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20/06/2003 | SUISSE | N°I.645/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 juin 2003, I.645/02


{T 7}
I 645/02

Arrêt du 20 juin 2003
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffier: M.
Berthoud

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, recourant,

contre

A.________, rue Liottard 54, 1202 Genève, intimé, représenté par Me
Mauro
Poggia, avocat, rue De-Beaumont 11, 1206 Genève

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 14 mai 2002)

Faits:

A.
Né le 14 avril 1959, A.________, de

nationalité égyptienne, est
arrivé en
Suisse avec ses parents, le 10 août 1959, où il a séjourné de manière
ininterrompue depu...

{T 7}
I 645/02

Arrêt du 20 juin 2003
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffier: M.
Berthoud

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, recourant,

contre

A.________, rue Liottard 54, 1202 Genève, intimé, représenté par Me
Mauro
Poggia, avocat, rue De-Beaumont 11, 1206 Genève

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 14 mai 2002)

Faits:

A.
Né le 14 avril 1959, A.________, de nationalité égyptienne, est
arrivé en
Suisse avec ses parents, le 10 août 1959, où il a séjourné de manière
ininterrompue depuis 1964. Eu égard au statut de fonctionnaire
international
de son père, il a été exempté de permis de séjour du 16 janvier 1964
au 13
octobre 1983, date à laquelle il a obtenu un permis d'établissement
(permis
C).

A partir de l'année 1974, A.________ a été suivi par M. B.________,
psychologue à Genève. En 1990, il a été hospitalisé à la clinique de
X.________ à la suite d'un épisode psychotique aigu (un trouble
schizo-affectif de type mixte F25.2). Depuis lors, il est pris en
charge
psychiatriquement par les Y.________ et le docteur C.________,
spécialiste en
psychiatrie et psychothérapie.

Sur le plan professionnel, A.________ a commencé diverses formations,
mais
n'en a achevé aucune. Son compte individuel AVS révèle l'inexistence
de
périodes d'activités lucratives durables et les premières cotisations
portées
à son crédit datent du mois de janvier 1987.

Le 15 juillet 1992, A.________ a présenté une demande de prestations
de l'AI.
Il s'est heurté à un refus de l'administration, car il ne remplissait
pas la
condition d'assurance (décision du 17 novembre 1992, confirmée par la
Commission cantonale genevoise de recours en matière d'AVS/AI dans un
jugement du 6 mai 1994).

Le 21 avril 1997, A.________ s'est derechef annoncé à l'AI, à la
suite de
l'entrée en vigueur, au 1er janvier 1997, des nouvelles dispositions
de la
LAI. Par décision du 28 mai 1999, l'Office cantonal de
l'assurance-invalidité
du canton de Genève (l'office AI) a rejeté la demande, au motif que
l'intéressé était déjà invalide au 1er mai 1977 (à l'âge de 18 ans),
époque à
laquelle il n'avait pas cotisé à l'AVS depuis une année au moins ni
été
domicilié de façon ininterrompue en Suisse depuis dix ans.

B.
A.________ a déféré cette décision à la Commission cantonale
genevoise de
recours en matière d'AVS/AI, en concluant à l'octroi d'une rente
entière
d'invalidité à partir du 1er janvier 1997.

La juridiction cantonale de recours a recueilli les avis des écoles
que
A.________ avaient fréquentées, ainsi que, notamment, celui du docteur
C.________ (rapport du 19 juin 2001) à qui elle avait demandé de
prendre
position sur un avis émanant du psychologue Dupuis (rapport du 16
janvier
1994). Par jugement du 14 mai 2002, la commission a admis le recours
et
alloué une rente entière d'invalidité à partir du 1er janvier 1997.

C.
L'office AI interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
il demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa
décision du 28
mai 1999.

L'intimé conclut au rejet du recours, avec suite de dépens. L'Office
fédéral
des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit de l'intimé à une rente d'invalidité.

Dans la procédure de recours concernant l'octroi ou le refus de
prestations
d'assurance, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances
n'est pas
limité à la violation du droit fédéral - y compris l'excès et l'abus
du
pouvoir d'appréciation - mais s'étend également à l'opportunité de la
décision attaquée. Le tribunal n'est alors pas lié par l'état de fait
constaté par la juridiction inférieure, et il peut s'écarter des
conclusions
des parties à l'avantage ou au détriment de celles-ci (art. 132 OJ).

2.
2.1Selon l'art. 6 al. 2 aLAI, en vigueur jusqu'au 31 décembre 1996,
les
étrangers et les apatrides n'avaient droit aux prestations (sous
réserve de
l'art. 9 al. 3 LAI) qu'aussi longtemps qu'ils conservaient leur
domicile
civil en Suisse et que si, lors de la survenance de l'invalidité, ils
comptaient au moins dix années entières de cotisations ou quinze
années
ininterrompues de domicile en Suisse. Cette disposition - qui
apparaissait
contestable sous l'angle du droit à l'égalité de traitement (ATF 121
V 247
consid. 1b) - a été modifiée avec l'entrée en vigueur de la dixième
révision
de l'AVS, le 1er janvier 1997. En effet, aux termes du nouvel art. 6
al. 2
LAI, les étrangers ont droit aux prestations, sous réserve de l'art.
9 al. 3
LAI, aussi longtemps qu'ils conservent leur domicile et leur résidence
habituelle en Suisse, mais seulement s'ils comptent, lors de la
survenance de
l'invalidité au moins une année entière de cotisations (cf. art. 36
al. 1
LAI) ou dix années de résidence ininterrompue en Suisse (cf. ATF 126
V 5).

Par cet assouplissement de la réglementation en matière
d'assurance-invalidité, le législateur a adopté un régime analogue à
celui
prévu à l'art. 18 al. 2 LAVS, relatif aux rentes de l'AVS en faveur
des
étrangers et de leurs survivants qui ne possèdent pas la nationalité
suisse
(Message concernant la dixième révision de l'assurance-vieillesse et
survivants du 5 mars 1990, FF 1990 II 113; Meyer-Blaser, Bundesgesetz
über
die Invalidenversicherung, Zurich 1997, p. 36 sv.).

Demeurent toutefois réservées les dispositions dérogatoires des
conventions
bilatérales de sécurité sociale conclues par la Suisse avec un
certain nombre
d'Etats pour leurs ressortissants respectifs. En l'occurrence, la
Suisse n'a
pas conclu de convention de sécurité sociale avec l'Egypte.

Il sied d'ajouter que la loi fédérale sur la partie générale du droit
des
assurances sociales (LPGA), du 6 octobre 2000, entrée en vigueur le
1er
janvier 2003, n'est pas applicable en l'espèce, le juge des assurances
sociales n'ayant pas à tenir compte des modifications du droit ou de
l'état
de fait survenues après que la décision administrative litigieuse (in
casu du
28 mai 1999) a été rendue (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid.
1b).
Pour le même motif, le litige ne doit pas être tranché à la lumière
de l'art.
6 al. 1 LAI, dans la teneur qui est désormais la sienne à compter du
1er
janvier 2001 (novelle du 23 juin 2000, RO 2000 p. 2682).

2.2 Selon l'art. 36 al. 2 LAI, les dispositions de la LAVS sont (sous
réserve
de l'art. 36 al. 3 LAI) applicables par analogie au calcul des rentes
ordinaires (voir à ce propos ATF 124 V 159); le Conseil fédéral peut
édicter
des prescriptions complémentaires. Selon l'art. 32 al. 1 RAI en
corrélation
avec les art. 50 RAVS et 29ter al. 2 LAVS, une année de cotisations
est
entière lorsqu'une personne a été assurée au sens des art. 1er ou 2
LAVS
pendant plus de onze mois au total et que, pendant ce temps-là, soit
elle a
versé la cotisation minimale (variante I), soit son conjoint au sens
de
l'art. 3 al. 3 LAVS a versé au moins le double de la cotisation
minimale
(variante II) ou, enfin, elle peut se prévaloir de bonifications pour
tâches
éducatives ou pour tâches d'assistance (variante III). A la
différence de la
situation qui existait avant l'entrée en vigueur de la dixième
révision de
l'AVS (cf. ATF 111 V 106 consid. 1b, 110 V 280 consid. 1a), un assuré
peut
donc, selon le nouveau droit, satisfaire à l'exigence de la période
minimale
de cotisations d'une année ouvrant droit à une rente ordinaire de
l'AVS/AI,
sans avoir payé personnellement des cotisations (ATF 125 V 253). Ces
dispositions légales plus favorables introduites par la 10ème
révision de
l'AVS ne s'appliquent toutefois pas aux cas d'assurance survenus sous
l'empire de l'ancien droit et pour lesquels le droit à une rente a
été nié,
parce que la condition de la durée minimale de cotisations (ancien
art. 29
al. 1 LAVS; VSI 2000 p. 174) n'était pas réalisée (ATF 126 V 7
consid. 1).

3.
3.1Selon les dispositions transitoires relatives à la modification de
la LAI,
dans le cadre de la dixième révision de l'AVS, les dispositions
transitoires
concernant l'art. 18 al. 2 LAVS sont applicables par analogie (al.
4). Ce
renvoi concerne la lettre h des dispositions transitoires de la
dixième
révision de l'AVS, qui est ainsi rédigée:

«L'art. 18, 2e alinéa, s'applique également lorsque l'événement
assuré est
survenu avant le 1er janvier 1997 pour autant que les cotisations
n'aient pas
été remboursées à l'assuré. Le droit à la rente ordinaire prend
naissance au
plus tôt à l'entrée en vigueur (...).»

Quant à l'art. 18 al. 2 LAVS, auquel il est fait référence, il
prévoit (dans
sa version en vigueur depuis le 1er janvier 1997) que les étrangers
et leurs
survivants qui ne possèdent pas la nationalité suisse n'ont droit à
une rente
qu'aussi longtemps qu'ils ont leur domicile et leur résidence
habituelle en
Suisse (première phrase).

En d'autres termes, lorsque le cas d'assurance (invalidité) est
survenu avant
le 1er janvier 1997 et que le droit à une rente a été refusé au
requérant
(ressortissant d'un Etat avec lequel la Suisse n'a pas conclu de
convention
de sécurité sociale), parce qu'il ne ne comptait pas dix années
entières de
cotisations ou quinze années ininterrompues de domicile en Suisse,
cette
personne peut désormais prétendre une telle rente si elle remplit les
conditions prévues par le nouveau droit (art. 6 al. 2 LAI), en
particulier la
condition d'une durée minimale de cotisations d'une année lors de la
survenance de l'invalidité (voir Jürg Brechbühl, 10e révision de
l'AVS:
Aspects du droit transitoire, in Sécurité sociale 1996, p. 246;
message
précité, p. 122). Les dispositions transitoires ne suppriment pas
cette
dernière condition: elles n'ont pas pour objet de placer les assurés
auxquelles elles s'appliquent dans une situation plus avantageuse que
les
personnes pour lesquelles le cas d'assurance est survenu après le 1er
janvier
1997. Quant au droit à la rente, il prend au plus tôt naissance, le
cas
échéant, dès l'entrée en vigueur de la dixième révision de l'AVS, à
moins que
les cotisations n'aient été remboursées sous le régime de l'ancien
droit.

Il est en outre nécessaire, conformément à la règle générale de
l'art. 6 al.
1 LAI, valable aussi bien pour les ressortissants suisses et
étrangers, que
la personne ait été assurée, par exemple à raison de son domicile en
Suisse
(art. 1er al. 1 let. a LAVS en corrélation avec l'art. 1er LAI), au
moment de
la survenance de l'invalidité (ATF 126 V 8 consid. 2a).

3.2 Selon l'art. 4 al. 2 LAI, l'invalidité est réputée survenue dès
qu'elle
est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux
prestations
entrant en considération. Ce moment doit être déterminé objectivement,
d'après l'état de santé; des facteurs externes fortuits n'ont pas
d'importance. Il ne dépend en particulier ni de la date à laquelle une
demande a été présentée, ni de celle à partir de laquelle une
prestation a
été requise, et ne coïncide pas non plus nécessairement avec le
moment où
l'assuré apprend, pour la première fois, que l'atteinte à sa santé
peut
ouvrir droit à des prestations d'assurance.

S'agissant du droit à une rente, la survenance de l'invalidité se
situe au
moment où celui-ci prend naissance, conformément à l'art. 29 al. 1
LAI, soit
dès que l'assuré présente une incapacité de gain durable de 40 pour
cent au
moins ou dès qu'il a présenté, en moyenne, une incapacité de travail
de 40
pour cent au moins pendant une année sans interruption notable, mais
au plus
tôt le 1er jour du mois qui suit le dix-huitième anniversaire de
l'assuré
(art. 29 al. 2 LAI; ATF 126 V 9 consid. 2b et les références; consid.
4.3.1
de l'arrêt P. du 1er mai 2003, I 780/02).

4.
4.1Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou
le juge,
s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin,
éventuellement
aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin
consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans
quelle
mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de
travailler. En
outre, les données médicales constituent un élément utile pour
déterminer
quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré
(ATF 125 V
261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158
consid.
1).

4.2 En ce qui concerne, par ailleurs, la valeur probante d'un rapport
médical, ce qui est déterminant c'est que les points litigieux aient
fait
l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des
examens
complets, qu'il prenne également en considération les plaintes
exprimées par
la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de
l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation
de la
situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de
l'expert
soient dûment motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la
valeur
probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme
rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V
352
consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et les références).

4.3 Selon la jurisprudence et la doctrine, l'autorité administrative
ou le
juge ne doivent considérer un fait comme prouvé que lorsqu'ils sont
convaincus
de sa réalité (Kummer, Grundriss des Zivilprozessrechts,
4e éd.,
Berne 1984, p. 136; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., p.
278 ch.
5). Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa
décision, sauf
dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être
établis de
manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables,
c'est-à-dire
qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit
donc pas
qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse
possible.
Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge
doit, le
cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF
126 V
360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références). Aussi
n'existe-t-il
pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel
l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur
de
l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

5.
Pour être en mesure d'appliquer l'art. 6 al. 2 LAI, il faut
déterminer le
moment à partir duquel l'intimé a rempli pour la première fois la
condition
de l'année entière de cotisations ou celle de la résidence
ininterrompue de
dix ans, ainsi le moment - litigieux - auquel l'invalidité est
survenue.

6.
6.1Nonobstant l'octroi de son permis d'établissement en octobre 1983,
ce
n'est qu'en 1987 que le recourant a cotisé pour la première fois à
l'AVS,
essentiellement en qualité de personne sans activité lucrative.

Ce n'est donc qu'à partir du 1er janvier 1988 que l'intimé a pu
justifier
d'une année entière de cotisations et qu'il a donc rempli l'une des
conditions prévues par art. 6 al. 2 LAI.

6.2 Il faut ensuite examiner la condition de la durée minimale de dix
années
de résidence ininterrompue en Suisse, car il se pourrait que l'intimé
l'ait
remplie avant 1988.

De nationalité étrangère, le recourant a séjourné en Suisse sans
interruption
depuis 1964. Il était exempté de tout titre de séjour, en raison de la
délivrance par le Département fédéral des affaires étrangères d'une
«carte de
légitimation» et bénéficiait, à teneur de ce document, de l'ensemble
des
privilèges et immunités diplomatiques dont jouissait son père (cf.
ATF 110 V
153 consid. 3c et les références). Si la situation est actuellement
explicitement réglée à l'art. 1b let. c RAVS (dans sa teneur en
vigueur
depuis le 1er janvier 1997), l'extension de cette exemption aux
membres de la
famille ressortait jadis de l'ancien art. 1er let. b et c RAVS. Sur
ce point,
le règlement usait d'une terminologie semblable à celle de la
convention de
Vienne sur les relations diplomatiques, du 18 avril 1961 (RS
0.191.01), qui
étend effectivement aux «membres de la famille» de l'agent
diplomatique
l'exemption dont il est ici question (art. 33 en liaison avec l'art.
37 ch.
1), sans toutefois préciser ce qu'il faut entendre par là. La
pratique des
autorités suisses en ce domaine était codifiée au ch. 4 d'une
«Classification
des ayants droit» et figurait dans une publication du Département
politique
fédéral (actuellement Département fédéral des affaires étrangères),
datant de
juillet 1964 et intitulée «Régime des privilèges et immunités
diplomatiques
en vigueur en Suisse» (ATF 115 V 13 consid. 3a).

Le Tribunal fédéral des assurances a jugé que les années - même
nombreuses -
passées en Suisse par un étranger au bénéfice de privilèges et
d'immunités
diplomatiques ne comptaient pas comme années de résidence au sens des
dispositions de conventions bilatérales de sécurité sociale permettant
d'étendre conditionnellement aux ressortissants étrangers le bénéfice
de
l'art. 42 al. 1 LAVS, relatif au droit à une rente extraordinaire de
vieillesse (ATF 120 V 410 consid. 4b et l'arrêt R. cité). En d'autres
termes,
les années que l'intimé a passées en Suisse jusqu'en octobre 1983,
lorsqu'il
a obtenu un permis d'établissement, ne peuvent pas être prises en
considération dans le calcul de la période de résidence ininterrompue
de dix
ans dont il est question à l'art. 6 al. 2 LAI, si bien que cette
condition
n'a été remplie qu'en octobre 1993.

7.
7.1Interrogé par la commission cantonale de recours à l'occasion du
litige
issu de la première décision du 17 novembre 1992 (cf. lettre du 4
octobre
1993), le psychologue Dupuis a attesté, dans un rapport du 16 janvier
1994,
qu'il avait suivi l'intimé à partir du mois de janvier 1974, en
raison de
troubles graves de la personnalité conduisant à une inadaptation
scolaire et
sociale. Il a précisé que le traitement s'était étendu sur une longue
durée
et en plusieurs temps, d'abord régulièrement de janvier 1974 à mai
1977, puis
à intervalles très irréguliers et pour des durées plus ou moins
longues de
1978 à 1987, puis à nouveau régulièrement de janvier 1988 à septembre
1991.
Ce psychologue a relevé que l'incidence de ces troubles sur la
capacité de
travail était très importante tant au début dans le travail scolaire
qu'ensuite (malgré l'intelligence du patient) dans ses nombreux essais
d'intégration professionnelle. Il a conclu que nonobstant la bonne
volonté
réelle du patient, l'incapacité de travail s'était révélée, à chaque
essai,
très vite quasi totale.

7.2 Dans le cadre du présent litige, découlant de la décision du 28
mai 1999,
la commission de recours s'est adressée au docteur C.________, par
lettre du
15 juin 2001, afin de connaître le moment à partir duquel l'intimé
devait
être considéré comme incapable de terminer ses études et/ou de
travailler. Ce
médecin a répondu, le 19 juin 2001, que le diagnostic de trouble
grave de la
personnalité, s'il était posé, nécessiterait d'être précisé quant à
la nature
du trouble. Le docteur C.________ a précisé qu'un psychologue est
habilité à
poser un diagnostic psychiatrique si son expérience personnelle est
suffisante; ce qui est probant est surtout le moment auquel le
diagnostic a
été posé, compte tenu de l'aspect évolutif de beaucoup de troubles
psychiatriques.

Le docteur C.________ a ajouté que le diagnostic actuel est celui de
trouble
schizo-affectif, qu'il s'agit d'un trouble grave, proche de la
schizophrénie
et compliqué par une évolution de l'humeur maniaco-dépressive. Il a
précisé
qu'il ne s'agit pas d'un trouble de la personnalité, mais les
prodromes de ce
type de maladies peuvent évoquer un trouble de personnalité. Ces
prodromes
(avant 1990) devait probablement interférer avec la capacité de
travail en la
rendant pour le moins irrégulière et sensible au stress. Le psychiatre
C.________ a ainsi estimé que ce que le psychologue Dupuis avait
observé
étaient les prodromes d'un trouble apparenté à la schizophrénie, ce
qui est
compatible avec son impression de l'époque d'un trouble grave de la
personnalité; il a considéré que l'inadaptation scolaire décrite par
le
psychologue était tout à fait vraisemblable.

Compte tenu de sa connaissance de l'anamnèse du patient, le docteur
C.________ a estimé que la capacité de travail entre 1980 et 1990
semblait
avoir été limitée à des emplois protégés en ce qui concerne le stress
relationnel et les responsabilités. En tout état de cause, le patient
n'a
jamais atteint le niveau de fonctionnement social auquel ses capacités
intellectuelles et son éducation auraient dû lui permettre d'accéder,
en
raison du trouble psychiatrique dont il souffre. En termes clairs, le
psychiatre C.________ a estimé que dès sa sortie de l'adolescence,
l'intimé
avait vu sa capacité de travail s'amenuiser probablement rapidement,
jusqu'à
devenir nulle, en raison du trouble schizo-affectif dont il souffre
et qui
n'a pu être diagnostiqué clairement qu'en 1990. Il a finalement
ajouté que ce
type de délai avant le diagnostic est assez habituel et motivé par
l'aspect
évolutif de ces maladies.

7.3 La commission de recours a admis que les prodromes présentés par
l'intimé
avant 1990 devaient probablement interférer avec sa capacité de
travail.
Toutefois, elle a estimé qu'il n'y avait aucune certitude à ce sujet.
La
commission a ainsi considéré que les troubles présentés par l'intimé
n'étaient manifestement pas stabilisés jusqu'en 1990, car aucun
traitement
psychiatrique et médicamenteux n'avait été administré avant cette
année-là.

En conséquence, la juridiction de recours a arrêté la survenance de
l'invalidité en décembre 1991, soit à une époque où l'intimé
remplissait
l'une des conditions prévues par l'art. 6 al. 2 LAI, savoir celle de
la durée
minimale de cotisations d'une année. Compte tenu de son invalidité
totale,
les premiers juges ont reconnu à l'intimé le droit à une rente
entière à
partir du 1er janvier 1997.

7.4 Le recourant estime que l'invalidité était déjà survenue en 1977,
raison
pour laquelle il a rejeté la demande de prestations du 21 avril 1997.
Quant à
l'intimé, il soutient qu'il n'est devenu invalide qu'en 1990, soit à
l'époque
où il a été suivi pour la première fois par un psychiatre, ce qui le
conduit
à conclure à la confirmation du jugement attaqué.

8.
8.1Les affections de nature psychique dont souffre l'intimé n'ont
abouti à un
suivi médical qu'à partir de l'année 1990, soit à l'occasion de la
première
hospitalisation psychiatrique qu'il a subie. Jusque-là, seul un
psychologue
s'était penché sur ses problèmes psychiques.

L'appréciation de la capacité de travail de l'intimé pourrait donner
lieu à
discussion, si l'on ne disposait pour seul avis que de celui du
psychologue
Dupuis, car ce dernier ne possède pas le titre de médecin. Il
faudrait alors
déterminer s'il est susceptible de compter au nombre des «autres
spécialistes» dont il est question au consid. 4.1 ci-dessus, lesquels
sont
habilités à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans
quelle
mesure et pour quelles activités une personne est ou non incapable de
travailler.

Dans le cas d'espèce, cette question peut rester indécise, car
l'appréciation
de la capacité de travail de l'intimé, au sortir de l'adolescence, a
été
rendue sous la responsabilité d'un psychiatre. Certes, ce dernier
s'est
appuyé sur les observations du psychologue qui avait suivi le
patient, en
l'occurrence durant près de vingt ans. Il n'en demeure pas moins que
l'avis
du docteur C.________ se fonde sur des faits constatés, qu'il est
motivé et
convaincant, et qu'il a pleine valeur probante dès lors qu'il remplit
tous
les réquisits jurisprudentiels (cf. consid. 4.2 ci-dessus).

8.2 Il n'est toutefois pas nécessaire de chercher plus avant à savoir
si
l'intimé était réellement déjà entièrement incapable de travailler au
premier
jour du mois qui a suivi son dix-huitième anniversaire, le 1er mai
1977 (cf.
art. 29 al. 2 LAI), en raison d'affections psychiques, car il paraît
suffisamment vraisemblable, au sens où la jurisprudence l'entend (cf.
consid.
4.3 ci-dessus), que l'atteinte à la santé psychique a en tout cas
entraîné
une incapacité de travail avant 1988. En effet, le psychiatre
C.________ a
indiqué que la capacité de travail de l'intimé s'était amenuisée
rapidement
dès sa sortie de l'adolescence, jusqu'à devenir nulle, en raison du
trouble
schizo-affectif dont il souffre, ce qui n'a pu être constaté qu'en
1990 à la
suite de l'hospitalisation. Compte tenu de la période à laquelle les
troubles
psychiques sont apparus (au milieu des années septante), de la
rapidité de
leur aggravation et du laps de temps écoulé, on doit admettre que
l'invalidité était déjà survenue en 1987 au plus tard.

L'appréciation du psychiatre est du reste confortée par le fait que
malgré
son intelligence, l'intimé n'a pas pu acquérir de formation
professionnelle
et qu'il n'a exercé aucune activité lucrative soumise à cotisations à
l'AVS
avant d'avoir atteint l'âge de 28 ans, en 1987. Il n'a d'ailleurs,
par la
suite, occupé que quelques emplois temporaires, de façon très
sporadique,
dont les rémunérations ressortant de son compte individuel AVS (123
fr. en
1987, 58 fr. en 1988, 1'445 fr. en 1989, 2'703 fr. en 1990, 367 fr.
en 1992
et 467 fr. en 1993) laissent corroborer le fait qu'il n'avait
effectivement
plus de capacité de travail économiquement exploitable en 1987, voire
très
vraisemblablement auparavant déjà.

9.
Il s'ensuit que l'invalidité est survenue au plus tard en 1987, soit
à une
époque où les conditions d'assurance n'étaient pas remplies. En
conséquence,
le recourant a refusé à juste titre d'allouer une rente à l'intimé,
par
décision du 28 mai 1999. Le recours est bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement de la Commission cantonale
genevoise de
recours en matière d'AVS/AI du 14 mai 2002 est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission
cantonale
genevoise de recours en matière d'AVS/AI et à l'Office fédéral des
assurances
sociales.

Lucerne, le 20 juin 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.645/02
Date de la décision : 20/06/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-06-20;i.645.02 ?
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