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23/06/2003 | SUISSE | N°2A.393/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 juin 2003, 2A.393/2002


{T 0/2}
2A.393/2002 /dxc

Arrêt du 23 juin 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Betschart, Hungerbühler, Müller et Merkli.
Greffière: Mme Ieronimo Perroud.

X. ________,
recourante,

contre

Billag SA, case postale, 1701 Fribourg,
Office fédéral de la Communication,
rue de l'Avenir 44, case postale, 2503 Bienne,
Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie
et de la
communication,
3003 Berne.

exonération du paiemen

t de la redevance radio,

recours de droit administratif contre la décision du 13 août 2002 du
Département fédéral de l'en...

{T 0/2}
2A.393/2002 /dxc

Arrêt du 23 juin 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Betschart, Hungerbühler, Müller et Merkli.
Greffière: Mme Ieronimo Perroud.

X. ________,
recourante,

contre

Billag SA, case postale, 1701 Fribourg,
Office fédéral de la Communication,
rue de l'Avenir 44, case postale, 2503 Bienne,
Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie
et de la
communication,
3003 Berne.

exonération du paiement de la redevance radio,

recours de droit administratif contre la décision du 13 août 2002 du
Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie
et de la
communication.

Faits:

A.
X. ________, ressortissante suisse et française née en 1925, a quitté
en 1989
la France - où elle avait toujours vécu et travaillé - pour
s'installer à
Schwellbrunn (AR). Le 4 septembre 2001 elle a déposé une demande,
réitérée le
18 octobre suivant, d'exonération du paiement de la redevance radio
auprès de
Billag SA, organe indépendant d'encaissement des redevances de
réception (cf.
art. 48 de l'ordonnance du 6 octobre 1997 sur la radio et la
télévision
[ORTV; RS 784.401]).
Par décision du 23 octobre 2001, Billag SA a rejeté la demande au
motif que
l'intéressée ne remplissait pas les conditions posées par l'art. 45
al. 2
ORTV.
Saisi d'un recours, l'Office fédéral de la communication (OFCOM) l'a
rejeté
le 5 avril 2002, pour le même motif. Revenant en outre sur le
courrier du 19
mars 2002 de X.________, qui l'informait qu'elle n'avait plus de
radio,
l'Office fédéral de la communication lui a communiqué qu'il incombait
à
Billag SA de rendre une décision formelle concernant la résiliation
de la
réception radio à titre privé, ce que cette dernière autorité a fait
en date
du 27 mars 2002, avec effet à partir de la fin du même mois.

B.
Le 12 avril 2002, X.________ a recouru contre la décision de l'Office
fédéral
de la communication auprès du Département fédéral de l'environnement,
des
transports, de l'énergie et de la communication (ci-après: le
Département
fédéral).
Par décision du 13 août 2002, le Département fédéral a rejeté le
recours. Il
a relevé qu'en vertu de l'art. 45 al. 2 ORTV étaient exonérées de la
redevance, sur demande écrite, les personnes ayant droit aux
prestations AVS
ou AI conformément à la loi fédérale du 19 mars 1965 sur les
prestations
complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité
(LPC; RS
831.30). Dans le cas d'espèce, la recourante - qui avait vécu et
travaillé en
France et s'était transférée en Suisse pour sa retraite - ne touchait
qu'une
rente française et n'était pas au bénéfice des prestations
complémentaires
AVS ou AI. Les conditions légales n'étant pas remplies, elle ne
pouvait donc
être exonérée.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________
demande au
Tribunal fédéral d'annuler la décision du Département fédéral du 13
août
2002. Ses arguments et ses moyens seront examinés ci-après, dans la
mesure
utile.

D.
Billag SA, l'Office fédéral de la communication et le Département
fédéral
concluent au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 II 13 consid. 1a, 46 consid. 2a; 126 I 50
consid. 1 et la jurisprudence citée).

1.1 Selon l'art. 97 OJ en relation avec l'art. 5 PA, la voie du
recours de
droit administratif est ouverte contre les décisions fondées sur le
droit
public fédéral - ou qui auraient dû l'être -, à condition qu'elles
émanent
des autorités énumérées à l'art. 98 OJ et pour autant qu'aucune des
exceptions prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la législation
spéciale ne
soit réalisée (ATF 128 II 311 consid. 2, 259 consid. 1.2; 128 I 46
consid.
1b/aa).
Ces conditions sont remplies en l'espèce. La décision attaquée, qui
se fonde
sur la loi fédérale sur la radio et la télévision (LRTV; RS 784.40),
donc sur
le droit public fédéral, a été prise par un département fédéral au
sens de
l'art. 98 lettre b OJ. Par ailleurs, aucun des motifs
d'irrecevabilité des
art. 99 à 101 OJ n'est réalisé en l'espèce; en particulier, l'art. 99
al. 1
lettre b OJ ne s'oppose pas au recours de droit administratif. Cette
voie de
droit est en effet ouverte contre les décisions particulières qui
appliquent
un tarif (ATF 116 V 130 consid. 2a; 109 Ib 308 consid. 1).

1.2 Au surplus, déposé en temps utile et dans les formes prescrites
par la
loi, le présent recours est recevable en vertu des art. 97 ss OJ.

1.3 Conformément à l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit
administratif
peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et
l'abus
du pouvoir d'appréciation (ATF 128 II 56 consid. 2a). Le Tribunal
fédéral
revoit d'office l'application du droit fédéral qui englobe notamment
les
droits constitutionnels du citoyen (ATF 128 II 56 consid. 2b; 126 V
252
consid. 1a). Comme il n'est pas lié par les motifs que les parties
invoquent,
il peut admettre le recours pour d'autres raisons que celles avancées
par le
recourant ou, au contraire, confirmer la décision attaquée pour
d'autres
motifs que ceux retenus par l'autorité intimée (art. 114 al. 1 in
fine OJ;
ATF 127 II 264 consid. 1b, 8 consid. 1b; 125 II 497 consid. 1b/aa et
les
arrêts cités). Par ailleurs, l'autorité intimée n'étant pas une
autorité
judiciaire, le Tribunal fédéral peut également revoir d'office les
constatations de fait (art. 104 lettre b et 105 OJ; ATF 128 II 56
consid.
2b). En revanche, il ne peut pas revoir l'opportunité de la décision
entreprise, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la
matière
(art. 104 lettre c ch. 3 OJ; ATF 127 II 297 consid. 2a).

1.4 La décision attaquée est fondée sur l'art. 45 al. 2 ORTV (entré en
vigueur le 1er août 2001), selon lequel "sur demande écrite, sont
exonérées
de la redevance les personnes ayant droit aux prestations AVS ou AI
conformément à la loi fédérale du 19 mars 1965 sur les prestations
complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité".
Selon le
Département fédéral, cette disposition doit être interprétée dans le
sens que
seuls les rentiers AVS ou AI au bénéfice de prestations
complémentaires et,
partant, ayant un revenu modeste, peuvent bénéficier d'une
exonération. Dans
le cas d'espèce, la recourante ne perçoit pas de prestations
complémentaires:
elle ne satisfait donc pas aux conditions légales donnant droit à
l'exonération sollicitée.
De son côté, la recourante fait valoir qu'elle ne perçoit pas de
rente AVS ou
AI, car elle n'a jamais travaillé en Suisse. En outre, sa rente
française est
bien plus modeste qu'une rente suisse et ne lui permet pas de payer la
redevance exigée.

1.5 Saisi d'un recours de droit administratif, le Tribunal fédéral
peut
examiner à titre préjudiciel la légalité et la constitutionnalité des
ordonnances du Conseil fédéral. S'agissant d'une ordonnance
dépendante prise
en vertu d'une réglementation de niveau législatif, le Tribunal
fédéral
examine si le Conseil fédéral est resté dans les limites des pouvoirs
qui lui
ont été conférés par la loi. Dans la mesure où la délégation
législative
n'autorise pas le Conseil fédéral à déroger à la Constitution, le
Tribunal
fédéral est également habilité à revoir la constitutionnalité des
règles
contenues dans l'ordonnance. Lorsque la délégation législative
accorde au
Conseil fédéral un très large pouvoir d'appréciation pour fixer les
dispositions d'exécution, cette clause lie le Tribunal fédéral. Dans
un tel
cas, celui-ci ne saurait substituer sa propre appréciation à celle du
Conseil
fédéral et doit se limiter à examiner si l'ordonnance sort
manifestement du
cadre de la délégation législative octroyée au Conseil fédéral ou si,
pour
d'autres raisons, elle apparaît contraire à la loi ou à la
Constitution (ATF
122 II 193 consid. 2c/bb; 120 Ib 97 consid. 3a; 118 Ib 81 consid. 3b,
367
consid. 4).

1.6 En vertu de l'art. 164 al. 1 Cst., les dispositions importantes
qui
fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une
loi
fédérale. Selon la lettre d de ce même alinéa, appartiennent en
particulier à
cette catégorie les dispositions fondamentales relatives à la qualité
du
contribuable, à l'objet des impôts et au calcul du montant des
impôts. Les
éléments déterminants pour le calcul ainsi que pour une éventuelle
exemption
de la redevance de réception de radio et de télévision devraient donc
être
définis précisément dans une loi. Or, l'actuelle loi fédérale sur la
radio et
la télévision ne contient aucune disposition (explicite) traitant de
cette
question. L'art. 55 al. 1 LRTV mentionne uniquement que celui qui
désire
recevoir des programmes de radio et de télévision doit, entre autres,
s'acquitter d'une redevance de réception. Les alinéas 2 et 3 de cette
norme
indiquent en outre qu'il incombe au Conseil fédéral de fixer le
montant de la
redevance, en tenant compte des besoins financiers et des autres
possibilités
de financement, ainsi que de régler les modalités d'application de la
fixation du montant de la redevance. Les critères déterminants pour
accorder
une exemption de la redevance de radio et de télévision sont donc
fixés
uniquement dans une ordonnance, soit à l'art. 45 ORTV, et non dans
une loi
fédérale, contrairement aux exigences de l'art. 164 al.1 let. d Cst.
(cf.
toutefois l'art. 191 Cst.). Dans de telles circonstances, la question
pourrait se poser de savoir si cette exonération, introduite
uniquement dans
une ordonnance et concernant un cercle relativement large de personnes
bénéficiant de prestations complémentaires, est effectivement
couverte par
l'art. 55 LRTV et, en outre, si elle ne conduit pas à une forme de
subventionnement horizontal inadmissible. En effet, comme cela
ressort du
Message du Conseil fédéral du 18 décembre 2002 relatif à la révision
totale
de la loi fédérale sur la radio et la télévision, suite à
l'introduction du
nouvel art. 45 ORTV, quelques 110'000 à 120'000 personnes
supplémentaires
bénéficient de l'exonération; la diminution des entrées a donc dû être
compensée par une hausse de 4,1 % (en vigueur dès 2003) de la
redevance pour
les autres assujettis, soit une augmentation du montant de cette
dernière
d'environ 20 fr. par an et par ménage concerné (FF 2003 p. 1425 ss,
spéc.
1491 s.). Dans le cas d'espèce, il n'y a pas lieu d'examiner de façon
plus
approfondie cette question, laquelle n'est pas déterminante pour
l'issue du
litige. Par ailleurs, on peut observer que, comme cela ressort du
Message du
18 décembre 2002 cité plus haut, les nouveaux art. 76 al. 5 et 78 LTRV
inscriront dans la loi des principes plus précis relatifs à la
redevance de
réception, notamment la faculté accordée au Conseil fédéral d'exempter
certaines catégories de personnes du paiement de la redevance (cf. FF
2003 p.
1425 ss, spéc. 1567 s. et 1646 s.).

2.
2.1Selon le Département fédéral, le but de l'art. 45 ORTV est
d'exonérer de
la redevance les personnes âgées ou invalides qui se trouvent dans une
situation financière difficile, vu leurs revenus modestes, et ce afin
de ne
pas les priver de communication avec autrui. De l'avis de cette
autorité, les
personnes âgées ou invalides dépendent fortement des médias que sont
la radio
et la télévision; elles sont en général peu mobiles, vivent souvent
en marge
de la société et de ce fait ne communiquent pas ou plus avec autrui.
La radio
et la télévision leur permettent donc de continuer à suivre les
événements au
quotidien. Le Département concerné observe que, comme cela découle des
alinéas 2 à 4 de l'art. 45 ORTV, seules les personnes ayant droit aux
prestations complémentaires AVS ou AI conformément à la loi fédérale
du 19
mars 1965 sur les prestations complémentaires à
l'assurance-vieillesse,
survivants et invalidité peuvent être exonérées. La recourante ne
remplissant
pas ces conditions légales, elle ne peut donc pas être exemptée de la
redevance.

2.2 Avant la modification de l'ordonnance sur la radio et la
télévision,
entrée en vigueur le 1er août 2001, l'exonération de la redevance de
radio et
de télévision était régie par les art. 45 et 46 ORTV. Selon l'art. 45
al. 1
et 2 ORTV pouvaient être exonérées de la redevance, sur demande
écrite, les
personnes invalides à 50 % au moins, ainsi que les rentiers AVS, dont
les
revenus étaient modestes. Conformément à l'art. 46 al. 1 ORTV était
considéré
comme modeste un revenu inférieur aux cinq tiers du montant minimum
annuel de
la rente AVS simple. L'art. 46 al. 2 ORTV précisait qu'étaient
considérés
comme revenus tous les revenus au sens de l'art. 3c LPC. Cette
dernière
disposition était interprétée dans le sens qu'elle fixait de manière
exhaustive les éléments à prendre en considération pour le calcul des
revenus
déterminants, en excluant certaines prestations mentionnées à son
second
alinéa. En d'autres termes, les prestations complémentaires de
l'AVS/AI et
les prestations d'aide sociale ou à caractère d'assistance exclues des
revenus déterminants par l'art. 3c al. 2 LPC n'étaient pas prises en
compte
ni pour la définition du revenu modeste ni pour celle du revenu
déterminant.

2.3 Amené à se prononcer sur la constitutionnalité de ces
dispositions, le
Tribunal fédéral
a observé, dans un arrêt non publié 2A.283/2000 du 5
janvier
2001, que la référence à un multiple du montant minimum annuel de la
rente
AVS simple, même si elle n'était pas en soi critiquable, avait
cependant pour
résultat indirect de traiter différemment les personnes âgées ou
invalides de
condition modeste selon qu'elles bénéficiaient ou non d'un revenu
équivalent
grâce aux prestations complémentaires. A cet égard, le Tribunal
fédéral a
observé que tous les rentiers qui touchent de telles prestations
parce que
leur rente AVS/AI est insuffisante pour couvrir leurs besoins
élémentaires
entraient en principe dans la catégorie des personnes ayant un revenu
modeste. Cela résultait par ailleurs du Message du 21 septembre 1964
du
Conseil fédéral relatif à un projet de loi sur les prestations
complémentaires de l'AVS/AI, où il était relevé qu'il était
indispensable de
créer un système de prestations sociales complémentaires, destiné à
pourvoir
les personnes les plus mal loties socialement d'un revenu minimum (FF
1964 II
p. 706). Or le système de calcul de l'art. 46 ORTV s'écartait de ces
considérations: se fondant sur la rente simple AVS, il ne tenait pas
compte
du fait que cette rente variait selon la durée et le montant des
cotisations
et qu'elle pouvait être complétée ou non par des prestations
complémentaires.
Selon le Tribunal fédéral, le système de calcul en question ne
correspondait
donc pas au but de l'art. 45 ORTV, qui était précisément d'exonérer
les
personnes âgées ou invalides dont les conditions financières étaient
difficiles. Ce système engendrait une inégalité de traitement entre
deux
rentiers aux ressources identiques, dont l'un était exonéré de la
redevance
en raison de la modicité de sa rente, alors que l'autre ne l'était
pas, parce
que sa rente dépassait le seuil des cinq tiers de la rente AVS
simple. Or
aucun critère objectif ne justifiait qu'un rentier qui avait cotisé
davantage
à l'AVS soit défavorisé. Selon le Tribunal fédéral, en définissant de
manière
trop restrictive les notions de revenu modeste et déterminant, l'art.
46 ORTV
avait pour résultat que de nombreux rentiers AVS/AI, dont les
ressources ne
permettaient pas la couverture des besoins personnels minimums, ne
pouvaient
pas bénéficier de l'exonération de la redevance de réception, ce qui
était
contraire au principe de l'égalité de traitement contenu à l'art. 8
al. 1
Cst.

2.4 Suite à cet arrêt, le Conseil fédéral a modifié le 27 juin 2001
l'ordonnance du 6 octobre 1997 sur la radio et la télévision,
modification
entrée en vigueur le 1er août 2001 (cf. RO 2001 p. 1680 ss). L'art.
46 ORTV a
été abrogé et les alinéas 2 à 4 de l'art. 45 ont été modifiés. Le
nouvel art.
45 ORTV prévoit maintenant que l'exonération est accordée aux
personnes ayant
droit aux prestations AVS ou AI conformément à la loi fédérale du 19
mars
1965 sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse,
survivants
et invalidité (art. 45 al. 2 ORTV). Plus précisément, seules les
personnes
qui peuvent fournir une décision ayant force de chose jugée attestant
de leur
droit à percevoir des prestations complémentaires AVS ou AI (cf. art.
45 al.
4 ORTV) peuvent être exemptées. La question se pose donc de savoir si
cette
nouvelle réglementation viole le principe de l'égalité de traitement
garanti
par l'art. 8 al. 1 Cst. (sur cette notion, cf. ATF 123 I 1 consid. 6a
et les
arrêts cités).

2.5 Si l'on admet que l'unique critère déterminant est le montant du
revenu
dont dispose un assujetti potentiel, on pourrait penser, à première
vue, que
l'art. 45 ORTV donne lieu à une inégalité de traitement car, à
ressources
identiques, certaines personnes (bénéficiant de prestations
complémentaires)
seraient exemptées et d'autres pas (pour rappel, arrêt non publié
2A.283/2000
du 5 janvier 2001, dans lequel le Tribunal fédéral avait justement
mis en
évidence une telle inégalité de traitement). En réalité, la solution
choisie
par le Conseil fédéral a été de réserver l'exonération - considérée
comme une
mesure de politique sociale - à un groupe social déterminé, soit les
rentiers
bénéficiant des prestations complémentaires AVS ou AI, c'est-à-dire
les
personnes dont les rentes ne suffisent pas à satisfaire les besoins
vitaux
minimums (cf. Message cité du 18 décembre 2002 in: FF 2003 p.1491).
Avec ce
système, une personne qui ne dispose que d'un revenu modeste mais
qui, pour
quelque raison que ce soit, ne perçoit pas de prestations
complémentaires et
ne fait donc pas partie dudit groupe social, ne peut bénéficier de
l'exemption. On ne saurait toutefois d'emblée en déduire une
inégalité de
traitement inadmissible; le système social comporte en effet d'autres
correctifs - par exemple des prestations d'assistance ou de l'aide
sociale -
qui permettent de tenir compte des circonstances particulières. On
peut dès
lors affirmer que le système querellé apporte une réponse adéquate
pour la
grande majorité des cas qui se présentent et qu'il n'empêche pas que
certaines situations particulières soient dûment prises en compte par
d'autres règlements à caractère social. Il est vrai que le système
instauré
est schématique et qu'il présente certaines rigueurs inhérentes à tout
système d'exonération. Toutefois, cela ne suffit pas pour considérer
qu'il
donne lieu à des résultats heurtant le principe de l'égalité de
traitement
(voir par analogie, la jurisprudence développée en matière fiscale,
cf. ATF
120 Ia 329 consid. 3; 110 Ia 7 consid. 2b). Il faut voir ensuite que
la
solution choisie a l'avantage de la simplicité, ce qui constitue une
exigence
pratiquement indispensable pour un système d'exonération à grande
échelle et
dont la mise en oeuvre incombe à un organe tiers chargé de
l'encaissement.
Ainsi, ce dernier peut se prononcer sur une demande d'exonération
sans devoir
procéder lui-même à des calculs dispendieux ou entreprendre des
mesures
d'instruction compliquées sur la situation financière des personnes
concernées, ce que, pratiquement, il ne serait pas à même de faire.
Il y a
lieu ensuite de relever que si l'on se fondait uniquement sur un
critère
financier, c'est-à-dire si l'exonération devait être accordée à toute
personne disposant d'un faible revenu, le seul critère de décision
qui,
pratiquement, pourrait entrer en ligne de compte serait la taxation
fiscale,
comme c'est le cas pour les subventions accordées pour le paiement
des primes
de l'assurance-maladie. Or, outre le fait que cette solution n'est
pas sans
faille (si l'on pense aux personnes qui, sans déclarer de revenus, ne
sont
néanmoins pas nécessiteuses), la surcharge de travail administratif
engendrée
par cette façon de procéder, si elle est justifiée s'agissant du
paiement des
primes d'assurance-maladie, qui sont non seulement élevées mais
également
obligatoires pour tous, apparaît totalement disproportionnée vu le
montant
relativement bas de la redevance de radio et de télévision en jeu. Le
fait de
choisir un système d'exonération fondé sur la perception de
prestations
complémentaires AVS ou AI repose donc sur des motifs objectifs et,
partant,
admissibles. Le principe de l'égalité de traitement contenu à l'art.
8 al. 1
Cst. est donc respecté.

3.
3.1La recourante s'est établie en Suisse en 1989 et a demandé à être
exemptée
de la redevance radio en octobre 2001. A cet égard, il y a lieu de
rappeler
que, conformément à l'art. 41 ORTV, quiconque entend bénéficier, entre
autres, des programmes radio, a l'obligation de s'annoncer de son
propre gré,
ce que la recourante n'a pas fait en 1989. Par ailleurs, elle ne
remplit pas
- ce qu'elle ne prétend d'ailleurs pas - les conditions posées par
l'art. 43
ORTV pour être exemptée de l'obligation de s'annoncer. Il y a lieu
également
de souligner qu'en vertu de l'art. 44 al. 2 ORTV, l'obligation de
verser la
redevance commence le premier jour du mois qui suit la mise en
service du
récepteur et qu'en application de l'art. 45 al. 3 ORTV, si la demande
d'exonération est approuvée, l'obligation de payer la redevance prend
fin le
dernier jour du mois au cours duquel ladite demande a été déposée. Une
exonération rétroactive n'étant ainsi pas prévue par la loi, la
recourante
reste soumise au paiement de la redevance pour la période allant de
son
installation en Suisse en 1989 jusqu'au mois d'octobre 2001. A cet
égard, il
convient d'observer que selon l'art. 40 al. 1 ORTV, le droit au
recouvrement
de la redevance se prescrit par cinq ans, le délai courant à compter
de
l'exigibilité de cette dernière. L'objet de la présente affaire ne
concerne
donc que la période allant de la fin du mois d'octobre 2001 jusqu'à
celle du
mois de mars 2002; à ce moment-là en effet, la recourante a résilié sa
réception radio à titre privé (cf. décision de Billag SA du 27 mars
2001).
Enfin, il convient de préciser que le présent jugement ne porte que
sur
l'exonération de la redevance de radio.

3.2 Même si la recourante ne touche qu'une rente française, il y a
lieu de
relever que, suite à l'entrée en vigueur le 1er juin 2002 de l'Accord
entre
la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et
ses Etats
membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (lequel
coordonne à son Annexe II les systèmes de sécurité sociale), elle peut
prétendre aux prestations complémentaires prévues par la législation
suisse
aux mêmes conditions que les personnes bénéficiant d'une rente de
l'assurance-vieillesse suisse (cf. Message du 23 juin 1999 relatif à
l'approbation des accords sectoriels entre la Suisse et la CE in: FF
1999 VI
p. 5440 ss, en particulier n. 273.233.2 p. 5646 s.). C'est une raison
supplémentaire pour considérer que le système choisi par le Conseil
fédéral
est adéquat, dans son principe. Il est vrai que l'objet du litige se
réfère à
une période précédant l'entrée en vigueur dudit Accord sectoriel, qui
court
de la fin du mois d'octobre 2001 jusqu'à celle du mois de mars 2002.
Il n'est
toutefois pas exclu que déjà à ce moment-là, la recourante aurait pu
être
traitée comme si elle était titulaire d'une rente suisse (cf. art. 2
al. 2
let. c LPC) et donc bénéficier déjà, si les conditions étaient
satisfaites,
de prestations complémentaires. Toutefois, il lui appartenait - et il
lui
appartient d'ailleurs toujours - d'entreprendre les démarches
nécessaires à
cette fin, soit de déposer auprès de l'autorité compétente une demande
d'octroi de prestations complémentaires, ce qu'elle n'a pas fait. A
cet
égard, on peut observer que dans la décision départementale attaquée,
il est
fait mention de l'adresse complète de l'Office fédéral des assurances
sociales, auquel la recourante aurait pu sans autres s'adresser pour
obtenir
des renseignements sur les démarches à entreprendre. Dans ces
conditions, vu
que les critères posés par l'art. 45 ORTV ne sont pas satisfaits,
c'est donc
à raison que sa demande d'exonération n'a pas été acceptée.

3.3 Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté et la décision
attaquée
confirmée. Succombant, la recourante doit supporter les frais
judiciaires
(art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ), lesquels seront fixés en tenant
compte de
ses moyens financiers modestes.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 200 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante, à Billag
SA, à
l'Office fédéral de la Communication et au Département fédéral de
l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication.

Lausanne, le 23 juin 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.393/2002
Date de la décision : 23/06/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-06-23;2a.393.2002 ?
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