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10/06/2003 | SUISSE | N°I.607/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 juin 2003, I.607/02


{T 7}
I 607/02

Arrêt du 10 juin 2003
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffier :
M.
Berthoud

S.________, recourant, représenté par Me Alain-Valéry Poitry, avocat,
rue
Juste-Olivier 16, 1260 Nyon,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 22 mai 2002)

Faits :

A.
Par décision du 8 j

uin 2000, l'Office de l'assurance-invalidité pour
le
canton de Vaud (l'office AI) a reconnu le droit de S.________, né en
1959, à
...

{T 7}
I 607/02

Arrêt du 10 juin 2003
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffier :
M.
Berthoud

S.________, recourant, représenté par Me Alain-Valéry Poitry, avocat,
rue
Juste-Olivier 16, 1260 Nyon,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 22 mai 2002)

Faits :

A.
Par décision du 8 juin 2000, l'Office de l'assurance-invalidité pour
le
canton de Vaud (l'office AI) a reconnu le droit de S.________, né en
1959, à
une demi-rente d'invalidité, pour un taux d'invalidité de 50 %, dès
le 1er
septembre 1998, en raison d'un trouble somatoforme douloureux, d'un
état
dépressif majeur et d'un trouble de la personnalité non spécifié. Pour
statuer, l'office AI disposait en particulier des avis des docteurs
A.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (rapport du
17
décembre 1998), B.________, spécialiste en neurologie (rapport du 24
avril
1998) et C.________, spécialiste en médecine interne et rhumatologie
(rapport
du 12 mars 1998).

Par décision du 10 octobre 2000, entrée en force, l'office AI a
rejeté une
demande de réexamen que le docteur D.________, généraliste, avait
présentée
le 31 août 2000 pour le compte de l'assuré, en se référant à un avis
de son
confrère E.________, spécialiste en neurologie (rapport du 15 juin
2000).

L'assuré s'est annoncé une nouvelle fois à l'AI, par écriture du 6
juin 2001,
en demandant principalement le versement d'une rente entière
d'invalidité et
subsidiairement la mise en oeuvre d'une expertise psychiatrique. A
l'appui de
sa requête, il a produit un avis du docteur F.________, chef de
clinique
adjoint au Secteur psychiatrique X.________ (rapport du 4 avril
2001). En
bref, ce médecin indiquait qu'il lui semblait que l'état de santé
psychique
de l'assuré s'était aggravé par rapport à l'évaluation clinique du
docteur
A.________ en 1998 et recommandait de procéder à un bilan
psychiatrique
complet, voire à une deuxième expertise.

Par décision du 5 octobre 2001, l'office AI a refusé d'entrer en
matière sur
la nouvelle demande de prestations.

B.
Par jugement du 22 mai 2002, le Tribunal des assurances du canton de
Vaud a
rejeté le recours formé contre cette décision par l'assuré.

C.
Ce dernier interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
il demande l'annulation, avec suite de dépens, en concluant
principalement à
ce qu'une expertise soit ordonnée afin d'établir son degré
d'invalidité et
subsidiairement à l'allocation d'une rente entière sur la base d'un
taux
d'invalidité de 66 2/3 % au moins. Il sollicite le bénéfice de
l'assistance
judiciaire.

L'office intimé conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des
assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
Il convient d'examiner en premier lieu les griefs d'ordre formel que
le
recourant soulève contre le déroulement de la procédure, car il se
pourrait
que le tribunal accueille le recours sur l'un de ces points et annule
le
jugement attaqué sans examen du litige au fond (ATF 124 V 92 consid.
2 et la
référence).

1.1 Le recourant reproche d'abord à l'intimé de n'avoir pas motivé sa
décision litigieuse.

L'intimé a refusé d'entrer en matière sur l'écriture du 6 juin 2001,
même si,
par erreur, il y est fait référence à une demande du 13 octobre 2000.
Ce
refus est motivé par le fait que «selon les renseignements en notre
possession et selon l'avis de notre service médical, les nouveaux
éléments du
dossier n'apportent aucun élément nouveau».

Le recourant pouvait déduire de la teneur de cette décision, très
sommairement motivée il est vrai, que l'intimé avait refusé de
reprendre
l'instruction de sa cause, au motif qu'il n'avait pas rendu plausible
une
péjoration de son état de santé (cf. art. 87 al. 4 RAI). En d'autres
termes,
le recourant pouvait comprendre les motifs de la décision et
l'attaquer
utilement (cf. ATF 118 V 57 consid. 5a). Le moyen soulevé n'est pas
dès lors
pas fondé.

1.2 Le recourant se plaint ensuite d'une violation de son droit d'être
entendu, en raison du refus du premier juge de procéder à son
audition et
d'entendre des témoins.

En l'espèce, la décision du 5 octobre 2001 a été rendue en l'état du
dossier,
sans que l'office AI procède à quelque autre mesure d'instruction que
d'inviter l'assuré à produire des pièces permettant de rendre
plausible un
modification de son invalidité, et de prendre l'avis de ses services
juridique et médical. La juridiction de recours devait ainsi se
limiter à
examiner si c'est à tort ou à raison que l'administration n'était pas
entrée
en matière sur la nouvelle demande, c'est-à-dire uniquement examiner
le point
de savoir si l'intimé avait nié qu'une modification de l'invalidité
fût
rendue plausible au sens de l'art. 87 al. 3 et 4 RAI.

S'agissant d'une question d'ordre médical, l'audition de témoins ou du
recourant était superflue. En effet, si - comme en l'espèce -
l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation
consciencieuse
des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent
procéder
d'office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de
vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne
pourraient
plus modifier cette appréciation, il est superflu d'administrer
d'autres
preuves (appréciation anticipée des preuves; Kieser, Das
Verwaltungsverfahren
in der Sozialversicherung, p. 212, n° 450; Kölz/Häner,
Verwaltungsverfahren
und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., p. 39, n° 111 et p.
117, n°
320; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., p. 274; cf. aussi
ATF 122
II 469 consid. 4a, 122 III 223 consid. 3c, 120 Ib 229 consid. 2b, 119
V 344
consid. 3c et la référence). Une telle manière de procéder ne viole
pas le
droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 Cst. (SVR 2001 IV n° 10 p.
28
consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst.
étant
toujours valable (ATF 124 V 94 consid. 4b, 122 V 162 consid. 1d et
l'arrêt
cité).

En outre, on rappellera que le droit d'être entendu n'implique pas
pour une
partie le droit d'être entendu oralement, sous réserve de cas
exceptionnels
où l'audition personnelle de l'intéressé apparaît nécessaire pour
permettre
au juge de forger son opinion (ATF 122 II 469 consid. 4c et les
références
citées). L'art. 29 al. 2 Cst. ne garantit pas plus que l'art. 4 al. 1
aCst.
le droit de s'exprimer oralement devant l'autorité appelée à statuer
(ATF 125
I 219 consid. 9b; Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel
suisse,
vol. II, n° 1300).

1.3 Le recourant se plaint aussi d'une violation par l'autorité
cantonale de
l'art. 6 § 1 CEDH, parce que le Tribunal cantonal des assurances n'a
pas
ordonné de débats.

L'obligation d'organiser des débats publics au sens de l'art. 6 § 1
CEDH
suppose une demande, formulée de manière claire et indiscutable de
l'une des
parties au procès; de simples requêtes de preuves, comme des demandes
tendant
à une comparution ou à une interrogation personnelle, à un
interrogatoire des
parties, à une audition des témoins ou à une inspection locale, ne
suffisent
pas pour fonder une semblable obligation (ATF 125 V 38 consid. 2 et la
référence; Jean-Maurice Frésard, L'applicabilité de l'art. 6 § 1 CEDH
au
contentieux de l'assurance sociale et ses conséquences sous l'angle du
principe de la publicité des débats, RSA 1994, p. 194 ss).

En l'espèce, le recourant n'a pas formulé une semblable demande dans
son
recours à l'autorité cantonale. Seule a été requise une comparution
des
parties et des témoins, ce qui, on l'a vu, n'est pas considéré comme
une
demande suffisante et indiscutable d'organiser des débats publics. Le
moyen
soulevé n'est dès lors pas fondé.

1.4 Le recourant demande d'autre part l'organisation de débats devant
le
Tribunal fédéral des assurances.

L'obligation d'organiser des débats s'impose toutefois en priorité aux
autorités de première instance (ATF 122 V 54 consid. 2g, 120 V 7
consid. 3a).
Comme exposé, le recourant n'a pas sollicité une telle audience
devant la
juridiction cantonale de recours, de sorte que, selon la
jurisprudence, il
est réputé y avoir renoncé (ATF 122 V 55 consid. 3a, RAMA 1996 n° U
246 p.
163 consid. 4d et les arrêts cités).

Au demeurant et de manière plus générale, l'art. 6 § 1 CEDH n'impose
pas à
l'autorité judiciaire de dernière instance l'obligation d'organiser
des
débats lorsque le recours ne soulève aucune question de fait ou de
droit qui
ne puisse être jugée de manière appropriée sur la base des pièces du
dossier
(Ruth Herzog, Art. 6 EMRK und kantonale Verwaltungsrechtspflege, p.
338;
Frowein/Peukert, EMRK - Kommentar, 2ème édition, 1996, note 118 ad
art. 6, p.
245 sv., avec des références à la jurisprudence de la Cour européenne
des
droits de l'homme).

La requête du recourant doit ainsi être rejetée.

2.
2.1Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales
et
réglementaires (art. 41 LAI et 87 RAI) ainsi que la jurisprudence
relatives à
la révision du droit à la rente, aux conditions auxquelles
l'administration
peut entrer en matière - ou s'y refuser - sur une demande de révision
et au
contrôle juridictionnel de ces questions, si bien qu'il suffit d'y
renvoyer
sur ces différents points.

Il convient également de préciser que la loi fédérale sur la partie
générale
du droit des assurances sociales (LPGA), du 6 octobre 2000, entrée en
vigueur
le 1er janvier 2003, n'est pas applicable en l'espèce, le juge des
assurances
sociales n'ayant pas à tenir compte des modifications du droit ou de
l'état
de fait survenues après que la décision administrative litigieuse (in
casu du
5 octobre 2001) a été rendue (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366
consid. 1b).

2.2 Sur la base de l'avis du docteur A.________ du 17 décembre 1998,
l'intimé
avait alloué une demi-rente d'invalidité au recourant (décision du 8
juin
2000). Ultérieurement, il avait refusé d'entrer en matière sur une
demande de
révision de cette prestation, fondée sur le rapport du docteur
E.________ du
15 juin 2000 (décision du 10 octobre 2000).

Dans son rapport du 4 avril 2001, le docteur F.________ n'a pas posé
de
diagnostic nouveau, dès lors que les éléments dont il a fait part
(l'état
dépressif, les troubles de la personnalité ainsi que l'optique de
revendication de la souffrance) étaient déjà connus de l'intimé.
Quant à ses
descriptions, elles sont comparables à celles que ses confrères
A.________ et
E.________ avaient jadis relatées. Le docteur F.________ s'est
d'ailleurs
exprimé avec la plus grande réserve, en prenant le soin de ne pas
attester
formellement une péjoration de l'état de santé, mais en nuançant ses
propos
au moyen d'expressions telles que «il me semble qu'il existe une
aggravation
dans la santé psychique de ce patient», ou «je pense (...) qu'une
demande de
réévaluation de la rente de l'AI est justifiée».

Un diagnostic clair émanant du psychiatre ou, à tout le moins,
l'énoncé
d'indices concrets de sa part auraient pu conduire l'administration
de l'AI à
rouvrir le dossier de l'assuré. En revanche, dans la mesure où ce
dernier ne
s'est fondé que sur des éléments imprécis et hypothétiques fournis
par son
médecin, on doit admettre qu'il n'a pas rendu plausible que son
invalidité
s'était modifiée de manière à influencer ses droits (cf. art. 87 al.
3 RAI),
d'autant moins que sa requête du 6 juin 2001 est intervenue quelques
mois
après un premier refus d'entrer en matière (décision du 10 octobre
2000),
dans l'année qui avait suivi la décision d'octroi de sa demi-rente
(décision
du 8 juin 2000).

2.3 Vu ce qui précède, la cause dont était saisie la juridiction
cantonale de
recours était en état d'être jugée. Il s'ensuit que la mise en oeuvre
d'une
expertise, que le recourant requiert à titre principal en instance
fédérale,
est superflue et que cette conclusion est mal fondée, tout comme l'est
également la conclusion subsidiaire.

3.
3.1Selon la loi (art. 152 OJ) et la jurisprudence, les conditions
d'octroi de
l'assistance judiciaire gratuite sont en principe remplies si les
conclusions
ne paraissent pas vouées à l'échec, si le requérant est dans le
besoin et si
l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du moins indiquée (ATF 125
V 202
consid. 4a, 372 consid. 5b et les références).

La jurisprudence considère que les conclusions paraissent vouées à
l'échec
lorsqu'une partie, disposant des moyens nécessaires, ne prendrait pas
le
risque, après mûre réflexion, d'engager un procès ou de le continuer
(ATF 128
I 236 consid. 2.5.3, 125 II 275 consid. 4b, 124 I 306 consid. 2c et la
référence).

3.2 En l'occurrence, la solution du litige ressortait clairement du
jugement
attaqué, de sorte que le recours était voué à l'échec. Les conditions
d'octroi de l'assistance judiciaire ne sont donc pas remplies pour la
procédure fédérale.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

4.

Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 10 juin 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.607/02
Date de la décision : 10/06/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-06-10;i.607.02 ?
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