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13/06/2003 | SUISSE | N°1P.314/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 juin 2003, 1P.314/2003


{T 0/2}
1P.314/2003/col

Arrêt du 13 juin 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Juge présidant, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin

H.________, actuellement détenu à la prison de la Tuilière, 1027
Lonay,
recourant, représenté par Me Antoine Eigenmann, avocat, place Bel-Air
1, case
postale 632,
1000 Lausanne 9,

contre

Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, chemin de
Couvaloup 6,
1014 Lausanne,
Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Univers

ité 24, case
postale,
1014 Lausanne,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route
du Sign...

{T 0/2}
1P.314/2003/col

Arrêt du 13 juin 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Juge présidant, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin

H.________, actuellement détenu à la prison de la Tuilière, 1027
Lonay,
recourant, représenté par Me Antoine Eigenmann, avocat, place Bel-Air
1, case
postale 632,
1000 Lausanne 9,

contre

Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, chemin de
Couvaloup 6,
1014 Lausanne,
Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case
postale,
1014 Lausanne,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route
du Signal
8, 1014 Lausanne.

détention préventive,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 1er mai 2003.

Faits:

A.
H. ________, ressortissant péruvien né le 19 janvier 1966, a été
arrêté le 28
avril 2001 et placé en détention préventive pour infraction grave à
la loi
fédérale sur les stupéfiants et infraction à la loi fédérale sur le
séjour et
l'établissement des étrangers. Il est soupçonné d'être impliqué dans
un
trafic de stupéfiants entre le Pérou et la Suisse, portant sur
plusieurs
kilos de cocaïne pure. Il lui est en outre reproché d'être entré
illégalement
sur le territoire helvétique, au moyen d'un faux passeport chilien.
H.________ a reconnu être venu en Suisse pour procéder à l'extraction
de
plusieurs centaines de grammes de cocaïne qui était mélangée à de la
cire
d'abeille contenue dans des bidons importés du Pérou. Il a en
revanche nié
toute autre implication dans un trafic de stupéfiants.
Par ordonnance du 14 avril 2003, le Juge d'instruction de
l'arrondissement de
Lausanne en charge du dossier a refusé la mise en liberté provisoire
de
H.________ pour des motifs tirés de la sécurité et de la protection de
l'ordre public, et en raison d'un risque de fuite et d'un danger de
collusion
avec les personnes restées ou retournées au Pérou.
Au terme d'un arrêt rendu le 1er mai 2003, le Tribunal d'accusation du
Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal
d'accusation) a
rejeté le recours formé contre cette décision par H.________. Il a
confirmé
l'existence de présomptions suffisantes de culpabilité à l'encontre du
prévenu et d'un risque de fuite. Il a en outre estimé qu'au vu de
l'imminence
annoncée du dépôt du rapport de synthèse, la prolongation de la
détention
préventive était encore compatible avec le principe de la
proportionnalité
pour autant qu'elle soit impérativement limitée au strict minimum. Il
a
invité en conséquence les enquêteurs à déposer sans délai leur
rapport de
synthèse, au besoin par l'intermédiaire du Juge d'instruction
cantonal, et le
magistrat instructeur à clôturer l'enquête sans attendre l'exécution
de la
commission rogatoire que celui-ci envisage de décerner aux autorités
péruviennes.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, H.________ demande au
Tribunal fédéral d'ordonner sa libération immédiate, en raison d'une
violation du principe de la célérité consacré aux art. 31 al. 3 Cst.
et 5
par. 3 CEDH.
Le Tribunal d'accusation se réfère aux considérants de son arrêt. Le
Procureur général du canton de Vaud conclut au rejet du recours; il a
joint
en annexe à ses observations le rapport de synthèse établi le 23 mai
2003 par
la Police de sûreté vaudoise. Le Juge d'instruction de
l'arrondissement de
Lausanne n'a pas formulé d'observations. Il ressort toutefois du
dossier
cantonal qu'en date du 26 mai 2003, il a notifié aux parties un avis
de
prochaine clôture de l'enquête en leur impartissant un délai au 30
juin 2003
pour consulter le dossier, formuler toute réquisition ou produire
toute pièce
utile.

H. ________ a répliqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recourant est personnellement touché par l'arrêt attaqué, qui
confirme une
décision refusant sa mise en liberté provisoire; il a un intérêt
personnel,
actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision soit annulée,
et a,
partant, qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Formé en temps
utile
contre une décision prise en dernière instance cantonale, le recours
répond
aux exigences des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ, de sorte qu'il
convient
d'entrer en matière. Les conclusions du recourant tendant à sa
libération
immédiate sont par ailleurs recevables (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa
p. 333).

2.
Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être jugé dans
un délai
raisonnable consacré aux art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH. Il
prétend que
l'invitation faite au Juge d'instruction en charge du dossier de
clore sans
délai l'enquête à réception du rapport de synthèse ne suffirait pas
pour
rétablir une situation conforme aux principes de la célérité et de la
proportionnalité. Il conclut à sa libération immédiate pour ce motif.

2.1 Les art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH reconnaissent à toute
personne
arrêtée ou détenue le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou
d'être
libérée pendant la phase d'instruction préparatoire. Selon la
jurisprudence,
ce droit est notamment violé lorsque la durée de la détention
préventive
dépasse celle de la peine privative de liberté qui pourrait, le cas
échéant,
être prononcée (ATF 126 I 172 consid. 5a p. 176/177 et les arrêts
cités).
Celle-ci doit être évaluée avec la plus grande prudence, car il faut
éviter
que le juge de l'action pénale ne soit incité à prononcer une peine
excessive
pour la faire coïncider avec la détention préventive à imputer (ATF
116 Ia
143 consid. 5a p. 147). Cette question doit être examinée au regard de
l'ensemble des circonstances concrètes d'espèce (ATF 126 I 172
consid. 5a p.
177; 124 I 208 consid. 6 p. 215; 123 I 268 consid. 3a p. 273; 116 Ia
143
consid. 5a p. 147; 107 Ia 256 consid. 1b p. 257).
L'incarcération peut aussi être disproportionnée en cas de retard
injustifié
dans le cours de la procédure pénale (ATF 123 I 268 consid. 3a p.
273; 116 Ia
147 consid. 5a, 107 Ia 257 consid. 2 et 3). A cet égard, l'Etat est
tenu par
une obligation de résultat; il ne saurait arguer des difficultés de
l'organisation judiciaire pour faire échec aux prérogatives découlant
de la
liberté personnelle et de l'art. 5 par. 3 CEDH (arrêt 1P.107/2002 du
7 mars
2002, consid. 4.2, rendu à propos d'un arrêt du Tribunal
d'accusation). Le
caractère raisonnable de la durée d'une procédure pénale s'apprécie
selon les
circonstances particulières de la cause, eu égard à la complexité de
l'affaire, au comportement du requérant et à celui des autorités
compétentes,
ainsi qu'à l'enjeu du litige pour le prévenu (ATF 124 I 139 consid.
2c p.
142; 119 Ib 311 consid. 5b p. 325; 117 Ib 193 consid. 1c p. 197; 117
IV 124
consid. 3 p. 126).

2.2 Le recourant est prévenu d'infraction à la loi fédérale sur le
séjour et
l'établissement des étrangers pour être entré illégalement en Suisse.
Il est
également prévenu d'infraction grave à la loi fédérale sur les
stupéfiants,
passible d'une peine d'emprisonnement ou de réclusion pour une année
au moins
(cf. art. 19 ch. 1 et 2 let. a LStup). Lors de sa troisième audition,
il a
admis avoir transformé en deux fois environ un kilo de cocaïne pure
mélangée
à de la cire d'abeille, qu'il a remise à D.________ en vue de sa
revente.
Selon ce dernier, il aurait versé au prévenu entre 18'000 et 20'000
dollars
américains en rémunération de ses services. Le recourant est
également mis en
cause par un requérant d'asile nigérian domicilié en Suisse, qui
aurait
retiré un bidon de cire d'abeille mélangée à de la cocaïne, à la
demande et
pour le compte du prévenu. Ce dernier l'aurait en outre approché à
Berlin en
février 2001 pour écouler une quantité de 400 grammes de cocaïne en
Suisse,
sans toutefois que cette opération ne se concrétise. Il ressort par
ailleurs
des contrôles téléphoniques opérés sur les raccordements de
D.________ que le
recourant pourrait avoir joué un rôle plus important que celui qu'il
admet
avoir tenu. En l'état, la durée de la détention préventive subie ne
dépasse
pas la peine privative de liberté à laquelle s'expose le recourant.
De ce
point de vue, le maintien en détention préventive ne viole pas le
principe de
la proportionnalité. Le recourant ne le conteste d'ailleurs pas. Il
se plaint
en revanche à juste titre de la manière dont la procédure a été menée.

H. ________ a été entendu la dernière fois en date du 30 septembre
2002;
depuis lors, aucune mesure d'instruction n'a été entreprise en Suisse.
Conscient des difficultés liées à l'envoi d'une commission rogatoire
aux
autorités péruviennes, le Juge d'instruction en charge du dossier a,
lors
d'un entretien téléphonique du 7 octobre 2002, requis de l'inspecteur
de la
Police de sûreté vaudoise qu'il établisse son rapport de synthèse
sans plus
attendre, en faisant abstraction des investigations menées au Pérou;
interpellé par le conseil du prévenu sur les lenteurs de la
procédure, le
Juge d'instruction a répondu, dans une lettre du 21 octobre 2002, que
les
enquêteurs avaient entrepris de rédiger le rapport de synthèse et
qu'ils
s'employaient à reconstituer aussi exactement que possible les
pérégrinations
de son client dans les semaines, voire dans les mois précédant son
arrivée en
Suisse, ces démarches étant compliquées par le manque de
collaboration du
prévenu. Le 19 mars 2003, le Juge d'instruction a relancé une
nouvelle fois
l'inspecteur en lui fixant un délai à fin mars 2003 pour déposer son
rapport
final. Ce dernier a été établi le 23 mai 2003, deux jours après le
dépôt du
recours de droit public. Un délai d'un peu plus de sept mois pour
rédiger un
rapport de synthèse est manifestement trop long, même en tenant
compte des
difficultés liées à l'interprétation des conversations téléphoniques
que son
auteur invoquait pour justifier un tel laps de temps; il n'appartient
en
effet pas au détenu de subir les conséquences d'une surcharge ou d'une
organisation déficiente des autorités d'enquête. C'est à juste titre
que le
Tribunal d'accusation a relevé que le retard apporté à la rédaction du
rapport de synthèse ne pouvait justifier une violation du principe de
célérité de la procédure.
Les parties divergent en revanche sur les conséquences d'un tel
constat. Le
Tribunal d'accusation a estimé suffisant pour rétablir une situation
conforme
au droit d'inviter les enquêteurs à déposer sans délai leur rapport
et le
Juge d'instruction à clore l'enquête à réception de ce document. Pour
le
recourant, seule sa libération immédiate permettrait une réparation
adéquate
de la violation du principe de célérité. Depuis le dépôt du recours,
le
rapport de synthèse a été déposé et le Juge d'instruction en charge du
dossier a notifié aux parties, le 26 mai 2003, un avis de prochaine
clôture,
de sorte qu'en l'absence de requête en complément de preuves dans le
délai au
30 juin 2003 imparti pour ce faire, un renvoi en jugement à bref
délai n'est
pas exclu. La procédure se poursuit donc actuellement sans
désemparer, dans
le respect des exigences requises par les art. 31 al. 3 Cst. et 5
par. 3
CEDH. Contrairement à l'opinion soutenue par le recourant, le constat
d'une
violation du principe de la célérité constitue une réparation
suffisante,
compte tenu notamment du fait qu'il appartient au juge du fond d'en
tenir
compte dans la fixation de la peine (cf. ATF 124 I 139 consid. 2c p.
141);
elle ne saurait conduire à la mise en liberté provisoire du prévenu
lorsque,
comme en l'espèce, il subsiste un motif de détention et que la durée
de
celle-ci n'apparaît pas encore excessive au regard de la peine
privative de
liberté qui pourrait, le cas échéant, être prononcée (cf. ATF 124 I
327
consid. 3b p. 332).

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Les conditions de l'art.
152 al.
1 OJ étant réunies, il convient de faire droit à la demande
d'assistance
judiciaire et de statuer sans frais. Me Antoine Eigenmann est désigné
comme
avocat d'office du recourant pour la présente procédure et une
indemnité lui
sera versée à titre d'honoraires, à la charge de la Caisse du Tribunal
fédéral (art. 152 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Antoine Eigenmann
est
désigné comme mandataire d'office du recourant.

3.
Il n'est pas prélevé d'émolument judiciaire.

4.
La Caisse du Tribunal fédéral versera au mandataire du recourant une
indemnité de 1'000 fr. à titre d'honoraires.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au Juge
d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, ainsi qu'au Procureur
général
et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 13 juin 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.314/2003
Date de la décision : 13/06/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-06-13;1p.314.2003 ?
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