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20/06/2003 | SUISSE | N°4C.136/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 juin 2003, 4C.136/2002


{T 0/2}
4C.136/2002 /ech

Arrêt du 20 juin 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, président, Favre et Chaix, juge suppléant.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

Masse en faillite A.________,
défenderesse et recourante, représentée par Me Christophe Piguet,
avocat,
place St.-François 5,
case postale 3860, 1002 Lausanne,

contre

X.________ S.A.,
demanderesse et intimée, représentée par Me Daniel Pache, avocat, case
postale 3485, 1002 Lausanne.

contrat de travail; salaire
r> (recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal
cantonal
vaudois du 9 mai 2001).

Faits:

...

{T 0/2}
4C.136/2002 /ech

Arrêt du 20 juin 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, président, Favre et Chaix, juge suppléant.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

Masse en faillite A.________,
défenderesse et recourante, représentée par Me Christophe Piguet,
avocat,
place St.-François 5,
case postale 3860, 1002 Lausanne,

contre

X.________ S.A.,
demanderesse et intimée, représentée par Me Daniel Pache, avocat, case
postale 3485, 1002 Lausanne.

contrat de travail; salaire

(recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal
cantonal
vaudois du 9 mai 2001).

Faits:

A.
A.a Du 21 août 1989 jusqu'au 31 mai 1990, A.________ a travaillé pour
le
compte de X.________ S.A., une société dont le but est la fourniture
de
produits et de services dans le domaine de l'organisation, en
particulier
informatique. L'activité de A.________ consistait à veiller au
marketing et à
fidéliser les clients de son employeur.

Aucun contrat de travail n'a été signé par les parties. Le seul
document
produit est un "plan de commission" rédigé à la main par B.________,
administrateur de X.________ S.A., le 27 juillet 1989 et comportant
des
annotations qui y ont été portées ultérieurement au crayon gris. Ce
plan fait
notamment état d'un "revenu minimum garanti" et comporte la mention
suivante
"le revenu est composé du salaire brut et d'une indemnité forfaitaire
de
déplacement (max. autorisé par la loi env. 2 kf.)", soit 2'000 fr.
Apparemment, il était prévu d'établir sur cette base un contrat
écrit, lequel
n'a cependant jamais été rédigé.

A.b Au cours de son emploi, A.________ a rempli des fiches de
vacation,
faisant état d'un nombre d'heures très variable, allant de 47 heures
05 en
avril 1990 à 154 heures 45 en février 1990. Sur la base de ces
fiches, il a
reçu de X.________ S.A. entre septembre et novembre 1989 un montant
total de
17'300 fr. sous la forme de trois chèques avec la mention "avance sur
honoraires" ou "avance sur commissions et honoraires".

Comme la collaboration entre les parties permettait d'être optimiste
pour
l'avenir, B.________ et A.________ ont signé, le 28 décembre 1989, une
convention prévoyant le versement d'un montant de 140'000 fr. à ce
dernier à
titre de commissions. Ce texte précisait qu'un décompte justifiant ces
commissions serait établi chaque fin de mois et viendrait réduire ce
montant
considéré comme une avance. Un décompte de clôture serait établi au
terme de
la relation contractuelle pour solde de tout compte, avec
remboursement de la
soulte éventuelle. La convention prévoyait également la remise en
garantie
d'une cédule hypothécaire au porteur.

Il est établi que A.________ exerçait des activités annexes lorsqu'il
était
employé par X.________ S.A. Le nombre d'heures qu'il a annoncées au
cours de
son emploi correspond à un taux d'activité de 62,55 % si l'on se
fonde sur
une semaine de travail de 42 heures 30 et à un taux de 59,10 % pour
une
semaine de travail de 45 heures.

A.c Un litige est survenu entre les parties au sujet du paiement des
allocations familiales, des rapports d'activité et du remboursement
forfaitaire des frais de A.________. Le 27 avril 1990, ce dernier a
réclamé
le versement des allocations familiales et le paiement de ses frais
par le
versement d'un montant forfaitaire de 2'000 fr. II a évoqué le fait
que le
contrat de travail cessait ses effets à fin mai 1990 et qu'il allait
dans
l'intervalle remplir ses obligations militaires et prendre son solde
de
vacances. Tout en contestant les réclamations de A.________,
X.________ S.A.
a accepté cette résiliation dans un courrier du 16 mai 1990.

Le 26 juin 1990, X.________ S.A. a adressé à A.________ un décompte de
commissions se soldant par un montant de 23'700 fr. en faveur de ce
dernier.
Deux jours plus tard, elle déclarait résilier le prêt accordé par la
convention du 28 décembre 1989 et entendait réclamer un taux
d'intérêt de 7,5
% l'an sur le solde à rembourser dès le 1er janvier 1990. Le 26 juin
1991,
elle a fait valoir un taux d'intérêt de 10 % dès le 1er juillet 1991.

Le 3 août 1993, X.________ S.A. et B.________ ont signé une
convention,
notifiée à A.________, dans laquelle la société se reconnaît seule
détentrice
des droits mentionnés dans le contrat du 28 décembre 1989 que son
administrateur avait certes signé en son nom, mais qui la lie elle
uniquement.

B.
Le 27 août 1993, X.________ S.A. a assigné A.________ en paiement de
129'861
fr. avec intérêt à 7,5 % l'an dès le 1er janvier 1990, puis à 10 %
dès le 1er
juillet 1991. A.________ a conclu à sa libération et,
reconventionnellement,
au paiement de 3'618 fr. 65 avec intérêt de droit, invoquant
expressément la
compensation. Il a également demandé qu'il soit ordonné à X.________
S.A. de
lui restituer la cédule hypothécaire remise en garantie conformément
à la
convention du 28 décembre 1989. A la suite de la faillite personnelle
de
A.________ le 22 avril 1999, la masse en faillite a décidé de
continuer le
procès.

Par jugement du 9 mai 2001, dont la motivation a suivi le 14 mars
2002, la
Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a condamné la masse en
faillite de
A.________ à verser à X.________ S.A. la somme de 123'498 fr. 60 avec
intérêt
à 5 % l'an dès le 1er juin 1990 et a mis à la charge de la
défenderesse les
frais de justice, ainsi que les dépens de la demanderesse. Pour fixer
le
montant du salaire, les premiers juges ont écarté le "plan de
commission" du
27 juillet 1989 au motif qu'il s'agissait d'un brouillon au contenu
inintelligible. Ils se sont fondés sur les allégués des parties lors
de la
procédure pour retenir un salaire mensuel de base ascendant, pour une
activité à temps complet, à 6'400 fr., montant qu'ils ont réduit au
prorata
d'un taux d'activité de 60 %. Ils ont rejeté les prétentions en
paiement
d'une indemnité de vacances et d'une indemnité forfaitaire pour frais
de
2'000 fr. par mois, car elle n'était établie ni par le "plan de
commission",
ni par les témoins entendus. Enfin, ils ont considéré la somme de
140'000 fr.
comme une avance sur salaire qui devait être restituée dans la mesure
où elle
excédait les créances de A.________.

Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal vaudois du 28 août 2002, qui a rejeté, dans la mesure de sa
recevabilité, le recours interjeté par la masse en faillite de
A.________.

C.
Contre le jugement de la Cour civile du 9 mai 2001, la masse en
faillite de
A.________ (la défenderesse) interjette un recours en réforme au
Tribunal
fédéral. Elle conclut à la réforme du jugement entrepris dans le sens
du
rejet de l'action de X.________ S.A. et de la condamnation de cette
société à
restituer à la masse en faillite, respectivement à A.________, la
cédule
hypothécaire remise en garantie conformément à la convention du 28
décembre
1989, avec suite de dépens. A titre subsidiaire, elle conclut à ce que
A.________ en faillite soit reconnu débiteur de X.________ S.A. de la
somme
de 61'880 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 1er juin 1990, que cette
somme
soit portée à l'état des charges et à l'état de collocation en gage
mobilier
avec droit de gage sur la cédule hypothécaire au porteur au capital
de 50'000
fr. et à ce que les dépens dus à X.________ S.A. soient très
sensiblement
réduits. Plus subsidiairement encore, elle requiert que A.________ en
faillite soit reconnu débiteur de X.________ S.A. de la somme de
123'498 fr.
60 avec intérêt à 5 % l'an dès le 1er juin 1990, reprenant pour le
surplus
les conclusions formées à titre subsidiaire.

X. ________ S.A. (la demanderesse) conclut au rejet du recours avec
suite de
frais et dépens.

D.
Alors que la procédure sur le recours en réforme était pendante, la
masse en
faillite de A.________ a formé un recours de droit public à
l'encontre de
l'arrêt de la Chambre des recours du 28 août 2002. Le Tribunal
fédéral a
rejeté ce recours par arrêt de ce jour.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie défenderesse qui a succombé dans ses
conclusions
libératoires et dirigé contre un jugement final rendu en dernière
instance
cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ; art. 444 CPC
vaud.)
sur une contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le
seuil de
8000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe
recevable,
puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 34 al. 1 let. a et 54 al.
1 OJ)
dans les formes requises (art. 55 OJ).

1.2 En règle générale, il n'est pas procédé à un second échange
d'écritures
(cf. art. 59 al. 4 2ème phrase OJ). Il n'est fait exception à ce
principe que
dans les cas où la réponse au recours contiendrait des arguments
nouveaux et
pertinents justifiant, en vertu du droit d'être entendu, que la partie
recourante puisse s'exprimer à nouveau (ATF 124 III 382 consid. 5d et
la
référence citées). En l'espèce, de telles circonstances n'existent
pas, de
sorte que rien ne justifie de donner suite à la requête de la
défenderesse
tendant à un nouvel échange d'écritures.

1.3 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral,
mais
non pour violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art.
43 al. 1
OJ) ou pour violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c).
L'acte
de recours doit contenir les motifs à l'appui des conclusions; ils
doivent
indiquer succinctement quelles sont les règles de droit fédéral
violées par
la décision attaquée et en quoi consiste cette violation (art. 55 al.
1 let.
c 1ère phrase OJ).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve
n'aient
été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations
reposant sur
une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille
compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127
III 248
consid. 2c). Dans la mesure où un recourant présente un état de fait
qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée sans se prévaloir
avec
précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il
n'est pas
possible d'en tenir compte. L'appréciation des preuves à laquelle
s'est
livrée l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 127 III
543
consid. 2c p. 547). II ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55
al. 1 let. c OJ).

Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des
parties, mais
il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1
OJ), ni par
l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al.
3 OJ;
ATF 128 III 22 consid. 2c2e/cc p. 29; 127 III 248 consid. 2c).

2.
La défenderesse reproche à la cour cantonale d'avoir adapté le salaire
mensuel de base en fonction d'un taux d'activité inférieur à un temps
complet. Elle y voit une violation des art. 322 CO et 8 CC.

2.1 De l'avis de la défenderesse, les parties se sont entendues sur
une
rétribution de base afférente à une activité à temps complet. A
partir de là,
point ne serait besoin de rechercher le nombre d'heures effectivement
réalisées par le travailleur et toute réduction du salaire en
fonction d'un
taux d'activité réel violerait le droit fédéral.

Aux termes de l'art. 322 al. 1 CO, l'employeur paie au travailleur le
salaire
convenu, usuel ou fixé par un contrat-type de travail ou par une
convention
collective. En l'absence de salaire usuel, de contrat-type ou de
convention
collective se rapportant à l'activité exercée par l'employé concerné,
seule
entre en considération la rémunération convenue par les parties.

La cour cantonale a retenu, de manière à lier le Tribunal fédéral en
instance
de réforme (art. 63 al. 2 OJ), que les parties s'étaient accordées
sur une
rétribution de base ascendant, pour une activité à temps complet, à
6'400 fr.
Il s'agit donc du salaire convenu au sens de l'art. 322 CO. Reste
cependant à
déterminer si les parties ont prévu que le travailleur déploierait son
activité à temps complet (art. 319 al. 1 CO) ou à temps partiel (art.
319 al.
2 CO). A suivre la défenderesse, la cour cantonale aurait violé
l'art. 8 CC
dans l'examen de cette question.

2.2 Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral (cf.
ATF 125
III 78 consid. 3b), l'art. 8 CC, en l'absence d'une disposition
spéciale
contraire, répartit le fardeau de la preuve et détermine, sur cette
base,
laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la
preuve
(ATF 129 III 18 consid. 2.6). En principe, c'est au créancier
d'établir les
circonstances propres à fonder sa prétention, alors que c'est le
débiteur qui
doit établir les circonstances propres à rendre cette prétention
caduque. En
matière de droit au salaire tiré d'un rapport de travail, cette
répartition
du fardeau de la preuve signifie que le travailleur doit apporter la
preuve
des circonstances de fait nécessaires à démontrer la conclusion d'un
contrat
de travail, de même que le montant du salaire convenu (art. 322 al. 1
CO).
Pour sa part, l'employeur qui s'oppose
au paiement du salaire doit
démontrer
l'extinction du rapport de travail. Cette obligation lui incombe
quelle que
soit la cause de l'extinction: résiliation (valable) ou annulation
conventionnelle du contrat, par exemple (ATF 125 III 78 consid. 3b et
les
références citées).

L'art. 8 CC ne règle cependant pas comment et sur quelles bases le
juge peut
forger sa conviction (ATF 128 III 22 consid. 2d p. 25). En effet,
lorsque
l'appréciation des preuves convainc le juge de la réalité ou de
l'inexistence
d'un fait, la question de l'application de l'art. 8 CC ne se pose
plus; seul
le moyen tiré d'une appréciation arbitraire des preuves, à invoquer
impérativement dans un recours de droit public, est alors recevable
(ATF 127
III 248 consid. 3a; 122 III 219 consid. 3c p. 223).

2.3 En l'espèce, le fardeau de la preuve d'un salaire fixé pour un
emploi
convenu à temps complet incombait à la seule défenderesse, en tant
que masse
en faillite de l'employé concerné. II ne s'agit en effet pas ici
d'examiner
des circonstances propres à démontrer l'extinction du droit au
salaire, mais
bien celles relatives à l'existence - et plus précisément à l'étendue
- de ce
droit. A cet égard, on peut relever que les variations chaque mois
dans les
heures accomplies pour l'employeur ne remettent pas en cause la
qualification
de travail à temps partiel (Pascale Byrne-Sutton, Le contrat de
travail à
temps partiel, thèse Genève 2001, p. 83).

En déclarant ne rien vouloir déduire de témoignages apparemment
contradictoires sur la question du taux d'activité du travailleur, la
cour
cantonale n'a donc pas violé la règle sur le fardeau de la preuve.
Quant à
l'appréciation qu'elle a fait des éléments en présence (activités
accessoires
avérées du travailleur; fiches de vacation faisant état d'un nombre
très
variable d'heures et expertise judiciaire), elle échappe à l'examen du
Tribunal fédéral en instance de réforme. Dans l'arrêt parallèle rendu
ce jour
sur le recours de droit public dirigé contre la décision de la
Chambre des
recours cantonale, la position de cette autorité, qui avait considéré
que
l'appréciation des premiers juges était exempte de tout arbitraire
sur ce
point, a du reste été confirmée par la Cour de céans.

2.4 Contrairement à ce que prétend la défenderesse, le salaire arrêté
par les
premiers juges doit être considéré comme un salaire brut, ce qui est
communément le cas (Wyler, Droit du travail, Berne 2002, p. 126).
Cette
conclusion se justifie d'autant plus que la défenderesse ne fait pas
valoir
des circonstances de fait exceptionnelles dans lesquelles le
travailleur
aurait été fondé à croire à l'existence d'un salaire net (cf.
Schönenberger/Staehelin, Commentaire zurichois, no 24 ad art. 322
CO). Le
résultat auquel est parvenue la cour cantonale ne viole donc pas le
droit
fédéral.

Par conséquent, tous les griefs soulevés par la défenderesse en
rapport avec
le montant de son salaire sont mal fondés.

3.
La défenderesse fait grief à la cour cantonale d'avoir écarté ses
prétentions
en paiement d'une indemnité forfaitaire de 2'000 fr. par mois: elle
aurait
méconnu la notion d'indemnité forfaitaire en exigeant du travailleur
qu'il
apporte la preuve de ses dépenses effectives et elle aurait comparé la
situation d'une autre employée au bénéfice d'une indemnité
forfaitaire de 300
fr., sans que l'état de fait ne permette de connaître l'activité
réelle de
cette employée.

Ces critiques générales, sans référence à une norme précise de droit
fédéral
susceptible d'avoir été violée, devraient entraîner l'irrecevabilité
du
recours sur ce grief (art. 55 al. 1 let. c OJ; cf. Hohl, Procédure
civile,
tome II, Berne 2002, no 3245). De surcroît, ce qui n'est pas non plus
envisageable dans un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ), ces
critiques
s'écartent de l'état de fait des premiers juges qui ont estimé que ni
le
principe ni le montant d'une indemnité forfaitaire pour frais ne
pouvaient
être tenus pour établis. Enfin, cette constatation de fait se trouve
en
parfait accord avec l'absence de force probante que la cour cantonale
a
accordée au plan de commissions dont la défenderesse se réclame à
tort.

Il en découle que, sur ce point également et dans la mesure de sa
recevabilité, le recours apparaît mal fondé.

4.
4.1La défenderesse reproche à la cour cantonale d'avoir considéré la
somme de
140'000 fr. remise à l'employé comme une avance sur salaire, plutôt
que comme
un bonus. Dans la mesure où la critique s'en prend à l'appréciation
des
preuves à disposition des premiers juges et consiste en
considérations de
nature essentiellement appellatoire, le recours est irrecevable (cf.
ATF 127
III 543 consid.2c p. 547).

Dans le jugement querellé, il a été procédé à une interprétation de la
convention du 28 décembre 1989. Une violation de l'art. 18 CO
susceptible de
constituer un grief recevable en réforme pourrait entrer en ligne de
compte.
Or, la défenderesse ne se hasarde pas à articuler une telle critique,
contrairement à ce que lui impose l'art. 55 al. 1 let. c OJ. Au
surplus, une
violation du droit fédéral en rapport avec cette interprétation ne
saute pas
aux yeux, de sorte que le Tribunal fédéral n'a pas à faire porter son
examen
sur cette question (Corboz, Le recours en réforme au Tribunal
fédéral, SJ
2000 II 1 ss, 59 note 469).

Le grief soulevé est donc mal fondé, à supposer qu'il puisse être
considéré
comme recevable.

4.2 La défenderesse invoque la nullité de la convention du 28
décembre 1989 :
celle-ci serait contraire à l'ordre public et immorale au sens de
l'art. 20
CO; lui reconnaître sa validité, comme l'ont fait les premiers juges,
violerait ainsi l'art. 27 al. 2 CC.

Selon la jurisprudence, l'objectif de protection de la liberté
personnelle
recherché par cette dernière disposition n'entraîne pas la nullité des
engagements excessifs - laquelle doit être constatée d'office - mais
confère
simplement à la partie liée de manière excessive le droit de refuser
l'exécution du contrat (ATF 129 III 209 consid. 2.2). En
l'occurrence, la
question de savoir si le travailleur s'est lié de manière excessive à
la
demanderesse en acceptant une avance de salaire correspondant à deux
ans
environ de travail peut rester indécise. D'une part, cet engagement
contractuel ne l'a pas empêché de rapidement résilier son contrat de
travail;
d'autre part, le droit qu'il aurait de refuser d'exécuter le contrat
conduirait à la même solution que celle retenue par la cour
cantonale, à
savoir la restitution de la somme de 140'000 fr., sous imputation des
montants dus à titre de salaire. Enfin, la défenderesse ne peut tirer
argument de l'art. 27 CC pour tenter de modifier la qualification
juridique
qu'a retenue la cour cantonale pour la somme de 140'000 fr. (cf. supra
consid. 4.1.).

Le grief soulevé est ainsi dénué de pertinence et, par voie de
conséquence,
infondé.

4.3 La défenderesse relève enfin que la convention du 28 décembre
1989 a été
signée par l'administrateur de la demanderesse et non par la société
elle-même; quant à la cession de créance subséquente, elle serait
nulle, car
il s'agirait d'un contrat avec soi-même, puisque l'administrateur a
signé cet
acte à la fois pour lui-même et pour le compte de la demanderesse.

Cette argumentation, même si elle n'a pas été soumise à la cour
cantonale,
est en principe recevable si elle repose sur le même état de faits
que celui
retenu dans la décision attaquée (ATF 125 III 305 consid. 2e p. 311
s.). A
cet égard, la violation éventuelle d'une norme de procédure cantonale
(cf.
art. 4 CPC vaud.) ne devrait pas empêcher l'application des normes de
droit
fédéral.

Selon les constatations de la cour cantonale, la cession de créance
litigieuse a été passée entre l'administrateur d'une part, et la
demanderesse, d'autre part. Cette formulation empêche de tenir pour
avéré que
l'administrateur en question aurait agi seul pour la demanderesse.
Dans la
mesure où la défenderesse ne se réclame pas de l'une des exceptions
prévues
par les art. 63 al. 2 ou 64 OJ sur ce point, le Tribunal fédéral ne
peut
s'écarter de l'état de fait souverainement constaté par les premiers
juges,
ce qui rend vaine l'argumentation de la défenderesse, exprimée pour la
première fois devant le Tribunal fédéral.

Au demeurant, l'interdiction de principe de conclure un contrat avec
soi-même
se fonde sur le risque de conflits d'intérêt et tend à éviter que le
représenté ne soit lésé (cf. ATF 127 III 332 consid. 2a; 126 III 361
consid.
3a). Or, en l'espèce, la cession est dans l'intérêt de la société et
les
circonstances permettent d'exclure d'emblée que l'administrateur ait
abusé de
son pouvoir de représentation pour conclure avec lui-même. En outre,
la
société a en quelque sorte ratifié cet accord en agissant contre son
ancien
employé. On ne voit donc pas ce qui justifierait de considérer le
contrat de
cession comme nul.

5.
5.1 La défenderesse a pris des conclusions subsidiaires tendant à ce
qu'elle
ne soit pas elle-même condamnée au paiement, mais à ce que la créance
de la
demanderesse contre A.________ soit portée à l'état de collocation de
la
masse en faillite à titre définitif.

Développée pour la première fois devant le Tribunal fédéral, cette
argumentation est recevable, car elle repose sur le même état de fait
que
celui retenu dans la décision attaquée (cf. supra consid. 4.3). II
est en
effet constant qu'à la suite de la faillite personnelle de l'ancien
employé
de la demanderesse en cours de procédure, la masse en faillite a
décidé de
continuer le procès intenté par la demanderesse, comme le lui permet
l'art.
63 al. 3 de l'Ordonnance du Tribunal fédéral du 13 juillet 1911 sur
l'administration des offices de faillite (RS 281.32; ci-après :
OAOF). Or,
cette disposition précise que, selon l'issue du litige, la créance
contestée
sera ou bien radiée ou bien colloquée définitivement. II s'agit dès
lors d'un
procès en collocation dont le jugement liera tous les créanciers et la
poursuite de l'instance déjà liée a pour but d'éviter la mise en
oeuvre d'un
(nouveau) procès en collocation devant le juge qui a prononcé la
faillite
(ATF 112 III 36 consid. 3a p. 39; 109 III 31 consid. 4 p. 35).

En condamnant directement la masse en faillite défenderesse, la
juridiction
inférieure a donc méconnu le droit fédéral que constitue l'art. 63
al. 3 OAOF
(cf. Corboz, op. cit., p. 31). Dans la mesure où l'état de fait dont
est
saisi le Tribunal fédéral est suffisant, il convient de réformer
l'arrêt
cantonal et de colloquer définitivement la créance de la demanderesse
contre
la défenderesse, en application de l'art. 63 al. 3 OAOF.

5.2 En revanche, il n'appartient pas au Tribunal fédéral de se
prononcer,
comme le voudrait la défenderesse dans ses conclusions, sur le sort
de la
cédule hypothécaire remise en garantie conformément à l'accord du 28
décembre
1989. Ce sera à l'administration de la faillite d'en tenir compte le
cas
échéant.

6.
La défenderesse se plaint encore de ce que les dépens mis à sa charge
seraient choquants, car exorbitants et bien supérieurs à ceux alloués
d'ordinaire. Cette question, dans la mesure où elle dépend de
l'application
du droit cantonal de procédure, échappe à la cognition du Tribunal
fédéral
saisi d'un recours en réforme (cf. Corboz, op. cit., p. 36). La
défenderesse
se garde d'ailleurs bien d'invoquer la violation d'une règle de droit
fédéral, de sorte que son recours sur ce chef doit être déclaré
irrecevable.

7.
En définitive, le recours est entièrement rejeté, sous réserve d'une
modification du dispositif liée à la faillite de l'ancien employé de
la
demanderesse. Cette réforme très partielle de la décision cantonale
ne change
rien aux prétentions de la demanderesse, de sorte qu'elle n'amène pas
le
Tribunal fédéral à modifier l'attribution des émoluments de justice
et des
dépens, qui seront mis à la charge de la défenderesse (art. 156 al. 1
et 159
al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis.

2.
Le point I du jugement attaqué est annulé et il est prononcé que la
créance
de la demanderesse, d'un montant de 123'498 fr. 60 avec intérêt à 5 %
l'an
dès le 1er juin 1990, est colloquée à titre définitif dans la masse en
faillite de A.________. Le jugement entrepris est confirmé pour le
surplus.

3.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de la
défenderesse.

4.
La défenderesse versera à la demanderesse une indemnité de 6'000 fr.
à titre
de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour
civile du
Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 20 juin 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.136/2002
Date de la décision : 20/06/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-06-20;4c.136.2002 ?
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