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24/06/2003 | SUISSE | N°7B.94/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 juin 2003, 7B.94/2003


{T 0/2}
7B.94/2003 /frs

Arrêt du 24 juin 2003
Chambre des poursuites et des faillites

Mmes et M. les Juges Escher, Présidente, Meyer et Hohl.
Greffier: M. Fellay.

O. ________ SA,
recourante, représentée par Me Pierre-Yves Baumann, avenue d'Ouchy
14, case
postale 155,
1000 Lausanne 13,

contre

Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois, en
qualité
d'autorité supérieure de surveillance, route du Signal 8, 1014
Lausanne.

cession des droits de la masse selon

l'art. 260 LP,

recours LP contre l'arrêt de la Cour des poursuites et faillites du
Tribunal
cantonal vaudois, e...

{T 0/2}
7B.94/2003 /frs

Arrêt du 24 juin 2003
Chambre des poursuites et des faillites

Mmes et M. les Juges Escher, Présidente, Meyer et Hohl.
Greffier: M. Fellay.

O. ________ SA,
recourante, représentée par Me Pierre-Yves Baumann, avenue d'Ouchy
14, case
postale 155,
1000 Lausanne 13,

contre

Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois, en
qualité
d'autorité supérieure de surveillance, route du Signal 8, 1014
Lausanne.

cession des droits de la masse selon l'art. 260 LP,

recours LP contre l'arrêt de la Cour des poursuites et faillites du
Tribunal
cantonal vaudois, en qualité d'autorité supérieure de surveillance,
du 1er
avril 2003.

Faits:

A.
Dans la faillite de la société X.________ & Associés SA, prononcée le
12
novembre 1998 et traitée en la forme sommaire, l'état de collocation
a été
déposé le 9 février 2000. Il ne prévoyait aucun dividende. Par
circulaire du
16 mai 2000, l'administration de la faillite (Office des faillites de
Lausanne) a informé les créanciers que, faute de moyens, elle ne
proposait
pas elle-même d'engager des procédés pour faire valoir certains droits
litigieux, notamment à l'encontre des administrateurs ou de certains
débiteurs. Elle a donc fixé aux créanciers un délai au 29 mai 2000
pour se
prononcer à ce sujet, ainsi que pour demander la cession des droits
de la
masse au sens de l'art. 260 LP. La majorité des créanciers a renoncé
à faire
valoir les droits litigieux en question. Ceux d'entre eux qui ont
requis la
cession dans le délai imparti se sont vu délivrer des actes de
cession le 14
juin 2000.
Le 4 juin 2002, O.________ SA a produit tardivement (art. 251 LP) une
créance
de 152'541 fr. 65 et a demandé la cession des droits de la masse au
sens de
l'art. 260 LP. Le 6 du même mois, l'administration de la faillite l'a
invitée
à effectuer une avance de 250 fr. permettant de couvrir les frais
engendrés
par le dépôt d'un état de collocation complémentaire et l'a informée
que sa
production était transmise pour détermination à K.________. Elle lui a
également fait savoir qu'elle ne pouvait pas offrir la cession des
droits de
la masse aux créanciers qui produisaient tardivement dans la
faillite, point
de vue qu'elle a confirmé le 11 juin 2002.

B.
Par la voie d'une plainte, O.________ SA a requis l'octroi d'un
(nouveau)
délai pour se déterminer sur le principe de la cession des droits de
la
masse, subsidiairement la restitution du délai qui avait été accordé
à cet
effet aux autres créanciers.
Par prononcé du 15 août 2002, le Président du Tribunal
d'arrondissement de
Lausanne, statuant en qualité d'autorité cantonale inférieure de
surveillance, a admis la plainte et annulé les décisions de l'office
des 6 et
11 juin 2002. Il a considéré en substance que ni l'art. 251 LP ni
l'art. 260
LP ne prévoyaient, comme conséquence de la production tardive, la
déchéance
du droit de requérir la cession des droits de la masse et que chaque
créancier porté à l'état de collocation avait le droit d'obtenir la
cession
aussi longtemps que sa créance n'était pas écartée définitivement.
Sur recours de l'administration de la faillite et de K.________, la
Cour des
poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois a, par arrêt du
1er
avril 2003, réformé le prononcé de l'autorité inférieure de
surveillance en
ce sens que la plainte était rejetée. En bref, après avoir rappelé le
caractère péremptoire du délai fixé pour demander la cession des
droits de la
masse et l'exigence de liquidation rapide de la faillite, elle a
considéré
que si le législateur avait voulu que le créancier produisant
tardivement
puisse figurer à l'état de collocation et qu'il ait, à partir de ce
moment-là, les mêmes droits que les autres créanciers, il n'avait en
revanche
pas voulu lui conférer tous les droits qu'il aurait eus s'il avait
produit en
temps utile; admettre le contraire reviendrait à favoriser le
créancier qui
produit tardivement, en lui permettant d'attendre le moment opportun
et
d'obtenir la cession sur la base d'informations complémentaires. La
cour
cantonale a toutefois réservé le cas du créancier qui se serait
trouvé, sans
sa faute, dans l'impossibilité de produire en temps utile et qui
serait en
droit d'obtenir la restitution du délai de production (art. 33 al. 4
LP),
mais cette hypothèse n'était pas réalisée en l'espèce.

C.
O.________ SA a recouru le 14 avril 2003 à la Chambre des poursuites
et des
faillites du Tribunal fédéral en concluant à la réforme de l'arrêt de
la cour
cantonale dans le sens d'une confirmation du prononcé de l'autorité
inférieure de surveillance, subsidiairement à l'annulation de l'arrêt
attaqué. Elle fait valoir que celui-ci constate les faits de manière
incomplète et qu'il viole les art. 251 et 260 LP; au surplus, la cour
cantonale aurait abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que
la
recourante pourrait être favorisée ou qu'elle pourrait ralentir la
liquidation de la faillite, alors qu'en l'espèce aucun cessionnaire
n'a
ouvert action.

L'office des faillites et K.________, ce dernier de façon implicite,
concluent au rejet du recours.

La Chambre considère en droit:

1.
Le recours a été formé en temps utile au regard des art. 32 OJ et 1er
de la
loi fédérale du 21 juin 1963 sur la supputation des délais comprenant
un
samedi (RS 173.110.3). Il répond en outre aux exigences de
recevabilité
posées par les art. 19 LP et 79 OJ.

2.
La recourante reproche à la cour cantonale de n'avoir pas constaté
que les
créanciers cessionnaires n'avaient, au 23 octobre 2002, pas encore
ouvert
action et qu'un acte de prolongation au 31 mars 2003 a été délivré au
mandataire de divers créanciers.

Dans la mesure où le refus de reconnaître aux créanciers produisant
tardivement la possibilité de demander la cession des droits de la
masse est
justifié par le souci d'avancement de la procédure de faillite (arrêt
attaqué, consid. IIc, p. 6/7), le fait que les créanciers déjà au
bénéfice
d'une cession n'ont pas encore ouvert action et que certains d'entre
eux se
sont même vu accorder une prolongation du délai pour agir s'avère
pertinent,
voire déterminant. L'autorité cantonale inférieure de surveillance a
d'ailleurs constaté, dans son prononcé du 15 août 2002 (p. 9), que les
créanciers cessionnaires n'avaient pas encore déposé de demande
devant un
tribunal.

Le fait en question est établi par un document dont la production a
été
ordonnée par la cour cantonale elle-même (arrêt attaqué, p. 4), mais
dont
celle-ci n'a pas repris la teneur dans ses constatations. Il s'agit
d'un
point accessoire par rapport à celui de savoir si, par principe et de
façon
générale, le créancier produisant tardivement peut demander et
obtenir une
cession selon l'art. 260 LP, alors que le délai fixé aux autres
créanciers à
cet effet est échu. Dans ces conditions, la Chambre de céans peut, en
vertu
des art. 64 al. 2 et 81 OJ, compléter l'état de fait de l'arrêt
attaqué dans
le sens souhaité par la recourante et statuer sur le litige.

3.
3.1En vertu de l'art. 251 LP, une production tardive est possible
jusqu'à la
clôture de la faillite (al. 1), à charge pour le créancier qui
l'effectue de
supporter les frais ainsi occasionnés (al. 2) et avec l'impossibilité
pour
lui - dans la seule procédure de liquidation ordinaire (art. 96 let.
c OAOF a
contrario) - de participer aux répartitions provisoires effectuées
avant sa
production (al. 3).
Le créancier qui produit tardivement n'a pas à justifier son retard,
mais il
ne saurait user de la possibilité de produire tardivement pour tenter
de
remettre en question un refus de colloquer d'ores et déjà entré en
force. Il
n'est d'ailleurs admis à produire tardivement qu'une prétention
réellement
nouvelle et, d'une façon générale, il est lié par toutes les décisions
antérieures de l'assemblée des créanciers, ainsi que par toutes autres
mesures devenues définitives (Nicolas Jeandin, Poursuite pour dettes
et
faillite, Etat de collocation, FJS 990b, p. 22 et les références
citées à la
note 117; Dieter Hierholzer, Kommentar zum Bundesgesetz über
Schuldbetreibung
und Konkurs, n. 17 ad art. 251 LP).

3.2 Une production tardive entraîne, si elle est admise, une
rectification de
l'état de collocation (art. 251 al. 4 LP) ouvrant la voie de l'action
en
contestation de l'art. 250 LP, voire de la plainte de l'art. 17 LP
(art. 251
al. 5 LP; sur la distinction entre ces deux voies de droit, cf.
Amonn/Gasser,
Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 6e éd., Berne
1997, § 46
n. 41 ss et 45 ss). L'administration de la faillite doit en aviser les
créanciers au moyen d'une publication (art. 251 al. 4 LP; art. 69
OAOF). En
cas de rejet total de sa production tardive, le créancier concerné
peut
contester ce refus de colloquer par la voie de l'action de l'art. 250
al. 1
LP ou de la plainte (cf. Jeandin, op. cit., p. 21/22).

4.
4.1Le droit d'obtenir une cession des droits de la masse au sens de
l'art.
260 LP constitue un droit formateur lié ex lege à la qualité
d'intervenant du
créancier colloqué (ATF 55 III 65 consid. 2; Gilliéron, Commentaire
de la loi
fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 15 ad art.
260).
Ainsi, chaque créancier porté à l'état de collocation a le droit de
requérir
et d'obtenir en principe la cession des droits de la masse aussi
longtemps
que sa créance n'a pas été écartée définitivement de l'état de
collocation à
la suite d'un procès intenté conformément à l'art. 250 LP (Gilliéron,
op.
cit., n. 42 ad art. 260 LP; Jean-Luc Tschumy, Quelques réflexions à
propos de
la cession des droits de la masse au sens de l'art. 260 LP, in JdT
1999 II p.
39).

4.2 La procédure d'autorisation prévue aux art. 48 ss OAOF pour la
revendication doit être appliquée par analogie aux productions
tardives
(Gilliéron, op. cit., n. 46 ad art. 260 LP; Tschumy, loc. cit., p. 35
et 40
notes 31 et 33; Ralf C. Schlaepfer, Abtretung streitiger
Rechtsansprüche im
Konkurs, thèse Zurich 1990, p. 78 ss, spéc. p. 82 ss).
Dans la liquidation ordinaire, les créanciers qui entendent obtenir la
cession doivent, sous peine de péremption, la demander à la seconde
assemblée
des créanciers ou au plus tard dans les dix jours suivants (art. 48
al. 1
OAOF), sauf circonstances spéciales justifiant le dépôt des demandes
de
cession avant ladite assemblée (art. 48 al. 2 OAOF).
En cas de liquidation sommaire, le même délai est imparti aux
créanciers dans
les cas importants, cette communication leur étant faite en même
temps que
celle du dépôt de l'état de collocation (art. 49 OAOF).
En cas de revendication tardive (et, par analogie, de production
tardive),
une telle communication peut avoir lieu par publication officielle ou
par
circulaire (art. 50 OAOF); en procédure sommaire, elle intervient en
principe
en même temps que le dépôt de l'état de collocation (Schlaepfer, op.
cit., p.
83 s.) ou de l'état de collocation rectifié (art. 251 al. 4 LP et 69
OAOF).

5.
L'application des règles susmentionnées au cas de la recourante,
créancière
produisant tardivement et demandant simultanément la cession des
droits de la
masse, conduit à admettre que l'office ne pouvait se contenter de
refuser
d'emblée de lui offrir la saisie parce qu'elle produisait sa créance
tardivement. La recourante s'en est donc plainte à juste titre et son
recours
à la Chambre de céans doit être admis pour ce motif, ainsi que pour
ceux qui
suivent.

5.1 L'administration de la faillite doit, après avoir interpellé la
faillie,
décider si la créance en question est portée ou non à l'état de
collocation
(art. 244 ss LP). Dans la négative, la recourante disposera de
l'action
judiciaire ou de la plainte; dans l'affirmative ou si elle obtient
gain de
cause dans le recours à ces moyens, elle jouira du droit formateur,
lié ex
lege à la qualité d'intervenant du créancier colloqué, d'obtenir une
cession
des droits de la masse au sens de l'art. 260 LP.
Cela étant, et comme l'a remarqué l'autorité cantonale inférieure de
surveillance, la décision de l'office sur la demande de cession
pouvait
certes paraître prématurée. Il faut admettre toutefois qu'un
créancier non
encore définitivement colloqué puisse demander une cession
conditionnelle à
ses propres risques (Stephen V. Berti, Kommentar zum Bundesgesetz über
Schuldbetreibung und Konkurs, n. 28 ad art. 260).

5.2 Contrairement à ce que la cour cantonale laisse entendre, la
demande de
cession litigieuse ne tend à remettre en cause ni la décision prise
par la
majorité des créanciers de renoncer à faire valoir les droits de la
masse, ni
les cessions déjà opérées.
Que les bénéficiaires de celles-ci voient leur intérêt à la cession
diminuer
«dans la mesure où le gain espéré est moindre» est une conséquence
inhérente
au système même de la cession des droits de la masse, les créanciers
cessionnaires pouvant être plus ou moins nombreux et agir avec des
intérêts
contradictoires et sur des plans différents (ATF 121 III 488; 107 III
91).

5.3 La recourante ne saurait en outre se voir opposer la péremption
d'un
délai - pour requérir la cession - qui ne lui a pas été imparti.

5.4 Quant à l'argument de la cour cantonale selon lequel le créancier
produisant tardivement et obtenant la cession des droits de la masse
serait
favorisé, parce qu'il pourrait
attendre le moment opportun et disposer
d'informations complémentaires, il n'est, comme le soutient avec
raison la
recourante, étayé par aucun élément objectif. A vrai dire, un tel
créancier
n'est en rien privilégié puisqu'il doit soit ouvrir action soit
intervenir
dans un procès en cours, avec toutes les incidences financières et
judiciaires qu'une telle démarche comporte. Au reste, on voit mal de
quelles
informations complémentaires il pourrait bénéficier de façon
privilégiée par
rapport aux autres créanciers cessionnaires qui ont, eux aussi, accès
au
dossier de la faillie.

5.5 La recourante conteste enfin à bon droit l'argument tiré du
principe de
célérité de la liquidation de la faillite. En effet, selon l'état de
fait de
l'arrêt attaqué, complété en vertu de l'art. 64 al. 2 OJ (cf. supra
consid.
2), les actes de cession ont été délivrés le 14 juin 2000 et, au 23
octobre
2002, les créanciers cessionnaires n'avaient toujours pas ouvert
action, une
prolongation du délai d'ouverture d'action ayant même été accordée
jusqu'au
31 mars 2003.

6.
Il résulte de ce qui précède que les conclusions en réforme doivent
être
admises.

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
Le recours est admis.

2.
L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que les recours formés par la
masse en
faillite X.________ & Associés SA et K.________ sont rejetés et le
prononcé
rendu le 15 août 2002 par le Président du Tribunal d'arrondissement de
Lausanne confirmé.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la
recourante, à la
masse en faillite X.________ & Associés SA, p.a. Office des faillites
de
Lausanne, à K.________, à l'Office des faillites de Lausanne et à la
Cour des
poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois, en qualité
d'autorité
supérieure de surveillance.

Lausanne, le 24 juin 2003

Au nom de la Chambre des poursuites et des faillites
du Tribunal fédéral suisse

La présidente: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 7B.94/2003
Date de la décision : 24/06/2003
Chambre des poursuites et des faillites

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-06-24;7b.94.2003 ?
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