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05/06/2003 | SUISSE | N°B.95/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 juin 2003, B.95/02


{T 7}
B 95/02

Arrêt du 5 juin 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Berset

A.________, recourante, représentée par Me Suzanne Cassanelli,
avocate, rue
de la Terrassière 41, 1207 Genève,

contre

Fondation X.________ du Comité international de la Croix-Rouge,
intimée,
représentée par Me Jacques-André Schneider, avocat, rue du Rhône 100,
1204
Genève,

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève
> (Jugement du 10 septembre 2002)

Faits :

A.
Par jugement du 23 mai 2001, le Tribunal de première instance de la
Répub...

{T 7}
B 95/02

Arrêt du 5 juin 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Berset

A.________, recourante, représentée par Me Suzanne Cassanelli,
avocate, rue
de la Terrassière 41, 1207 Genève,

contre

Fondation X.________ du Comité international de la Croix-Rouge,
intimée,
représentée par Me Jacques-André Schneider, avocat, rue du Rhône 100,
1204
Genève,

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 10 septembre 2002)

Faits :

A.
Par jugement du 23 mai 2001, le Tribunal de première instance de la
République et canton de Genève a prononcé le divorce des époux
A.________ et
B.________ et ordonné, notamment, à la caisse de pensions du Comité
International de la Croix-Rouge (CICR) de transférer sur le compte de
libre
passage de A.________ le 40 % de la prestation de sortie de son époux,
accumulée du jour du mariage au prononcé du jugement de divorce.

A. ________ a formé appel contre ce jugement devant la Cour de
Justice et
conclu à l'annulation et à la réforme de différents points touchant
aux
effets accessoires du divorce; B.________ en a fait de même par appel
incident. Par arrêt du 22 février 2002, la Cour a ordonné le partage
par
moitié des prestations de sortie acquises par B.________ pendant la
durée du
mariage auprès de la caisse de pensions du CICR et de la fondation
X.________
du CICR (fondation) - dont l'appelante avait fait mention dans ses
écritures
devant elle. Le dossier a été transmis au Tribunal administratif,
fonctionnant comme tribunal des assurances, afin d'établir les avoirs
de
prévoyance et d'exécuter le partage.

B.
Le tribunal a ouvert la procédure et interpellé les ex-conjoints,
ainsi que
la caisse de pensions et la fondation. Celle-ci a précisé dans ses
déterminations qu'elle était une fondation patronale unique et que le
capital
qu'elle pouvait être amenée à verser n'entrait pas dans le partage des
prestations de sortie en matière de prévoyance professionnelle.

Par jugement du 10 septembre 2002, le tribunal a mis hors de cause la
fondation à titre préalable et invité la caisse de pensions à
transférer la
somme de 415'898.48 fr. à charge du compte de prévoyance de
B.________ à la
Rentenanstalt, Société suisse d'Assurances générales sur la vie
humaine
(ci-après: la Rentenanstalt), en faveur de A.________.

C.
A.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dans
la mesure où il met hors de cause la fondation et conclut à ce que
celle-ci
soit invitée à transférer dès la fin des rapports de travail entre le
CICR et
B.________ la moitié du capital et des intérêts accumulés pendant la
durée du
mariage pour autant qu'à la fin de ceux-ci B.________ et A.________
soient
encore vivants.

La fondation et l'Office fédéral des assurances sociales concluent au
rejet
du recours, ce que propose également B.________.

Considérant en droit :

1.
En tant qu'ils ont mis hors de cause la fondation X.________ dans le
litige
qui leur était soumis, les premiers juges se sont déclarés
incompétents à
raison de la matière pour connaître des éventuelles prétentions de la
recourante vis-à-vis de l'intimée dans le cadre du partage des avoirs
de
prévoyance professionnelle en cas de divorce. Le litige porte dès lors
exclusivement sur la compétence du tribunal administratif en tant que
juge
des art. 73 LPP et 25a LFLP.

2.
La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se
borner à
examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris
par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles
de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et
105 al. 2
OJ).

3.
3.1Conformément à l'art. 73 LPP, chaque canton désigne un tribunal,
qui
connaît en dernière instance cantonale, des contestations opposant
institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit (al. 1). Les
décisions
des tribunaux cantonaux peuvent être déférées au Tribunal fédéral des
assurances par la voie du recours de droit administratif (al. 4).

3.2 La compétence des autorités visées par l'art. 73 LPP est
doublement
définie.

Elle l'est, tout d'abord, quant à la nature du litige : il faut que la
contestation entre les parties porte sur des questions spécifiques de
la
prévoyance professionnelle, au sens étroit ou au sens large. Ce sont
donc
principalement des litiges qui portent sur des prestations
d'assurance, des
prestations de libre passage (actuellement prestations d'entrée ou de
sortie)
et des cotisations. En revanche, les voies de droit de l'art. 73 LPP
ne sont
pas ouvertes lorsque la contestation a un fondement juridique autre
que le
droit de la prévoyance professionnelle, même si elle devait avoir des
effets
relevant du droit de ladite prévoyance.

Cette compétence est également limitée par le fait que la loi désigne
de
manière non équivoque les parties pouvant être liées à une
contestation,
savoir les institutions de prévoyance, les employeurs et les ayants
droit. En
ce qui concerne en particulier la notion d'institution de prévoyance
au sens
de l'art. 73 al. 1 LPP, elle n'est pas différente de celle définie à
l'art.
48 LPP. Il s'agit des institutions de prévoyance enregistrées qui
participent
au régime de l'assurance obligatoire (art. 48 al. 1 LPP), avec la
possibilité
d'étendre la prévoyance au-delà des prestations minimales
(institutions de
prévoyance dites «enveloppantes»; art. 49 al. 2 LPP). Ces institutions
doivent revêtir la forme d'une fondation ou d'une société
coopérative, ou
être une institution de droit public (art. 48 al. 2 LPP et art. 331
al. 1
CO). C'est ainsi que les voies de droit de l'art. 73 LPP ne sont pas
ouvertes
en cas de litige relatif à l'exécution d'un contrat de réassurance
partielle
entre un employeur et un assureur-vie de droit cantonal. Elles le
sont, en
revanche, lorsque la contestation oppose un employeur (collectivité
publique)
à un assuré pour décider si la résiliation des rapports de service
n'est pas
imputable à faute et si, par conséquent, le fonctionnaire a droit aux
prestations prévues dans ce cas par les statuts. Il en va de même en
ce qui
concerne les litiges avec l'institution supplétive (qui est une
institution
de prévoyance [art. 60 al. 1 LPP]), notamment en matière de
cotisations.

Quant aux fondations de prévoyance en faveur du personnel non
enregistrées,
dont l'activité s'étend au domaine de la prévoyance professionnelle,
elles
sont soumises à la réglementation des art. 73 et 74 LPP en vertu de
l'art.
89bis al. 6 CC (ATF 128 V 44 consid. 1b, 127 V 35 consid. 3b et les
références).

En matière de libre passage, le contentieux relevant de l'art. 73 LPP
s'étend
aux rapports de prévoyance où une institution de prévoyance de droit
privé
ou de droit public accorde, sur la base de ses prescriptions
(règlement), un
droit à des prestations lors de l'atteinte de la limite d'âge, ou en
cas de
décès ou d'invalidité (cas de prévoyance) et, par analogie, aux
régimes de
retraite où l'assuré a droit à des prestations lors de la survenance
d'un cas
de prévoyance (art. 1 al. 1 et 2 LFLP, art. 25 LFLP; ATF 128 V 232 et
sv.
consid. 1a).

4.
4.1Selon l'art. 122 al. 1 CC, chaque époux a droit à la moitié de la
prestation de sortie de son conjoint calculée pour la durée du
mariage selon
les dispositions de la LFLP, lorsque l'un des époux au moins est
affilié à
une institution de prévoyance professionnelle et qu'aucun cas de
prévoyance
(art. 124 CC) n'est survenu. Dans cette hypothèse, si les conjoints
ne sont
pas parvenus à un accord quant au partage des prestations de sortie
ou aux
modalités de son exécution (cf. art 141 al. 1 CC), le juge du divorce
fixe
conformément à l'art. 142 al. 1 CC les proportions dans lesquelles les
prestations de sortie doivent être partagées. Aussitôt après l'entrée
en
force de la décision relative au partage, le juge transfère d'office
l'affaire au juge du lieu compétent au sens de l'art. 73 al. 1 LPP
(art. 142
al. 2 CC; art. 25a al. 1 LFLP). Les conjoints et les institutions de
prévoyance professionnelle ont qualité de partie dans cette procédure
(art
25a al. 2 LFLP; ATF 128 V 232 et sv consid. 1a et les références;
cf. aussi
arrêts A. et G. du 8 avril 2003, B 88/02, et W. et M. du 17 mars
2003, B
87/01, destinés à la publication).

4.2 A l'examen des art. 122, 124, 141 et 142 CC, le droit d'un époux
dans le
cadre du divorce à l'égard des expectatives de prévoyance de son
conjoint
porte fondamentalement sur des prétentions qui découlent de rapports
de
prévoyance soumis à la loi fédérale sur le libre passage (Thomas
Geiser, Le
nouveau droit du divorce et les droits en matière de prévoyance
professionnelle, in : De l'ancien au nouveau droit du divorce, Berne
1999, p.
64; Hermann Walser, Berufliche Vorsorge, in : Das neue
Scheidungsrecht,
Zürich 1999, p. 52), soit de prétentions à l'encontre d'institutions
qui
octroient conformément à leur règlement des prestations lors de
l'atteinte de
la limite d'âge, en cas décès ou en cas d'invalidité (art. 1 al. 2
LFLP;
Baumann/Lauterburg, Praxiskommentar Scheidungsrecht, Bâle 2000, n° 6
ad Art.
122; Schneider/Bruchez, La prévoyance professionnelle et le divorce,
in : Le
nouveau droit du divorce, Lausanne 2000, p. 214). En revanche, ne
tombent pas
sous le coup de l'art. 122 CC les institutions qui octroient des
prestations
selon leur libre appréciation ou qui couvrent d'autres risques que
l'âge, la
mort ou l'invalidité; dans ces hypothèses, il n'y a pas de prestation
de
sortie qui puisse être partagée (Baumann/Lauterburg, op. cit. n° 28 ad
Art.122).

4.3 En l'espèce, selon l'art. 4 de ses statuts, la fondation a pour
but
d'atténuer les conséquences sociales inhérentes au travail au CICR
par des
soutiens financiers à ses collaborateurs, notamment par des
prestations
visant à favoriser le maintien de leur capacité professionnelle,
faciliter
leur réinsertion professionnelle ou améliorer leur prévoyance
retraite. A cet
effet, la fondation met en réserve, après un délai de 3 ans, un
capital qui
peut s'élever au maximum à 10 salaires mensuels (art. 2.1 de son
règlement).
Pendant la durée des rapports de travail, le capital est utilisé
exclusivement à des fins de formation en cours d'emploi (art. 2.4.1).
A la
fin des relations de travail (notamment démission, licenciement,
invalidité),
le collaborateur peut affecter son capital à la constitution d'une
prime
complémentaire pour la prévoyance retraite à la caisse de pensions du
CICR.
S'il n'est pas utilisé ainsi ou à des fins de formation, le capital
et ses
intérêts sont versés au collaborateur dans les deux mois qui suivent
la fin
des rapports de travail (art. 2.4.2). En cas de décès, le capital est
acquis
à la fondation (art. 2.5.4).
4.4 Il ressort sans équivoque de ce bref rappel que la fondation
intimée ne
constitue pas une institution de prévoyance soumise à la LFLP
octroyant des
prestations pour les risques liés à l'âge, la mort ou l'invalidité.
Les seuls
éléments ou événements susceptibles de mettre à contribution la
fondation se
limitent au besoin de formation et à la fin des rapports de travail,
qui ne
relèvent ni au sens étroit ni au sens large de la prévoyance
professionnelle
ou des risques qu'elle couvre. Aussi le capital mis en réserve par la
fondation pour le conjoint de la recourante ne constitue pas un avoir
de la
prévoyance professionnelle susceptible d'être partagé, au sens de
l'art. 122
CC; partant, le règlement des éventuelles prétentions de la recourante
vis-à-vis de son conjoint dans le cadre du divorce au titre de ce
capital
échappe à la procédure des art. 141 et 142 CC et à la compétence du
juge des
art. 73 LPP et 25a LFLP. Sur ce point, les errements des juges du
divorce ne
sauraient fonder la compétence du tribunal administratif. Les
premiers juges
se sont à juste titre déclarés incompétents.

4.5 Les autres griefs formulés par la recourante doivent être
écartés. Le
jugement attaqué est clairement motivé et la recourante ne peut se
prévaloir
de la violation du droit d'être entendu, après avoir reçu copie des
déterminations de la fondation et invité le tribunal à statuer
rapidement.

5.
5.1La procédure n'est pas gratuite, s'agissant d'un litige qui ne
porte pas
sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurance (art. 134 a
contrario
OJ), et l'émolument doit être calculé en fonction de la valeur
litigieuse
(art. 153a OJ). La recourante qui succombe supportera les frais de
justice
(art. 156 OJ).

5.2 L'intimée, qui obtient gain de cause, a conclu à l'allocation de
dépens.
N'étant ni une institution de prévoyance, ni une institution de libre
passage, ni assimilable à une autorité ou à une organisation au sens
de
l'art. 159 al. 2 OJ, mais une fondation patronale unique, elle doit
se voir
reconnaître un tel droit (SZS 2001 190).

Il en va de même pour B.________, dont les droits au capital de la
fondation
Avenir sont directement touchés par le jugement et qui a qualité de
partie
intimée.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral
des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 1'800 fr., sont mis à la charge
de la
recourante et sont compensés avec l'avance de frais qu'elle a versée.

3.
La recourante versera à la fondation Avenir du Comité International
de la
Croix-Rouge (CICR) la somme de 2'500 fr. à titre de dépens (y compris
la taxe
à la valeur ajoutée) pour la procédure fédérale.

4.
La recourante versera à B.________ la somme de 1'000 fr. à titre de
dépens (y
compris la taxe à la valeur ajoutée) pour la procédure fédérale.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à B.________, à
Schweizerische
Lebensversicherungs- und Rentenanstalt, Zürich, à la Caisse de
pensions du
Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Genève, au Tribunal
administratif de la République et canton de Genève et à l'Office
fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 5 juin 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : B.95/02
Date de la décision : 05/06/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-06-05;b.95.02 ?
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