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05/06/2003 | SUISSE | N°I.221/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 juin 2003, I.221/02


{T 7}
I 221/02

Arrêt du 5 juin 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffier : M.
Beauverd

P.________, recourante, représentée par Me Jean-Marie Agier, avocat,
FSIH,
place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, Avenue
Edmond-Vaucher 18,
1203 Genève, intimé,

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes
résidant à l'étranger, Lausanne

(Jugement du 20 fé

vrier 2002)

Faits :

A.
Par décision du 23 novembre 1992, la Caisse cantonale genevoise de
compensation a alloué à P....

{T 7}
I 221/02

Arrêt du 5 juin 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffier : M.
Beauverd

P.________, recourante, représentée par Me Jean-Marie Agier, avocat,
FSIH,
place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, Avenue
Edmond-Vaucher 18,
1203 Genève, intimé,

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes
résidant à l'étranger, Lausanne

(Jugement du 20 février 2002)

Faits :

A.
Par décision du 23 novembre 1992, la Caisse cantonale genevoise de
compensation a alloué à P.________, née en 1945, une rente entière
d'invalidité depuis le 1er octobre 1992.

L'assurée étant retournée vivre dans son pays d'origine, le Portugal,
son
dossier a été transmis à la Caisse suisse de compensation le 14 juin
1993. A
l'issue d'une procédure de révision du droit à la rente, l'Office AI
pour les
assurés résidant à l'étranger a informé l'assurée, le 19 janvier
1995, que
les prestations allouées jusqu'alors continueraient d'être versées
sans
changement.

Au terme d'une nouvelle procédure de révision, l'office AI a constaté
que le
taux d'invalidité n'était plus que de 53 %, de sorte que la rente
devait être
modifiée (prononcé du 31 janvier 2001). Aussi, par décision du 13
février
2001, l'office AI a-t-il remplacé la rente entière par une demi-rente
à
partir du 1er avril suivant.

B.
Saisie d'un recours contre cette décision, la Commission fédérale de
recours
en matière d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour les
personnes résidant à l'étranger l'a rejeté par jugement du 20 février
2002.

C.
P.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, en
concluant, sous suite de dépens, à sa réforme en ce sens qu'elle
continue
d'avoir droit à une rente entière après le 31 mars 2001.

L'office intimé conclut au rejet du recours, tandis que l'Office
fédéral des
assurances sociales a renoncé à présenter une détermination.

Considérant en droit :

1.
La décision administrative litigieuse a été rendue avant l'entrée en
vigueur
(le 1er juin 2002) de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération
suisse,
d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre
part,
sur la libre circulation des personnes. Cet accord, en particulier
son Annexe
II qui règle la coordination des systèmes de sécurité sociale, ne
s'applique
dès lors pas à la présente procédure (ATF 128 V 315).

Par ailleurs, la loi fédérale sur la partie générale du droit des
assurances
sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er
janvier 2003,
entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le
domaine
de l'assurance-invalidité. Cependant, le cas d'espèce reste régi par
les
dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard
au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V
467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la
légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait
existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366
consid. 1b).

2.
Le jugement entrepris expose de manière exacte et complète les
dispositions
légales et réglementaires, ainsi que les principes jurisprudentiels
applicables au présent cas. Il suffit donc d'y renvoyer.

3.
En l'espèce, il y a lieu d'examiner si l'invalidité de la recourante
s'est
modifiée de manière à justifier la suppression de sa rente entière et
son
remplacement par une demi-rente entre le 23 novembre 1992, date de la
décision initiale d'octroi d'une rente entière, et le 13 février 2001.

3.1 L'intéressée a été mise au bénéfice d'une rente entière fondée
sur une
incapacité de gain de 100 % en raison de lombosciatalgies L5-S1 à
gauche
(lesquelles ont nécessité une foraminotomie L5-S1 gauche le 10 juin
1991), de
dysesthésies chroniques dans le territoire C6 à gauche et d'un état
anxieux
et dépressif consécutif à la douleur. Selon le docteur A.________,
spécialiste en médecine interne, ces affections, qui allaient en
s'aggravant,
entraînaient une incapacité de travail entière dans la profession
habituelle
d'aide hospitalière depuis le 19 avril 1991 (rapport du 13 juin 1992).

3.2 Dans un rapport du 30 octobre 1998, les médecins du Centre
régional de la
sécurité sociale de Z.________ (P) ont fait état de séquelles d'une
intervention chirurgicale à la colonne vertébrale au mois de juin
1991 et de
sciatalgies à gauche. En ce qui concerne les plaintes de
l'intéressée, ils
ont indiqué des douleurs cervicales et lombaires, des paresthésies au
niveau
des membres supérieurs et inférieurs, ainsi que des sciatalgies à
gauche
fréquentes. Ces médecins ont conclu à une incapacité de travail de
100 %.

Le docteur B.________, médecin de l'office AI, ayant déploré
l'absence de
données médicales objectives dans l'avis des médecins de la sécurité
sociale
portugaise (rapport du 8 juin 1999), le dossier médical a été
complété par
les documents suivants:
un rapport du docteur C.________, neurologue (du 29 juillet 1999),
attestant
que les douleurs étaient liées à une forte composante psychique;
un rapport du docteur D.________, spécialiste en orthopédie (du 31
juillet
1999), selon lequel l'état d'anxiété et les troubles cliniques
persistants
entraînaient une incapacité de travail entière dans la profession
habituelle;
un rapport d'examen électroneuromyographique (du 23 juillet 1999),
aux termes
duquel il n'y avait pas de signe évident de lésions récentes ou
anciennes au
niveau des racines L4, L5 et S1.
Se référant à l'ensemble des investigations médicales mises en oeuvre
au
Portugal, le docteur E.________, médecin de l'office AI, a indiqué
qu'il
n'existait pas d'atteinte neurologique objectivable, ni de signe de
récidive
de hernie au niveau opéré (L5-S1 gauche); ni les réflexes achilléens
affaiblis ni la très discrète arthrose cervicale accompagnée d'une
discrète
sténose du trou de conjugaison C5-C6 à droite n'avaient d'incidences
fonctionnelles. Selon ce médecin, les douleurs alléguées découlent
exclusivement d'une surcharge psychogène sous la forme d'un trouble
somatoforme douloureux, sans qu'ait été mise en évidence une affection
d'ordre psychiatrique. La disparition de tout signe d'atteinte
objective
neurologique doit dès lors être considérée comme une amélioration de
l'état
de santé. Aussi, le docteur E.________ conclut-il à une capacité de
travail
résiduelle de 20 % dans l'activité d'aide hospitalière. Toutefois, il
considère que l'assurée est pleinement capable d'exercer une activité
évitant
le port de charges, ainsi que les mouvements de flexion du tronc
fréquents,
comme les professions d'aide hospitalière responsable d'un secteur
sans
activité de déplacement de patients ou de soins fréquents, de
réceptionniste
dans un hôpital ou encore de téléphoniste.

3.3 Sur le vu des avis médicaux versés au dossier, il apparaît que
l'état de
santé physique de la recourante s'est amélioré durant la période
soumise à
l'appréciation du juge, au point de ne plus entraîner une incapacité
de gain
suffisante pour justifier l'octroi d'une rente entière d'invalidité.

Cela étant, il n'en demeure pas moins que le docteur E.________, qui
se fonde
notamment sur les conclusions du docteur C.________ (rapport du 29
juillet
1999), a indiqué que les douleurs alléguées par l'intéressée
découlent d'une
surcharge psychogène qu'il qualifie de trouble somatoforme
douloureux. Or, le
dossier ne contient aucun renseignement médical sur le caractère
éventuellement invalidant de tels troubles, lesquels, dans certaines
circonstances, peuvent provoquer une incapacité de travail (ATF 120 V
119
consid. 2c/cc; RSAS 1997 p. 75; RAMA 1996 U 256 p. 217 ss consid. 5
et 6).
Les troubles somatoformes douloureux entrent dans la catégorie des
affections
psychiques, pour lesquelles une expertise psychiatrique est en
principe
nécessaire quand il s'agit de se prononcer sur l'incapacité de
travail qu'ils
sont susceptibles d'entraîner (VSI 2000 p. 160 consid. 4b; arrêt G.
du 2
décembre 2002, I 3/02).

Certes, la commission de recours a nié l'existence d'une «affection
de la
sphère psychiatrique» en dépit d'un «caractère anxieux dans le sens
d'une
surcharge psychogène», motif pris que la recourante n'était pas
soumise à un
traitement psychiatrique. Ce point de vue ne saurait être partagé, du
moment
qu'aucun renseignement médical versé au dossier ne permet de nier tout
caractère invalidant à la surcharge psychogène constatée par le
docteur
C.________ dont l'avis n'est pas remis en cause par le docteur
E.________. Au
demeurant, il ne ressort pas de la jurisprudence (VSI 2000 p. 154 s.
consid.
2c) que seuls des troubles somatoformes douloureux liés à une
comorbidité
psychiatrique grave seraient susceptibles de fonder une invalidité au
sens de
la LAI (arrêts M. du 20 mars 2003, I 182/02, Q. du 8 août 2002, I
783/01, et
S. du 6 mai 2002, I 275/01). Une telle comorbidité constitue tout au
plus
l'un des critères, certes important, à prendre en considération dans
le cadre
d'une évaluation globale de la situation médicale de l'assurée.

3.4 En résumé, les pièces dont on dispose au dossier ne permettent
pas de
trancher le point de savoir si, sur le plan psychique, l'invalidité
de la
recourante s'est modifiée durant la période soumise à l'appréciation
du juge,
au point de justifier la suppression de sa rente entière d'invalidité
et son
remplacement par une demi-rente à partir du 1er avril 2001. Il
convient dès
lors de renvoyer la cause à l'office intimé pour qu'il complète
l'instruction
par la mise en oeuvre d'une expertise psychiatrique. Le recours se
révèle
ainsi bien fondé.

4.
La recourante, qui obtient gain de cause, est représentée par le
Service
juridique de la Fédération suisse pour l'intégration des handicapés
(FSIH).
Elle a droit à une indemnité de dépens pour la procédure fédérale
(art. 159
al. 1 en liaison avec l'art. 135 OJ; SVR 1997 IV 110 p. 341).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis. Le jugement de la Commission fédérale de
recours en
matière d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour les
personnes
résidant à l'étranger du 20 février 2002 et la décision de l'Office
AI pour
les assurés résidant à l'étranger du 13 février 2001 sont annulés, la
cause
étant renvoyée audit office pour instruction complémentaire au sens
des
considérants et nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger versera à la
recourante la
somme de 2'000 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à titre
de
dépens pour l'instance fédérale.

4.
La Commission fédérale de recours en matière d'assurance-vieillesse,
survivants et invalidité pour les personnes résidant à l'étranger
statuera
sur les dépens pour la procédure de première instance, au regard de
l'issue
du procès de dernière instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission
fédérale de
recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité
pour les
personnes résidant à l'étranger et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 5 juin 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.221/02
Date de la décision : 05/06/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-06-05;i.221.02 ?
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