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16/06/2003 | SUISSE | N°1P.652/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 juin 2003, 1P.652/2002


{T 0/2}
1P.652/2002/svc

Arrêt du 16 juin 2003
Ire Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal fédéral, Reeb, Catenazzi, Fonjallaz et Pont Veuthey, Juge
suppléante.
Greffier: M. Parmelin.

S. ________,
agissant pour elle-même et pour son fils E.________,
recourante, représentée par Me Jämes Dällenbach, avocat, case postale
353,
place de la Gare 1,
2002 Neuchâtel,

contre

P.________,
intimé, représenté par Me Cédric Ja

vet, avocat,
rue du Bassin 6, case postale 3112, 2001 Neuchâtel,
Ministère public du canton de Neuchâtel,
rue du Pommier...

{T 0/2}
1P.652/2002/svc

Arrêt du 16 juin 2003
Ire Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal fédéral, Reeb, Catenazzi, Fonjallaz et Pont Veuthey, Juge
suppléante.
Greffier: M. Parmelin.

S. ________,
agissant pour elle-même et pour son fils E.________,
recourante, représentée par Me Jämes Dällenbach, avocat, case postale
353,
place de la Gare 1,
2002 Neuchâtel,

contre

P.________,
intimé, représenté par Me Cédric Javet, avocat,
rue du Bassin 6, case postale 3112, 2001 Neuchâtel,
Ministère public du canton de Neuchâtel,
rue du Pommier 3, case postale 2672, 2001 Neuchâtel,
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
du canton de Neuchâtel, rue du Pommier 1,
Hôtel judiciaire, case postale 3174, 2001 Neuchâtel.

procédure pénale; appréciation des preuves,

recours de droit public contre l'arrêt de la
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
du canton de Neuchâtel du 7 novembre 2002.

Faits:

A.
Par ordonnance du 21 novembre 2000, P.________ a été renvoyé devant le
Tribunal correctionnel du district de Boudry (ci-après: le Tribunal
correctionnel ou les premiers juges) comme accusé de lésions
corporelles
simples au préjudice de son ex-épouse, S.________, et de leur fils
E.________, né le 22 décembre 1994, d'injures et de menaces envers son
ex-femme, de violation d'une obligation d'entretien en concours avec
un délit
manqué de contrainte et d'actes d'ordre sexuel avec des enfants; il
lui était
reproché d'avoir procédé à plusieurs reprises, de fin 1997 à fin
1998, à des
actes d'ordre sexuel sur son fils E.________, lors des droits de
visite
exercés un week-end sur deux, notamment en introduisant plusieurs
fois un
doigt dans l'anus de l'enfant, lui provoquant de ce fait des
brûlures, en lui
douchant l'anus alternativement avec de l'eau froide et chaude lors
des
bains, en lui mordant les fesses alors qu'ils se trouvaient tous les
deux
nus, en tirant le sexe de l'enfant avec les doigts et en lui
prodiguant des
baisers linguaux.
Le Tribunal correctionnel a rendu son jugement le 7 février 2002,
après avoir
entendu différents témoins, dont la Doctoresse Marie-Odile
Goubier-Boula,
médecin-cheffe auprès de l'Office médico-pédagogique du canton de
Neuchâtel,
qui a procédé à l'expertise de crédibilité de l'enfant, et rejeté les
requêtes de preuves de la plaignante, S.________. Il a ainsi estimé
inutile
d'entendre la Doctoresse Nathalie Calame, médecin traitant de
E.________, et
le Docteur Didier Defleur, qui a suivi l'enfant à partir du mois
d'avril
1997, parce qu'ils avaient déjà été suffisamment interrogés durant
l'instruction, notamment au travers des questionnaires qui leur
avaient été
soumis, parce qu'ils avaient produit divers courriers et certificats
versés
au dossier et que leur opinion sur cette affaire était bien connue,
révélant
un parti pris en faveur de la plaignante. Il a considéré que le
rapport
d'expertise de crédibilité de S.________ établi par le Docteur
Philippe
Vuille, psychiatre à Neuchâtel, était très fouillé, que les critiques
adressées à son endroit par le Docteur Jacques Fradin,
comportementaliste et
cognitiviste à Paris, n'offraient aucune garantie d'objectivité en
raison des
liens d'amitié que ce praticien entretenait avec la plaignante et
qu'une
nouvelle expertise de cette dernière ne se justifiait pas. Il n'a pas
jugé
utile de soumettre à la Doctoresse Marie-Odile Goubier-Boula la
cassette
vidéo d'un interrogatoire de l'enfant enregistrée le 8 février 1999
par le
Docteur Jacques Fradin à son cabinet, car l'expert a indiqué que la
vision de
cette cassette n'était pas en mesure de modifier ses conclusions; il
a enfin
estimé que E.________ avait été interrogé à de nombreuses reprises
dans des
conditions parfois extrêmement critiquables, qu'il avait assurément
été
traumatisé par les conflits entre ses parents et par les interventions
inquisitoires en rapport avec la procédure et qu'il serait dès lors
inopportun et très probablement inutile de le soumettre à une nouvelle
audition.
Statuant sur le fond, le Tribunal correctionnel a reconnu P.________
coupable
de lésions corporelles simples, d'injures, de menaces et de
violation d'une
obligation d'entretien, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement
avec
sursis pendant deux ans et a renvoyé S.________ à faire valoir
d'éventuelles
prétentions civiles devant le juge civil. Il a abandonné les
préventions
d'actes d'ordre sexuel avec des enfants et de délit manqué de
contrainte. Les
premiers juges ont constaté en substance que E.________ avait été
interrogé à
de nombreuses reprises par différentes personnes depuis le début de
l'année
1997 et qu'il avait été soumis à des questions extrêmement
suggestives pour
l'amener à dire ce que son père lui faisait subir, avant d'être
examiné par
la Doctoresse Marie-Odile Goubier-Boula. Ils ont relevé différents
éléments
qui les ont conduits à appréhender avec réserve les conclusions de cet
expert, à savoir qu'elle n'avait pas pris contact avec les médecins
traitant
de l'enfant, que les Docteurs Nathalie Calame et Pierre-Alain Leuba
l'auraient approchée avant l'expertise pour lui exposer leur point de
vue,
qu'elle n'avait pris qu'imparfaitement connaissance du dossier,
puisqu'elle
avait pensé qu'une retranscription d'audition de E.________
correspondait au
contenu de la cassette vidéo qu'elle n'avait pas visionnée, mais
qu'elle a
considérée comme une révélation valable, même après avoir été
informée de son
erreur, lors des débats, et qu'elle avait évoqué une possible
masturbation
avec éjaculation et fellation, dont il n'avait jamais été question, en
relation avec l'allusion faite par l'enfant à du "jus de coco". Ils
ont
également relevé qu'aucun médecin n'avait constaté de lésions sur
E.________
et, en particulier de blessures à l'anus, à l'exception d'une
ecchymose à la
suite de la dispute intervenue entre ses parents le 9 janvier 1998.
Ils ont
vu un élément important dans le fait que l'enfant s'était plaint à sa
baby-sitter, au mois de mai 1999, de brûlures à l'anus qu'il imputait
à son
père, alors que le droit de visite s'exerçait sous surveillance
depuis le
début de l'année, et qu'à l'exception de l'épisode survenu au début de
l'année scolaire 1999-2000, où E.________ avait léché les seins de
C.________, ses maîtresses d'école n'avaient jamais constaté de
comportements
qui pouvaient donner à penser qu'il était la victime d'abus sexuels.
Enfin,
ils ont tenu pour peu probable que l'enfant ait dormi nu avec son
père alors
qu'il n'était pas encore propre à cette époque. En conclusion, les
premiers
juges ont estimé que, s'ils ne pouvaient péremptoirement exclure que
le
prévenu ait commis certains actes au préjudice de son fils, au sens de
l'ordonnance de renvoi, il n'en demeurait pas moins que ces faits
n'étaient
pas prouvés ou démontrés par un faisceau d'indices, mais paraissaient
au
contraire plutôt improbables. Ils ont abandonné la prévention de
délit manqué
de contrainte, après avoir estimé que P.________ avait retenu les
paiements
des pensions non pas pour faire pression sur son épouse afin de
rétablir son
droit de visite, comme il l'avait affirmé maladroitement devant le
juge
d'instruction, mais bien plutôt parce qu'il était déçu de ne plus
pouvoir
entretenir des relations avec son fils et parce qu'il craignait de
voir cet
argent alimenter des procédures dirigées contre lui.

S. ________ s'est vainement pourvue contre ce jugement auprès de la
Cour de
cassation pénale du canton de Neuchâtel (ci-après: la Cour de
cassation
pénale ou la cour cantonale). Dans son arrêt du 7 novembre 2002, cette
autorité a considéré que les premiers juges avaient écarté les offres
de
preuve de la plaignante en se fondant sur des motifs soutenables et
qu'ils
n'avaient pas davantage fait preuve d'arbitraire en abandonnant les
préventions d'actes d'ordre sexuel avec des enfants et de délit
manqué de
contrainte à l'encontre du prévenu.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, S.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Elle voit une violation de son
droit
d'être entendue garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. dans le refus des
premiers
juges d'auditionner la Doctoresse Nathalie Calame et le Docteur Didier
Defleur en qualité de témoins, d'une part, et de mettre en oeuvre une
expertise complémentaire à celle du Docteur Philippe Vuille, d'autre
part.
Invoquant l'art. 9 Cst., elle reproche à la cour cantonale d'avoir
acquitté
P.________ des préventions d'actes d'ordre sexuel avec des enfants
commis sur
leur fils E.________ et de délit manqué de contrainte sur la base
d'une
appréciation arbitraire des preuves.
La Cour de cassation pénale se réfère à son arrêt. P.________ conclut
principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son
rejet. Le
Ministère public du canton de Neuchâtel propose de rejeter le recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 129 II 225 consid. 1 p. 227 et les arrêts
cités).

1.1 Seul le recours de droit public est ouvert pour se plaindre d'une
appréciation arbitraire des preuves et des constatations de fait qui
en
découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83) ou d'une atteinte directe
à un
droit constitutionnel, tel que le droit d'être entendu garanti à
l'art. 29
al. 2 Cst. (ATF 127 IV 215 consid. 2d p. 218). Savoir si une
expertise de
crédibilité est convaincante ou non et, le cas échéant, si une
nouvelle
expertise ou un complément d'expertise doit être requis, est une
question
d'appréciation des preuves (cf. ATF 106 IV 97 consid. 2b p. 99, 236
consid.
2a p. 238; SJ 1985 p. 49 consid. 1a p. 51). Au vu des arguments
soulevés,
seul le recours de droit public est recevable en l'occurrence.

1.2 Selon une jurisprudence constante, celui qui se prétend lésé par
une
infraction n'a en principe pas la qualité, au sens de l'art. 88 OJ,
pour
former un recours de droit public contre une décision de classement
de la
procédure pénale ou un jugement d'acquittement au motif qu'il n'est
pas lésé
dans un intérêt personnel et juridiquement protégé par la décision de
ne pas
poursuivre ou punir l'auteur d'une prétendue infraction (ATF 126 I 97
consid.
1a p. 99; 125 I 253 consid. 1b p. 255); un tel intérêt est cependant
reconnu
à la victime d'une atteinte à l'intégrité corporelle, sexuelle ou
psychique,
selon l'art. 2 al. 1 de la loi fédérale sur l'aide aux victimes
d'infractions
(LAVI; RS 312.5). Le Tribunal fédéral examine librement si une
personne est
une victime au sens de cette disposition (ATF 122 IV 71 consid. 3a p.
76; 120
Ia 157 consid. 2d p. 162 et les arrêts cités). En l'espèce,
E.________ est
directement touché dans son intégrité sexuelle par les faits dénoncés,
indépendamment de leur réalité, de sorte qu'il a la qualité de
victime au
sens de l'art. 2 al. 1 LAVI. Il n'était en revanche pas partie à la
procédure
cantonale, dans laquelle seule sa mère est intervenue pour lui.
L'art. 2 al.
2 let. b LAVI assimile toutefois la mère à la victime, notamment pour
ce qui
concerne la défense des droits dans la procédure, si elle était déjà
partie à
la procédure antérieure et si l'arrêt attaqué est de nature à
produire des
effets sur les prétentions civiles de la victime (art. 8 al. 1 let. c
LAVI).
Ces conditions sont réunies en l'espèce (cf. ATF 119 IV 168 consid. 5
p.
172). La recourante est ainsi habilitée à agir par la voie du recours
de
droit public, en se plaignant de la violation de ses droits de partie
et de
l'appréciation des preuves à laquelle se sont livrés les premiers
juges (ATF
120 Ia 157 consid. 2c p. 162).

1.3 Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile contre une
décision finale rendue en dernière instance cantonale. Il répond donc
aux
exigences des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ, de sorte qu'il convient
d'entrer
en matière sur le fond.

2.
La recourante voit une double violation de son droit d'être entendue
garanti
aux art. 29 al. 2 Cst. et 134 ss du Code de procédure pénale
neuchâtelois
(CPP neuch.) dans le refus des autorités cantonales de procéder à
l'audition
des Docteurs Nathalie Calame et Didier Defleur, d'une part, et de
mettre en
oeuvre une expertise complémentaire à celle du Docteur Philippe
Vuille,
d'autre part. Elle ne prétend pas que les normes du droit cantonal de
procédure auxquelles elle se réfère lui conférerait des droits allant
au-delà
des garanties minimales déduites de l'art. 29 al. 2 Cst., de sorte
que le
mérite de ce grief doit être examiné librement au regard du droit
constitutionnel fédéral (cf. ATF 126 I 15 consid. 2a p. 16).

2.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par cette
disposition,
comprend notamment le droit pour l'intéressé de produire des preuves
pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves
pertinentes et de participer à l'administration des preuves
essentielles, ou
à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de
nature à
influer sur la décision à rendre (ATF 127 III 576 consid. 2c p. 578;
127 V
431 consid. 3a p. 436; 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16 et les arrêts
cités). Le
droit de faire administrer des preuves suppose que le fait à prouver
soit
pertinent, que le moyen de preuve proposé soit nécessaire pour
constater ce

fait et que la demande soit présentée selon les formes et délais
prescrits
par le droit cantonal. Par ailleurs, cette garantie constitutionnelle
n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque
les
preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que,
procédant
d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves
qui lui
sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient
l'amener à
modifier son opinion (ATF 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p. 135, 417
consid.
7b p. 430; 124 I 208 consid. 4a p. 211). Ces principes sont valables
aussi
bien à la mise en oeuvre d'une expertise qu'à l'audition d'un témoin
(ATF 124
I 208 consid. 4 p. 212, 274 consid. 5b p. 285; 115 Ia 8 consid. 3a p.
11/12;
106 Ia 161 consid. 2b p. 162).

2.2 La recourante est d'avis que l'audition des Docteurs Nathalie
Calame et
Didier Defleur se justifiait parce qu'elle leur aurait permis
d'exprimer de
vive voix leurs constatations et d'apporter des précisions
complémentaires à
leur interrogation écrite. Elle ne précise toutefois pas, comme il lui
appartenait de le faire pour respecter les exigences de motivation de
l'art.
90 al. 1 let. b OJ (cf. ATF 128 III 50 consid. 1c p. 53/54 et les
arrêts
cités), sur quels points pertinents pour l'issue du litige ces témoins
devaient apporter des informations complémentaires à celles qu'ils
avaient
déjà données en réponse au questionnaire écrit qui leur avait été
soumis. Au
contraire, ces praticiens ont indiqué dans quel cadre et à quel titre
ils
étaient intervenus dans la procédure et ils ont expliqué les raisons
pour
lesquelles ils étaient convaincus de la réalité des abus sexuels dont
l'enfant aurait été la victime de la part de son père. Dans ces
conditions,
les premiers juges pouvaient sans arbitraire estimer que l'avis de
ces deux
médecins était connu et qu'une nouvelle audition était superflue,
sans qu'il
soit nécessaire d'examiner le mérite des autres arguments retenus pour
refuser cette mesure d'instruction.

2.3 La recourante prétend qu'une expertise complémentaire à celle du
Docteur
Philippe Vuille s'imposerait au motif que ce dernier aurait démontré
un parti
pris manifeste à son égard et que ses conclusions seraient clairement
erronées. On peut se demander si elle est encore habilitée à se
plaindre du
manque d'objectivité de l'expert mandaté par le Tribunal
correctionnel dès
lors qu'elle n'en a pas exigé la récusation sitôt après s'être vue
refuser la
possibilité de filmer le second entretien, mais qu'elle a attendu le
dépôt du
rapport d'expertise pour critiquer la manière dont celle-ci s'était
déroulée
et les conclusions auxquelles elle aboutit (ATF 126 I 203 consid. 1b
p.
205/206; 126 III 249 consid. 3c p. 253/254 et les références citées;
cf.
s'agissant de la récusation d'un expert, ATF 116 Ia 135 consid. 2d p.
138).
Cette question peut demeurer indécise. La Cour de cassation pénale a
considéré que l'expertise réalisée par le Docteur Philippe Vuille sur
la
personne de S.________ était fouillée, précise et très complète, et
qu'elle
avait été menée de manière objective, les réactions et le vécu
subjectif de
l'examinateur pendant l'observation traduisant un souci de
transparence et
non un parti pris en défaveur de la recourante. L'expert s'est en
outre
expliqué de manière convaincante sur les circonstances dans
lesquelles cette
dernière avait demandé à pouvoir filmer les entretiens et sur les
raisons de
son refus. Enfin, il a émis ses considérations au sujet de
l'algodystrophie
dont souffrirait la recourante dans le but de présenter un rapport
d'expertise complet, tout en insistant sur le fait qu'il n'était pas
un
spécialiste de cette maladie. Ces considérations échappent au grief
d'arbitraire.
Dans son rapport d'expertise, le Docteur Philippe Vuille a clairement
exposé
les difficultés qu'il avait rencontrées dans ses relations avec la
plaignante; dans un complément du 10 janvier 2002, il a indiqué les
raisons
pour lesquelles il en avait fait mention; au vu de ces explications,
la cour
cantonale pouvait sans arbitraire admettre que les appréciations de
l'examinateur quant au déroulement de l'expertise relevées dans son
rapport
traduisaient non pas un parti pris ou un ressentiment à l'encontre de
la
recourante, mais un souci de transparence. Dans ce même complément,
l'expert
a mentionné les raisons pour lesquelles il n'avait pas estimé utile
de filmer
les entretiens; or, la recourante ne prétend pas que les propos qui y
sont
relatés seraient inexacts et la Cour de cassation pénale en a déduit
de
manière soutenable que le refus opposé à la requête formulée en ce
sens par
la plaignante ne procédait pas d'un ressentiment de la part de
l'expert.
Selon le questionnaire qui lui avait été remis, le Docteur Philippe
Vuille
devait se prononcer sur la crédibilité des déclarations de S.________
au
sujet des atteintes physiques et psychiques dont elle se plaignait et
sur la
nécessité d'être suivie par le Docteur Jacques Fradin, à Paris; les
considérations émises en relation avec l'algodystrophie dont
souffrirait la
recourante s'inscrivent dans ce cadre et ne permettent pas d'établir
un parti
pris de l'expert, celui-ci ayant pris soin de préciser qu'il n'était
pas un
spécialiste de cette maladie; pour le surplus, le Docteur Philippe
Vuille a
indiqué les motifs sur lesquels il appuyait ses conclusions quant à
l'existence de troubles de la personnalité et de l'adaptation chez
l'expertisée; le seul fait qu'elles ne soient pas partagées par la
recourante
ne suffit pas encore pour admettre qu'elles sont fausses, ou qu'elles
seraient le fruit d'un ressentiment de la part de leur auteur, et
justifier
la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise, ce d'autant que l'expert a
répondu aux critiques que lui adressait le Docteur Jacques Fradin.

S. ________ voit enfin un élément propre à démontrer le parti pris de
l'expert à son égard dans le fait que celui-ci a analysé la
crédibilité de
E.________, sans en avoir été requis, et l'a mise en doute sur la
base d'un
seul enregistrement video de l'enfant et de données théoriques. La
Cour de
cassation pénale a écarté cet argument sur la base d'une motivation
détaillée
que la recourante ne critique pas ou du moins pas dans les formes
requises
par l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. ATF 128 III 50 consid. 1c
précité). La
recevabilité du recours sur ce point peut demeurer ouverte, car
l'arrêt
attaqué résiste de toute manière au grief d'arbitraire. Suivant la
mission
qui lui avait été confiée, le Docteur Philippe Vuille devait se
prononcer sur
la crédibilité des déclarations de la plaignante en relation avec les
mauvais
traitements dont E.________ aurait été l'objet de la part de son
père; or,
ces déclarations se basaient essentiellement sur celles de son fils.
Dans ces
conditions, l'expert pouvait sans arbitraire tenir compte des pièces
versées
au dossier permettant de reconstituer les propos de l'enfant et, en
particulier, des enregistrements audio et video réalisés par sa mère
au mois
de décembre 1998 et au cabinet du Docteur Jacques Fradin, le 8
février 1999.
A ce propos, il a rejoint les constatations faites par l'inspectrice
de
police, dans son rapport de synthèse du 26 mars 1999, et par le Juge
d'instruction en charge du dossier, dans une note du 7 juin 1999, sur
la
valeur probante de ces enregistrements; il n'a pas contesté les
constatations
faites par la Doctoresse Marie-Odile Goubier-Boula et les conclusions
qu'elle
en a tirées, mais il a attiré l'attention du juge sur le fait qu'une
déformation de la réalité par la mère transmise à l'enfant par le
biais de
mécanisme de suggestion et de pression extrêmement importants ne
pouvait,
selon lui, pas être écartée au regard de la manière dont la
recourante avait
interrogé son fils. On ne saurait dire que l'expert aurait marqué un
parti
pris à l'égard de S.________ en attirant l'attention du tribunal sur
ce point
et sur le fait que deux lectures du dossier étaient possibles. Enfin,
en
présence d'expertises contradictoires dans leurs conclusions, le juge
ne doit
pas nécessairement ordonner une nouvelle expertise, mais il lui
appartient de
les apprécier au regard des autres éléments de preuve qui sont à sa
disposition (ATF 107 IV 7 consid. 5 p. 8; voir aussi ATF 124 I 170
consid. 4
p. 175). Les premiers juges n'avaient ainsi aucun motif sérieux de
procéder à
une expertise complémentaire à celle du Docteur Philippe Vuille,
comme l'a
retenu la Cour de cassation pénale (cf. ATF 118 Ia 144 consid. 1c in
fine p.
146/147).

2.4 Vu ce qui précéde, le recours doit être rejeté en tant qu'il
porte sur
une violation de l'art. 29 al. 2 Cst.

3.
Invoquant l'art. 9 Cst., la recourante se plaint à divers titres
d'arbitraire
dans l'appréciation faite de la culpabilité de P.________ dans les
préventions d'actes d'ordre sexuel avec des enfants et de délit
manqué de
contrainte.

3.1 La jurisprudence reconnaît au juge un important pouvoir
d'appréciation
dans la constatation des faits et leur appréciation, qui trouve sa
limite
dans l'interdiction de l'arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41;
124 IV 86
consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2a p. 38; 118 Ia 28 consid. 1a p.
30; 116
Ia 85 consid. 2b p. 88 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral
n'intervient
en conséquence pour violation de l'art. 9 Cst. que si le juge a abusé
de ce
pouvoir, en particulier lorsqu'il admet ou nie un fait pertinent en se
mettant en contradiction évidente avec les pièces et éléments du
dossier,
lorsqu'il méconnaît des preuves pertinentes ou qu'il n'en tient
arbitrairement pas compte, lorsque les constatations de fait sont
manifestement fausses ou encore lorsque l'appréciation des preuves se
révèle
insoutenable ou qu'elle heurte de façon grossière le sentiment de la
justice
et de l'équité (ATF 129 I 49 consid. 4 p. 58; 128 I 81 consid. 2 p.
86; 124
IV 86 consid. 2a p. 88; 118 Ia 28 consid. 1b p. 30; 117 Ia 133
consid. 2c p.
39, 292 consid. 3a p. 294).
Concernant plus particulièrement l'appréciation du résultat d'une
expertise,
le juge n'est en principe pas lié par ce dernier (art. 249 PPF). Mais
s'il
entend s'en écarter, il doit motiver sa décision et ne saurait, sans
motifs
déterminants, substituer son appréciation à celle de l'expert, sous
peine de
verser dans l'arbitraire. En d'autres termes, le juge qui ne suit pas
les
conclusions de l'expert n'enfreint pas l'art. 9 Cst. lorsque des
circonstances bien établies viennent en ébranler sérieusement la
crédibilité
(ATF 129 I 49 consid. 4 p. 57/58; 128 I 81 consid. 2 p. 86; 122 V 157
consid.
1c p. 160; 119 Ib 254 consid. 8a p. 274; 118 Ia 144 consid. 1c p.
146/147 et
les arrêts cités). Tel est notamment le cas lorsque l'expertise
contient des
contradictions et qu'une détermination ultérieure de son auteur vient
la
contredire sur des points importants, ou lorsqu'elle se fonde sur des
pièces
et des témoignages dont le juge apprécie autrement la valeur probante
ou la
portée (ATF 101 IV 129 consid. 3a in fine p. 130). Si, en revanche,
les
conclusions d'une expertise judiciaire apparaissent douteuses sur des
points
essentiels, celui-ci doit recueillir des preuves complémentaires pour
tenter
de dissiper ses doutes. A défaut, en se fondant sur une expertise non
concluante, il pourrait commettre une appréciation arbitraire des
preuves et
violer l'art. 9 Cst. (ATF 118 Ia 144 consid. 1c p. 146). Par ailleurs,
lorsque deux ou plusieurs expertises divergent entre elles sur des
points
importants, celles-ci ne bénéficient plus du crédit qui est attaché
aux avis
d'experts et qui interdit au juge de s'en écarter sans motifs
déterminants
(ATF 107 IV 7 consid. 5 p. 8; voir aussi ATF 124 I 170 consid. 4 p.
175).
Dans le cadre d'un recours de droit public pour arbitraire contre une
décision prise en dernière instance cantonale par une autorité qui
statuait
elle-même sous cet angle restreint, le Tribunal fédéral vérifie si
c'est à
tort ou à raison que cette autorité a nié l'arbitraire du jugement de
première instance et, de ce fait, enfreint l'interdiction du déni de
justice
matériel, question qu'il lui appartient d'élucider à la seule lumière
des
griefs soulevés dans l'acte de recours (ATF 125 I 492 consid. 1a/cc
et 1b p.
495; 111 Ia 353 consid. 1b in fine p. 355).

3.2 Les premiers juges ont constaté que E.________ avait été
interrogé par de
nombreuses personnes à plusieurs reprises depuis le début de l'année
1997 et
qu'il avait été soumis à des questions extrêmement suggestives pour
l'amener
à dire ce que son père lui faisait subir, avant d'être examiné par la
Doctoresse Marie-Odile Goubier-Boula et le psychologue Michel
Stalder. Ils
ont relevé différents éléments qui les ont conduits à appréhender avec
réserve les conclusions de l'expert, à savoir qu'elle n'avait pas pris
contact avec les médecins consultés au cours de la procédure; que les
Docteurs Nathalie Calame et Pierre-Alain Leuba l'avaient abordée avant
l'expertise pour lui exposer leur point de vue; qu'elle n'avait pris
qu'imparfaitement connaissance du dossier, puisqu'elle avait pensé
qu'une
retranscription d'audition de l'enfant correspondait au contenu de la
cassette vidéo qu'elle n'avait pas visionnée, mais qu'elle avait
considérée
comme une révélation valable, même après avoir été informée de son
erreur,
lors des débats; qu'elle avait évoqué une possible masturbation avec
éjaculation et fellation, dont il n'avait jamais
été question, en
relation
avec l'allusion faite par E.________ à du "jus de coco". Ils ont
également
souligné qu'aucun médecin n'avait constaté de lésions sur l'enfant
et, en
particulier de blessures à l'anus, à l'exception d'une ecchymose à la
suite
de la dispute intervenue entre ses parents le 9 janvier 1998. Ils ont
vu un
élément important dans le fait que E.________ s'était plaint à sa
baby-sitter, au mois de mai 1999, de brûlures à l'anus qu'il imputait
à son
père, alors que le droit de visite s'exerçait en milieu protégé
depuis le
début de l'année. Ils ont en outre relevé qu'à l'exception de
l'épisode
survenu au début de l'année scolaire 1999-2000, où l'enfant avait
léché les
seins de C.________, ses maîtresses d'école n'avaient jamais constaté
de
comportements pouvant donner à penser qu'il était la victime d'abus
sexuels.
Ils ont tenu pour peu plausible que l'enfant ait dormi nu avec son
père alors
qu'il n'était pas encore propre à cette époque. Ils ont enfin
constaté lors
des débats certaines attitudes de la plaignante décrites par le
Docteur
Philippe Vuille et se sont dits convaincus par l'analyse de cet
expert, qui
corroborait les autres éléments du dossier et qui laissait ouvertes
les
possibilités que l'enfant ait été la victime soit d'un abus sexuel de
la part
de son père, soit de la situation de conflit opposant ses parents. En
conclusion, les premiers juges ont estimé que, s'ils ne pouvaient
péremptoirement exclure que le prévenu ait commis certains actes au
préjudice
de son fils, au sens de l'ordonnance de renvoi, il n'en demeurait pas
moins
que ces faits n'étaient pas prouvés ou démontrés par un faisceau
d'indices,
mais paraissaient au contraire plutôt improbables. La Cour de
cassation
pénale a considéré que cette appréciation résistait au grief
d'arbitraire, en
relevant notamment que les développements scientifiques présentés par
le
Docteur Philippe Vuille au sujet de la crédibilité des enfants
rejoignaient
les éléments dégagés par la jurisprudence du Tribunal fédéral et
pouvaient
trouver application dans le cas particulier.
La recourante prétend qu'il serait arbitraire de préférer les
conclusions du
Docteur Philippe Vuille, basées sur des développements théoriques et
sans
aucun fondement objectif, à celles de la Doctoresse Marie-Odile
Goubier-Boula, qui s'appuient sur un examen psychologique de l'enfant
et sur
les observations recueillies à l'occasion de contacts directs avec
celui-ci.

3.3 L'expertise de crédibilité doit permettre au juge d'apprécier la
valeur
des déclarations de l'enfant, en s'assurant que ce dernier n'est pas
suggestible, que son comportement trouve son origine dans un abus
sexuel et
n'a pas une autre cause, qu'il n'a pas subi l'influence de l'un des
parents,
ce qui pourrait être le cas lorsque les accusations sont portées dans
le
cadre d'un conflit conjugal, et qu'il ne relève pas de la pure
fantaisie de
l'enfant. Pour qu'une telle expertise ait une valeur probante, elle
doit
répondre aux standards professionnels reconnus par la doctrine et la
jurisprudence récente (ATF 129 I 49 consid. 5 p. 58; 128 I 81 consid.
2 p. 85
et les références citées; cf. arrêt 1P.262/2000 du 19 juillet 2000
cité par
Philipp Maier/Arnulf Möller, Begutachtungen der Glaubhaftigkeit in der
Strafrechtspraxis, AJP 2002, p. 686, note 24).
Le rapport du Docteur Philippe Vuille n'a pas la qualité d'une
expertise de
crédibilité en ce qui concerne E.________. Cela ne signifie pas pour
autant
que l'avis exprimé par ce praticien au sujet de la crédibilité de
l'enfant
dans le cadre de l'expertise psychologique de la recourante devait
être
ignoré par les premiers juges. Il s'agissait au contraire d'un
élément dont
ces derniers pouvaient sans arbitraire tenir compte dans leur
appréciation.
Au demeurant, le Docteur Philippe Vuille n'a pas exclu que E.________
ait
effectivement été victime d'abus sexuels de la part de son père pour
les
raisons évoquées par la Doctoresse Marie-Odile Goubier-Boula; il a
refusé de
voir, dans l'enregistrement vidéo réalisé le 8 février 1999 au
cabinet du
Docteur Jacques Fradin, une révélation valable en raison du caractère
suggestif des questions posées et de la très forte pression exercée
sur
l'enfant pour obtenir une réponse; il s'est dit persuadé qu'en
soumettant,
pendant plusieurs mois, un jeune enfant encore en phase d'acquisition
du
langage à un "drill" comme celui que E.________ semble avoir subi, on
puisse
obtenir de lui qu'il formule des accusations mensongères, sans pour
autant
affirmer qu'elles le sont obligatoirement dans le cas particulier. La
recourante ne conteste pas à juste titre que l'entretien enregistré
le 8
février 1999 a été mené dans des conditions inadéquates et
critiquables, qui
lui ôtent toute valeur probante (cf. pour des exemples de questions
suggestives ou d'interrogatoire mené de manière suggestive, Mario
Gmür, Das
psychiatrische Glaubwürdig-keitsgutachten, Kriminalistik 2000, p.
132; Hubert
Van Gijseghem, La validation des allégations d'abus sexuel, in: Us et
abus de
la mise en mots en matière d'abus sexuel, Montréal 1999, p. 21). Les
premiers
juges pouvaient sans arbitraire voir dans la manière dont cet
entretien a été
conduit un élément propre à mettre en doute la crédibilité de
l'enfant et la
valeur de l'expertise de la Doctoresse Marie-Odile Goubier-Boula, qui
tient
les déclarations faites à cette occasion comme une révélation
valable, car
plus proche des faits suspectés.
Le recours à des techniques de questionnement suggestives ne signifie
pas
nécessairement qu'une déclaration aurait effectivement été influencée
ou
déformée. En pareil cas, une reconstruction exacte de l'historique de
la
déclaration est indispensable (ATF 129 I 49 consid. 6.1 p. 59/60).
Dans ce
cadre, les premières déclarations de l'enfant revêtent une importance
capitale, car elles sont plus proches des faits et permettent
d'exclure une
éventuelle influence extérieure et d'éviter une contamination
ultérieure au
gré des interrogatoires successifs (ATF 129 I 49 consid. 6.1 p.
59/60; Renate
Volbert, Suggestibilität kindlicher Zeugen, in Max Steller/Renate
Volbert,
Psychologie im Strafverfahren, Berne 1997, p. 40; Hubert Van
Gijseghem, op.
cit., p. 32; Markus Hug, Glaubhaftigkeitsgutachten bei Sexualdelikten
gegenüber Kindern, SJZ 2000, p. 31 et les références citées à la note
63).
Dans la mesure du possible, il convient d'enregistrer la première
déclaration
officielle de l'enfant par des moyens audio-visuels afin de garantir
que ce
dernier n'a pas été induit à porter des accusations erronées ou
exagérées
sous l'influence de tiers. Un compte-rendu écrit de la séance est en
principe
insuffisant, car il ne permet pas d'apprécier la façon dont l'enfant
a fait
la déclaration et d'identifier les indicateurs qui augmentent la
probabilité
que le récit soit basé sur des faits réellement vécus (ATF 129 I 49
consid.
6.1 p. 60; cf. en ce sens, Mario Gmür, Das psychiatrische
Glaubwürdigkeitsgutachten, Kriminalistik 2000, p. 130; Hubert Van
Gijseghem,
op. cit., p. 35). Dans le cas particulier, les premières déclarations
de
E.________ n'ont pas été enregistrées, ce qui rend problématique une
analyse
du témoignage de l'enfant requise par la jurisprudence. On ignore en
particulier dans quelles conditions celui-ci a été amené à porter les
premières accusations contre son père et, en particulier, si ces
dernières
ont été faites spontanément ou en réponse à des questions orientées
de sa
mère ou de tiers. A cet égard, les constatations des praticiens qui
ont suivi
l'enfant durant cette période ne permettent pas de pallier cette
absence et,
en particulier, d'exclure que celui-ci ait subi une influence même
involontaire de la part de sa mère ou de tiers. De même, le fait que
E.________ a réitéré spontanément certaines de ses accusations devant
l'expert et le psychologue, puis devant des tiers, n'exclut nullement
l'hypothèse d'une influence extérieure initiale ou d'une contamination
ultérieure.
L'expertise de crédibilité de la Doctoresse Marie-Odile Goubier-Boula
est au
surplus également problématique du point de vue des standards
reconnus comme
valables par les spécialistes, car elle se fonde pour l'essentiel sur
ses
propres investigations, menées un peu moins de deux ans après les
premières
constatations faites par la mère d'un comportement susceptible d'être
constitutif d'un abus sexuel. L'expert s'est déclarée convaincue de la
véracité des dires de E.________ sur la base de différents éléments
constatés
dans les propos et les gestes de l'enfant au cours de ses
consultations
successives. Elle n'a donc pas procédé à une analyse de la
déclaration de
l'enfant, ce qui tend à relativiser la valeur de cette expertise,
indépendamment des points relevés par les premiers juges à propos de
l'épisode du "jus de coco" et du crédit à accorder à l'enregistrement
vidéo
de l'enfant. En outre, les symptômes relevés par la Doctoresse
Marie-Odile
Goubier-Boula chez E.________ ne sont pas nécessairement la preuve
d'un abus
sexuel. L'existence d'un état de choc post-traumatique se retrouve
fréquemment chez les victimes d'infractions à l'intégrité sexuelle,
mais elle
n'est pas spécifique aux victimes de tels abus, et se constate
également
auprès de personnes souffrant d'une situation de stress due à une
séparation
conflictuelle des parents (cf. Mario Gmür, op. cit., p. 131). Il en
va de
même des symptômes tels que l'encoprésie, la constipation ou des
rougeurs,
qui peuvent suggérer un abus sexuel, sans toutefois en être la
preuve, dans
la mesure où ils peuvent également s'expliquer par d'autres facteurs
(Claire
Jodoin, La validation des allégations d'abus sexuel, in: Us et abus
de la
mise en mots en matière d'abus sexuel, Montréal 1999, p. 47). De
même, les
comportements sexualisés constatés chez l'enfant ne constituent pas
encore en
soi une indication valable d'un abus sexuel réellement vécu, mais
doivent
être interprétés avec prudence, en particulier dans un contexte de
forte
suggestivité (ATF 128 I 81 consid. 3c p. 89, qui se réfère sur ce
point à
Vera Kling, Glaubhaftigkeitsgutachten, Standards und Fehler, in:
Heer/Pfister-Liechti, Das Kind im Straf- und Zivilprozess, Berne
2002, p.
119; arrêt 6P.225/1999 du 11 juillet 2000, consid. 5a résumé à la Pra
2000 n°
164 p. 996 et cité par Philipp Maier/Arnulf Möller, Begutachtungen der
Glaubhaftigkeit in der Strafrechtspraxis, AJP 2002, p. 687, note 32).
Les
premiers juges ne se sont donc pas écartés sans raisons sérieuses des
conclusions de l'expertise de crédibilité réalisée par la Doctoresse
Marie-Odile Goubier-Boula.
Au demeurant, ils se sont également fondés sur d'autres éléments que
la
recourante ne cherche pas à remettre en cause pour abandonner les
charges
retenues contre P.________. A cet égard, ils pouvaient de manière
soutenable
voir un élément de nature à susciter un doute sur la crédibilité de
l'enfant
dans le fait que ce dernier s'est plaint de rougeur à l'anus, dont il
accusait son père d'être à l'origine, à sa baby-sitter au mois de mai
1999,
alors que le droit de visite était exercé sous surveillance depuis le
début
de l'année. De même, ils pouvaient voir des éléments de nature à
renforcer
leurs doutes dans le fait que les maîtresses d'école de E.________
n'ont
jamais constaté de gestes de nature à redouter que l'enfant aurait
été la
victime d'abus sexuels et dans l'absence de lésions alors même qu'il
prétendait que son père lui aurait introduit un tournevis dans l'anus.
Dans ces conditions, les premiers juges n'ont pas procédé à une
appréciation
arbitraire des preuves en libérant P.________ de l'accusation d'actes
d'ordre
sexuel avec des enfants.

3.4 La recourante soutient également que la cour cantonale aurait
fait preuve
d'arbitraire en abandonnant la prévention de délit manqué de
contrainte à
l'encontre de l'intimé. Elle se réfère à ce sujet aux propos tenus
par son
ex-mari devant le Juge d'instruction en charge du dossier le 19 août
1999,
puis à l'audience de jugement du 7 février 2002, qui établiraient
clairement
que celui-ci avait versé les pensions alimentaires sur un compte
ouvert au
nom de leur fils E.________ afin de faire pression sur elle pour
qu'il puisse
voir l'enfant et l'empêcher d'utiliser cet argent en vue de financer
des
procédures contre lui.
Les premiers juges ont considéré que P.________ avait retenu les
paiements en
raison de sa déception de ne plus pouvoir entretenir des relations
avec son
fils et parce qu'il craignait de voir cet argent alimenter des
procédures
dirigées contre lui. Selon eux, il n'était pas certain que le prévenu
ait
pensé et réellement voulu faire pression sur la plaignante pour que
l'exercice du droit de visite reprenne alors qu'il faisait l'objet
d'accusations d'abus sexuels, mais il était bien plus probable qu'à
cet
égard, les propos tenus par l'intimé devant le Juge d'instruction
exprimaient
maladroitement les intentions de leur auteur. La Cour de cassation
pénale a
estimé que cette interprétation, quoique discutable, était encore
soutenable
sous l'angle étroit de l'arbitraire, car on voyait mal comment
P.________
aurait pu espérer rétablir le droit de visite sur son fils en privant
ce
dernier et la plaignante de leurs moyens de subsistance. En outre, il
ne
ressortait nullement du dossier que le prévenu aurait manifesté envers
S.________ l'intention d'exercer sur elle une quelconque pression; le
non-paiement
des pensions étant déjà réprimé comme tel, un concours
idéal de
délits ne pouvait résulter seulement des éventuels mobiles du prévenu.
La Cour de cassation pénale a donc confirmé le jugement de première
instance
sur ce point non pas en se fondant sur la seule motivation retenue
par le
Tribunal correctionnel, tenue pour discutable, mais aussi et surtout
parce
que la plaignante n'avait, selon ses propres déclarations au Juge
d'instruction, fait l'objet d'aucune pression établie de la part de
son
ex-mari et qu'en l'absence d'une telle pression, celui-ci ne pouvait
être
condamné pour délit manqué de contrainte en concours avec une
violation d'une
obligation d'entretien sur la base de ses seules intentions. Or, la
recourante ne critique nullement cette dernière motivation, mais se
borne à
rappeler les raisons pour lesquelles celle retenue par les premiers
juges
serait insoutenable. Le recours ne répond donc pas sur ce point aux
exigences
de motivation découlant de l'art. 90 al. 1 let. b OJ et doit être
déclaré
irrecevable (ATF 121 I 1 consid. 5a p. 10; 121 IV 94 consid. 1b p.
95; 119 Ia
13 consid. 2 p. 16; 118 Ib 26 consid. 2b p. 28 et les arrêts cités;
cf. aussi
Jean-François Poudret, La pluralité de motivations, condition de
recevabilité
des recours au Tribunal fédéral?, in: Le droit pénal et ses liens
avec les
autres branches du droit, Mélanges en l'honneur du Professeur Jean
Gauthier,
RDS 114/1996 p. 205 et les références citées).

4.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans
la mesure
où il est recevable, aux frais de la recourante qui succombe (art.
156 al. 1
OJ). Cette dernière versera en outre une indemnité de dépens à
l'intimé, qui
obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Une indemnité de 1'000 fr. est allouée à P.________ à titre de
dépens, à la
charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
ainsi
qu'au Ministère public et à la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal
du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 16 juin 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.652/2002
Date de la décision : 16/06/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-06-16;1p.652.2002 ?
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