbitraire de retenir, avec une vraisemblance suffisante pour
justifier une
fouille préventive, que ceux-ci ont effectivement été commis à l'aide
d'objets dangereux.
Enfin, le recourant n'a déposé une plainte contre les interventions
de la
police au sens de l'art. 114A CPP gen. qu'en relation avec sa première
interpellation le 18 mai 1998; il importe dès lors peu que les
personnes en
compagnie desquelles il a été appréhendé le lendemain portaient ou
non des
cagoules et des armes, comme l'a retenu la cour cantonale, de sorte
qu'une
éventuelle constatation arbitraire des faits à ce propos serait sans
conséquence.

2.3 Dans la mesure où il est recevable, le recours est mal fondé, en
tant
qu'il porte sur les constatations de fait de l'arrêt attaqué.

3.
Invoquant la liberté personnelle et l'art. 5 CEDH, le recourant
prétend que
sa rétention pendant plus de neuf heures dans les locaux de la
police, en
l'absence d'un mandat d'amener décerné contre lui ou d'une situation
d'urgence, serait dénuée de base légale et disproportionnée.

3.1 Le recourant a été interpellé dans la rue, puis conduit au poste
de
police où il a été retenu durant un peu plus de neuf heures pour
permettre de
procéder à son identification et à son interrogatoire sommaire; en
raison de
sa durée, la rétention policière à laquelle il a été soumis constitue
une
atteinte grave à la liberté personnelle garantie à l'art. 10 al. 2
Cst. qui,
pour être admissible, doit reposer sur une base légale suffisante,
répondre à
un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité
(art. 31
al. 1 et 36 al. 1 à 3 Cst.; Othmar Strasser, Polizeiliche
Zwangsmassnahmen,
thèse Zurich 1981, p. 38). Le Tribunal fédéral examine en principe
librement
ces questions (ATF 129 I 173 consid. 2.2 p. 177; 128 I 19 consid.
4c/bb p.
30; 126 I 219 consid. 2c p. 222 et les arrêts cités), dans le cadre de
l'objet du litige, confiné en l'espèce à l'existence ou non d'une
violation
des art. 16 à 22 LPol. Quant à l'art. 5 CEDH, également invoqué, il ne
confère pas au justiciable de garantie plus étendue que celle déduite
de la
Constitution fédérale.

3.2 A teneur de l'art. 17 LPol, les fonctionnaires de police ont le
droit
d'exiger de toute personne qu'ils interpellent dans l'exercice de leur
fonction, qu'elle justifie de son identité (al. 1). Si la personne
n'est pas
en mesure de le faire et qu'un contrôle supplémentaire est
nécessaire, elle
peut être conduite dans un poste ou un bureau de police pour y être
identifiée (al. 2). Cette identification doit être menée sans délai
et une
fois cette formalité accomplie, la personne doit quitter
immédiatement les
locaux de police (al. 3).

3.3 Les dispositions des art. 17 et ss LPol ont été établies en vue
de donner
une base légale précise à l'activité préventive de la police fondée
jusqu'alors sur le pouvoir général de police et le droit coutumier
(cf.
Mémorial des séances du Grand Conseil, séance du 17 septembre 1981,
p. 3369,
séance du 18 février 1982, p. 392/393 et séance du 3 juin 1982, p.
1899;
Gabriel Aubert, Les interventions de la police en droit genevois,
Genève
1985, p. 5/6). L'art. 17 LPol organise le contrôle d'identité de
manière
générale, sans le limiter aux personnes dont il y a des raisons
plausibles de
soupçonner qu'elles ont commis une infraction ou des motifs
raisonnables de
croire à la nécessité de les empêcher de commettre une infraction ou
de
s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci (Mémorial des séances du
Grand
Conseil, séance du 18 février 1982, p. 390). Les dispositions de la
loi
genevoise sur la police relatives au contrôle d'identité sont
conformes tant
à la Constitution fédérale, comme le Tribunal fédéral a déjà eu
l'occasion de
le constater dans le cadre d'un contrôle abstrait de ces normes (ATF
109 Ia
146 consid. 4b p. 149, s'agissant de l'art. 17 al. 1 LPol, et consid.
5 p.
151 et suivants, s'agissant de l'art. 17 al. 2 et 3 LPol), qu'à la
Constitution genevoise (Cst. gen.), suite à l'entrée en vigueur
simultanée de
l'art. 39 let. d Cst. gen., qui délègue au législateur le soin de
réglementer
le contrôle d'identité (consid. 3a de l'arrêt précité non publié aux
ATF 109
Ia 146, mais reproduit à la SJ 1984 p. 7). Cette disposition a été
introduite
afin de donner un fondement constitutionnel cantonal suffisant à la
base
légale de la rétention de courte durée, sans mandat d'amener, dans
les locaux
de la police (cf. Mémorial des séances du Grand Conseil, séance du 18
février
1982, p. 392 et séance du 3 juin 1982, p. 1898 ss). L'art. 17 LPol
constitue
ainsi une base légale suffisante à l'interpellation du recourant,
puis à sa
conduite et à sa rétention dans les locaux de la police à des fins
d'identification.

3.4 Le recourant prétend que la police n'était pas autorisée à
procéder à un
interrogatoire visant à établir sa participation aux émeutes de la
veille sur
la base de l'art. 17 LPol, en l'absence d'un mandat d'amener décerné
à son
encontre ou d'un flagrant délit. Cette question peut demeurer
indécise, car
la Chambre d'accusation a fondé la base légale de l'interrogatoire du
recourant sur l'art. 107 al. 3 CPP gen., qui permet à la police
judiciaire
d'entendre l'auteur présumé de l'infraction. Or, une violation de
cette
disposition ne justifierait pas l'octroi d'une indemnité équitable
fondée sur
l'art. 114B al. 4 CPP gen., laquelle suppose établie une violation
des art.
16 à 22 LPol conformément à l'art. 114A CPP gen. (cf. consid. 4 de
l'arrêt
rendu le 14 décembre 2000 dans la cause 1P.545/ 2000 opposant les
mêmes
parties). Cette question excède ainsi l'objet du litige et échappe de
ce fait
à la cognition du Tribunal fédéral. Dans ces conditions, il reste à
examiner
si le contrôle d'identité auquel X.________ a été soumis est restée
dans les
limites prévues par l'art. 17 LPol.

3.5 Appelé à se prononcer sur la constitutionnalité de l'art. 17 al.
1 LPol,
le Tribunal fédéral a considéré que les organes de police ne sont pas
habilités à interpeller sans raison aucune et dans quelque
circonstance que
ce soit n'importe quel quidam déambulant sur la voie publique. Une
interpellation verbale, avec demande de renseignements personnels ou
d'exhibition de papiers de légitimation, ne doit pas avoir un
caractère
vexatoire ou tracassier, ni obéir à un sentiment de curiosité
gratuite; il ne
serait par exemple pas admissible que certains citoyens, au
comportement
correct, soient systématiquement et régulièrement soumis au contrôle
policier
sous des prétextes futiles ou d'ordre purement subjectif.
L'interpellation de
police doit répondre à des raisons objectives minimales, telles
l'existence
d'une situation troublée, la présence de l'intéressé dans le
voisinage de
lieux où vient de se commettre une infraction, sa ressemblance avec
une
personne recherchée, son insertion dans un groupe d'individus dont il
y a
lieu de penser, à partir d'indices si faibles soient-ils, que l'un ou
l'autre
se trouverait dans une situation illégale impliquant une intervention
policière (ATF 109 Ia 146 consid. 4b p. 150/ 151; cf. Mémorial des
séances du
Grand Conseil, session du 3 juin 1982, p. 1914/1915). De même, le
Tribunal
fédéral a admis qu'un transfert au poste de police répondait à un
intérêt
public et n'était pas disproportionné dans des situations dans
lesquelles un
contrôle d'identité sur place n'était pas réalisable pour des raisons
tenant,
entre autres, au comportement de la personne interpellée ou à une
tension
ambiante particulière (ATF 109 Ia 146 consid. 5a in fine p. 153).

3.6 En l'occurrence, la ville de Genève avait été le cadre d'actes de
violence à l'origine d'importants dégâts, la veille au soir de
l'interpellation de X.________, en marge de la manifestation
autorisée à
l'encontre de l'Organisation Mondiale du Commerce. La présence du
recourant
parmi des personnes que l'autorité pouvait sans arbitraire soupçonner
d'avoir
participé aux émeutes de la veille permettait de justifier son
interpellation, puis sa conduite au poste de police pour procéder au
contrôle
de son identité et aux mesures d'identification prévues à l'art. 18
LPol (ATF
107 Ia 138 consid. 4d p. 143; sur les conditions d'application de
l'art. 260
al. 1 CP, voir ATF 124 IV 269). Un simple contrôle d'identité opéré
sur place
n'aurait en effet pas permis de vérifier si le recourant était connu
des
services de police pour des faits analogues. Par ailleurs, le nombre
de
personnes interpellées rendait une telle opération impossible ou
inutilement
compliquée. Il n'était donc nullement arbitraire de préférer à cette
solution
celle d'un transport collectif dans des locaux équipés à cette fin.
Dans
cette mesure, l'appréhension du recourant, puis son transfert au
poste de
police pour procéder aux mesures de vérification de son identité se
justifiaient pleinement en vertu de l'art. 17 al. 1 LPol, selon une
interprétation de cette disposition adaptée aux circonstances
particulières
de l'espèce.

3.7 Il faut encore rechercher si le laps de temps durant lequel le
recourant
a été retenu dans les locaux de la police est resté dans des limites
raisonnables. Comme l'a précisé le Tribunal fédéral, les autorités
doivent
veiller à ce que la rétention au poste de police n'aille pas au-delà
de ce
qui est nécessaire pour permettre de contrôler l'identité de la
personne
appréhendée par les moyens adéquats les plus simples. Elle doit
obligatoirement se terminer au moment où l'identité de la personne en
cause
est établie, celle-ci devant être mise en mesure de quitter
immédiatement les
lieux (ATF 109 Ia 146 consid. 5b p. 153; 107 Ia 138 consid. 4h p. 144;
Mémorial des séances du Grand Conseil, séance du 17 septembre 1981,
p. 3373;
Gabriel Aubert, op. cit., p. 14 et 16). La mesure de ce qui est
adéquat
dépend cependant des circonstances concrètes et ne peut être fixée de
manière
absolue et définitive. Dans le cas particulier, le recourant a été
interpellé
à la douane de Moillesullaz en compagnie d'une quinzaine d'autres
personnes,
dont la police devait également procéder à la fouille, prendre les
empreintes
digitales et les photographies, avant de vérifier leur identité. Par
ailleurs, il ressort d'un communiqué de presse du 20 mai 1998 versé au
dossier par le conseil du recourant que d'autres personnes
interpellées dans
les rues de Genève ou dans les environs des bâtiments de
l'Organisation
Mondiale du Commerce se trouvaient déjà dans les locaux improvisés de
la
police. Dans de telles circonstances, il était inévitable que les
opérations
de vérification d'identité se soient étendues sur un laps de temps
plus long
que d'ordinaire, en cas d'interpellation individuelle, ce d'autant
que la
plupart des personnes interpellées étaient peu collaborantes, selon
les dires
de l'inspecteur de police; il importe peu que le recourant n'a pas
adopté
lui-même un comportement obstructif de nature à prolonger les mesures
de
vérification de son identité; en définitive, la procédure
d'identification de
X.________ est restée encore dans des limites compatibles avec les
exigences

de célérité de l'art. 17 al. 3 LPol. Si aucun élément au dossier ne
permet
d'affirmer que les opérations de vérification de l'identité du
recourant
n'auraient pas été menées sans délai, celui-ci aurait dû en revanche,
pour
respecter le texte clair de l'art. 17 al. 3 in fine LPol, être
autorisé à
quitter les lieux sitôt les opérations policières achevées; or, le
Chef de la
police n'avance aucune raison permettant d'expliquer pourquoi
X.________
n'a pas été immédiatement

relaxé à l'issue de son second interrogatoire, dans la mesure où ce
dernier
avait encore un but d'identification, mais n'a été relâché qu'entre
03h00 et
03h30, après avoir été ramené en cellule.
Le recours se révèle dès lors bien fondé, en tant qu'il porte sur la
violation de l'art. 17 al. 3 LPol.

4.
Le recourant n'émet aucune critique concernant les conditions dans
lesquelles
il a été détenu avant d'être fouillé et la légitimité des mesures
d'identification prises sur sa personne en application de l'art. 18
LPol; il
ne conteste pas plus l'arrêt attaqué en tant que ce dernier ne
retient aucune
violation de cette disposition dans le refus d'inviter le Procureur
général à
ordonner la destruction du matériel photographique et dactyloscopique
pour
les raisons évoquées par la Chambre d'accusation, de sorte que ces
questions
échappent à la cognition du Tribunal fédéral (cf. art. 90 al. 1 let.
b OJ;
ATF 129 I 113 consid. 2.1 p. 120; 128 III 50 consid. 1c p. 53 et les
arrêts
cités). Il prétend en revanche que la fouille corporelle à laquelle
il a été
contraint de se soumettre était dénuée de toute base légale dans la
mesure où
elle ne répondait pas à des raisons de sécurité au sens de l'art. 20
al. 2
LPol.

4.1 Aux termes de l'art. 20 al. 1 LPol, les fonctionnaires de police
peuvent
notamment fouiller les personnes qui sont arrêtées ou mises à
disposition
d'un officier de police en vue de leur arrestation (let. a), qui sont
soupçonnées d'avoir commis un crime ou un délit et de détenir le
produit de
l'infraction ou les instruments de sa commission (let. b), ou qui sont
soupçonnées de porter des armes (let. c). Ils peuvent fouiller, si des
raisons de sécurité le justifient, les personnes retenues aux fins de
vérification d'identité, dans le cadre de l'art. 17 LPol (al. 2).
Lorsqu'elle
s'avère nécessaire, la fouille doit être adaptée aux circonstances et
être
aussi prévenante et décente que possible (art. 20 al. 3 LPol).

4.2 A teneur de l'art. 20 al. 2 LPol, la fouille de personnes
retenues à des
fins de vérification d'identité n'est admissible que si des raisons de
sécurité l'exigent. Cette condition est réalisée lorsqu'il existe un
motif
plausible que la personne soumise à une telle mesure puisse mettre en
danger
la personne qui l'arrête, compromettre les conditions de sa
rétention, par
exemple en introduisant dans les locaux de la police des objets qui
pourraient favoriser une évasion, ou encore attenter à ses propres
jours. La
fouille répond également à un besoin de sécurité lorsque la personne
en cause
est soupçonnée de porter des armes, sans même qu'une arrestation ne
soit
envisagée (ATF 109 Ia 145 consid. 8a p. 158; Gabriel Aubert, op.
cit., p. 19;
voir également J. Alderson, Les droits de l'homme et la police,
Strasbourg
1984, p. 48). Selon le Chef de la police, la fouille systématique des
personnes interpellées était nécessaire pour vérifier qu'elles
n'étaient pas
porteuses d'objets dangereux. Dans la mesure où les actes de violence
perpétrés dans la soirée du 16 au 17 mai 1998 en marge de la
manifestation
anti-mondialisation étaient également dirigés contre les forces de
l'ordre,
il était admissible et conforme à l'art. 20 al. 2 LPol de s'assurer,
à titre
préventif, que les personnes interpellées ne portaient effectivement
aucune
arme ou objet dangereux susceptible d'être utilisé comme telle contre
les
fonctionnaires de police. Dans ces conditions, il n'était pas
contraire à
l'art. 10 al. 2 Cst. et nullement arbitraire d'admettre une fouille
préventive fondée sur l'art. 20 al. 2 LPol.

4.3 Le recourant prétend que la Chambre d'accusation aurait également
dû voir
une violation de l'art. 20 al. 2 LPol dans le fait que la fouille a
excédé le
cadre de ce qui était nécessaire à la sauvegarde de la sécurité selon
l'art.
20 al. 3 LPol. Il ne saurait cependant se prévaloir d'un intérêt
pratique à
un tel constat, puisque la cour cantonale a tenu pour illicite
l'atteinte à
la personnalité du recourant résultant du fait que ce dernier s'est
retrouvé
nu pendant deux minutes pour les besoins de la fouille. Le Tribunal
fédéral
est donc dispensé d'entrer en matière sur ce grief (cf. ATF 127 III 41
consid. 2b précité).

4.4 Dans la mesure où il n'est pas sans objet, le recours est mal
fondé en
tant qu'il porte sur la légalité de la fouille.

5.
Le recourant voit enfin une violation de l'art. 114B al. 4 CPP gen.
dans le
refus de lui accorder une indemnité en réparation du préjudice causé
par sa
détention illégale et par la violation retenue de l'art. 20 al. 3
LPol.
Le recours étant admis en ce qui concerne la proportionnalité de la
rétention
policière, cette question devra être revue par la Chambre
d'accusation, le
cas échéant, par le Procureur général, en fonction des violations
constatées
des art. 17 al. 3 et 20 al. 3 LPol; en effet, eu égard au très large
pouvoir
d'appréciation que l'art. 114B al. 4 CPP gen. confère au juge dans ce
domaine, il n'appartient pas au Tribunal fédéral de se prononcer en
première
instance à ce propos (cf. ATF 124 I 336 consid. 4d p. 343; 120 Ia 220
consid.
3d p. 226; 119 Ib 56 consid. 2c p. 60).

6.
Le recours doit par conséquent être admis, dans la mesure où il est
recevable, au sens des considérants. Il convient d'annuler
l'ordonnance
attaquée et de renvoyer la cause à la cour cantonale pour nouvelle
décision.
Vu l'issue du recours, la demande d'assistance judiciaire a perdu son
objet.
Conformément à l'art. 156 al. 2 OJ, le canton de Genève est dispensé
des
frais judiciaires; il versera en revanche une indemnité de dépens au
recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat
(art. 159
al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, au sens des considérants, dans la mesure où il
est
recevable. L'ordonnance rendue le 2 octobre 2002 par la Chambre
d'accusation
du canton de Genève est annulée.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée au recourant, à titre de
dépens, à la
charge du canton de Genève.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant
ainsi
qu'au Chef de la police, au Procureur général et à la Chambre
d'accusation du
canton de Genève.

Lausanne, le 2 juillet 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.585/2002
Date de la décision : 02/07/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-02;1p.585.2002 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award