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17/06/2003 | SUISSE | N°6S.143/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 juin 2003, 6S.143/2003


{T 0/2}
6S.143/2003 /pai

Arrêt du 17 juin 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Kolly, Karlen.
Greffier: Denys.

X. ________,
recourant, représenté par Me Michel Dupuis, avocat, case postale
3860, 1002
Lausanne,

contre

Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne.

Viol,

pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois, Cour
de
cassation pénale, du 29 août 2002.

Fai

ts:

A.
Par jugement du 13 mars 2002, le Tribunal correctionnel de
l'arrondissement
de Lausanne a condamné X.________, pour vi...

{T 0/2}
6S.143/2003 /pai

Arrêt du 17 juin 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Kolly, Karlen.
Greffier: Denys.

X. ________,
recourant, représenté par Me Michel Dupuis, avocat, case postale
3860, 1002
Lausanne,

contre

Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne.

Viol,

pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois, Cour
de
cassation pénale, du 29 août 2002.

Faits:

A.
Par jugement du 13 mars 2002, le Tribunal correctionnel de
l'arrondissement
de Lausanne a condamné X.________, pour viol, à un an de réclusion
avec
sursis durant deux ans. Il en ressort notamment ce qui suit :

Né en 1955, X.________, inspecteur de la police de sûreté vaudoise, a
entretenu depuis 1997 une liaison avec A.________, qui exploitait un
salon de
massage. Dès 1998, ils ont fait ménage commun. Le 16 septembre 2000,
après
que le couple eut connu de brèves séparations, puis des
réconciliations,
A.________ a quitté le domicile commun. Ce nonobstant, le couple a
continué à
avoir des contacts téléphoniques journaliers.

Le 26 septembre 2000, le couple s'est vu à plusieurs reprises. En
soirée,
après un repas en commun, ils ont eu une longue discussion au salon
de
massage à propos de leur relation; X.________ a fait comprendre à
A.________
qu'il souhaitait reprendre la vie commune. Vers 21 h 45, il a quitté
les
lieux pour revenir trente minutes plus tard. Comme A.________ avait
consommé
de l'alcool, elle a décidé de dormir sur place. Elle a accepté que
X.________
reste à ses côtés, ce dernier comprenant qu'elle ne voulait pas faire
l'amour
avec lui. Il s'est toutefois dévêtu et s'est couché sur elle en lui
maintenant fermement les deux poignets. Elle a réussi à se dégager et
il l'a
alors frappée au visage en lui disant d'arrêter son cinéma. Elle
s'est mise à
pleurer et à crier. Il l'a giflée sur les deux joues. Il l'a pénétrée
en lui
disant qu'il voulait jouir. Elle s'est alors laissé faire en lui
disant
"vas-y". Il a ensuite rapidement quitté les lieux.

A 1 h 18, A.________ a appelé la police et a expliqué en pleurs
qu'elle était
mal car elle venait d'être violée par son compagnon qui était
inspecteur de
police. Elle a refusé de donner son nom et a demandé à parler
personnellement
à l'inspecteur B.________, qui était le meilleur ami de X.________.
Dans les
semaines qui ont suivi, X.________ et A.________ se sont réconciliés
et ont
repris le ménage commun. Leur liaison s'est poursuivie jusqu'à ce
jour,
entrecoupée de disputes et de réconciliations.

Le tribunal a fondé sa conviction sur les déclarations téléphoniques
enregistrées de A.________ à la police, ainsi que sur ses
déclarations lors
de l'enquête, confortées par celles faites aux médecins de l'Institut
universitaire de médecine légale. Il a relevé que les déclarations en
question étaient non seulement constantes, A.________ ayant à
plusieurs
reprises dit clairement avoir subi un viol et n'avoir pas accepté
cette
relation sexuelle, mais également convaincantes, car elle s'était
souciée de
X.________ à chaque audition, culpabilisant de lui porter préjudice
pour sa
carrière. Le tribunal a également observé que les constats médicaux
après les
faits révélaient des marques physiques qui correspondaient aux
déclarations
de A.________. Le tribunal a écarté les rétractations de cette
dernière aux
débats. Il les a jugées non probantes en elles-mêmes et par le ton
avec
lequel elles avaient été prononcées. Il a également exposé que ces
rétractions n'étaient que l'aboutissement d'un processus de
culpabilisation
et qu'elles pouvaient se comprendre par le fait que A.________ vivait
de
nouveau avec X.________.

B.
Par arrêt du 29 août 2002, dont les considérants écrits ont été
envoyés aux
parties le 20 mars 2003, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal
vaudois a rejeté le recours de X.________ et a confirmé le jugement de
première instance.

C.
X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cet
arrêt. Il
conclut à son annulation.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le pourvoi en nullité ne peut être formé que pour violation du droit
fédéral,
à l'exclusion de la violation de droits constitutionnels (art. 269
PPF).

Le pourvoi n'est pas ouvert pour se plaindre de l'appréciation des
preuves et
des constatations de fait qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a
p. 83).
Sous réserve de la rectification d'une inadvertance manifeste, le
Tribunal
fédéral est lié par les constatations de fait de l'autorité cantonale
(art.
277bis al. 1 PPF). Il ne peut être présenté de griefs contre
celles-ci, ni de
faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 273 al. 1 let. b PPF). Le
raisonnement juridique doit être mené sur la base des faits retenus
dans la
décision attaquée, dont le recourant est irrecevable à s'écarter (ATF
126 IV
65 consid. 1 p. 66/67).

2.
Le recourant conteste la qualification de viol.

2.1 Se rend coupable de viol celui qui, notamment en usant de menace
ou de
violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique
ou en la
mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe
féminin
à subir l'acte sexuel (art. 190 al. 1 CP). Il y a contrainte au sens
de cette
disposition lorsque la victime n'est pas consentante, que l'auteur le
sait ou
accepte cette éventualité et qu'il passe outre en profitant de la
situation
ou en employant un moyen efficace. En particulier, l'auteur use de
violence
lorsqu'il emploie volontairement la force physique sur la personne de
la
victime afin de la faire céder (ATF 122 IV 97 consid. 2b p. 100).

2.2 Dans la mesure où le recourant revient sur l'appréciation des
preuves et
affirme que A.________ a consenti à l'acte ou qu'il a pu interpréter
son
attitude comme un accord, il s'écarte des constatations de fait, ce
qu'il
n'est pas habilité à faire dans un pourvoi (cf. supra, consid. 1).

Selon les constatations cantonales, qui lient le Tribunal fédéral,
A.________ a fait comprendre au recourant qu'elle ne voulait pas
entretenir
de relations sexuelles, ce que celui-ci a saisi; il s'est toutefois
couché
sur elle et lui a maintenu fermement les mains; après qu'elle eut
réussi à se
dégager, il lui a donné un coup au visage en lui disant d'arrêter son
cinéma,
ce qui a fait crier et pleurer cette dernière; puis il l'a giflée sur
les
deux joues; ensuite il l'a pénétrée en disant qu'il voulait jouir;
A.________
s'est laissé faire en lui disant "vas-y". La Cour de cassation
vaudoise a
relevé que le seul élément factuel qui n'était pas clairement établi
était le
moment exact où A.________ avait dit "vas-y", juste avant ou juste
après la
pénétration. Elle a jugé que cela importait peu pour la qualification
juridique du viol, car c'est en raison des violences subies que
celle-ci
avait cédé, sans qu'on puisse en déduire qu'elle ait donné à un
certain
moment un consentement de plein gré. Elle a ajouté qu'on ne pouvait
pas
concevoir un tel consentement dès lors qu'immédiatement après les
faits,
A.________ avait appelé la police pour signaler ce qui venait de se
passer,
que ce téléphone s'interprétait comme un "appel au secours", ce que
confirmait l'acceptation de A.________ à propos de l'envoi d'une
patrouille
(cf. arrêt attaqué, p. 17).
La qualification de viol retenue ne prête pas le flanc à la critique.
Le
recourant savait que la victime ne souhaitait pas entretenir de
relations
sexuelles. Ce nonobstant, il s'est couché sur elle et a tenté de lui
maîtriser les mains; il l'a frappée au visage, la faisant crier et
pleurer;
il l'a encore giflée. Il apparaît donc que le recourant a agi contre
la
volonté de la victime, y restant insensible, qu'il s'est délibérément
servi
de sa force physique et qu'il a poursuivi ses actes de violence en
dépit des
pleurs de cette dernière. En usant de manière répétée de sa force, le
recourant s'est montré déterminé. La violence qu'il a exercée était
suffisamment efficace pour faire céder sa victime. Comme l'a indiqué
la Cour
de cassation vaudoise, il importe peu de savoir à quel moment la
victime lui
a dit "vas-y", sa résistance ayant dans tous les cas déjà été brisée
par la
brutalité du recourant. C'est donc par la contrainte que le recourant
a
commis l'acte sexuel. Dans la mesure où son grief est recevable, il
est
infondé.

3.
Le recourant se plaint d'une violation des art. 11 et 13 CP,
considérant que
la Cour de cassation vaudoise aurait dû douter de son état mental. Il
se
prévaut de la déclaration de l'inspecteur B.________, lequel avait
songé
durant le week-end avant les faits à proposer un internement
psychiatrique au
recourant, qui était en dépression et en arrêt de travail depuis
quelques
semaines.
En vertu de l'art. 13 CP, le juge doit ordonner une expertise non
seulement
lorsqu'il éprouve effectivement des doutes quant à la responsabilité
de
l'inculpé, mais aussi lorsque d'après les circonstances du cas
particulier,
il aurait dû en éprouver, c'est-à-dire lorsqu'il se trouve en présence
d'indices sérieux propres à faire douter de la responsabilité pleine
et
entière de l'inculpé (ATF 119 IV 120 consid. 2a p. 123; 118 IV 6
consid. 2 p.
7; 116 IV 273 consid. 4a). La jurisprudence a cependant souligné que
la
notion d'être humain normal ne doit pas être interprétée de manière
trop
étroite, de sorte qu'on ne doit pas admettre une capacité délictuelle
diminuée en présence de toute insuffisance du développement mental,
mais
seulement lorsque l'accusé se situe nettement en dehors des normes et
que sa
constitution mentale se distingue de façon essentielle, non seulement
de
celle des personnes normales mais aussi de celle des délinquants
comparables
(ATF 116 IV 273 consid. 4b p. 276).

A l'égard du grief identique soulevé devant la Cour de cassation
vaudoise,
celle-ci a nié l'existence d'un doute sur l'état mental du recourant.
Elle a
exposé en substance ce qui suit: certes, le recourant a mal vécu sa
séparation d'avec A.________; il était en congé maladie durant les
trois
semaines avant les faits en raison d'un état dépressif résultant de la
séparation; on ne peut déduire du simple fait qu'une personne vit mal
une
séparation que sa responsabilité pénale est douteuse; cela se peut
d'autant
moins que le médecin qui l'a régulièrement suivi pour cette dépression
passagère a décrit le recourant comme allant très bien le jour des
faits; le
recourant, assisté d'un avocat, n'a d'ailleurs jamais requis
d'instruction
sur son état mental avant la procédure de recours et a même déclaré
durant
l'enquête que le jour des faits il était parfaitement lucide et
conscient;
l'appréciation de l'inspecteur B.________ sur l'état de santé du
recourant
est dépourvue de portée, car elle émane d'une personne sans
qualification
médicale et est contredite par le diagnostic du médecin traitant du
recourant.

Les explications précitées sont adéquates. En rapport avec ce qui
s'est passé
avant, pendant et après les faits, l'arrêt attaqué ne recèle aucune
circonstance particulière qui pourrait susciter un doute sérieux sur
la
responsabilité pénale du recourant. En soi, une dépression passagère
liée à
une rupture sentimentale ne doit pas nécessairement conduire le juge à
éprouver un doute. Un tel doute pouvait en l'espèce d'emblée être
exclu dès
lors que le médecin qui suivait le recourant pour sa dépression a
attesté que
celui-ci se portait bien le jour des faits. Le recourant a par
ailleurs
lui-même déclaré qu'il était lucide et conscient. Dans ce contexte,
l'appréciation de l'inspecteur B.________ ne constituait pas un
élément
suffisant pour susciter un doute. Le grief est infondé.

4.
Le recourant invoque une violation de l'art. 64 al. 5 CP. Cette
disposition
permet une atténuation de la peine lorsque l'auteur a été induit en
tentation
grave par la conduite de la victime.

En l'espèce, la victime, en jupe et en soutien-gorge, a autorisé le
recourant
à se coucher à ses côtés en lui faisant clairement savoir qu'elle ne
souhaitait pas entretenir de relations sexuelles, ce qu'il a compris
(cf.
arrêt attaqué, p. 23). Sur cette base, il est exclu d'envisager une
grave
tentation de la victime en tant qu'excuse au comportement du
recourant. Dans
la mesure où le recourant s'écarte des faits retenus, son
argumentation est
irrecevable dans un pourvoi.

5.
Les frais de la cause sont mis à la charge du recourant, qui succombe
(art.
278 al. 1 PPF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 francs est mis à la charge du
recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois,
Cour de
cassation pénale.

Lausanne, le 17 juin 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.143/2003
Date de la décision : 17/06/2003
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-06-17;6s.143.2003 ?
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