La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/06/2003 | SUISSE | N°2P.284/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 juin 2003, 2P.284/2002


2P.284/2002/ADD/elo
{T 1/2}

Arrêt du 10 juin 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Betschart et Yersin.
Greffier: M. Addy.

GENERATION EUROPE, rue Ancienne 69,
1227 Carouge, recourante,
représentée par Me Mauro Poggia, avocat,
rue De-Beaumont 11, 1206 Genève,

contre

Cour de justice civile, Assistance juridique, case postale 3108, 1211
Genève
3.

art. 29 et 30 Cst., art. 6 CEDH (assistance judiciaire),

recours de droit public contre la

décision de la Cour de justice
civile,
Assistance juridique, du 23 octobre 2002.

Le Tribunal fédéral considère e...

2P.284/2002/ADD/elo
{T 1/2}

Arrêt du 10 juin 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Betschart et Yersin.
Greffier: M. Addy.

GENERATION EUROPE, rue Ancienne 69,
1227 Carouge, recourante,
représentée par Me Mauro Poggia, avocat,
rue De-Beaumont 11, 1206 Genève,

contre

Cour de justice civile, Assistance juridique, case postale 3108, 1211
Genève
3.

art. 29 et 30 Cst., art. 6 CEDH (assistance judiciaire),

recours de droit public contre la décision de la Cour de justice
civile,
Assistance juridique, du 23 octobre 2002.

Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit:

1.
Génération Europe est une association au sens des art. 60 ss CC dont
le siège
est à Carouge (ci-après citée: l'Association). Se définissant comme
«un
mouvement politique de jeunes à but non lucratif» (art. 2.1 des
statuts),
elle «entend être l'ouverture permettant aux jeunes de Genève de
montrer
qu'ils existent et qu'ils ont un avenir qui les concerne» (art. 2.2
des
statuts). En sont membres tous ceux qui manifestent un intérêt au but
visé et
acceptent par écrit les statuts; la qualité de membres ne s'acquiert
qu'après
acceptation du comité (art. 4.1 des statuts). Les ressources de
l'Association
sont constituées par des cotisations, des subsides, des dons et des
legs et
toute autre source de financement compatible avec le but visé (art.
5.1 des
statuts).

2.
Dans le cadre de ses activités, l'Association a organisé, de 1994 à
1998, la
manifestation «Le Festival pour l'Europe» (ci-après cité: le
festival); à
l'exception de la dernière édition, l'Etat de Genève a octroyé des
subventions pour cette manifestation.

A la suite de l'édition 1998 du festival, qui a laissé un important
découvert, une plainte pénale pour escroquerie a été déposée par un
créancier
contre le coordinateur de l'Association, Luc Mégroz. Ce dernier ainsi
que
divers témoins ont été entendus par le Tribunal de police (cf.
procès-verbal
d'audience du 21 mai 2001). Par jugement du 19 juillet 2001, cette
autorité a
prononcé l'acquittement de Luc Mégroz, en retenant notamment ceci:

«compte tenu du fait que des subventions de 250'000 fr. (sans compter
le
cautionnement à hauteur de quelques 75'000 fr.) avaient été versées
par
l'Etat postérieurement aux éditions 1996 et 1997, qu'en octobre 1997
Monsieur
Segond avait déclaré que le Festival devait continuer, que le budget
prévisionnel pour l'édition 1998, sur lequel figuraient les
subventions,
n'avait suscité aucune réaction du Département de l'Action sociale,
qu'en
outre l'Etat avait à nouveau cautionné un prêt bancaire à concurrence
de
75'000 fr. avant le déroulement du Festival 1998, Luc Mégroz était
fondé à
penser qu'un montant de l'ordre de 250'000 fr. (outre le
cautionnement),
allait être versé par l'Etat postérieurement à l'édition 1998 du
Festival.»

3.
Le 12 juin 2002, l'Association a sollicité, par l'intermédiaire de son
conseil, «l'assistance juridique afin d'engager une action judiciaire
à
l'encontre de l'Etat de Genève en vue du versement de la subvention
de CHF
250'000.- qui lui avait été promise par l'intermédiaire de Monsieur
Guy-Olivier Segond pour l'édition 1998 du Festival pour l'Europe.»

Par décision du 4 juillet 2002, la Présidente du Tribunal de première
instance du canton de Genève a rejeté la demande au motif qu'en sa
qualité de
personne morale, l'Association ne pouvait pas bénéficier de
l'assistance
judiciaire. Saisie d'un recours contre cette décision, la Présidente
de la
Cour de justice civile, Assistance juridique (ci-après citée: la Cour
de
justice), l'a rejeté, en considérant que l'Association n'avait pas
établi que
sa situation était obérée et que sa créance contre l'Etat de Genève
représentait son seul actif, ni que ses membres étaient sans
ressources
(décision du 23 octobre 2002).

4.
Agissant par la voie du recours de droit public, l'Association
demande au
Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler la décision
précitée de la Cour de justice; elle invoque les art. 29 et 30 Cst.
ainsi que
l'art. 6 CEDH et se plaint d'arbitraire dans la constatation des
faits et
l'application du droit cantonal (art. 9 Cst.). Préalablement, elle
requiert
le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.

La Cour de justice se réfère aux considérants de sa décision.

5.
5.1Le droit à l'assistance judiciaire est défini en premier lieu par
le droit
cantonal, indépendamment de la question de savoir si un tel droit
existe
directement sur la base de l'art. 29 al. 3 Cst. (ATF 128 I 225
consid. 2.3 p.
226).

En l'espèce, il est constant que la législation genevoise n'accorde
l'assistance judiciaire qu'aux «personnes physiques» (cf. art.143A
al. 1 de
la loi genevoise sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941
[LOJ];
art. 2 al. 1 du Règlement genevois sur l'assistance juridique du 18
mars 1996
[RAJ]). En sa qualité de personne morale, la recourante ne peut donc
prétendre bénéficier de l'assistance judiciaire en vertu du droit
cantonal.
Il reste à examiner si une telle prétention se laisse déduire
directement de
la Constitution fédérale.

5.2 Aux termes de l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose
pas de
ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse
dépourvue de
toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en
outre
droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la
sauvegarde
de ses droits le requiert. L'art. 6 CEDH n'offre pas davantage de
droits en
la matière (cf. Bernard Corboz, Le droit constitutionnel à
l'assistance
judiciaire, in: SJ 2003 II p. 67 ss, 71 et les références).

De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral considère que les
personnes
morales n'ont pas droit à l'assistance judiciaire, car elles ne
peuvent pas
être dans le besoin de la même manière qu'une personne physique, en
ce sens
qu'elles n'ont pas à pourvoir à leur entretien ou à celui de proches
(cf. ATF
126 V 42 consid. 4 p. 47, 119 Ia 337 consid. 4b p. 339, 88 II 386 et
les
références; Bernard Corboz, op. cit., p. 71/72). Il n'a toutefois pas
exclu
d'accorder l'assistance judiciaire à une personne morale dépourvue de
ressources si son seul actif est en litige et si les personnes
physiques qui
en sont les ayants droit économiques sont également sans ressources
(cf. ATF
119 Ia 337 consid. 4c à 4e p. 339/341; plus récemment, cf. arrêt du 20
février 2002 dans la cause 5C.1/2002 et arrêt du 1er février 2000
dans la
cause 4C.395/1999; Corboz, eod. loc.). La question peut néanmoins
rester
ouverte.

5.3 En effet, même s'il fallait admettre que l'Association est sans
ressources et que son seul actif consiste dans la créance litigieuse
qu'elle
prétend détenir contre l'Etat de Genève (cf. attestation délivrée le
11 août
2002 par le coordinateur et la comptable de l'Association),
l'intéressée
n'établit de toute façon pas que ses membres seraient eux-mêmes dans
le
besoin, ne donnant aucune indication précise sur qui ils sont, ni
même sur
combien ils sont. Certes allègue-t-elle que ceux-ci «sont des jeunes,
sans
ressource financière particulière.» Vague et toute générale, une telle
assertion est toutefois impropre à faire la preuve des faits utiles:
ce n'est
en effet pas parce que ses membres sont jeunes - ce qui devrait
encore être
démontré - qu'ils sont forcément dépourvus de moyens financiers; par
le
passé, des membres ont d'ailleurs régulièrement avancé ou prêté de
l'argent à
l'Association selon les déclarations de Luc Mégroz et de Joël
Goldstein au
Tribunal de police (procès-verbal, pp. 3 et 8); en outre, selon que
le nombre
des membres qui composent l'Association est élevé, il n'est pas du
tout exclu
qu'une contribution relativement modeste de chacun d'eux puisse
suffire à
financer les frais d'un procès.

C'est donc sans arbitraire que la Cour de justice a considéré que
l'Association n'avait pas rapporté la preuve que ses membres étaient
sans
ressources et qu'elle a rejeté, sans plus ample examen, le recours
dont elle
était saisi.

5.4 Certes la recourante a-t-elle raison de rappeler que la procédure
administrative genevoise est régie par la maxime d'office en vertu de
l'art.
19 de la loi cantonale sur la procédure administrative du 12
septembre 1985
(LPA). Elle semble cependant oublier que cette même loi prévoit, à
son art.
22, l'obligation pour les parties «de collaborer à l'établissement
des faits
dans les procédures qu'elles introduisent elles-mêmes, dans celles où
elles y
prennent des conclusions indépendantes ainsi que dans les autres cas
prévus
par la loi.» S'agissant de l'assistance juridique, l'art. 9 RAJ
dispose
notamment que le requérant doit fournir les éléments et les pièces
nécessaires à l'appréciation des mérites de sa cause et de sa
situation
personnelle (al. 1), au risque de voir sa requête déclarée
irrecevable (al.
3).

Par conséquent, en se contentant d'alléguer et de prouver l'état de
besoin
pour un seul de ses membres (cf. recours cantonal du 12 août 2002, p.
12),
l'Association a clairement manqué à son devoir de collaborer et doit
en
supporter les conséquences (cf. ATF 128 II 139).

5.5 Au demeurant, l'action judiciaire que l'Association voudrait
engager
apparaît à première vue n'avoir que des chances de succès limitées.
En effet,
les témoignages recueillis par le Tribunal de police ne permettent
guère
d'établir l'existence d'une promesse formelle claire et précise,
faite par
l'autorité compétente, quant à l'octroi d'une subvention de 250'000
fr. pour
l'édition 1998 du festival. En outre, il est douteux que la simple
suppression d'un subside, même régulièrement octroyé durant plusieurs
années,
contrevienne aux règles de la bonne foi, l'autorité dût-elle apprécier
différemment des faits identiques (cf. arrêt du 20 octobre 1993 dans
la cause
2A.131/1991, consid. 4 et 5).

6.
Il suit de ce qui précède que le recours, manifestement mal fondé,
doit être
rejeté selon la procédure simplifiée de l'art. 36a OJ.

En outre, dans la mesure où il apparaissait d'emblée voué à l'échec,
le
recours ne donne pas droit à l'assistance judiciaire pour la procédure
fédérale (art. 152 al. 1 OJ). Succombant, la recourante doit supporter
un émolument judiciaire (art.156 al. 1, 153 et 153a OJ) qui sera
adapté à sa
situation financière. Elle n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1
OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge
de la
recourante.

4.
Le présent arrêt est communiquée en copie au mandataire de la
recourante et à
la Cour de justice civile du canton de Genève, Assistance juridique.

Lausanne, le 10 juin 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.284/2002
Date de la décision : 10/06/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-06-10;2p.284.2002 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award