{T 1/2}
2A.520/2002/sch
Arrêt du 17 juin 2003
IIe Cour de droit public
MM. les Juges Wurzburger, Président, Hungerbühler, Müller, Merkli et
Seiler,
Juge suppléant.
Greffier: M. Langone.
la société Entreprises Electriques Fribourgeoises (EEF), boulevard de
Pérolles 25, 1700 Fribourg,
recourante, représentée par Maîtres Dominique Dreyer
et Markus Jungo, avocats, boulevard de Pérolles 7,
1700 Fribourg,
contre
Watt Suisse AG, 6032 Emmen, représentée par Me Marc Bernheim, avocat,
Etude
Staiger, Schwald et Roesle, Genferstrasse 24, 8002 Zurich,
Fédération des Coopératives Migros,
8000 Zurich, représentée par Me Ralph Schmid, avocat, Dufourstrasse
29, Case
postale 1372, 8032 Zurich,
Commission de la concurrence,
Monbijoustrasse 43, 3003 Berne,
intimés,
Commission de recours pour les questions de concurrence, 3202
Frauenkappelen.
restrictions illicites à la concurrence,
recours de droit administratif contre la décision de la Commission de
recours
pour les questions de concurrence du 17 septembre 2002.
Faits:
A.
La société Entreprises électriques fribourgeoises (ci-après: EEF)
était,
selon l'art. 1er de l'ancienne loi fribourgeoise du 18 septembre 1998
sur les
Entreprises électriques fribourgeoises (LEEF ou loi de 1998 sur les
EEF; en
vigueur du 1er avril 1999 au 31 janvier 2001), un établissement de
droit
public distinct de l'Etat, ayant qualité de personne morale. Par la
loi du 19
octobre 2000 sur le statut des Entreprises électriques fribourgeoises
et de
leur Caisse de pensions (LSEEF ou loi de 2000 sur le statut des EEF;
acceptée
en votation populaire le 10 juin 2001 et entrée en vigueur le 1er
janvier
2002), la société EEF a été transformée en société anonyme selon les
art. 620
ss CO. Elle produit de l'électricité et exploite un réseau électrique
dans le
canton de Fribourg.
B.
La Fédération des Coopératives Migros (ci-après: Migros) possède des
filiales
dans le canton de Fribourg, notamment Estavayer Lait SA (ci-après:
ELSA) à
Estavayer-le-Lac et Micarna SA (ci-après: Micarna) à Courtepin. Ces
deux
sociétés sont approvisionnées en énergie électrique par EEF. En 1999,
Migros
a conclu (notamment pour ses sites de production sis dans le canton de
Fribourg) un contrat de fourniture en énergie électrique avec Watt
Suisse AG
(ci-après: Watt). Les sociétés ELSA et Micarna ont résilié les
contrats de
livraison d'énergie qui les liaient à la société EEF d'une part et
demandé
d'autre part à cette dernière de faire transiter le courant
électrique acheté
à Watt par le réseau exploité par EEF. Celle-ci a toutefois rejeté
cette
dernière requête jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi
fédérale sur
le marché de l'électricité.
Le 14 février 2000, Watt et Migros ont requis du secrétariat de la
Commission
de la concurrence d'ouvrir une enquête préalable et une enquête au
sens des
art. 26 et 27 LCart (RS 251) notamment à l'encontre de la société
EEF. Migros
a en outre demandé que EEF soit obligée de mettre son réseau
électrique à la
disposition du fournisseur d'énergie qui entend approvisionner en
électricité
les sites de production de Migros, soit ELSA, respectivement Micarna,
moyennant une taxe d'utilisation du réseau de 31 fr. 60,
respectivement 32
fr. 30 par MWh. Cette requête était motivée par le fait que EEF
refusait de
faire transiter sur son réseau l'énergie fournie par Watt, ce qui
constituerait une pratique illicite de la part d'une entreprise ayant
une
position dominante au sens de l'art. 7 LCart. De plus, il
n'existerait pas,
dans ce secteur, un régime de marché de caractère étatique excluant,
selon
l'art. 3 al. 1 LCart, toute application de la loi sur les cartels. Des
requêtes analogues ont été déposées à l'encontre d'Elektra Baselland
(EBL) et
du Service intercommunal de l'électricité SA (SIE).
Le secrétariat de la Commission de la concurrence a ouvert une enquête
préliminaire (art. 26 LCart) et a donné l'occasion aux parties
concernées de
se déterminer. Par courrier du 10 avril 2000, EEF a soutenu que le
législateur fribourgeois a établi un régime de marché particulier
pour la
distribution de l'électricité, ce qui excluait l'application de la
loi sur
les cartels, conformément à l'art. 3 al. 1 LCart. De plus, l'art. 7
LCart ne
serait pas violé.
Les conclusions du rapport ayant été rendues le 9 juin 2000 à l'issue
de
l'enquête préliminaire (Droit et politique de la concurrence [DPC]
2000 p.
153 ss), le secrétariat de la Commission de la concurrence a ouvert
une
enquête d'entente avec un membre de la présidence de la commission
(art. 27
LCart). Le 15 décembre 2000, le secrétariat précité a envoyé un
projet de
décision aux participants à l'enquête, conformément à l'art. 30 al. 2
LCart.
Il était prévu de constater que la société EEF occupait une position
dominante dans sa zone de distribution au sens de l'art. 4 al. 2
LCart et
qu'elle violait l'art. 7 LCart en refusant de faire transiter
l'électricité
de Watt sur son réseau.
Par courrier du 22 février 2001, EEF a requis:
"- que les enquêtes à l'encontre des EEF, de EBL et de SIE soient
jointes,
- qu'une décision au sens de l'art. 9 al. 1 PA soit rendue sur la
compétence de la Commission de la concurrence, respectivement de son
secrétariat, pour mener l'enquête en cours selon les art. 26 ss
LCart,
- que la Commission de la concurrence communique aux EEF une copie de
l'arrêt du Tribunal fédéral du 5 février 2001 dans l'affaire ISM/SMA
(2A.430/ 2000) dès que celui-ci aura été notifié par le TF et qu'un
délai de 10 jours soit alors imparti aux EEF pour compléter leur
argumentation sur la question incidente de la compétence,
- que la procédure de l'enquête soit suspendue jusqu'à ce qu'une
décision définitive et exécutoire soit rendue sur la compétence,
- qu'un nouveau délai soit imparti aux EEF pour déposer leur
détermination sur la suite de la procédure au fond, le cas échéant,
lorsque
la décision définitive et exécutoire sur la compétence aura été
rendue."
La société EEF faisait valoir que, vu la réglementation cantonale
excluant le
marché en cause de la concurrence conformément à l'art. 3 al. 1
LCart, la
Commission de la concurrence ne serait pas compétente pour se
prononcer. EEF
disposerait d'un monopole institué par la loi pour
l'approvisionnement de
l'électricité. Le transport de l'électricité sur les réseaux serait
réglé de
manière exhaustive par les art. 43 et 44 de la loi fédérale du 24
juin 1902
concernant les installations électriques à faible et à fort courant
(LIE; RS
734.0) ou par la loi sur le marché de l'électricité, de sorte que la
Commission de la concurrence ne serait pas compétente. EEF a en outre
requis
des mesures d'instruction complémentaires en ce qui concerne
l'interprétation
du droit cantonal, fédéral et européen.
C.
Par décision du 5 mars 2001 (DPC 2001 p. 255), la Commission de la
concurrence a rejeté l'ensemble des conclusions de EEF du 22 février
2001
(ch. 215/1) et constaté que EEF jouissait d'une position dominante au
sens de
l'art. 4 al. 2 LCart sur les marchés de la distribution régionale et
supra-régionale et de la fourniture du courant électrique dans sa
zone de
distribution (ch. 215/2). Elle a encore constaté que, en ayant refusé
de
faire transiter l'électricité de Watt sur son réseau pour
l'approvisionnement
des sites d'ELSA à Estavayer-le-Lac et de Micarna à Courtepin à
partir du 1er
janvier 2000, la société EEF avait abusé et continuait d'abuser de sa
position dominante au sens de l'art. 7 LCart (ch. 215/3).
La Commission de la concurrence a considéré qu'une jonction des
causes ne se
justifiait pas, puisque les trois entreprises EEF, EBL et SIE étaient
actives
dans trois cantons différents, ainsi que sur trois marchés de
référence
différents et pouvaient avoir des raisons différentes justifiant leur
comportement. Une décision incidente sur la compétence de la
Commission de la
concurrence ne se justifiait plus au stade final de l'enquête, à la
veille de
la décision finale. La compétence de la Commission de la concurrence
pour
prendre sa décision résultait de l'art. 18 al. 3 LCart et n'était pas
non
plus restreinte par les art. 43 et 44 LIE. Cette compétence ne serait
transférée à la Commission fédérale d'arbitrage prévue dans la loi
sur le
marché de l'électricité du 20 décembre 2000 qu'à partir de son entrée
en
vigueur. La société EEF avait une position dominante au sens de
l'art. 4 al.
2 LCart. Au niveau fédéral, ni la la loi fédérale sur les
installations
électriques, ni la loi fédérale du 26 juin 1998 sur l'énergie (LEne
ou loi
fédérale sur l'énergie; RS 730.0) n'excluaient le marché en cause de
la
concurrence au sens de l'art. 3 al. 1 LCart et la loi sur le marché de
l'électricité n'était pas encore entrée en vigueur. Au niveau
cantonal, si la
loi de 1998 sur les EEF prévoyait une obligation d'approvisionnement
pour
EEF, elle ne constituait cependant pas une base légale suffisante
pour fonder
un monopole pour la fourniture d'électricité. Un monopole de fait ne
pouvait
pas constituer une prescription réservée au sens de l'art. 3 al. 1
LCart. Il
y avait comportement illicite au sens de l'art. 7 LCart lorsqu'une
entreprise
ayant une position dominante refusait, sans raisons objectives, de
donner
accès, contre une rémunération adéquate, à ses réseaux ou à d'autres
infrastructures à une autre entreprise. Il n'existait pas non plus de
motif
justificatif à ce refus.
D.
La société EEF a recouru le 7 mai 2001 contre cette décision auprès
de la
Commission de recours pour les questions de concurrence (ci- après: la
Commission de recours), en concluant principalement à ce que la
décision de
la Commission de la concurrence soit annulée et que la cause soit
renvoyée à
cette autorité afin qu'elle prenne une décision incidente sur sa
compétence.
Subsidiairement, EEF demandait que la décision attaquée soit annulée
et qu'il
soit constaté que la Commission de la concurrence n'était pas
habilitée, en
vertu de l'art. 3 LCart, à prendre une décision au sens de l'art. 30
LCart.
Plus subsidiairement, EEF concluait à l'annulation de la décision et
au
renvoi de l'affaire à l'autorité inférieure afin que celle-ci lui
octroie un
nouveau délai pour s'exprimer sur le fond et qu'il soit constaté que
la
société EEF ne violait pas l'art. 7 LCart.
La Commission de recours a ordonné un échange d'écritures et a tenu
une
audience le 3 septembre 2002. EEF a présenté une demande de suspension
motivée par l'imminence de la votation populaire fédérale du 22
septembre
2002 sur la loi sur le marché de l'électricité.
Par décision du 17 septembre 2002 (DPC 2002 p. 672 ss), la Commission
de
recours a rejeté la requête de suspension et le recours.
E.
Agissant le 18 octobre 2002 par la voie du recours de droit
administratif, la
société EEF demande, sous suite de frais et dépens, au Tribunal
fédéral,
principalement, d'annuler la décision du 17 septembre 2002 et,
subsidiairement, d'annuler la décision attaquée et de renvoyer le
dossier à
la Commission de recours pour suite de la procédure.
La Commission de recours a renoncé à déposer une réponse. La
Commission de la
concurrence, Watt et Migros ont conclu au rejet du
recours. Dans sa réplique du 30 avril 2003, la société recourante a
confirmé
ses conclusions. Il a été renoncé à demander le dépôt d'une duplique.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 Les décisions de la Commission de la concurrence prises sur la
base du
chapitre 4 de la loi sur les cartels sont de nature administrative.
Les
décisions prises sur recours par la Commission de recours pour les
questions
de concurrence peuvent faire l'objet d'un recours de droit
administratif
auprès du Tribunal fédéral (art. 97 al. 1 et 98 let. e OJ en relation
avec
l'art. 5 al. 1 PA; ATF 129 II 18 consid. 1.1; 127 III 219 consid.
1a). En
tant qu'entreprise dont le comportement a été qualifié d'illicite par
la
décision attaquée, EEF a qualité pour recourir (art. 103 let. a OJ).
Il
convient donc d'entrer en matière sur le présent recours.
1.2 Le recours de droit administratif peut être formé pour violation
du droit
fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi
que
pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art.
104 OJ).
La Commission de recours pour les questions de concurrence constitue
une
autorité judiciaire indépendante (art. 71c al. 1 PA; annexe 1 de
l'ordonnance
du 3 février 1993 concernant l'organisation et la procédure des
commissions
fédérales de recours et d'arbitrage [RS 173.31]; Paul Richli,
Kartellverwaltungsverfahren, in Roland von Bühren/Lucas David [éd.],
Schweizerisches Immaterialgüter- und Wettbewerbsrecht, vol. V/2, Bâle
2000,
p. 417 ss, 501 s.). Le Tribunal fédéral est donc lié par les faits
constatés
par la Commission de recours, sauf s'ils sont manifestement inexacts
ou
incomplets, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles
de la
procédure (art. 105 al. 2 OJ; ATF 129 II 18 consid. 1.2).
1.3 L'art. 7 LCart définit les pratiques illicites adoptées par les
entreprises ayant une position dominante. Selon l'art. 8 LCart, les
pratiques
d'entreprises ayant une position dominante dont l'autorité compétente
a
constaté le caractère illicite peuvent être autorisées par le Conseil
fédéral
à la demande des entreprises concernées si, à titre exceptionnel,
elles sont
nécessaires à la sauvegarde d'intérêts publics prépondérants. Il
s'agit là
d'une exception de nature politique à l'idée de base de la loi
fédérale sur
les cartels: l'économie doit être en principe régie par la loi du
marché. Une
telle décision ne relève pas de la compétence des autorités de la
concurrence
mais de celle de l'autorité politique, soit le Conseil fédéral. Il
n'incombe
pas au Tribunal fédéral de tenir compte, dans le cadre de son examen
de la
légalité des décisions de la Commission de la concurrence,
respectivement de
la Commission de recours pour les questions de la concurrence, de
tels motifs
politiques justifiant le cas échéant une dérogation au principe de la
concurrence (ATF 129 II 18 consid. 1.2).
1.4 Dans sa réplique, la recourante doute que les parties intimées
aient
encore un intérêt à la procédure, étant donné que ELSA et Micarna lui
auraient demandé une offre pour un contrat de livraison d'électricité
à
partir du 1er février 2003. L'on ne saurait toutefois en déduire que
la
présente procédure est devenue sans objet, du moment que ELSA et
Micarna
n'ont pas d'autre choix que de continuer à s'approvisionner en
électricité
auprès de la recourante tant que la fourniture d'électricité par un
tiers
n'est de fait pas possible.
2.
2.1La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être
entendue (art.
29 al. 2 Cst.) et de formalisme excessif. Elle expose que, par acte
du 22
février 2001 adressé à la Commission de la concurrence, elle a
demandé une
décision incidente sur la compétence, ainsi qu'une suspension de la
procédure
sur le fond jusqu'à droit connu sur la décision sur la compétence.
Elle
ajoute qu'elle a sollicité différentes mesures d'instruction, et
enfin, une
autre occasion de s'exprimer sur la cause au fond. La Commission de la
concurrence a cependant, par décision du 5 mars 2001, tranché le fond
du
litige sans lui avoir offert à nouveau la possibilité de se
déterminer. Selon
la recourante, c'est à tort que la Commission de recours a retenu
qu'une
éventuelle violation du droit d'être entendu pouvait de toute façon
être
réparée devant elle, étant donné que la Commission de recours
n'aurait pas le
même pouvoir d'examen que la Commission de la concurrence.
2.2 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti à l'art. 29 al. 2
Cst. et
aux art. 29 ss PA, comprend notamment le droit pour l'intéressé de
s'exprimer
sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise
touchant sa
situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir
qu'il
soit donné suite à ses offres de preuve pertinentes, de participer à
l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de
s'exprimer
sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la
décision à
rendre (ATF 127 I 54 consid. 1b; 124 I 48 consid. 3a p. 51; 122 I 53
consid.
4a p. 55 et les références citées). Le droit d'être entendu porte
avant tout
sur les questions de fait. Les parties doivent éventuellement aussi
être
entendues sur les questions de droit lorsque l'autorité concernée
entend se
fonder sur des normes légales dont la prise en compte ne pouvait pas
être
raisonnablement prévue par les parties, lorsque la situation
juridique a
changé ou lorsqu'il existe un pouvoir d'appréciation particulièrement
large
(ATF 127 V 431 consid. 2b; 126 I 19 consid. 2c). En règle générale,
le droit
d'être entendu ne donne en revanche pas le droit de s'exprimer sur un
projet
de décision pris à l'issue d'une procédure d'instruction. L'art. 30
al. 2
LCart, prévoyant que les participants à l'enquête peuvent communiquer
leur
avis par écrit sur la proposition de décision, accorde ainsi des
garanties
supplémentaires par rapport au droit d'être entendu consacré par la
Constitution ou la PA (Message du 23 novembre 1994 concernant la loi
fédérale
sur les cartels et autres restrictions de la concurrence, FF 1995 I
472 ss,
p. 595; Stefan Bilger, Das Verwaltungsverfahren zur Untersuchung von
Wettbewerbsbeschränkungen, Fribourg 2002, p. 275, 277).
2.3 En l'espèce, la Commission de la concurrence a envoyé un projet de
décision à la recourante le 15 décembre 2000, conformément à l'art.
30 al. 2
LCart, et lui a donné l'occasion de se déterminer jusqu'au 22 janvier
2001.
Le 22 janvier 2001, la recourante a sollicité une prolongation du
délai
jusqu'au 28 février 2001. Le 24 janvier 2001, la Commission de la
concurrence
a accordé une prolongation jusqu'au 22 février 2001, en indiquant
qu'une
deuxième prolongation ne pourrait être accordée que sur la base de
motifs
justifiés.
Par lettre du 22 février 2001, la recourante a notamment demandé de
lui
accorder un nouveau délai pour s'exprimer sur le fond. En même temps,
la
recourante s'est exprimée sur la portée de l'art. 3 LCart et du droit
cantonal pertinent.
Celui qui, dans le cadre d'un délai fixé par l'autorité pour se
déterminer
sur le fond, sollicite des mesures de procédure, doit envisager que
cette
requête puisse être rejetée, tenir compte de cette éventualité et
s'exprimer
ainsi au moins sur le fond. Si une partie décide de ne se déterminer
que sur
une partie des points qui lui sont soumis dans un certain délai, cela
ne lui
permet pas de bénéficier d'un délai ultérieur pour s'exprimer sur le
solde
des questions posées, sans quoi il lui serait possible de retarder à
loisir
le déroulement de la procédure. Un droit à un nouveau délai pourrait
tout au
plus être admis si la partie pouvait, en vertu d'une pratique
constante de
l'autorité ou de circonstances concrètes particulières, considérer de
bonne
foi que l'autorité lui accorderait un nouveau délai pour s'exprimer
sur le
fond après un éventuel rejet des mesures de procédure requises.
2.4 En l'occurrence, la Commission de la concurrence a, par acte du 24
janvier 2001, clairement exprimé sa volonté de poursuivre rapidement
la
procédure en indiquant qu'une deuxième prolongation du délai n'était
envisageable que sur la base de motifs justifiés. Dans ces
conditions, la
recourante ne pouvait pas partir de l'idée qu'une nouvelle
prolongation de
délai lui serait sans autre accordée pour compléter ses
déterminations sur le
fond. D'autant moins qu'elle avait déjà pu s'exprimer en détail sur
le fond
dans le cadre de l'enquête préliminaire et de l'enquête à trois
reprises (les
10 avril 2000, 31 mai 2000 et 30 octobre 2000) et que les requêtes de
procédure contenues dans l'acte du 22 février 2001 étaient
manifestement
infondées ou, du moins en partie, confinaient à la témérité. En
particulier,
on ne voit pas pourquoi la Commission de la concurrence aurait dû
rendre une
décision incidente susceptible de recours, alors que la recourante
n'avait
jamais contesté cette compétence en cours de procédure et qu'elle
avait
accepté sans réserve de participer à la procédure d'instruction.
Certes, une
autorité qui se tient pour compétente doit le constater dans une
décision si
une partie le conteste (art. 9 al. 1 PA). Pour des raisons d'économie
de
procédure, la compétence contestée est souvent constatée dans le
cadre d'une
décision incidente susceptible d'être attaquée séparément (art. 45
al. 2 let.
a PA). Cela ne signifie toutefois pas que cette constatation doit
obligatoirement faire l'objet d'une décision incidente. Il serait en
tout cas
contraire au principe d'économie de procédure de rendre une décision
incidente séparée lorsque la compétence n'est contestée qu'à la fin
de la
procédure d'instruction et qu'un projet de décision finale a déjà été
préparé. En l'espèce de surcroît, la recourante conteste la
compétence de la
Commission de la concurrence pour le seul motif que son comportement
serait
licite sur la base de l'art. 3 al. 1 LCart. Or, cette disposition
légale n'a
clairement pas trait à la compétence de la Commission de la
concurrence, mais
au champ d'application matériel des art. 7 et 30 LCart (cf. arrêt
2A.492/2002
du 17 juin 2003, consid. 4.3). Une décision incidente ne se
justifiait donc
pas.
A cela s'ajoute que la recourante s'est exprimée, en détail, dans son
écriture du 22 février 2001, bien que concernant des mesures de
procédure,
sur la portée de l'art. 3 al. 1 LCart, respectivement du droit
cantonal
topique. La recourante n'indique de toute façon pas devant le Tribunal
fédéral ce qu'elle aurait encore voulu dire sur le fond de l'affaire.
2.5 La Commission de la concurrence n'a ainsi pas violé le droit
d'être
entendu de la recourante. Point n'est donc nécessaire d'examiner si la
prétendue violation du droit d'être entendu aurait pu être réparée
devant la
Commission de recours.
3.
Il convient tout d'abord d'examiner si le droit des cartels est, sur
le
principe, applicable aux entreprises d'approvisionnement en
électricité et en
particulier au transport et à la distribution de l'électricité sur un
réseau
tiers.
3.1 En Suisse, la production de courant électrique provenait - et
provient
encore aujourd'hui dans une large mesure - de la force hydraulique,
dont le
droit d'utilisation appartient aux collectivités publiques (cantons et
communes). Ce droit d'utilisation ne peut être conféré à des privés
que par
le biais d'une concession (art. 76 al. 4 Cst.; art. 3 et 38 ss de la
loi
fédérale du 22 décembre 1916 sur l'utilisation des forces
hydrauliques [LFH;
RS 721.80]). Par ailleurs, la construction d'installations de
transport et de
distribution d'énergie implique de fait un large usage particulier du
domaine
public, qui ne peut également être accordé à un privé que par
l'octroi d'une
concession. C'est pourquoi le secteur suisse de l'électricité s'est
développé
en rapport étroit avec les pouvoirs publics. Nombre de centrales
électriques
sont des exploitations ou des établissements communaux ou cantonaux.
D'autres
sont des entreprises organisées selon le droit privé, mais sont aussi
en
partie la propriété des pouvoirs publics. Nombre d'entreprises
exploitent
aussi bien des usines de production que des installations de
transport et de
distribution d'énergie, alors que d'autres entreprises n'exploitent
que ces
dernières activités, mais sont alors en général sous une forme ou une
autre
liées à des producteurs d'énergie (à propos de la structure du marché
de
l'électricité, voir Message du 7 juin 1999 concernant la loi sur le
marché de
l'électricité, FF 1999 p. 6646 ss, 6655 ss; Judith Bischof,
Rechtsfragen der
Stromdurchleitung, Zurich 2002, p. 11 ss; Etienne Poltier, Les
entreprises
d'économie mixte, Zurich 1983, p. 55 ss; Dominik Strub, Wohlerworbene
Rechte,
insbesondere im Bereich des Elektrizitätsrechts, Fribourg 2001, p.
155 ss).
Le rapport étroit existant entre les pouvoirs publics et le marché de
l'électricité a conduit, en matière d'approvisionnement, à une
situation qui
exclut en grande partie une concurrence au niveau de la fourniture
d'électricité aux consommateurs finaux: les cantons et les communes
ont en
règle générale octroyé les concessions pour l'utilisation de leur
domaine
public aux fins d'y construire des lignes électriques à une entreprise
unique. Ainsi, seule cette dernière - ou l'entreprise propre du
canton ou de
la commune - peut construire et exploiter un réseau électrique. Les
entreprises électriques tierces sont exclues de l'approvisionnement
en raison
de l'existence de ce monopole de fait et aussi de contrats de zone de
distribution régionale exclusive conclus entre les différentes
entreprises
d'approvisionnement électrique (Bischof, op. cit., p. 12, 40 s.;
Erwin Ruck,
Schweizerisches Elektrizitätsrecht, Zurich 1964, p. 57 s.; Fritz
Kilchenmann,
Rechtsprobleme der Energieversorgung, JAB Sonderheft n. 1, 1991, p.
18 ss;
Peter Rüegger, Rechtsprobleme der Verteilung elektrischer Energie
durch
öffentlichrechtliche Anstalten, Zurich 1991, p. 82 s., 147; Strub,
op. cit.,
p. 165 s.). La jurisprudence, les législations cantonales et la
doctrine
considèrent généralement l'approvisionnement en électricité comme une
tâche
d'intérêt publique (cf. ATF 105 II 234 consid. 2; arrêt du Tribunal
administratif du canton de Berne, in ZBl 72/1971 p. 88 ss; Bischof,
op. cit.,
p. 12; Imboden/ Rhinow, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, 5e
éd.,
Bâle 1976, n. 120, B/I, p. 839; Kilchenmann, op. cit., p. 31 s.;
Rüegger, op.
cit., p. 109 s., 148; Karin Sutter-Somm, Das Monopol im
schweizerischen
Verwaltungs- und Verfassungsrecht, Bâle 1989, p. 151 ss; Hans Martin
Weltert,
Die Organisations- und Handlungsformen in der schweizerischen
Elektrizitätsversorgung, Zurich 1990, p. 263 ss), tâche qui pourrait
aussi à
certaines conditions faire l'objet d'un monopole de droit (cf. ATF
127 I 49
consid. 3b, où le Tribunal fédéral n'avait pas besoin de se prononcer
sur
l'admissibilité du monopole de droit). Même s'il n'existe aucun
monopole de
droit, la collectivité publique, qui assure l'approvisionnement en
électricité sous la forme d'un service public, n'est pas tenue,
d'après la
jurisprudence, d'autoriser une entreprise électrique concurrente à
utiliser
son domaine public pour distribuer du courant; le monopole de fait
permet
donc, en vertu de la maîtrise du domaine public, d'exclure la
concurrence
(ATF 95 I 144 consid. 3 p. 148; 88 I 57 consid. 3 p. 64; 82 I 223
consid. 2
p. 228; 58 I 292 p. 298 ss; arrêt du Tribunal fédéral P.1432/1979 du
2 avril
1982, publié in ZBl 84/1983 p. 360, consid. 1a; voir aussi ATF 128 I 3
consid. 3b; 125 I 209 consid. 10b p. 222; Kilchenmann,
op. cit., p.
19 s.;
Sutter-Somm, op. cit., p. 154 s.; Weltert, op. cit., p. 178). Sous
l'empire
de l'ancienne loi du 20 décembre 1962 sur les cartels et organisations
analogues (LCart 62; RO 1964 p. 53), le Tribunal fédéral avait refusé
d'appliquer les dispositions (civiles) du droit des cartels aux
entreprises
électriques, étant donné que celles-ci exécutaient une tâche
d'intérêt public
et ce, quand bien même elles revêtaient la forme d'une société
anonyme de
droit privé (ATF 110 II 220 consid. 2). Le Tribunal fédéral reconnaît
certes
depuis un certain temps que la liberté du commerce et de l'industrie
accorde
un droit conditionnel à un usage accru du domaine public (ATF 126 I
133
consid. 4d, 250 consid. 2d/aa; 121 I 279 consid. 2a; 119 Ia 390
consid. 9 p.
404; 108 Ia 135 consid. 3; 101 Ia 473 consid. 5b). Une partie de la
doctrine
a voulu y voir la possibilité de mettre en cause l'idée selon
laquelle l'Etat
peut se fonder sur sa maîtrise du domaine public pour s'arroger un
monopole
de fait notamment en matière d'approvisionnement en énergie
électrique (cf.
Ricardo Jagmetti, Commentaire aCst, 1995, n. 32 ad art. 24quateraCst.;
Charlesé-André Junod, Problèmes actuels de la constitution économique
suisse,
RDS 89/1970 II p. 591 s., 736 s.; Beat Krähenmann,
Privatwirtschaftliche
Tätigkeit des Gemeinwesens, Bâle 1987, p. 170 s.; Claude Ruey,
Monopoles
cantonaux et liberté économique, Lausanne 1988, p. 356; Sutter-Somm,
op.
cit., p. 156 s.). Dans la jurisprudence, cette conception ne s'est
jusqu'à
présent pas imposée (Weltert, op. cit., p. 181).
3.2
3.2.1L'approvisionnement en électricité, en tant que tâche publique,
ainsi
que sa structure monopolistique, sont de plus en plus remis en cause
sur les
plans politique et économique. D'ailleurs, la directive 96/92/CE du
Parlement
européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles
communes
pour le marché intérieur de l'électricité (JOCE n° L 27, du 30
janvier 1997,
p. 20 s.) oblige les Etats membres à prendre les mesures nécessaires
pour
garantir aux clients et aux producteurs d'électricité un accès non
discriminatoire aux réseaux de distribution (cf. à ce propos,
Bischof, op.
cit., p. 7 s., 42 ss; Nicla Haefliger, Die Liberalisierung der
Elektrizitätswirtschaft in der Europäischen Gemeinschaft, Berne
1997). Afin
de procéder également en Suisse à une ouverture du marché de
l'électricité
comparable, l'Assemblée fédérale a adopté, le 15 décembre 2000, la
loi sur le
marché de l'électricité, soumise à référendum (LME; voir FF 2000 p.
5761).
Cette loi avait comme but de créer les conditions d'un marché de
l'électricité axé sur la concurrence (art. 1 al. 1 LME) et ainsi
d'accroître
le rendement de l'approvisionnement en courant par la concurrence
(Message du
7 juin 1999 concernant la loi sur le marché de l'électricité, FF 1999
p. 6646
s., 6649 s.). A cette fin, il était prévu d'obliger l'exploitant d'un
réseau
à acheminer sur celui-ci, et de manière non discriminatoire,
l'électricité
des autres producteurs d'électricité également (art. 5 LME).
L'ouverture du
marché devait se faire par étapes (art. 27 LME). Une Commission
fédérale
d'arbitrage devait être instituée pour statuer sur les litiges
concernant
l'obligation d'acheminer l'électricité et la rétribution de
l'acheminement
(art. 15 et 16 LME). Cette réglementation spéciale et détaillée
aurait eu
pour effet, en tant que lex specialis, d'exclure l'application de la
loi sur
les cartels, ainsi que la compétence de la Commission de la
concurrence dans
le domaine de l'acheminement de l'électricité (FF 1999 p. 6687;
Bischof, op.
cit., p. 102 s., 105 s., 141; Evelyne Clerc, in Tercier/Bovet [éd.],
Droit de
la concurrence, Bâle 2002, n. 39 ad art. 7 LCart; Yannick
Felley/Gilles
Robert-Nicoud, Ouverture du marché de l'électricité, RDAF 2002 I p.
65 ss, 85
s.; Jacques Fournier, Vers un nouveau droit des concessions
hydroélectriques,
Fribourg 2002, p. 138 ss; Stefan Rechsteiner, Rechtsfragen des
liberalisierten Strommarktes in der Schweiz, Zurich 2001, p. 140 s.,
147; le
même, Stromdurchleitung: Zum Verhältnis von Kartellrecht und EMG -
eine
Entgegnung, PJA 2000 p. 764 ss; contra Andras Palasthy, Die
Verweigerung der
Durchleitung von Strom nach dem Kartellgesetz [KG], PJA 2000 p. 298
ss, 306).
3.2.2 La loi sur le marché de l'électricité a cependant été rejetée en
votation populaire du 22 septembre 2002 et n'est donc pas entrée en
vigueur.
Il se pose donc la question de savoir si, dans ces circonstances, la
loi sur
les cartels est applicable au domaine de l'acheminement de
l'électricité ou
si l'ouverture forcée du marché de l'électricité décidée par la
Commission de
la concurrence ne serait pas contraire à la volonté populaire
exprimée le 22
septembre 2002. Selon l'art. 164 al. 1 Cst., toutes les dispositions
importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous
la
forme d'une loi fédérale. On peut se demander si l'ouverture du
marché de
l'électricité ne s'éloigne pas trop du système légal existant et si
elle ne
constitue pas une décision si importante qu'elle ne pourrait être
démocratiquement prise que par le législateur fédéral, et non par la
Commission de la concurrence en application de la loi sur les
cartels. Il a
été ainsi tenu pour incertain, à la lumière du principe de la
légalité, que
l'obligation d'acheminement de l'électricité puisse être imposée sur
la base
de la loi sur les cartels nonobstant le rejet de la loi sur le marché
de
l'électricité (Christian Bovet, Aspects des économies de réseaux, in
Auer/Delley/Hottelier/ Malinverni [éd.], Aux confins du droit; Essais
en
l'honneur du Professeur Morand, Bâle 2001, p. 491 ss, 507).
3.2.3 Dans sa prise de position au sujet des discussions sur
l'ouverture du
marché de l'électricité (CCSPr 1996 p. 147 ss), l'ancienne Commission
des
cartels avait déjà expressément omis de se prononcer sur la question
de
savoir si, dans le secteur de l'électricité, il existait un régime de
marché
de caractère étatique selon l'art. 44 al. 2 let. b de l'ancienne loi
fédérale
du 20 décembre 1985 sur les cartels et organisations analogues (LCart
85; RO
1986 p. 874). Elle avait néanmoins proposé à la Commission de la
concurrence
d'examiner si, et dans quelle mesure, la réserve concernant le régime
de
marché et de prix de caractère étatique (art. 3 LCart) pouvait trouver
application et s'il existait des restrictions illicites à la
concurrence sur
le marché de l'électricité selon les art. 5 ss LCart (ibidem, p. 174
s.).
Elle était donc partie de l'idée que - sous réserve des prescriptions
particulières selon l'art. 3 al. 1 LCart - la loi sur les cartels
était aussi
applicable au marché de l'électricité.
3.2.4 Certains auteurs estiment qu'une libéralisation du marché de
l'électricité imposée par les autorités de la concurrence serait peu
judicieuse et praticable, étant donné que celles-ci ne pourraient
intervenir
que de manière ponctuelle et n'auraient pas la possibilité de fixer
les
conditions-cadre nécessaires (Bischof, op. cit., p. 166 ss; Roland
von Büren,
Das schweizerische Kartellrecht zwischen gestern und morgen, RJB
137/2001 p.
543 ss, 556 s.; Barbara Hübscher/Pierre Rieder, Die Bedeutung der
"Essential
facilities"-Doktrin für das schweizerische Wettbewerbsrecht, sic!
5/1997 p.
439 ss, 445; Felley/Robert-Nicoud, op. cit., p. 107; Fournier, op.
cit., p.
52; Allen Fuchs, Öffnung des Strommarktes - Einige juristische
Überlegungen,
SZW Sondernummer 1999, p. 52 ss, 55 s.; Egbert F. J. Wilms, Schweizer
Strommarkt im Umbruch, Kritische Betrachtungen, Coire/Zurich 2001, p.
38).
Toutefois, selon la doctrine majoritaire publiée depuis l'entrée en
vigueur
de la nouvelle loi sur les cartels, le droit de la concurrence
s'applique
sans restriction aussi au domaine de l'électricité et à
l'acheminement du
courant électrique (Bischof, op. cit., p. 166 s.; Roberto Dallafior,
in
Homburger/Schmidhauser/Hoffet/ Ducrey, Kommentar zum schweizerischen
Kartellgesetz vom 6. Oktober 1995, 2e livraison, Zurich 1997, n. 159
ad art.
7 LCart; Fournier, op. cit., p. 137 s.; Jagmetti, op. cit., n. 32 ad
art.
24quater aCst.; Fritz Gygi/Paul Richli, Wirtschaftsverfassungsrecht,
Berne
1997, p. 149; Brigitta Kratz, Zu den Rechtsbeziehungen der
Elektrizitätsunternehmen mit den Endkunden - eine Momentaufnahme nach
dem
Nein zur EMG-Vorlage, PJA 2003 p. 342 ss, 353, 356; Palasthy, op.
cit., p.
304; Rechsteiner, 2000, op. cit., p. 765; le même, 2001, op. cit., p.
147 s.;
Markus Ruffner, Unzulässige Verhaltensweisen marktmächtiger
Unternehmen, PJA
1996 p. 834 ss, 842; Katharina Schindler, Wettbewerb in Netzen als
Problem
der kartellrechtlichen Missbrauchsaufsicht, Berne 1998, p. 173 ss;
Stefan
Vogel, Der Staat als Marktteilnehmer, Zurich 2000, p. 194; Roger Zäch,
Privatisierung und Wettbewerb in Wirtschaftsbereichen mit
Netzstrukturen,
Mélanges en l'honneur de Hangartner, Saint-Gall/Lachen 1998, p. 935
ss, 951;
contra Fuchs, op. cit., p. 55 s.).
3.2.5 Compte tenu de l'historique de son développement structurel
(voir plus
haut consid. 3.1), l'approvisionnement en énergie a été longtemps
considéré
comme un domaine soustrait à la politique de la concurrence (Rolf H.
Weber,
Energie und Kommunikation, in Thürer/ Aubert/Müller [éd.],
Verfassungsrecht
der Schweiz, Zurich 2001, p. 943, 948). La loi actuelle sur les
cartels de
1995 tend cependant, de manière plus marquée que les lois
antérieures, à ce
que les activités économiques étatiques soient aussi soumises aux
règles de
la concurrence (FF 1995 I 534 s.; ATF 127 II 32 consid. 3c; Jürg
Borer,
Kommentar zum schweizerischen Kartellgesetz, Zurich 1998, n. 5 ad
art. 2
LCart et n. 2 ad art. 3 LCart; Bruno Schmidhauser, in
Homburger/Schmidhauser/Hoffet/Ducret [éd.], op. cit., 1re livraison,
Zurich
1996, n. 5 et 6 ad art. 3 LCart). Ainsi, elle s'applique tant aux
entreprises
de droit privé qu'aux entreprises de droit public (art. 2 al. 1
LCart) et
donc en principe aussi aux entreprises publiques, en tout cas lorsque
celles-ci ont une personnalité juridique propre (ATF 127 II 32
consid. 3c p.
41). La loi sur les cartels n'exclut pas le secteur de l'électricité
de son
champ d'application. Les entreprises d'approvisionnement en
électricité, en
particulier les opérateurs des réseaux, sont donc aussi soumises à la
loi sur
les cartels (cf. ATF 128 II 247; Dallafior, op. cit., n. 159 ad art.
7 LCart;
Strub, op. cit., p. 154 s.).
Selon les principes généraux sur la validité des normes de droit,
l'application de la loi sur les cartels au secteur de l'électricité ne
saurait être exclue du seul fait qu'une loi spéciale - qui aurait
voulu créer
dans ce domaine un régime s'écartant de la loi sur les cartels - n'a
finalement pas été adoptée. Au contraire, cette situation doit
précisément
conduire à appliquer la loi sur les cartels ainsi qu'il en va en
l'absence
d'une réglementation spéciale dérogatoire. Elle s'applique donc
indépendamment de la LME. Selon ces principes, le marché de
l'électricité
demeure soumis à la loi sur les cartels, dès lors que la LME n'est
pas entrée
en vigueur.
3.2.6 Cette conclusion est en outre conforme à une interprétation
historique.
Dans son Message concernant la loi sur le marché de l'électricité, le
Conseil
fédéral a exposé que la question de savoir si et dans quelle mesure
le refus
opposé par un exploitant de réseau à l'acheminement devait être
considéré
comme un abus de position dominante au sens de l'art. 7 LCart,
pouvant être
sanctionné par la Commission de la concurrence, n'était pas encore
résolue.
L'évolution n'était pas connue et les conséquences d'une application
éventuelle n'étaient pas prévisibles. L'ouverture du marché de
l'électricité
devait obéir à des règles claires. Les problèmes qu'elle poserait ne
pouvaient être résolus par des décisions isolées de la Commission de
la
concurrence sur l'accès des tiers aux réseaux. Ce serait laisser sans
réponse
de nombreuses questions touchant par exemple à l'acheminement, qui
devaient
être réglées de manière adéquate dans la loi sur le marché de
l'électricité
(FF 1999 p. 1688). Le représentant du Conseil fédéral a également
attiré
l'attention du Parlement sur le fait que, sans la loi sur le marché de
l'électricité, il existait le danger que le marché de l'électricité
soit
libéralisé par la loi sur les cartels, respectivement par des
décisions
ponctuelles de la Commission de la concurrence (BO 2000 CE p. 670). Le
Conseil fédéral est ainsi parti de l'idée que la loi sur les cartels
pourrait
conduire à l'ouverture du marché de l'électricité et qu'une
législation
spéciale était nécessaire pour éviter une déréglementation
incontrôlée et
politiquement indésirable.
Il résulte aussi des recommandations du Conseil fédéral pour la
votation
populaire du 22 septembre 2002 qu'un "rejet de la loi ne permettrait
pas de
stopper l'ouverture du marché, mais aurait pour effet de livrer
l'approvisionnement en électricité, vital pour la population et
l'économie,
aux aléas du marché libre". L'électricité est "un bien trop précieux
pour la
population et l'économie pour qu'on le livre à la loi du marché. Si
l'Etat ne
met pas en place des gardes-fou, la population risque de faire les
frais
d'une libéralisation sauvage et unilatérale" (p. 13 et 16).
Les citoyens devaient donc savoir qu'un rejet de la loi sur le marché
de
l'électricité n'empêcherait pas une libéralisation de
l'approvisionnement de
l'électricité, mais qu'il pourrait au contraire conduire à une
libéralisation
incontrôlée. Le rejet de cette loi par le peuple est donc intervenu
en toute
connaissance de cause. En l'absence d'une réglementation spéciale, ce
sont
alors les règles ordinaires sur la concurrence qui s'appliquent. Le
rejet de
la loi sur le marché de l'électricité ne peut pas avoir pour
conséquence que
l'accès de tiers au réseau de transport et de distribution électrique
d'un
concurrent ne puisse pas être imposé sur la base du droit des
cartels. Que
cela puisse poser des problèmes d'ordre pratique n'est pas un motif
juridique
valable pour exclure l'application de la loi sur les cartels. Pour le
cas où
ces problèmes auraient pour conséquence de menacer les intérêts
publics
prépondérants, entrerait alors en ligne de compte l'autorisation
exceptionnelle (prévue par l'art. 8 LCart) qui ne pourrait pas être
octroyée
par les autorités de la concurrence ni, le cas échéant, contrôlée par
le
Tribunal fédéral, mais uniquement par le Conseil fédéral (voir plus
haut
consid. 1.3).
3.3
3.3.1La loi sur les cartels est donc en principe applicable à
l'acheminement
du courant. Demeurent cependant réservées, selon l'art. 3 al. 1
LCart, les
prescriptions qui, sur un marché, excluent de la concurrence certains
biens
ou services. En adoptant cette disposition, le législateur fédéral a
reconnu
que des prescriptions légales peuvent, pour des motifs politiques,
exclure la
concurrence dans un secteur donné (FF 1995 I 537 s.; Borer, op. cit.,
n. 1 ad
art. 3 LCart; Rhinow/Schmid/ Biaggini, Öffentliches Wirtschaftsrecht,
Bâle
1998, p. 449).
La loi mentionne en particulier deux sortes de réserves, à savoir les
prescriptions qui établissent un régime de marché ou de prix de
caractère
étatique (art. 3 al. 1 let. a LCart) et celles qui chargent certaines
entreprises de l'exécution de tâches publiques en leur accordant des
droits
spéciaux (let. b).
Les prescriptions qui établissent un régime de marché ou de prix de
caractère
étatique au sens de la lettre a) sont celles qui excluent presque
totalement
la concurrence dans un secteur donné; tel est le cas notamment des
règles en
matière agricole (FF 1995 I 539; Benoît Carron, in Tercier/Bovet, op.
cit.,
n. 29 ss ad art. 3 LCart; Schmidhauser, op. cit., n. 8 ad art. 3
LCart; Roger
Zäch, Schweizerisches Kartellrecht, Berne 1999, p. 127 s.), mais
aussi dans
le secteur de l'énergie (Rolf H. Weber, Einleitung, Geltungsbereich
und
Verhältnis zu anderen Rechtsvorschriften, in von Büren/David, op.
cit., p. 1
ss, 47; Rolf H. Weber, Auf dem Weg zur Neustrukturierung der
Elektrizitätsmärkte, Mélanges en l'honneur de Hangartner,
Saint-Gall/Lachen
1998, p. 911 ss, 916 s.).
La lettre b) mentionne d'autres prescriptions qui prévoient une
exception aux
règles de la concurrence. Il doit s'agir de prescriptions légales qui
confèrent à l'entreprise une position concurrentielle particulière
(Rudolf
Rentsch, Deregulierung durch Wettbewerbsrecht, Bâle 2000, p. 169;
Schmidhauser, op. cit., n. 6 ad art. 3 LCart; Felix Uhlmann,
Gewinnorientiertes Staatshandeln, Bâle 1997, p. 206; Zäch, 1999, op.
cit., p.
128). Par droits spéciaux, on entend notamment des monopoles d'Etat et
régales (Schmidhauser, op. cit., n. 6 ad art. 3 LCart; Zäch, 1999,
op. cit.,
p. 128). La concurrence peut aussi être entravée de manière
ponctuelle; cela
n'implique pas que le domaine concerné soit totalement soustrait à
l'application de la loi sur les cartels. Ainsi, dans la mesure où les
entreprises concernées agissent en dehors du domaine exclu de la
concurrence,
elles doivent se comporter conformément aux principes de la
concurrence (cf.
FF 1995 I 540; Borer, op. cit., n. 5 ad art. 3 LCart; Rentsch, op.
cit., p.
213; Uhlmann, op. cit., p. 206). Il faut donc distinguer entre le
domaine
d'activité étatique à caractère d'entreprise, soumis au droit de la
concurrence, et le domaine relevant de la puissance publique,
soustrait au
droit de la concurrence (cf. ATF 127 II 32 consid. 3f; René Rhinow,
Commentaire aCst., 1991, n. 206 ad art. 31bis aCst.;
Rhinow/Schmid/Biaggini,
op. cit., p. 389).
3.3.2 Selon les travaux préparatoires et une partie de la doctrine,
l'art. 3
al. 1 LCart n'entre en ligne de compte que lorsque l'intention du
législateur
était d'exclure effectivement un secteur donné de la concurrence (FF
1995 I
539 s.; Bischof, op. cit., p. 160; Palasthy, op. cit., p. 304;
Schmidhauser,
op. cit., n. 13 ad art. 3 LCart). Selon les règles générales
d'interprétation, qui sont aussi valables dans le droit de la
concurrence, il
ne faut pas comprendre par là que la volonté expresse du législateur
historique d'exclure un domaine de la concurrence doit être absolument
établie. On ne saurait l'exiger, ne serait-ce que parce qu'il existe
des
prescriptions qui ont été adoptées à une époque où le droit des
cartels ne
s'appliquait pas aux activités étatiques, si bien que le législateur
ne
pouvait soustraire délibérément un domaine à la concurrence. Il est
donc
suffisant - mais nécessaire - que le secteur concerné ne soit pas
soumis au
droit de la concurrence selon une interprétation ordinaire de la
réglementation spéciale en cause (Carron, op. cit., n. 32 ad art. 3
LCart).
Cela peut aussi résulter implicitement du fait que la loi contient
des règles
qui ne sont pas compatibles avec la concurrence (Borer, op. cit., n.
4 ad
art. 3 LCart; Rentsch, op. cit., p. 179).
3.3.3 La volonté du législateur était, en révisant la loi sur les
cartels en
1995, de renforcer les critères d'appréciation notamment en ce qui
concerne
les entreprises publiques par rapport à l'ancien droit et de ne
laisser place
que de manière plus restrictive à la réserve de l'art. 3 al. 1 LCart
(FF 1995
I 537; Borer, op. cit., n. 2 et 5 ad art. 3 LCart; Schmidhauser, op.
cit., n.
3-7 ad art. 3 LCart). Il est par ailleurs conforme aux fondements
constitutionnels de l'économie (art. 94 al. 4 et 96 al. 1 Cst.)
d'admettre de
manière plutôt restrictive une exclusion de la concurrence; celle-ci
n'est
admissible que sur la base d'une législation claire ordonnant ou
autorisant
un comportement anticoncurrentiel (Marc Amstutz, Neues Kartellgesetz
und
staatliche Wettbewerbsbeschränkungen, PJA 1996 p. 883 ss, 887;
Carron, op.
cit., n. 35 ad art. 3 LCart; Rentsch, op. cit., p. 176 s., 209;
Vogel, op.
cit., p. 188). Le simple fait d'attribuer une tâche à l'Etat ou à une
entreprise étatique ne signifie encore pas que le domaine en cause
soit exclu
de la concurrence (FF 1995 I 540; Schmidhauser, op. cit., n. 6 ad
art. 3
LCart). Il est important de déterminer si les prescriptions spéciales
accordent un espace de liberté aux entreprises concernées ou si elles
veulent
leur prescrire d'agir par voie de décision et de manière non
concurrentielle
(ATF 127 II 32 consid. 3c-e; Carron, op. cit., n. 35 ad art. 3 LCart;
Clerc,
op. cit., n. 99 ad art. 7 LCart).
3.3.4 Une prescription excluant un domaine de la concurrence au sens
de
l'art. 3 al. 1 LCart peut émaner non seulement d'une autorité
fédérale, mais
encore d'une autorité cantonale (voire communale - FF 1995 I 539;
Bischof,
op. cit., p. 160, 162; Carron, op. cit., n. 22 ad art. 3 LCart;
Schmidhauser,
op. cit., n. 10 ad art. 3 LCart), encore faut-il, dans ce dernier
cas, que la
réglementation en cause entre dans la sphère de compétence du canton
et ne
soit pas contraire au droit supérieur; elle doit en particulier être
conforme
à la liberté économique (art. 27 Cst. en relation avec l'art. 36 Cst.
ainsi
qu'art. 94 al. 4 Cst.), ce qui ne va pas de soi s'agissant d'un
monopole de
droit pour l'acheminement de l'électricité.
Il convient donc d'examiner s'il existe sur le plan fédéral (consid.
4) ou
sur le plan cantonal (consid. 5) des prescriptions qui excluent le
secteur de
l'électricité de la concurrence au sens de l'art. 3 al. 1 LCart.
4.
4.1
4.1.1Selon les art. 43 al. 2 et 44 let. b LIE (RS 734.0) - dans leur
nouvelle
teneur selon le ch. I 8 de la loi fédérale du 18 juin 1999 sur la
coordination et la simplification des procédures de décision, en
vigueur
depuis le 1er janvier 2000 (ci-après: loi sur la coordination; RO
1999 p.
3071, 3092, 3124) -, le département compétent peut accorder au preneur
d'énergie un droit d'expropriation pour le transport d'énergie
électrique sur
les réseaux d'approvisionnement et de distribution existants.
4.1.2 On ne peut pas déduire de cette réglementation une réserve au
sens de
l'art. 3 al. 1 LCart. Le droit d'expropriation pour le transport
d'énergie
électrique a été introduit dans la loi en relation avec la loi
fédérale du 20
juin 1930 sur l'expropriation (LEx; RS 711) et a pour but de
permettre le
transport d'énergie électrique par le biais de réseaux tiers, sans
qu'il
faille construire à cette fin des réseaux électriques parallèles
indésirables
pour des motifs d'ordre économique et tirés de la protection de la
nature
(Heinz Hess/Heinrich Weibel, Das Enteignungsrecht des Bundes,
Commentaire,
vol. II, Berne 1986, p. 218). Cette disposition n'autorise cependant
pas un
accès illimité des tiers au réseau (Kilchenmann, op. cit., p. 18).
Elle n'a
manifestement pas pour but d'exclure la concurrence, mais au
contraire de
rendre celle-ci possible; elle poursuit donc le même but que celui
visé par
la décision attaquée. Certes, il n'a pratiquement jamais été fait
usage d'un
tel droit d'expropriation par le passé (FF 1999 p. 6706 s.). Mais
cela ne
permet en tout cas pas d'exclure l'application de la loi sur les
cartels. Il
n'est d'ailleurs pas interdit au législateur de mettre à disposition
de
nouveaux instruments dans le cadre d'une nouvelle loi afin
d'atteindre des
buts qu'il s'était déjà fixés par d'autres lois plus anciennes mais
qu'il n'a
pas pu atteindre par les moyens qui y avaient été initialement
prévus. Comme
on l'a vu plus haut, l'art. 3 al. 1 LCart ne réserve que les
prescriptions
qui excluent la concurrence. Les art. 43 et 44 LIE n'appartiennent
pas à ce
genre de prescriptions (voir également Bischof, op. cit., p. 161 s.;
Rentsch,
op. cit., p. 201 s.).
4.1.3 Selon l'art. 46 al. 3 LIE (dans sa version originelle, RO 19 p.
252),
lorsque la cojouissance du droit d'utiliser le domaine public
communal pour
la distribution de l'énergie était demandée, la commune pouvait, aux
fins de
protéger ses intérêts légitimes, la refuser ou la subordonner à des
conditions restrictives. Cette disposition n'instituait pas en faveur
des
communes un monopole de droit fédéral, mais leur donnait simplement
le droit
de s'opposer à l'utilisation du domaine public par voie
d'expropriation
(Salis/Burckhardt, Schweizerisches Bundesrecht, vol. 2, Frauenfeld
1930, n.
422 p. 83; Krähenmann, op. cit., p. 75). L'art. 46 al. 3 LIE
représentait une
exception au droit d'expropriation prévu par l'art. 43 al. 2 LIE et
permettait aux communes, mais pas aux cantons, de protéger leurs
réseaux
d'approvisionnement électrique contre leur utilisation par des tiers
(Hess/Weibel, op. cit., p. 221 ss; Ruck, op. cit., p. 59 s., 96).
Ainsi, les
monopoles de fait communaux pour la distribution de l'électricité
pouvaient
être protégés de la concurrence (Georg Müller/Peter Hösli, Einführung
in das
Energierecht der Schweiz, Baden 1994, p. 33; Rüegger, op. cit., p.
146;
Weltert, op. cit., p. 177 s., 182). L'art. 46 al. 3 LIE a cependant
été
abrogé par la loi sur la coordination, partant aussi l'exception qu'il
contenait.
4.2
4.2.1D'après l'art. 10 LFH, les propriétaires des forces hydrauliques
qui
vendent de l'énergie électrique sont tenus de soumettre au département
compétent, à sa demande, les conventions par lesquelles ils
s'interdisent la
vente d'énergie dans une zone
déterminée. Le Département peut en ordonner la modification si elles
sont
contraires à l'intérêt public. Cette disposition s'applique par
analogie aux
intermédiaires.
4.2.2 Cette disposition légale suppose donc la présence de contrats
limitant
les zones de distribution, partant en reconnaît l'existence
(Krähenmann, op.
cit., p. 74; Ruck, op. cit., p. 57). Elle ne garantit cependant pas de
manière absolue l'existence de tels contrats, mais veut au contraire
pouvoir
les modifier pour le cas où l'exclusion du marché irait à l'encontre
de
l'intérêt public. Cette disposition n'a de plus en pratique pas
d'importance
(Kilchenmann, op. cit., p. 20). L'art. 10 LFH ne peut donc pas être
considéré
comme une réserve au sens de l'art. 3 al. 1 LCart.
4.3
4.3.1En vertu de l'art. 4 al. 2 de la loi sur l'énergie du 26 juin
1998
(LEne; RS 730.0), l'approvisionnement énergétique relève des
entreprises de
la branche énergétique. La Confédération et les cantons instaurent les
conditions générales permettant à ces entreprises d'assumer leur
tâche de
manière optimale dans l'optique de l'intérêt général. Selon l'art. 5
LEne, un
approvisionnement sûr implique une offre d'énergie suffisante et
diversifiée
ainsi qu'un système de distribution techniquement sûr et efficace
(al. 1); un
approvisionnement économique repose sur les forces du marché, la
vérité des
coûts et la compétitivité avec l'étranger, ainsi que sur une politique
énergétique coordonnée sur le plan international (al. 2); un
approvisionnement compatible avec les impératifs de l'environnement
implique
une utilisation mesurée des ressources naturelles, le recours aux
énergies
renouvelables
et la prévention des effets gênants ou nuisibles pour
l'homme
et l'environnement (al. 3). L'art. 7 al. 1 LEne précise que les
entreprises
chargées de l'approvisionnement énergétique de la collectivité sont
tenues de
reprendre les surplus d'énergie produite de manière régulière par les
producteurs indépendants sous une forme adaptée au réseau (cf. aussi
art. 20
de la loi fribourgeoise du 9 juin 2000 sur l'énergie qui concrétise
l'art. 7
LEne).
4.3.2 La loi fédérale sur l'énergie suppose donc qu'il y ait des
entreprises
publiques chargées de l'approvisionnement énergétique. Elle ne
prescrit
cependant pas un approvisionnement énergétique étatique qui exclurait
toute
concurrence, mais au contraire, contient - vu notamment le devoir de
reprendre les surplus d'énergie prévu à l'art. 7 LEne - des
prescriptions qui
visent à introduire plus de rapports et de coordination entre les
divers
acteurs du marché de l'énergie et donc à limiter les monopoles
(Jagmetti, op.
cit., n. 33 ad art. 24quater aCst.). La loi fédérale sur l'énergie ne
contient donc pas non plus de réserve au sens de l'art. 3 al. 1 LCart
(Bischof, op. cit., p. 161; Rentsch, op. cit., p. 202).
4.4 D'après l'art. 19 al. 1 et 2 LAT (RS 700), la collectivité doit
équiper
les zones à bâtir de conduites pour l'alimentation en énergie. Par
énergie,
on entend surtout l'électricité (Rüegger, op. cit., p. 94 s.; André
Jomini,
Commentaire LAT, Zurich 1999, n. 31 ad art. 19 LAT; voir aussi
Jagmetti, op.
cit., n. 31 ad art. 24quater aCst.; Weltert, op. cit., p. 268). Le
droit de
l'aménagement du territoire repose sur le fait que jusqu'à présent,
l'équipement adapté pour l'alimentation en électricité est dans une
large
mesure réalisé par les entreprises appartenant aux pouvoirs publics
(voir
plus haut consid. 3.1; cf. ATF 127 I 49; Kratz, op. cit., p. 344),
mais
n'impose pas une telle structure. En revanche, la collectivité a bien
l'obligation d'équiper une zone à bâtir. En règle générale, elle doit
veiller
à l'installation d'un réseau de transport (Weltert, op. cit., p. 271
s.).
Cependant, cette obligation n'est déjà de par la loi pas exclusivement
dévolue à la collectivité publique (cf. art. 19 al. 3 LAT). Même si
l'on
voulait y voir un monopole pour l'équipement en conduites de
raccordement, on
ne saurait en déduire une obligation incombant à la collectivité
(Weltert,
op. cit., p. 272) et en tout cas pas un monopole pour la fourniture
d'électricité. La loi sur l'aménagement du territoire ne contient
ainsi pas
non plus une clause d'exclusion de la concurrence au sens de l'art. 3
al. 1
LCart.
4.5 En résumé, il ne résulte pas du droit fédéral que
l'approvisionnement en
électricité constitue une tâche étatique et qu'il existe pour la
collectivité
publique une obligation d'approvisionnement, étant précisé que l'art.
32 LME,
qui aurait prescrit une telle obligation d'approvisionner, n'est pas
entré en
vigueur (Bischof, op. cit., p. 24 s.; Jagmetti, op. cit., n. 31 ad
art.
24quater aCst.; Strub, op. cit., p. 151). Il n'y a donc aucune
réglementation
fédérale qui, au sens de l'art. 3 al. 1 LCart, exclurait la
concurrence dans
le domaine en question.
5.
Il convient ensuite d'examiner si le droit cantonal contient une
telle clause
d'exclusion de concurrence.
5.1Comme le relève à juste titre la recourante, la compétence
attribuée à la
Confédération par l'art. 91 al. 1 Cst. pour légiférer sur le
transport et la
livraison de l'électricité est une compétence législative concurrente
(René
Schaffhauser, St. Galler Kommentar zur