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19/06/2003 | SUISSE | N°1P.210/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 juin 2003, 1P.210/2003


{T 0/2}
1P.210/2003/mks

Arrêt du 19 juin 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, juge présidant,
Catenazzi et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

P. et R. A.________,
recourants, représentés par Me Alain Ribordy, avocat, rue
St-Pierre-Canisius
1, case postale 1304, 1701 Fribourg,

contre

la Société coopérative B.________,
intimée, représentée par Me Christophe Claude Maillard, avocat,
avenue de la
Gare 10, case postale 231, 1630 Bulle 1,
Commune de C.________, reprÃ

©sentée par le Conseil communal de la
Ville de
C.________,
Tribunal administratif du canton de Fribourg, IIème Cour
...

{T 0/2}
1P.210/2003/mks

Arrêt du 19 juin 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, juge présidant,
Catenazzi et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

P. et R. A.________,
recourants, représentés par Me Alain Ribordy, avocat, rue
St-Pierre-Canisius
1, case postale 1304, 1701 Fribourg,

contre

la Société coopérative B.________,
intimée, représentée par Me Christophe Claude Maillard, avocat,
avenue de la
Gare 10, case postale 231, 1630 Bulle 1,
Commune de C.________, représentée par le Conseil communal de la
Ville de
C.________,
Tribunal administratif du canton de Fribourg, IIème Cour
administrative,
route André-Piller 21, case postale, 1762 Givisiez.

évacuation pour cause d'insalubrité,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de
Fribourg du 25 février 2003.

Faits:

A.
En vertu d'un contrat de bail à loyer conclu le 28 février 1997, la
Société
coopérative B.________ (ci-après: la société coopérative) a confié
l'exploitation du centre équestre, dont elle est propriétaire à
C.________, à
P. et R. A.________, à partir du 1er janvier 1997 et pour une durée
ferme de
cinq ans, renouvelable d'année en année, sauf résiliation écrite six
mois
avant l'échéance. Les époux A.________ ont aménagé, dans les locaux de
l'ancienne boutique du manège, un logement, comportant une chambre à
coucher
et un grand séjour aménagé avec un hall d'entrée, qu'ils occupent
depuis le
mois de juillet 2000. Ils utilisent pour leur usage personnel la
cuisine de
la buvette du centre équestre et les sanitaires du bâtiment
principal, dans
lesquels ils ont installé une machine à laver le linge et un
sèche-linge.
Le 27 mars 2001, la propriétaire des lieux a signifié leur congé à ses
locataires, que ces derniers ont contesté avec succès devant la
Commission de
conciliation en matière de baux à loyer pour le sud du canton de
Fribourg.
Elle est intervenue le 11 avril 2001 auprès des époux A.________ afin
qu'ils
utilisent les locaux de l'ancienne boutique pour l'exploitation du
manège et
non comme appartement.
A la suite d'une inspection des lieux effectuée le 21 novembre 2001 à
la
requête de la société coopérative, le Service technique de la Ville de
C.________ a constaté que le logement réalisé dans l'ancienne
boutique du
manège ne disposait pas de cuisine, ni de salle de bains ou d'un
local de
douche, ni de toilettes, en contravention à l'art. 47 du règlement
d'exécution de la loi fribourgeoise sur l'aménagement du territoire
et les
constructions (RELATeC), et qu'il ne pouvait être considéré comme
habitable
durablement. Il a relevé en outre que des écuries avaient été
aménagées dans
un bâtiment autorisé comme hangar à fourrage et qu'un cabanon ainsi
qu'une
annexe au bâtiment principal, abritant des bureaux et des couverts,
avaient
été réalisés sans autorisation. Au terme d'une décision prise le 28
novembre
2001, le Conseil communal de la Ville de C.________ a imparti à la
propriétaire des lieux un délai au 31 décembre 2001 pour déposer un
dossier
complet en vue de suivre à la procédure de légalisation de tous ces
aménagements. Le 10 janvier 2002, la société coopérative a informé la
Commune
de C.________ qu'elle établirait des plans et déposerait une demande
d'autorisation de construire en ce qui concerne les écuries et le
cabanon,
mais qu'elle entendait renoncer à la réalisation d'un logement de
fonction
pour des questions financières.
Le 18 janvier 2002, la société coopérative a saisi le Tribunal des
baux de la
Gruyère d'une requête visant à faire constater que le bail la liant
aux époux
A.________ avait valablement pris fin le 31 décembre 2001 et à leur
ordonner
de quitter les locaux dans les trois mois dès l'entrée en vigueur du
jugement. Par demande du même jour, P. et R. A.________ ont ouvert
action en
constatation de droit, en exécution des travaux et en réduction du
loyer
contre la bailleresse devant le même tribunal, en concluant notamment
à ce
qu'ils puissent utiliser les locaux de l'ancienne boutique du manège
pour se
loger et à ce que la propriétaire des lieux soit astreinte
d'entreprendre les
démarches et les travaux permettant de délivrer un permis d'habiter.

B.
Par décision du 23 janvier 2002, le Conseil communal de la Ville de
C.________ a ordonné à la société coopérative de faire évacuer le
logement
jugé inhabitable. Il l'a enjointe de résilier le bail pour le plus
proche
terme légal, étant entendu qu'à défaut de bail, les locaux devraient
être
libérés dans les plus brefs délais, mais au plus tard le 31 mars 2002.
Statuant le 4 juin 2002 sur recours des époux A.________, le Préfet du
district de la Gruyère a confirmé l'ordre d'évacuation, après avoir
rejeté la
requête de suspension de la procédure jusqu'à droit connu sur leurs
conclusions civiles; il a fixé un nouveau délai au 31 juillet 2002
pour
libérer les locaux.
Au terme d'un arrêt rendu le 25 février 2003, la IIe Cour
administrative du
Tribunal administratif du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal
administratif ou la cour cantonale) a rejeté le recours formé contre
la
décision préfectorale par les époux A.________ et leur a imparti un
délai au
30 avril 2003 pour évacuer les lieux. Elle a estimé qu'il ne se
justifiait
pas de suspendre la procédure d'évacuation jusqu'à droit jugé sous
l'angle
civil, étant donné l'indépendance des deux procédures. Sur le fond,
elle a
admis que le logement litigieux, dépourvu de cuisine et
d'installations
sanitaires, était insalubre et qu'il ne pouvait être maintenu tel
quel au
bénéfice d'une dérogation au sens de l'art. 150 de la loi
fribourgeoise sur
l'aménagement du territoire et les constructions (LATeC). Elle a
considéré
que la décision d'évacuation était conforme aux principes de la
proportionnalité et de la bonne foi. Elle a alloué à la société
coopérative
une somme de 1'291.50 fr. à titre d'indemnité de partie, à la charge
solidaire des époux A.________.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, P. et R. A.________
demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Ils voient une
application
insoutenable de l'art. 42 al. 1 let. a du Code fribourgeois de
procédure et
de juridiction administrative (CPJA) dans le refus de suspendre la
procédure
administrative jusqu'à droit connu sur le litige de droit civil qui
les
divise d'avec l'intimée. Ils reprochent au Tribunal administratif
d'avoir
violé leur droit d'être entendus garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. et
appliqué
arbitrairement l'art. 78 al. 2 CPJA en statuant sur la possibilité
d'octroyer
une dérogation au lieu de renvoyer l'affaire au Préfet du district de
la
Gruyère pour qu'il se prononce sur cette question. Invoquant les art.
13 et
36 al. 3 Cst., ils prétendent que l'ordre d'évacuation serait
disproportionné
et porterait une atteinte inadmissible à leur droit au respect de la
vie
privée. L'octroi d'une indemnité de partie à l'intimée résulterait
d'une
application arbitraire de l'art. 137 CPJA.
Le Tribunal administratif propose de rejeter le recours, dans la
mesure où il
est recevable. La Société coopérative B.________ conclut également à
son
rejet et à l'allocation d'une indemnité de dépens de 4'000 francs. La
Commune
de C.________ n'a pas déposé d'observations.

D.
Par ordonnance du 30 mai 2003, le Président de la Ire Cour de droit
public a
suspendu le délai fixé au 30 avril 2003 pour évacuer les lieux
jusqu'à droit
connu sur le recours de droit public.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière
instance
cantonale, contre laquelle seule la voie du recours de droit public
est
ouverte en raison des griefs soulevés et qui touche les recourants
dans leurs
intérêts juridiquement protégés, le recours est recevable au regard
des art.
84 ss OJ.

2.
Les recourants voient, dans le refus du Tribunal administratif de
suspendre
la procédure d'évacuation jusqu'à droit connu sur le litige de droit
civil
qui les divise d'avec l'intimée, une application arbitraire de l'art.
42 al.
1 let. a CPJA, qui permet à l'autorité, pour de justes motifs, de
suspendre
une procédure, notamment lorsque la décision à prendre dépend de
l'issue
d'une autre procédure ou pourrait s'en trouver influencée d'une
manière
déterminante. Selon eux, cette condition serait réalisée en l'espèce,
car
l'ordre d'évacuation perdrait sa raison d'être si le juge civil
devait donner
suite à leurs conclusions tendant à ce qu'ils puissent utiliser les
locaux de
l'ancienne boutique du manège pour se loger et à ce que l'intimée soit
astreinte d'entreprendre les démarches et les travaux permettant de
délivrer
un permis d'habiter.
La reconnaissance d'une obligation d'aménager un logement de service
dans
l'ancienne boutique du manège à la charge de la société coopérative
serait,
le cas échéant, de nature à faire obstacle à un éventuel ordre de
remise en
état des lieux dans leur affectation initiale et à justifier une
suspension
de la procédure de rétablissement de l'état de droit prévue à l'art.
197
LATeC; elle ne permettrait en revanche pas de s'opposer à un ordre
d'évacuation fondé sur l'art. 194 al. 4 LATeC, qui répond à des motifs
d'intérêts publics prépondérants liés à la salubrité des
constructions et à
la protection de la santé de ses occupants. Aussi, l'autorité
cantonale
pouvait sans arbitraire admettre que l'issue de la procédure civile
ouverte
auprès du Tribunal des baux de la Gruyère n'était pas déterminante
pour
apprécier la nécessité d'évacuer sans tarder un logement pour cause
d'insalubrité et renoncer à suspendre la procédure de recours
pendante devant
elle jusqu'à droit jugé sous l'angle civil. A tout le moins, cette
décision
n'est pas insoutenable et résiste au grief d'arbitraire.

3.
Les recourants reprochent au Tribunal administratif d'avoir
outrepassé son
pouvoir d'examen en statuant lui-même sur la possibilité d'accorder
une
dérogation fondée sur l'art. 150 al. 1 LATeC, alors que cette
question relève
au premier chef de la compétence préfectorale. Selon eux, après avoir
constaté que le Préfet du district de la Gruyère avait admis à tort
qu'une
dérogation aux règles de salubrité n'était pas possible, la cour
cantonale
aurait dû annuler la décision attaquée devant elle et renvoyer
l'affaire au
préfet pour qu'il se prononce sur ce point. Ils dénoncent à ce propos
une
application arbitraire de l'art. 78 al. 2 CPJA, qui définit les cas
dans
lesquels le Tribunal administratif peut statuer en opportunité, et une
violation de leur droit d'être entendus garanti à l'art. 29 al. 2 Cst.
Selon l'art. 150 al. 1 LATeC, le Préfet ne peut accorder des
dérogations aux
prescriptions réglementaires de police des constructions que
lorsqu'elles
sont justifiées par des circonstances spéciales, qu'elles ne sont pas
contraires à l'intérêt public et qu'elles ne causent aucun préjudice
aux
tiers. L'octroi d'une dérogation ne relève par conséquent pas du
pouvoir
discrétionnaire de l'autorité préfectorale, mais il est soumis à des
conditions strictes, expressément définies par la loi. Le Préfet ne
statue
pas en opportunité lorsqu'il accorde une dérogation aux règles de
salubrité
en vertu de l'art. 150 al. 1 LATeC. Il en va de même du Tribunal
administratif appelé à vérifier sur recours l'application faite de
cette
disposition en première instance. Dans ces conditions, la cour
cantonale n'a
nullement violé l'art. 78 al. 2 CPJA en contrôlant si les conditions
posées à
l'octroi d'une dérogation au sens de l'art. 150 al. 1 LATeC étaient
réunies.
Il reste à examiner si en statuant elle-même sur la possibilité
d'octroyer
une dérogation en lieu et place du Préfet du district de la Gruyère,
elle a
contrevenu à la garantie du double degré de juridiction, que la
jurisprudence
rattache dans certain cas au droit d'être entendu (cf. arrêt du
Tribunal
fédéral des assurances I 431/02 du 8 novembre 2002, consid. 3.1 paru
à la SJ
2003 I p. 318).
Le traitement du contentieux administratif par deux instances
distinctes,
l'une statuant en première instance et l'autre sur recours, n'est pas
une
règle qui s'impose comme un principe général tiré du droit
constitutionnel
fédéral écrit ou non écrit. Il revient au législateur de déterminer
l'organisation de l'administration et, par conséquent, de définir
quels types
de décisions peuvent ou non faire l'objet d'un recours. Les règles
qu'il
institue à cet égard doivent être observées strictement par les
autorités
appelées à statuer sur les demandes qui leur sont adressées.
Lorsqu'il a
prévu que les litiges doivent être soumis à une autorité déterminée,
dont les
décisions peuvent être portées par voie de recours devant une autorité
supérieure, l'administré a le droit d'exiger que celle-ci ne se
prononce pas
sur le fond du litige lorsqu'il n'a pas été tranché par l'autorité
inférieure. Il peut exiger que le cours normal des instances, tel
qu'il a été
prévu par la loi, soit suivi. L'autorité supérieure n'est donc pas
habilitée
à se saisir d'un litige qui doit d'abord être tranché par une autorité
inférieure, à moins que la loi ne le lui permette expressément (ATF
99 Ia 317
consid. 4a p. 322; arrêt P.157/1981 du 30 septembre 1981, consid. 2a
paru à
la RDAF 1983 p. 185; arrêt 5P.65/1991 du 25 juin 1991, consid. 4b
reproduit à
la SJ 1991 p. 611).
L'art. 98 al. 2 CPJA prévoit qu'en cas
d'annulation, l'autorité statue
elle-même sur l'affaire ou la renvoie à l'autorité inférieure, s'il y
a lieu
avec des instructions. Cette disposition ne précise pas les cas dans
lesquels
la juridiction administrative doit renvoyer la cause à l'autorité qui
a
statué. Il n'est donc pas insoutenable d'admettre qu'il appartient à
l'autorité de recours de déterminer dans chaque cas si un tel renvoi
s'impose
ou si elle peut statuer directement. Elle ne peut toutefois adopter
cette
dernière solution que si le dossier et l'instruction lui permettent
d'élucider les faits aussi bien qu'aurait pu le faire l'autorité de
première
instance (cf. arrêt P.157/1981 précité du 30 septembre 1981, consid.
2b
publié à la RDAF 1983 p. 186; voir aussi, Jacques Ducarroz, La
nouvelle
juridiction administrative fribourgeoise, RFJ 1992 p. 165; Benoît
Bovay,
Procédure administrative, Berne 2000, p. 433/434). Constatant que le
Préfet
du district de la Gruyère ne s'était pas prononcé sur l'octroi d'une
dérogation fondée sur l'art. 150 al.1 LATeC, en croyant à tort une
telle
éventualité exclue, le Tribunal administratif avait le choix
d'annuler la
décision attaquée pour ce motif ou de statuer, s'il s'estimait
suffisamment
renseigné pour ce faire. Il n'a pas versé dans l'arbitraire en
estimant être
en mesure de trancher en pleine connaissance de cause, sur la base du
dossier
et de l'inspection locale qu'il a mise en oeuvre; il était par
ailleurs
compétent pour examiner cette question, dans la mesure où elle ne
relève pas
de l'opportunité, mais de la légalité, et disposait d'un pouvoir de
cognition
en fait et en droit aussi étendu que l'autorité préfectorale.
Dans ces conditions, la décision du Tribunal administratif de statuer
lui-même sur la possibilité d'octroyer une dérogation, au lieu de
renvoyer au
Préfet du district de la Gruyère pour qu'il se prononce à ce sujet,
n'est pas
incompatible avec l'art. 29 al. 2 Cst.

4.
Les recourants tiennent l'ordre d'évacuation qui leur a été signifié
pour
disproportionné et constitutif d'une ingérence inadmissible dans leur
vie
privée sous prétexte que l'objet de cette mesure constitue leur seul
et
unique logement et qu'il ne présente aucun danger pour leur santé
propre à
justifier une évacuation d'urgence. Ils dénoncent à cet égard une
violation
des art. 13 et 36 al. 3 Cst.
L'ordre donné aux recourants d'évacuer leur logement pour des motifs
d'insalubrité est de nature à porter atteinte à leur sphère privée,
voire à
la garantie de la propriété, dont ils peuvent également se prévaloir
en tant
que locataires dans la mesure où cette décision les touche dans la
jouissance
qu'ils exercent sur l'ancienne boutique du manège en vertu du contrat
de bail
conclu avec l'intimée (cf. ATF 120 Ia 120 consid. 1b p. 121; 106 Ia
409
consid. 3 p. 411; 105 Ia 43 consid. 1c p. 46). Pour être autorisée,
une telle
mesure doit reposer sur une base légale suffisante, répondre à un
intérêt
public prépondérant et ne pas aller au-delà de ce qu'exige la
sauvegarde de
l'intérêt public considéré (cf. art. 36 al. 1, 2 et 3 Cst.; ATF 126 I
50
consid. 5a p. 61; 117 Ia 341 consid. 4 p. 345). Ces conditions sont
manifestement respectées dans le cas particulier. La mesure contestée
repose
sur une base légale suffisante (art. 194 al. 4 LATeC); elle est
justifiée par
l'intérêt public supérieur lié à la salubrité des constructions; elle
ne
comporte enfin aucun caractère disproportionné au regard des intérêts
en jeu.
Les recourants admettent que le logement aménagé dans l'ancienne
boutique du
manège ne répond pas aux conditions de salubrité posées par la
réglementation
cantonale et qu'il ne saurait être tenu pour habitable, en tant qu'il
n'est
pas raccordé au réseau d'eau et qu'il ne dispose ni de cuisine, ni
d'installations sanitaires appropriées, conformément aux art. 158 al.
3 LATeC
et 47 al. 1 RELATeC. L'existence de sanitaires et d'une cuisine dans
un autre
bâtiment à proximité immédiate de leur logement ne permet pas de
tenir ces
exigences pour satisfaites. En effet, selon les constatations de fait
non
contestées retenues dans l'arrêt attaqué, les recourants doivent
traverser
une cour pour y accéder; de même, s'ils peuvent utiliser l'eau de la
grange
attenante au logement, ils doivent passer par l'extérieur pour s'y
rendre, en
l'absence de communication interne. Comme le relève le Tribunal
administratif, cette situation n'est pas conforme au standard minimum
imposé
à tout logement en matière d'hygiène. De ce point de vue, on ne
saurait dire
que la situation existante ne présenterait aucune urgence propre à
justifier
une évacuation immédiate.
Les recourants prétendent qu'en attendant l'issue de la procédure
civile, il
suffirait d'installer sommairement une douche au fond de la grange
attenant à
leur logement, tout en continuant à utiliser les sanitaires et la
cuisine
situées dans le bâtiment principal. Le Tribunal administratif a
écarté cette
proposition, même à titre temporaire, car l'usage de cette douche
supposerait
de sortir du local litigieux et de passer par l'extérieur; elle ne
pourrait
être imposée à la propriétaire des lieux sans son consentement. Les
recourants ne critiquent nullement cette motivation, qui est
pertinente.
Certes, sous l'angle de la proportionnalité, la question pourrait
peut-être
se présenter sous un jour différent si, dans un avenir rapproché, la
création
d'un logement de service devait être reconnue comme une obligation
contractuelle de la bailleresse à l'égard de ses locataires. Tel n'est
cependant pas le cas en l'espèce. Les parties sont en litige à ce
sujet
devant le Tribunal des baux de la Gruyère depuis le 18 janvier 2002
et rien
n'indique que la cause sera tranchée prochainement ni, de surcroît,
en faveur
des recourants. Enfin, supposée nécessaire, la présence sur place des
époux
A.________ pour des raisons de sécurité ne saurait justifier la
réalisation
d'un logement ne répondant pas aux prescriptions réglementaires de
salubrité.
Le recours se révèle ainsi mal fondé en tant qu'il porte sur l'ordre
d'évacuation en tant que tel.

5.
Les recourants reprochent enfin à la cour cantonale de les avoir
astreints à
verser une indemnité de partie à la société coopérative, tout en ayant
dénoncé auparavant le fait que cette dernière avait "instrumentalisé"
les
autorités administratives dans le litige civil qui les divise. Ils
dénoncent
à ce propos une application arbitraire de l'art. 137 CPJA.
Dans la mesure où ils critiquent le principe même de l'obligation de
payer
une indemnité de partie à l'intimée, la voie de la réclamation à
l'autorité
qui a statué, prévue à l'art. 148 al. 1 CPJA, n'est pas ouverte (cf.
Christian Pfammatter, L'indemnité de partie devant le Tribunal
administratif
fribourgeois, RFJ 1993 p. 133/134). Le grief tiré d'une application
arbitraire de l'art. 137 al. 1 CPJA est donc recevable sous l'angle
de l'art.
86 al. 1 OJ (cf. ATF 126 I 257 consid. 1a p. 258 et la jurisprudence
citée;
arrêt 1P.48/2001 du 10 avril 2001, consid. 5). Il est en revanche mal
fondé.
On ne se trouve en effet manifestement pas dans l'hypothèse visée par
le
législateur où l'indemnité de partie pourrait être supprimée ou
diminuée en
raison du comportement de la partie qui obtient gain de cause, en
application
de l'art. 138 al. 1 CPJA (cf. Christian Pfammatter, op. cit., p.
130/131;
Denis Loertscher, La nouvelle procédure administrative fribourgeoise,
RFJ
1992 p. 130).

6.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Le délai imparti aux
recourants
par l'arrêt attaqué pour procéder à l'évacuation des lieux étant
échu, il y a
lieu de leur fixer un nouveau délai de trois mois dès la notification
du
présent arrêt pour s'exécuter.

Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire doit être
mis à
la charge des recourants, qui succombent. Ces derniers verseront en
outre une
indemnité de dépens à la Société coopérative B.________, qui obtient
gain de
cause avec l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un délai de trois mois dès la notification du présent arrêt est
imparti aux
recourants pour évacuer les lieux.

3.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des
recourants.

4.
Une indemnité de 2'500 fr. est allouée à la Société coopérative
B.________ à
titre de dépens, à la charge des recourants, solidairement entre eux.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
à la
Commune de C.________ et au Tribunal administratif du canton de
Fribourg.

Lausanne, le 19 juin 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Juge présidant: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.210/2003
Date de la décision : 19/06/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-06-19;1p.210.2003 ?
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