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10/06/2003 | SUISSE | N°1P.295/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 juin 2003, 1P.295/2003


{T 0/2}
1P.295/2003/col

Arrêt du 10 juin 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Catenazzi et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

P. ________, actuellement en détention préventive aux prisons de
Liestal,
4410 Liestal,
recourant, représenté par Me Vincent Willemin, avocat, case postale
169, 2800
Delémont 1,

contre

Juge d'instruction du canton du Jura, Le Château, 2900 Porrentruy,
Procureur général du canto

n du Jura, Le Château, case postale 9, 2900
Porrentruy,
Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton du Jura, Le...

{T 0/2}
1P.295/2003/col

Arrêt du 10 juin 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Catenazzi et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

P. ________, actuellement en détention préventive aux prisons de
Liestal,
4410 Liestal,
recourant, représenté par Me Vincent Willemin, avocat, case postale
169, 2800
Delémont 1,

contre

Juge d'instruction du canton du Jura, Le Château, 2900 Porrentruy,
Procureur général du canton du Jura, Le Château, case postale 9, 2900
Porrentruy,
Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton du Jura, Le
Château, 2900
Porrentruy.

requête de mise en liberté provisoire,

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'accusation du
Tribunal
cantonal du canton du Jura
du 11 avril 2003.

Faits:

A.
P. ________, ressortissant yougoslave né le 15 avril 1977, a été
arrêté le 20
décembre 2002 et placé en détention préventive sous les inculpations
de
complicité de brigandage, éventuellement d'actes préparatoires
délictueux de
brigandage. Il est soupçonné d'avoir participé à la préparation, puis
à la
réalisation d'un brigandage commis le 28 novembre 2002 au Casino du
Jura, à
Courrendlin. S'il a nié, dans un premier temps, les faits qui lui
étaient
reprochés, il a reconnu avoir participé au brigandage, son rôle
s'étant
toutefois limité à faire le guet à l'entrée de Courrendlin, en
direction de
Moutier.

P. ________ a été condamné le 27 janvier 1998 par le Président I du
Tribunal
de district de Delémont à un mois d'emprisonnement avec sursis
pendant deux
ans pour lésions corporelles simples, agression et dommages à la
propriété;
il a été condamné le 10 mars 1998 à une peine complémentaire d'un mois
d'emprisonnement pour tentative d'escroquerie à l'assurance et
induction de
la justice en erreur. Le 8 juillet 2002, il a fait l'objet d'une
plainte
pénale pour voies de fait, éventuellement lésions corporelles
simples, et
menaces, plainte que le Procureur général du canton du Jura a classée
le 3
décembre 2002, faute pour la partie plaignante d'avoir versé les
sûretés
requises.

B.
Par ordonnance du 1er avril 2003, la Juge d'instruction en charge du
dossier
a rejeté une requête de mise en liberté provisoire du prévenu en
raison d'un
risque de réitération et d'un danger de fuite; elle a transmis le
dossier de
la cause pour décision à la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal
du
canton du Jura (ci-après: la Chambre d'accusation ou la cour
cantonale).
Au terme d'un arrêt rendu le 11 avril 2003, cette autorité a rejeté la
demande de mise en liberté provisoire. Elle a considéré qu'il
existait des
présomptions graves et précises de culpabilité à l'encontre du
requérant.
Elle a tenu pour avéré le risque de réitération; à ce propos, elle a
considéré que les antécédents du prévenu, le fait qu'il a été dénoncé
pénalement en juillet 2002, qu'il consommait beaucoup de drogue avant
son
interpellation, qu'il a ouvert en janvier 2002 un magasin de chanvre
avec un
ami à Tavannes, qu'il a payé une BMW avec l'argent obtenu de la vente
d'un
kilo d'herbe provenant de ce magasin et qu'il est au chômage depuis
plus d'un
an, constituaient autant d'éléments démontrant que P.________ n'avait
aucun
respect de l'ordre juridique suisse, relevant en particulier que les
condamnations prononcées en 1998 ne l'avaient aucunement détourné de
commettre de nouvelles infractions; ces différents indices
démontreraient une
faiblesse de caractère du prévenu, qui ferait craindre que celui-ci
ne se
livre à de nouvelles activités illégales s'il était remis en liberté
provisoire. La Chambre d'accusation a estimé par ailleurs que le
risque de
réitération n'était pas si ténu qu'il puisse justifier le
remplacement de la
détention préventive par une mesure de substitution. Elle a en outre
admis
que le danger de fuite paraissait également exister, sans toutefois
éclaircir
davantage ce point, dès lors qu'un seul motif d'arrestation
suffisait. Enfin,
elle a retenu que la durée de la détention n'était pas excessive
compte tenu
des infractions reprochées au prévenu.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, P.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et d'ordonner sa libération
immédiate.
Invoquant les art. 9, 10 al. 2 et 36 Cst. et l'art. 5 CEDH, il
reproche à la
cour cantonale d'avoir conclu à l'existence d'un risque de récidive
sur la
base de constatations de fait erronées et impropres à établir un tel
risque.
Il prétend en outre que le danger de fuite, pour autant qu'il ait été
retenu
pour justifier son maintien en détention, ne serait pas suffisamment
motivé.
Il requiert l'assistance judiciaire.
La Chambre d'accusation et le Procureur général du canton du Jura
concluent
au rejet du recours. La Juge d'instruction en charge du dossier n'a
pas
déposé d'observations.
Invité à répliquer, P.________ a persisté dans ses conclusions.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recourant est personnellement touché par l'arrêt attaqué, qui
confirme le
refus de sa mise en liberté provisoire et a, partant, qualité pour
recourir
selon l'art. 88 OJ. Formé en temps utile contre une décision prise en
dernière instance cantonale, le recours répond aux exigences des art.
86 al.
1 et 89 al. 1 OJ. Par exception à la nature cassatoire du recours de
droit
public, les conclusions du recourant tendant à sa libération
immédiate sont
par ailleurs recevables (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333).

2.
Une mesure de détention préventive est compatible avec la liberté
personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, pour
autant
qu'elle repose sur une base légale, qu'elle réponde à un intérêt
public et
qu'elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 31 al. 1 et
36 al.
1 à 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le
cas, la
privation de liberté doit être justifiée par les besoins de
l'instruction, un
risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération.
Préalablement à
ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges
suffisantes (ATF 116 Ia 143 consid. 3 p. 144). Cette dernière exigence
coïncide avec la règle de l'art. 5 § 1 let. c CEDH, qui autorise
l'arrestation d'une personne s'il y a des raisons plausibles de
soupçonner
qu'elle a commis une infraction.
S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le
Tribunal
fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de
l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de
l'arbitraire (ATF
123 I 268 consid. 2d p. 271). L'autorité cantonale dispose ainsi
d'une grande
liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 281 consid. 3 p.
283).

3.
Le recourant ne conteste pas l'existence de charges suffisantes à son
encontre. Il nie en revanche tout risque de réitération et tient pour
arbitraire l'appréciation des faits ayant amené la cour cantonale à
retenir
un tel risque.

3.1 L'autorité appelée à statuer sur la mise en liberté provisoire
d'un
détenu peut, en principe, maintenir celui-ci en détention s'il y a
lieu de
présumer, avec une certaine vraisemblance, qu'il existe un danger de
récidive. Elle doit cependant faire preuve de retenue dans
l'appréciation
d'un tel risque (ATF 105 Ia 26 consid. 3c p. 31). Selon la
jurisprudence, le
maintien en détention ne peut se justifier pour ce motif que si le
pronostic
est très défavorable et que les délits dont l'autorité redoute la
réitération
sont graves (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62, 361 consid. 5 p. 367; 124
I 208
consid. 5 p. 213; 123 I 268 consid. 2c p. 270 et les arrêts cités). La
jurisprudence se montre toutefois moins stricte dans l'exigence de
vraisemblance lorsqu'il s'agit de délits de violence graves ou de
délits
sexuels, car le risque à faire courir aux victimes potentielles est
alors
considéré comme trop important (ATF 123 I 268 consid. 2e p. 271). Le
principe
de la proportionnalité impose en outre à l'autorité qui estime se
trouver en
présence d'une probabilité sérieuse de réitération d'examiner si
l'ordre
public pourrait être sauvegardé par d'autres moyens que le maintien en
détention, tels que la mise en place d'une surveillance médicale,
l'obligation de se présenter régulièrement à une autorité ou
l'instauration
d'autres mesures d'encadrement (ATF 123 I 268 consid. 2c in fine p.
271 et
les arrêts cités).

3.2 En l'occurrence, la Chambre d'accusation a conclu à l'existence
d'un
risque concret de récidive sur la base de divers indices qui, selon
elle,
dénoteraient chez le recourant une absence de respect de l'ordre
juridique
suisse et une faiblesse de caractère de nature à redouter qu'il se
livre à
des activités illégales s'il était remis en liberté provisoire. A cet
égard,
elle a tenu compte des antécédents du prévenu, qui ne l'ont pas
dissuadé de
commettre de nouvelles infractions, du fait qu'il est au chômage
depuis plus
d'une année, qu'il était consommateur de drogue au moment de son
arrestation,
qu'il avait acheté une BMW avec l'argent obtenu de la vente d'un kilo
d'herbe
provenant du magasin de chanvre qu'il a ouvert en janvier 2002 avec
un ami, à
Tavannes, et qu'il avait été dénoncé pour voies de fait, lésions
corporelles
simples et menaces en juillet 2002.
Le recourant prétend qu'il serait arbitraire de se fonder sur ces deux
derniers éléments pour motiver un risque de réitération, parce que le
prix
d'achat du véhicule aurait en réalité été versé par son frère et que
la
plainte pénale déposée contre lui le 8 juillet 2002 aurait été
classée en
décembre 2002. Les autres indices évoqués par la cour cantonale ne
suffiraient pas pour étayer un risque concret de récidive; à tout le
moins,
celui-ci pourrait être pallié par des mesures plus douces que le
maintien en
détention préventive, telles que le contrôle médical portant sur la
consommation de stupéfiants, la saisie de son passeport ou la
présentation
régulière à un office de police.
Lors de son audition le 7 janvier 2003, le recourant a déclaré avoir
payé les
6'500 francs nécessaires à l'acquisition d'une BMW avec sa part du
butin
estimée à 17'000 fr., avant de se rétracter et de préciser l'avoir
achetée
avec le produit de la vente d'un kilo d'herbe puis, enfin, de produits
stupéfiants ou dérivés du chanvre et de différents articles provenant
du
magasin de chanvre qu'il exploitait avec un ami, à Tavannes, jusqu'au
mois de
mai 2002. Par la suite, son frère a prétendu avoir versé les 6'500
fr. requis
pour l'achat de cette voiture au moyen de ses économies, ce que le
propriétaire du véhicule a confirmé, sans toutefois être en mesure de
produire une quelconque pièce bancaire propre à étayer ses
déclarations. Il
est par ailleurs établi que la plainte déposée contre le recourant le
8
juillet 2002 pour voies de fait, éventuellement lésions corporelles
simples
et menaces a été classée en date du 3 décembre 2002, faute pour la
plaignante
d'avoir versé les sûretés requises.
La question de savoir si ces éléments pouvaient néanmoins être pris en
considération dans l'appréciation du risque de récidive sans verser
dans
l'arbitraire ni violer la présomption d'innocence peut rester
ouverte; même
si l'on devait en faire abstraction, l'existence d'un tel risque
pouvait de
manière soutenable être tenue pour établie sur la base des autres
indices
évoqués à l'appui de l'arrêt attaqué. Les infractions pour lesquelles
le
recourant a été condamné en 1998 ne sauraient être considérées comme
bénignes; il en va de même de celle qui lui est reprochée en
l'occurrence,
indépendamment du rôle exact qu'il a tenu dans son déroulement. Par
ailleurs,
le recourant a démontré qu'en participant à la préparation et à la
commission
d'un brigandage, il n'avait pas tiré les conséquences de ses
condamnations
pénales antérieures et qu'il n'entendait pas se conformer à l'ordre
juridique
suisse. Dans ces circonstances, et compte tenu du fait non contesté
qu'il
consommait des stupéfiants lors de son arrestation, qu'il ne
travaille pas et
qu'il ne dispose d'aucune ressource, la cour cantonale pouvait
légitimement
craindre qu'il ne se livre à de nouvelles activités délictueuses pour
financer sa consommation de drogue et assurer son train de vie, s'il
était
remis en liberté.
Le recours est dès lors mal fondé en tant qu'il porte sur l'existence
d'un
danger de réitération; par ailleurs, on ne voit pas quelles mesures
moins
incisives pourraient être prises en l'espèce pour parer à un tel
danger, dans
la mesure où celui-ci n'est pas lié exclusivement à la consommation de
drogue. Le maintien en détention se justifiant pour ce seul motif, il
n'y a
pas lieu d'examiner si une telle mesure s'impose également par un
éventuel
risque de fuite, évoqué d'ailleurs sans autre motivation par la
Chambre
d'accusation.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Les conditions de l'art.
152 al.
1 OJ étant réunies, il convient de donner suite à la demande
d'assistance
judiciaire présentée par P.________ et de statuer sans frais. Me
Vincent
Willemin est désigné comme avocat d'office du recourant pour la
présente
procédure et une indemnité lui sera versée à titre d'honoraires (art.
152 al.
2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise.
Me Vincent Willemin est
désigné comme mandataire d'office du recourant.

3.
Il n'est pas prélevé d'émolument judiciaire.

4.
La Caisse du Tribunal fédéral versera au mandataire du recourant une
indemnité de 1'000 fr. à titre d'honoraires.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
ainsi
qu'au Juge d'instruction, au Procureur général et à la Chambre
d'accusation
du Tribunal cantonal du canton du Jura.

Lausanne, le 10 juin 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.295/2003
Date de la décision : 10/06/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-06-10;1p.295.2003 ?
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