La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2003 | SUISSE | N°4C.92/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 juin 2003, 4C.92/2003


{T 0/2}
4C.92/2003 /ech

Arrêt du 12 juin 2003
Ire Cour civile

Mme et MM. les Juges Corboz, président, Klett et Favre.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

X. ________ S.A.,
défenderesse et recourante, représentée par Me Albert Rey-Mermet,
avocat,
Gros & Waltenspuhl, rue Beauregard 9, 1204 Genève,

contre

A.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Jean-Franklin Woodtli, avocat,
rue
Prévost-Martin 5, case postale 145, 1211 Genève 4.

art. 68 ss OJ; contrat de travail; receva

bilité

(recours en nullité contre l'ordonnance du Tribunal des prud'hommes
du canton
de Genève notifiée le 5 mars...

{T 0/2}
4C.92/2003 /ech

Arrêt du 12 juin 2003
Ire Cour civile

Mme et MM. les Juges Corboz, président, Klett et Favre.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

X. ________ S.A.,
défenderesse et recourante, représentée par Me Albert Rey-Mermet,
avocat,
Gros & Waltenspuhl, rue Beauregard 9, 1204 Genève,

contre

A.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Jean-Franklin Woodtli, avocat,
rue
Prévost-Martin 5, case postale 145, 1211 Genève 4.

art. 68 ss OJ; contrat de travail; recevabilité

(recours en nullité contre l'ordonnance du Tribunal des prud'hommes
du canton
de Genève notifiée le 5 mars 2003).

Faits:

A.
Le 8 mai 2002, A.________ a déposé une demande en justice auprès de la
juridiction des prud'hommes du canton de Genève à l'encontre de
X.________
S.A. (ci-après : X.________), lui réclamant le paiement de 1'871'150
fr. avec
intérêt à 5 % l'an dès le 1er juillet 2001 à titre de gratification
contractuelle, d'indemnités de vacances et de remboursement de frais.
Préalablement, A.________ a requis du tribunal qu'il ordonne la
production
d'un ensemble de documents liés à son activité au sein de X.________.

Dans sa réponse, X.________ a conclu au rejet de la demande. Elle a
contesté
sa légitimation passive, en soutenant que A.________ avait été engagé
par
Y.________ Limited et a demandé que le tribunal des prud'hommes
statue sur
cette question par décision incidente, en application du droit de
Singapour.

Les parties ont été invitées à déposer des conclusions motivées en
rapport
avec la compétence ratione materiae de la juridiction des prud'hommes
du
canton de Genève pour connaître du litige.

X. ________ a conclu à l'irrecevabilité de la demande,
subsidiairement à son
rejet pour défaut de légitimation passive, alors que A.________ a
proposé le
rejet de l'exception d'incompétence et a persisté dans toutes ses
conclusions.

S'agissant du droit applicable, X.________ a soutenu que le contrat
litigieux
devait être régi par le droit de l'État de Singapour. A.________ a
affirmé
pour sa part que celui-ci devait être soumis au droit suisse.

Faisant suite à une délibération du 19 novembre 2002, le Tribunal des
prud'hommes a rendu une ordonnance préparatoire, notifiée le 5 mars
2003,
dans laquelle il a imparti un délai de 30 jours à X.________ pour
produire un
ensemble de documents destinés à déterminer l'activité effectuée par
A.________ au sein de l'entreprise. Il a fixé le même délai aux
parties pour
qu'elles établissent le contenu du droit de l'État de Singapour et
qu'elles
déposent la liste de leurs témoins respectifs.

Dans la motivation à l'appui de cette décision, les juges prud'hommes
ont
indiqué qu'ils avaient retenu la compétence ratione materiae du
tribunal,
qu'ils en feraient mention au procès-verbal de la prochaine audience
et que
la motivation de cette décision serait produite dans le cadre du
jugement sur
le fond.

B.
Contre l'ordonnance préparatoire notifiée le 5 mars 2003, X.________
(la
défenderesse) interjette un recours en nullité au Tribunal fédéral.
Invoquant
l'art. 68 al. 1 let. a OJ, elle conclut à l'admission du recours et à
l'annulation de la décision attaquée, avec suite de dépens.

Par ordonnance présidentielle du 12 mai 2003, l'effet suspensif a été
accordé
au présent recours.

Le Tribunal des prud'hommes n'a pas formulé d'observation, se
référant à sa
décision. Quant à A.________ (le demandeur), il propose le
déboutement de
X.________ de toutes ses conclusions et la confirmation de la décision
attaquée, avec suite de dépens.

Par arrêt du 12 juin 2003, le Tribunal fédéral a rejeté, dans la
mesure où il
était recevable, le recours de droit public interjeté parallèlement
par
X.________ à l'encontre de la même ordonnance préparatoire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 128 I 177 consid.
1).

1.1 La décision attaquée prévoit, dans son dispositif, diverses
mesures
d'administration des preuves. Dans ses motifs, le tribunal des
prud'hommes a
indiqué qu'il admettait sa compétence ratione materiae pour connaître
de la
cause, qu'il allait en faire mention au procès-verbal de sa prochaine
séance
et que la motivation de cette décision serait produite dans le cadre
du
jugement au fond.

Dans son recours en nullité, la défenderesse, se fondant sur l'art.
68 al. 1
let. a OJ, s'en prend uniquement à la mention par le tribunal de
l'admission
de sa compétence ratione materiae. Seul cet aspect sera donc revu
dans le
cadre de la présente procédure (cf. art. 71 let. c OJ qui, par renvoi
de
l'art. 74 OJ, pose les mêmes exigences que l'art. 55 al. 1 let. c OJ;
cf.
Poudret, COJ II, Berne 1990, art. 71 OJ no 3; Münch, Berufung und
zivilrechtliche Nichtigkeitsbeschwerde, in Prozessieren vor
Bundesgericht,
Bâle 1998, no 4.95 p. 157). Au demeurant, un recours en nullité ne
peut être
formé à l'encontre d'une décision émanant d'une autorité judiciaire
cantonale
en matière d'administration des preuves (ATF 96 I 462 consid. 1).

1.2 Le recours en nullité n'est recevable que si le recours en
réforme n'est
pas ouvert (cf. art. 68 al. 1 OJ; ATF 127 III 390 consid. 1a). En
l'occurrence, la décision attaquée n'émanant pas d'une juridiction
visée à
l'art. 48 al. 1 et 2 OJ, le recours en réforme était d'emblée exclu.

1.3 A supposer que l'on admette, en s'écartant du texte de l'art 68
al. 1 OJ,
que le recours en nullité est également recevable dans les affaires
civiles
qui ne sont pas susceptibles d'un recours en réforme pour un autre
motif que
ceux visés aux art. 44 à 46 OJ (cf. en ce sens ATF 118 II 521 consid.
2b; 97
II 185 consid. II/1; 95 II 291 consid. 2; Poudret, op. cit., ad
chapitre III
no 2.1, p. 626), encore faut-il qu'il respecte les exigences propres
à cette
voie de droit. Or, en matière de compétence, le recours en nullité
suppose
qu'une décision ait été prise séparément à ce sujet (cf. art. 68 al.
2 OJ) et
qu'elle émane de la dernière instance cantonale (art. 68 al. 1 OJ;
Poudret,
op. cit., art. 68 no 11). En d'autres termes, la décision prise
séparément en
matière de compétence ne doit plus pouvoir faire l'objet d'un recours
ordinaire de droit cantonal (cf. ATF 117 II 421 consid. 1; Hohl,
Procédure
civile, tome II, Berne 2002, no 3293; Münch, op. cit., no 4.99, note
254;
Poudret, op. cit., art. 68 OJ no 2.5 p. 638 et no 11), c'est-à-dire
d'un
recours ayant un effet suspensif et dévolutif (ATF 120 II 93 consid.
1b p. 94
s.; 96 II 266 consid. 1 p. 269).

Comme il l'a été indiqué dans l'arrêt prononcé sur le recours de
droit public
(cf. arrêt du 12 juin 2003 dans la cause 4P.62/2003 consid. 3.2), le
système
mis en place par les art. 50 et 56 de la loi genevoise sur la
juridiction des
prud'hommes du 29 février 1999 (RS gen. 3/10; ci-après : LJP) a pour
résultat
que le tribunal qui entend rejeter une exception d'incompétence ne
rend pas
une décision indépendante à ce sujet en cours de procédure, mais
seulement
avec le jugement sur le fond (cf. art. 50 al. 1 LJP). De plus, il est
expressément prévu que, sur la question de la compétence, le jugement
sur le
fond peut faire l'objet d'un appel auprès de la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes (art. 56 al. 3 LJP).

Il en découle que l'ordonnance préparatoire entreprise, qui se
présente comme
une décision en matière d'administration des preuves, ne constitue pas
décision prise séparément en matière de compétence. Cette question
sera
tranchée avec le jugement sur le fond et la recourante aura alors la
possibilité d'interjeter, le cas échéant, un appel pour se plaindre
du rejet
de l'exception d'incompétence par les juges de première instance.

Le présent recours en nullité est par conséquent irrecevable.

2.
Comme la valeur litigieuse, selon les prétentions du demandeur à
l'ouverture
de l'action (ATF 115 II 30 consid. 5b p. 41; 100 II 358 consid. a),
dépasse
largement 30'000 fr., la procédure n'est pas gratuite (art. 343 al. 2
et 3
CO).

Les frais et dépens seront mis à la charge de la défenderesse, qui
succombe
(art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge de la
défenderesse.

3.
La défenderesse versera au demandeur une indemnité de 12'000 fr. à
titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et au Tribunal
des
prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 12 juin 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.92/2003
Date de la décision : 12/06/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-06-12;4c.92.2003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award