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30/06/2003 | SUISSE | N°5P.94/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 juin 2003, 5P.94/2003


{T 0/2}
5P.94/2003 /frs

Arrêt du 30 juin 2003
IIe Cour civile

Mmes et MM. les Juges Raselli, Président,
Nordmann, Escher, Meyer et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

1. Y.________, représentée par Me Louis Gaillard, avocat, avenue de
Champel
8c, case postale 385, 1211 Genève 12,

2. B.________,

3. C.________,

4. D.________,

5. E.________,

6. F.________,
recourants,
tous les 5 représentés par Me Catherine Biner Bradley, avocate, 100,
route de
Frontenex, 12

08 Genève,

contre

A.________,
intimé, représenté par Me Benoît Guinand, avocat, boulevard
Saint-Georges 72,
case pos...

{T 0/2}
5P.94/2003 /frs

Arrêt du 30 juin 2003
IIe Cour civile

Mmes et MM. les Juges Raselli, Président,
Nordmann, Escher, Meyer et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

1. Y.________, représentée par Me Louis Gaillard, avocat, avenue de
Champel
8c, case postale 385, 1211 Genève 12,

2. B.________,

3. C.________,

4. D.________,

5. E.________,

6. F.________,
recourants,
tous les 5 représentés par Me Catherine Biner Bradley, avocate, 100,
route de
Frontenex, 1208 Genève,

contre

A.________,
intimé, représenté par Me Benoît Guinand, avocat, boulevard
Saint-Georges 72,
case postale 5029, 1211 Genève 11,
Présidente du Tribunal de première instance du canton de Genève,
place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3736, 1211 Genève 3.
art. 49 etc. Cst. (honoraires d'un notaire exécuteur testamentaire),

recours de droit public contre la décision de la Présidente du
Tribunal de
première instance du canton de Genève du 22 janvier 2003.

Faits:

A.
X. ________ est décédé le 8 juillet 2000 à Genève, laissant pour seuls
héritiers sa soeur, Y.________, et ses neveux et nièces, B.________,
C.________, D.________, E._________ et F.________ (ci-après: les
héritiers).
Le défunt a laissé diverses dispositions à cause de mort, dont un
testament
public instrumenté par le notaire A.________, lequel a également été
désigné
comme exécuteur testamentaire.
Les héritiers sont rapidement entrés en conflit avec le notaire
A.________.
En particulier, ils considéraient que l'exécuteur testamentaire
manquait de
diligence dans l'accomplissement de sa mission, et ils souhaitaient
que leur
conseil établisse la déclaration de succession, alors que le notaire
Aubert
s'estimait seul apte à effectuer cette tâche.

B.
Par courrier du 5 septembre 2001, le notaire A.________ a demandé à
la banque
de verser sur son compte 300'000 fr., afin de régler diverses charges
successorales. Le conseil de Y.________ s'est opposé à ce versement,
pour le
motif que les héritiers n'avaient reçu aucune explication sur la
destination
d'une somme aussi importante. Le 26 septembre 2001, le notaire
A.________ a
expliqué à la Justice de Paix que la somme de 300'000 fr. devait être
affectée de la manière suivante: 123'200 fr. au titre de provision
pour
honoraires d'exécuteur testamentaire, soit 352 heures au tarif
horaire de 350
fr.; 70'220 fr. au paiement d'un émolument de déclaration de
succession;
14'700 fr. au paiement de la TVA; 33'531 fr. 80 au titre de réserve
pour
factures courantes, frais, émoluments et honoraires à venir.
Alors que le notaire A.________ avait requis, et obtenu le 25
septembre 2001,
que l'administration d'office de la succession fût ordonnée et lui fût
confiée, la Justice de Paix l'a relevé le 26 février 2002 de ses
fonctions
d'administrateur officiel pour avoir contrevenu à ses devoirs.
Le 13 juin 2002, le notaire A.________ a remis à la notaire
L.________,
nouvelle administratrice de la succession, son rapport d'activité et
sa note
de frais et d'honoraires. Il réclamait, au titre d'honoraires de
liquidation
et d'exécuteur testamentaire pour la période du 7 juillet 2000 au 10
juin
2002, le montant de 174'300 fr., correspondant à 498 heures de
travail au
tarif horaire de 350 fr., un montant de 11'300 fr. au titre de frais
de
secrétariat, téléphones, photocopies, etc., ainsi qu'un montant de
19'693 fr.
10 représentant la TVA au taux de 7,6% sur 259'120 fr.

C.
Le 24 juin 2002, les héritiers ont saisi la Présidente du Tribunal de
première instance du canton de Genève d'une demande de taxation des
honoraires du notaire A.________. Ils soutenaient notamment que ce
dernier ne
pouvait réclamer pour l'établissement de la déclaration de
succession, en sus
des honoraires réclamés à ce titre en fonction d'un tarif horaire, un
émolument de 70'220 fr. sur la base du règlement cantonal genevois
sur les
émoluments des notaires: en effet, s'agissant d'une activité qui ne
relevait
pas de l'activité du notaire en tant qu'officier public, aucune
réglementation cantonale ressemblant à un tarif n'était compatible
avec les
règles constitutionnelles de la liberté du commerce et de l'industrie;
l'appréciation de la rémunération pour une telle activité relevait
exclusivement du droit privé, selon les critères ordinaires du
mandataire, et
le règlement cantonal précité heurtait dans cette mesure la force
dérogatoire
du droit fédéral.

D.
Par décision du 22 janvier 2003, la Présidente du Tribunal de première
instance a arrêté à 150'640 fr. le montant des émoluments et
honoraires dus
par les héritiers au notaire A.________ pour la période où il a
exercé les
fonctions d'exécuteur testamentaire de feu X.________, soit entre le 7
juillet et le 25 septembre 2001 puis dès le 26 février 2002, selon la
note de
frais et honoraires du 13 juin 2002.
En ce qui concerne plus particulièrement l'établissement de la
déclaration de
succession, la Présidente a considéré que le notaire A.________ était
fondé,
en application de l'art. 21 du règlement cantonal genevois sur les
émoluments
des notaires ¿ qui prévoit que "[p]our les déclarations de succession,
l'émolument est de 2 0/00 de l'actif" ¿ à percevoir un émolument de
71'540
fr. 25 (soit 2 0/00 de l'actif successoral brut de 35'770'126 fr. 64,
l'actif
net se montant quant à lui à 34'486'985 fr. 26). Si le montant
effectivement
perçu de 70'220 fr. devait ainsi être confirmé, il ne pouvait en
revanche
être perçu aucun honoraire pour l'activité relative à l'établissement
de
cette déclaration de succession.

E.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral,
les
héritiers concluent avec suite de frais et dépens à l'annulation de
cette
décision. A l'appui de ces conclusions, ils soutiennent que l'art. 21
du
règlement cantonal genevois sur les émoluments des notaires, dont
l'autorité
cantonale a fait application dans sa décision, violerait le principe
de droit
fédéral de la liberté économique (art. 94 Cst.) et le principe de la
force
dérogatoire du droit fédéral (art. 49 Cst.). En effet, aux dires des
recourants, une "déclaration de succession" est un acte à but fiscal,
se
présentant sous la forme d'un formulaire délivré par l'Administration
cantonale des finances, qui permet à l'autorité fiscale cantonale de
déterminer le montant de l'imposition des droits de succession; les
héritiers
la remplissent souvent eux-mêmes, ou parfois sollicitent l'assistance
d'un
mandataire professionnellement qualifié, tel qu'un comptable, un
avocat ou un
notaire. L'établissement d'une déclaration de succession par un
notaire ne
relèverait ainsi pas de son activité officielle ou ministérielle,
mais de son
activité privée, régie exclusivement par le droit privé, dans
laquelle il ne
bénéficie d'aucun privilège, faute de quoi on créerait une distorsion
de
concurrence inadmissible par rapport aux autres professionnels
exerçant ces
activités. Dès lors, la disposition de droit cantonal appliquée par
l'autorité cantonale, en tant qu'elle prévoit un tarif pour une
activité qui
doit relever des règles ordinaires de la rémunération du mandataire,
serait
incompatible avec le principe constitutionnel de la liberté
économique et ses
normes d'application relatives au droit de la concurrence. En bref,
selon les
recourants, le notaire A.________, par sa qualité d'exécuteur
testamentaire,
se serait trouvé dans la position d'écarter tout autre mandataire des
héritiers dans la prestation de service en question, et, par sa
qualité de
notaire, il aurait pu appliquer une norme lui assurant pour ce
service une
rémunération disproportionnée, qui correspondrait à plus de 200
heures de
travail sur la base d'un taux horaire de 350 fr.
Dans ses déterminations sur le recours, le notaire A.________
conclut, avec
suite de dépens, principalement à l'irrecevabilité du recours et
subsidiairement à son rejet.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid.
1a, 177
consid. 1; 127 III 41 consid. 2a, 433 consid. 1; 126 III 274 consid.
1 et les
arrêts cités).

1.1 Selon l'art. 36 al. 3 de la loi genevoise sur le notariat
(LNot/GE; RSG E
6 05), "[t]out litige relatif aux émoluments et honoraires est, sur
requête
de la partie la plus diligente, tranché par le président du Tribunal
de
première instance, siégeant en Chambre du conseil" (cf. en outre
l'art. 9 du
règlement cantonal genevois sur les émoluments des notaires [RSG E 6
05.03]).
Selon la décision attaquée, la procédure de taxation des honoraires et
émoluments des notaires présente une grande similitude avec la
procédure de
taxation des honoraires d'avocat (cf. les art. 36 ss de la loi
genevoise sur
la profession d'avocat [RSG E 6 10]). A l'instar d'une décision
fixant le
montant des honoraires et débours de l'avocat, celle fixant le
montant des
émoluments et honoraires du notaire selon la procédure instituée par
l'art.
36 al. 3 de la loi genevoise sur le notariat doit être considérée
comme une
décision finale, ou à tout le moins comme une décision incidente dont
il
résulte un préjudice irréparable pour l'intéressé (cf. ATF 93 I 116
consid.
1; 83 I 81 consid. 1), si bien que le recours est recevable au regard
de
l'art. 87 OJ. Par ailleurs, il n'apparaît pas que la décision
attaquée soit
susceptible d'un recours cantonal, de sorte que le recours se révèle
aussi
recevable du chef de l'art. 86 al. 1 OJ.

1.2 Seuls héritiers de feu X.________, les recourants, dont la
qualité pour
agir a été reconnue en instance cantonale, auront à supporter la
charge des
honoraires contestés. Étant ainsi personnellement touchés par la
décision
attaquée, ils ont qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ, ce qu'ils
ont
fait en temps utile (art. 89 al. 1 OJ).

1.3 Les recourants sont recevables à se plaindre, par la voie du
recours de
droit public, d'une violation du principe de la primauté du droit
fédéral
(art. 49 al. 1 Cst.), qui est reconnu comme un droit constitutionnel
des
citoyens au sens de l'art. 84 al. 1 let. a OJ (ATF 127 I 60 consid.
4a et les
références citées). Il paraît en revanche douteux qu'ils puissent se
prévaloir, comme d'un droit constitutionnel au sens de l'art. 84 al.
1 let. a
OJ, du principe de la liberté économique (art. 94 Cst.), alors qu'ils
ne
peuvent se prévaloir de la liberté économique garantie par l'art. 27
Cst.
(cf. art. 31 aCst.), laquelle protège uniquement l'offre, et non la
demande,
de biens et services (Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel
Hottelier, Droit
constitutionnel suisse, vol. II, 2000, n. 635; ATF 102 Ia 104 consid.
7 et
les références citées; cf. toutefois Jörg Paul Müller, Grundrechte in
der
Schweiz, 3e éd. 1999, p. 639 ss, spéc. p. 645). La question n'a
cependant pas
à être résolue, puisque, comme on le verra, la décision attaquée doit
être
annulée en tant qu'elle contrevient au principe de la primauté du
droit
fédéral (en l'espèce l'art. 517 al. 3 CC) sur le droit cantonal qui
lui est
contraire (en l'espèce l'art. 21 du règlement cantonal genevois sur
les
émoluments des notaires).

2.
2.1Le notaire indépendant, tel que le connaît le canton de Genève,
exerce en
premier lieu des activités ministérielles, où il agit, en tant que
détenteur
ou délégataire de la puissance publique, pour exercer des fonctions
officielles ¿ par exemple instrumenter des actes authentiques ou
légaliser
des signatures ¿ pour lesquelles il est le seul à pouvoir agir (Denis
Piotet/Alex Dépraz, Notaires et droit de la concurrence: Doit-il y
avoir un
libre marché de la juridiction gracieuse?, in SJ 1999 p. 139 ss,
140); à côté
de ces activités officielles, il peut également exercer des activités
privées, pour lesquelles il ne bénéficie d'aucune forme d'exclusivité
et qui
sont exclusivement régies par le droit privé (Pierre Tercier, Les
notaires et
le droit de la concurrence, in SJ 1998 p. 505 ss, 509 s.;
Piotet/Dépraz, op.
cit., p. 140; ATF 126 III 370 consid. 7b).

2.2 La déclaration de succession, pour l'établissement de laquelle
l'art. 21
du règlement cantonal genevois sur les émoluments des notaires
prévoit la
perception par le notaire d'un émolument correspondant à 2 0/00 de
l'actif
successoral, est celle visée par les art. 29 ss de la loi genevoise
du 26
novembre 1960 sur les droits de succession (RSG D 3 25). Selon cette
loi, la
déclaration de succession est l'énonciation ¿ aux fins de la
perception de
l'impôt sur les successions (droits de succession) par
l'administration de
l'enregistrement, des droits de succession et du timbre (cf. art. 1
al. 1) ¿
des biens délaissés par le défunt (art. 29 al. 1). Cette déclaration,
rédigée
sur une formule délivrée par l'administration précitée (art. 29 al.
2), doit
être déposée dans le délai légal (art. 32) par toute personne visée à
l'art.
31 al. 1 (notamment héritier, attributaire de biens, exécuteur
testamentaire
ou tout mandataire régulièrement constitué), le dépôt de la
déclaration par
l'une de ces personnes dispensant les autres de cette formalité (art.
31 al.
2).

2.3 Il résulte clairement de ce qui précède que l'établissement d'une
déclaration de succession n'entre pas dans les activités
ministérielles ou
officielles des notaires, lesquels ne bénéficient à cet égard
d'aucune
forme
d'exclusivité. En établissant la déclaration de succession pour
laquelle il a
prétendu à une rémunération de 70'220 fr., l'intimé a agi en sa
qualité
d'exécuteur testamentaire, fonction qui peut au demeurant être
dévolue à tout
citoyen. Il convient dès lors d'examiner ci-après (consid. 3 infra),
au
regard du grief de violation de la primauté du droit fédéral soulevé
par les
recourants, si la rémunération de l'intimé pour l'établissement de la
déclaration de succession peut être fixée, comme l'a fait l'autorité
cantonale, sur la base de l'art. 21 du règlement cantonal genevois
sur les
émoluments des notaires.

3.
3.1Selon l'art. 49 al. 1 Cst., qui a remplacé la règle déduite de
l'art. 2
Disp. trans. aCst., le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui
est
contraire. Ce principe constitutionnel de la primauté du droit
fédéral fait
obstacle à l'adoption ou à l'application de règles cantonales qui
éludent des
prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou
l'esprit,
notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en oeuvre,
ou qui
empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées
de façon
exhaustive (ATF 128 I 46 consid. 5a, 295 consid. 3b; 127 I 60 consid.
4a et
les arrêts cités).

3.2 La rémunération des exécuteurs testamentaires est réglementée par
l'art.
517 al. 3 CC, qui dispose que ceux-ci ont droit à une indemnité
équitable. Il
s'agit d'une créance de droit privé, dont la détermination intervient
exclusivement sur la base du droit fédéral, et non sur celle du droit
cantonal (ATF 78 II 123 consid. 1b et 2; Martin Karrer, in
Honsell/Vogt/Geiser, Kommentar zum schweizerischen Privatrecht,
Zivilgesetzbuch II, 2e éd., Bâle 2003, n. 27 ad art. 517 CC; Hansjürg
Bracher, Der Willensvollstrecker, insbesondere im zürcherischen
Zivilprozessrecht, thèse Zurich 1966, p. 151; Thomas Hux, Die
Anwendbarkeit
des Auftragsrechts auf die Willensvollstreckung, die
Erbschaftsliquidation
und die Erbenvertretung, thèse Zurich 1985, p. 57).

Le montant de la rémunération équitable de l'exécuteur testamentaire
selon
l'art. 517 al. 3 CC ne peut être fixé qu'en fonction des
circonstances du cas
particulier (Karrer, op. cit., n. 29 ad art. 517 CC; Arnold Escher,
Zürcher
Kommentar, vol. III/1, 1959, n. 10 ad art. 517 CC); il doit tenir
compte du
temps employé, de la complexité des opérations effectuées, de
l'étendue et de
la durée de la mission, ainsi que des responsabilités que celle-ci
entraîne
(ATF 78 II 123 consid. 2; Karrer, op. cit., n. 29 ad art. 517 CC, et
la
jurisprudence cantonale citée; Paul Piotet, Traité de droit privé
suisse,
Tome IV, droit successoral, 1975, p. 145; Peter Tuor, Berner
Kommentar, vol.
III/1, 1952, n. 12 ad art. 517 CC; Escher, op. cit., n. 10 ad art.
517 CC).
Sous l'angle de la responsabilité assumée, la valeur de la succession
peut
certes être prise en considération dans le sens d'une augmentation de
la
rémunération, mais à côté des autres éléments précités: la
rémunération
devant être avant tout objectivement proportionnée aux prestations
fournies
(cf. ATF 117 II 282 consid. 4c in limine), elle ne saurait dépendre
forfaitairement de la seule valeur de la succession (ATF 78 II 123
consid. 2;
Karrer, op. cit., n. 29 ad art. 517 CC; cf. Tuor, op. cit., n. 12 ad
art. 517
CC; Escher, op. cit., n. 10 ad art. 517 CC). Par ailleurs, il ne
saurait être
question de fixer la rémunération de l'exécuteur testamentaire selon
des
principes différents selon qu'il s'agit ¿ ou non ¿ d'un avocat, d'un
notaire,
etc. (ATF 78 II 123 consid. 1b).

3.3 En l'espèce, l'autorité cantonale, pour fixer la rémunération due
à
l'intimé pour avoir rempli la déclaration de succession dans le cadre
de sa
fonction d'exécuteur testamentaire, a appliqué le tarif (2 0/00 de
l'actif de
la succession) prévu à l'art. 21 du règlement cantonal genevois sur
les
émoluments des notaires, sans même se demander si la rémunération
ainsi
déterminée était équitable au sens de l'art. 517 al. 3 CC. Or, comme
on vient
de le voir, la détermination de la rémunération de l'exécuteur
testamentaire
intervient exclusivement sur la base du droit fédéral, et celui-ci
prescrit
que cette rémunération doit être équitable, à savoir objectivement
proportionnée aux prestations fournies; par ailleurs, le droit fédéral
interdit tant de fixer cette rémunération forfaitairement en fonction
de la
seule valeur de la succession, que de la fixer selon des principes
différents
selon que l'exécuteur testamentaire est ou non notaire (cf. consid.
3.2
supra).
Il convient au demeurant de rappeler que l'établissement d'une
déclaration de
succession ne représente pas une tâche d'utilité publique dont le
législateur
cantonal, pour des motifs d'intérêt public (cf. ATF 128 I 3 consid.
3a-b et
les arrêts cités), aurait réservé le monopole aux notaires (cf.
consid. 2.3
supra). Il se justifie ainsi d'autant moins de soumettre une telle
prestation
à un tarif cantonal lorsqu'elle a été fournie par un notaire, alors
que
d'autres règles de rémunération devraient s'appliquer lorsque la même
prestation est fournie par une personne aux qualifications
équivalentes mais
n'exerçant pas la profession de notaire.

3.4 L'intimé soutient que le tarif ad valorem prévu par l'art. 22 du
règlement cantonal genevois sur les émoluments des notaires "ne doit
pas être
qualifié de privilège si l'on sait que la majorité des successions
dont
s'occupent quotidiennement les notaires présentent un actif moyen de
50'000
fr. à 500'000 fr., soit des émoluments allant de 100 fr. à 1'000 fr.
quelles
que soient les heures de travail consacrées ou les difficultés
rencontrées".
Ce raisonnement serait éventuellement pertinent si l'établissement
d'une
déclaration de succession relevait des activités ministérielles du
notaire,
pour lesquelles celui-ci est le seul à pouvoir agir (cf. consid. 2.1
supra)
tout en ayant corollairement l'obligation de prêter son ministère
lorsqu'il
en est légalement requis (cf. art. 2 al. 1 LNot/GE). En effet, dans
le cadre
du droit public cantonal dont relève la rémunération de l'activité
ministérielle du notaire (Denis Piotet, Liberté tarifaire ou égalité
devant
la contribution de droit public?, in Festschrift 100 Jahre Verband
bernischer
Notare, 2003, p. 209 ss, 213 s. et les références citées), il est
généralement admis que le prix élevé des actes les plus importants
puisse
"subventionner" celui des actes les moins importants, pour lesquels
il ne
serait pas possible, en raison du peu d'intérêt qu'ils présentent, de
réclamer une rémunération couvrant les coûts (cf. ATF 103 Ia 85
consid. 5c p.
90; critique: Tercier, op. cit., p. 531). Toutefois, comme on l'a vu,
l'activité en question, déployée par l'intimé en sa qualité
d'exécuteur
testamentaire, n'entre pas dans le monopole des notaires; sa
rémunération est
régie par le seul droit privé fédéral, où la péréquation invoquée par
l'intimé n'a pas de place. Cela étant, on peut relever que le
principe de la
primauté du droit fédéral s'appliquerait de la même manière dans les
cas
évoqués par l'intimé que dans le cas d'espèce.

3.5 Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée contrevient
au
principe de la primauté du droit fédéral dans la mesure où, pour
fixer la
rémunération d'une activité ¿ l'établissement d'une déclaration de
succession
¿ déployée par l'intimé en sa qualité d'exécuteur testamentaire, elle
applique sans autre examen le tarif ad valorem prévu par le règlement
cantonal genevois sur les émoluments des notaires, alors que la
rémunération
de l'exécuteur testamentaire est régie exclusivement par le droit
fédéral et
doit en vertu de celui-ci être fixée équitablement en fonction des
circonstances du cas particulier.

4.
En définitive, le recours se révèle fondé et doit être admis dans la
mesure
où il est recevable. La décision attaquée sera ainsi annulée.
L'intimé, qui
succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) ainsi
que les
frais indispensables occasionnés par la procédure devant le Tribunal
fédéral
aux recourants, qui obtiennent gain de cause (art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et la décision
attaquée est annulée.

2. Sont mis à la charge de l'intimé:
2.1un émolument judiciaire de 5'000 fr.;
2.2une indemnité de 5'000 fr. à verser aux recourants à titre de
dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Présidente du Tribunal de première instance du canton de Genève.

Lausanne, le 30 juin 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.94/2003
Date de la décision : 30/06/2003
2e cour civile

Analyses

Art. 49 al. 1 Cst.; art. 517 al. 3 CC; primauté du droit fédéral; rémunération d'un notaire exécuteur testamentaire pour l'établissement d'une déclaration de succession. L'établissement d'une déclaration de succession à l'intention de l'autorité fiscale n'entre pas dans les activités ministérielles des notaires genevois (consid. 2). La rémunération de l'exécuteur testamentaire au sens de l'art. 517 al. 3 CC doit être déterminée exclusivement sur la base du droit fédéral, en vertu duquel elle doit être objectivement proportionnée aux prestations fournies et ne saurait être fixée forfaitairement en fonction de la seule valeur de la succession, ni selon des principes différents selon que l'exécuteur testamentaire est ou non notaire (consid. 3.2). Contrevient au principe de la primauté du droit fédéral (consid. 3.1) la décision qui applique sans autre examen le tarif ad valorem prévu par le règlement cantonal sur les émoluments des notaires pour fixer la rémunération due à un notaire ayant établi une déclaration de succession en sa qualité d'exécuteur testamentaire (consid. 3.3-3.5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-06-30;5p.94.2003 ?
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