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05/06/2003 | SUISSE | N°4C.50/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 juin 2003, 4C.50/2003


{T 0/2}
4C.50/2003 /ech

Arrêt du 5 juin 2003
Ire Cour civile

MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett, Rottenberg
Liatowitsch,
Nyffeler et Favre.
Greffière: Mme Godat Zimmermann

Swisscom Fixnet SA, 3063 Ittigen,
demanderesse et recourante, représentée par Me Dominique Junod Moser,
avocate, avenue de Champel 8C, case postale 385, 1211 Genève 12,

contre

A.________, rue de l'Usine à Gaz 4, 1219 Aïre,
défendeur et intimé, représenté par Me Bruno Megevand, avocat, place
Claparède 3

, 1205 Genève.

contrat d'abonnement téléphonique; contestation de facture

(recours en réforme contre l'arrê...

{T 0/2}
4C.50/2003 /ech

Arrêt du 5 juin 2003
Ire Cour civile

MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett, Rottenberg
Liatowitsch,
Nyffeler et Favre.
Greffière: Mme Godat Zimmermann

Swisscom Fixnet SA, 3063 Ittigen,
demanderesse et recourante, représentée par Me Dominique Junod Moser,
avocate, avenue de Champel 8C, case postale 385, 1211 Genève 12,

contre

A.________, rue de l'Usine à Gaz 4, 1219 Aïre,
défendeur et intimé, représenté par Me Bruno Megevand, avocat, place
Claparède 3, 1205 Genève.

contrat d'abonnement téléphonique; contestation de facture

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 13 décembre 2002)

Faits:

A.
Le 16 février 1999, Swisscom SA (ci-après: Swisscom) a conclu avec
A.________, né en 1978, un contrat d'abonnement portant sur un
raccordement
téléphonique analogique fixe, destiné à être utilisé au domicile
privé sous
le numéro ....

L'appareil sans fil de A.________ était relié à une station de base
branchée
sur la prise du téléphone; il n'était pas homologué par l'Office
fédéral des
communications (OFCOM).

La première facture, datée du 10 mars 1999, correspondait à la
période du 19
au 28 février 1999; elle se montait à 171 fr.85. Les factures des 14
avril et
11 mai 1999 s'élevaient respectivement à 549 fr.35 et 472 fr.55.
Quant à la
facture du 11 juin 1999, d'un montant de 285 fr.15, elle comportait,
pour la
première fois, une rubrique intitulée «Communications Premium Rate
Services -
Télékiosque 156», au regard de laquelle figurait la somme de 120
fr.10.

Le 23 juin 1999, Swisscom a répondu à A.________, qui s'étonnait de
ne plus
pouvoir téléphoner, que sa ligne sortante avait été coupée parce que
le
montant des appels effectués au cours du mois atteignait la somme de
15 955
fr.95. Le relevé détaillé transmis à l'abonné laissait apparaître, du
4 au 23
juin 1999, 378 appels, dont 376 se rapportaient à des numéros de
téléphone
commençant par les chiffres «0906» et «156», soit des lignes
érotiques ou
pornographiques («téléphone rose»).

A. ________ a contesté le bien-fondé de ce relevé; il a nié avoir
composé les
numéros du «téléphone rose» et n'a admis que deux appels, à savoir les
renseignements (111) et les informations internationales (0848
808030).

Le 12 juillet 1999, Swisscom a envoyé à l'abonné une facture de 15
955 fr.95,
qui est demeurée impayée. Trois jours plus tard, elle lui a fait
savoir
qu'aucune erreur de facturation n'entachait le relevé de ses
communications;
elle lui adressait toutefois le questionnaire prévu en cas de
contestation de
facture. A.________ a rempli ledit document, dans lequel il suggérait
la
possibilité d'un piratage de son raccordement.

Le 9 août 1999, une technicienne de Swisscom a effectué un contrôle
complet
du raccordement ...; cet examen n'a rien révélé d'anormal.

Par courrier du 11 avril 2000, Swisscom a adressé une mise en demeure
à
A.________. Le 16 août 2000, elle lui a fait notifier un commandement
de
payer; l'abonné a formé opposition.

B.
Par acte déposé en conciliation le 26 avril 2001, Swisscom a ouvert
action
contre A.________ en paiement de 15 955 fr.95 avec intérêts à 5% dès
le 1er
août 2000 et de 733 fr.55 représentant les intérêts échus au 31
juillet 2000.

Par jugement du 30 mai 2002, le Tribunal de première instance du
canton de
Genève a admis la demande à concurrence de 29 fr.45 plus intérêts à
5% dès le
11 avril 2000. Dans un premier temps, le juge a estimé que la
demanderesse
aurait dû aviser le défendeur, en date du 8 juin 1999, de la
progression très
importante de son trafic téléphonique; faute d'avoir respecté cette
obligation, la demanderesse ne pouvait réclamer le paiement des
communications établies après cette date. Dans un second temps, le
tribunal a
considéré que, pour la période antérieure au 8 juin 1999, le défendeur
n'avait pas à régler le prix des appels à des numéros débutant par
«156» ou
«0906», car de telles communications reposaient sur un contrat
immoral au
sens de l'art. 20 CO. Sur une facture totale de près de 16 000 fr.,
seul un
montant de 29 fr.45 pouvait ainsi être exigé du défendeur.

A partir du 1er juillet 2002, Swisscom Fixnet SA a repris de Swisscom
les
activités d'opérateur pour le réseau fixe, ainsi que les actifs et
passifs
liés à celles-ci.

Statuant le 13 décembre 2002 sur appel de Swisscom Fixnet SA (qui a
pris la
place de Swisscom dans la procédure), la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève a annulé le jugement de première instance et
condamné le
défendeur à payer à la demanderesse la somme de 5500 fr., plus
intérêts à 5%
dès le 12 avril 2000. Qualifiant le contrat d'abonnement téléphonique
de
contrat innommé présentant des analogies avec le contrat
d'entreprise, la
cour cantonale a mis à la charge de la demanderesse une obligation de
conseil
et de renseignement, impliquant de donner un signal d'alerte lorsque
le
trafic des communications sortant du raccordement de l'abonné est dix
fois
supérieur au montant mensuel le plus élevé facturé jusqu'alors.
N'ayant pas
respecté cette obligation, la demanderesse n'est fondée à réclamer au
défendeur que 5500 fr., représentant, en chiffres ronds, dix fois la
facture
du 14 avril 1999. Pour le surplus, les juges genevois ont estimé qu'en
l'absence de toute défectuosité technique du raccordement ..., la
demanderesse ne pouvait être tenue pour responsable du dommage causé
par un
éventuel piratage lié à l'utilisation d'un appareil non homologué en
Suisse.
Ils ont également exclu l'application de l'art. 20 CO en l'occurrence.

C.
Swisscom Fixnet SA interjette un recours en réforme. Elle demande au
Tribunal
fédéral d'annuler l'arrêt attaqué, puis, à titre principal, de
condamner
A.________ à lui payer les sommes de 15 955 fr.95, avec intérêts à 5%
l'an
dès le 1er août 2000, et de 733 fr.95, représentant les intérêts
courus
jusqu'au 31 juillet 2000; le recours tend également à la mainlevée
définitive
de l'opposition faite au commandement de payer, poursuite n° ...,
notifié le
16 août 2000. La demanderesse conclut subsidiairement au renvoi de la
cause à
la Cour de justice pour nouvelle décision.

A. ________ propose le rejet du recours.

Swisscom Fixnet SA a également déposé un recours de droit public
contre
l'arrêt cantonal.

Après le dépôt des recours, la demanderesse a remis au Tribunal
fédéral une
copie de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil
du 7
mars 2002 concernant le service universel et les droits des
utilisateurs au
regard des réseaux et services de communications électroniques
(ci-après:
directive «service universel»).

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Aux termes de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale
à
l'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours
de droit
public. La jurisprudence déroge toutefois à cet ordre de priorité
dans des
situations particulières, qui justifient l'examen préalable du
recours en
réforme. Il en va notamment ainsi lorsque la décision sur le recours
de droit
public ne peut avoir aucune incidence sur le sort du recours en
réforme (ATF
123 III 213 consid. 1 p. 215; 122 I 81 consid. 1 p. 82/83; 120 Ia 377
consid.
1 p. 379), ce qui sera notamment le cas lorsque le recours en réforme
apparaît irrecevable (ATF 117 II 630 consid. 1a p. 631) ou,
inversement, si
le recours en réforme paraît devoir être admis même sur la base des
constatations de fait retenues par l'autorité cantonale et critiquées
dans le
recours de droit public (ATF 120 Ia 377 consid. 1 p. 379; 114 II 239
consid.
1b p. 240; 112 II 330 consid. 1 p. 331). Dans cette dernière
hypothèse, le
recours de droit public devient sans objet.

En l'espèce, la demanderesse critique, dans le recours de droit public
connexe, la constatation selon laquelle les services techniques de
l'opérateur seraient en mesure de surveiller en continu le trafic
téléphonique de chaque raccordement et d'intervenir lorsque la
consommation
dépasse un seuil fixé pour chaque abonné en fonction de ses factures
antérieures. Ce fait n'est pas susceptible d'influer sur l'issue du
litige
car, comme on le verra ci-dessous, aucune obligation de surveillance
et
d'avis n'incombe à la demanderesse. Dans ces conditions, il convient
de
traiter le recours en réforme en premier lieu.

1.2 Interjeté par la partie qui a succombé en grande partie dans ses
conclusions condamnatoires et dirigé contre un jugement final rendu en
dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1
OJ) sur
une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de
8000
fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme, déposé en temps utile (art.
54 al. 1
OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ), est en principe
recevable.

1.3 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral,
mais
non pour violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art.
43 al. 1
OJ) ou pour violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c
p. 252;
126 III 189 consid. 2a p. 191, 370 consid. 5 p. 371/372).

Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement
sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que
des
dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées,
qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance
manifeste
(art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de
l'autorité
cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents,
régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 127 III
248
consid. 2c p. 252; 126 III 59 consid. 2a p. 65). Dans la mesure où la
partie
recourante se fonde sur un état de fait qui s'écarte de celui contenu
dans la
décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions
qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir
compte (ATF
127 III 248 consid. 2c p. 252). Il ne peut être présenté de griefs
contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55
al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est pas ouvert pour
remettre en
cause l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en
découlent (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277; 127 III 543 consid.
2c p.
547; 126 III 189 consid. 2a p. 191).

En l'espèce, il n'y a pas lieu d'écarter du dossier la directive
«service
universel» déposée par la demanderesse; cette pièce ne constitue en
effet ni
un fait, ni un moyen de preuve nouveaux, mais bien un élément de droit
comparé, accessible à chacun dans le Journal officiel des Communautés
européennes.

Au surplus, la juridiction de réforme ne peut aller au-delà des
conclusions
des parties, mais elle n'est pas liée par les motifs invoqués dans les
écritures (art. 63 al. 1 OJ; ATF 128 III 411 consid. 3.2.2 p. 415),
ni par
l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al.
3 OJ;
ATF 128 III 22 consid. 2e/cc p. 29; 127 III 248 consid. 2c p. 252;
126 III 59
consid. 2a p. 65).

2.
2.1Depuis le 1er janvier 1998, la demanderesse est régie en
particulier par
la loi fédérale du 30 avril 1997 sur l'organisation de l'entreprise
fédérale
de télécommunications (LET; RS 784.11). La LET est entrée en vigueur
parallèlement à la nouvelle loi du 30 avril 1997 sur les
télécommunications
(LTC; RS 784.10), qui est orientée vers la libéralisation du marché
des
télécommunications tout en assurant la sauvegarde du service universel
(Message du 10 juin 1996 concernant la révision de la LTC, in FF 1996
III
1374; Franz A. Zölch/Rena Zulauf, Manuel pratique du droit de la
communication, traduction française de Flavie Poncet, p. 135/136).
Aux termes
de l'art. 66 al. 1 LTC, l'Entreprise fédérale de télécommunications a
l'obligation d'assurer sur tout le territoire national le service
universel
pendant les cinq ans qui suivent l'entrée en vigueur de la LTC, soit
jusqu'au
31 décembre 2002.

Décrit de manière générale à l'art. 16 al. 1 LTC, le service universel
comprend le service téléphonique public, l'accès aux services
d'urgence, des
cabines publiques en nombre suffisant, l'accès aux annuaires suisses
des
usagers du service téléphonique public et un service de transcription
pour
malentendants; le Conseil fédéral est chargé d'adapter périodiquement
les
prestations relevant du service universel aux besoins de la société
et du
monde économique et à l'état de la technique (art. 16 al. 3 LTC).

2.2 Selon l'art. 18 al. 1 LET, les relations juridiques de la
demanderesse
avec sa clientèle sont désormais réglementées par le droit privé.
L'art. 19
al. 1 LET précise que les contestations résultant de ces rapports
ressortissent aux tribunaux civils.

En signant, le 16 février 1999, la formule de commande pour un nouveau
raccordement téléphonique analogique, le défendeur a conclu un contrat
d'abonnement téléphonique avec la demanderesse. Selon les
constatations de la
cour cantonale, les prestations de l'opérateur consistaient
essentiellement à
mettre un raccordement au réseau fixe à la disposition de l'abonné, à
lui
offrir la possibilité de communiquer oralement avec des tiers et à
assurer
l'entretien du raccordement. Selon l'art. 16 de l'ordonnance du 6
octobre
1997 sur les services
de télécommunications en vigueur à l'époque des
faits
litigieux (OST 1997; RO 1997 p. 2833 ss), le point de raccordement se
trouve
dans le bâtiment de l'abonné, les communications avec d'autres
installations
de télécommunication devant être possibles à partir de ce point (al.
1); par
ailleurs, les installations domestiques ne font pas partie du point de
raccordement (al. 2). Pour sa part, l'abonné s'engageait à payer la
redevance
de raccordement et le prix des communications établies à partir de son
raccordement, même si elles avaient été effectuées par des tiers. La
cour
cantonale a également retenu que, selon les documents contractuels
liant les
parties, les relevés de communications sur la base desquels les
factures
étaient établies faisaient foi dans la mesure où les investigations
d'ordre
technique menées par Swisscom ne laissaient apparaître aucun élément
permettant de conclure à une erreur.

Le contrat conclu par les parties ne correspond à aucun des contrats
spécialement réglés par la loi (contrats nommés). Si le raccordement
lui-même, en tant que point d'accès au réseau fixe, peut
éventuellement se
définir comme un ouvrage, l'absence de livraison de l'installation à
proprement parler, impliquant un transfert de propriété, fait
obstacle à la
qualification de contrat d'entreprise (cf. Gauch, Le contrat
d'entreprise,
adaptation française par Benoît Carron, n. 87 ss, p. 26 ss). Par
ailleurs,
contrairement au contrat d'entreprise (cf. ATF 98 II 299 consid. 4a p.
302/303), le contrat d'abonnement téléphonique est un contrat de
durée,
puisque l'opérateur exécute nécessairement pendant un certain temps
son
obligation de permettre la réception et l'établissement de
communications
téléphoniques. On pourrait également imaginer qu'en mettant en
service le
raccordement, l'opérateur en cède l'usage, à l'instar d'un bailleur.
La
possibilité d'accès au réseau téléphonique fixe offerte à l'abonné ne
suppose
toutefois aucune perte du droit d'utiliser la chose pour l'opérateur,
qui n'a
pas à la «délivrer» (cf. art. 253 CO; Tercier, Les contrats spéciaux,
3e éd.,
n. 1737, p. 253; Engel, Contrats de droit suisse, 2e éd., p. 145). Les
caractéristiques du contrat examiné ne se concilient ainsi guère avec
la
définition du bail. Il convient dès lors de ranger le contrat
d'abonnement
téléphonique dans la catégorie des contrats innommés (René Pfromm,
Les droits
des consommateurs dans le domaine de la téléphonie vocale: la
législation
communautaire et le règlement juridique suisse, in sic! 1/2001 p. 8),
sans
qu'il apparaisse d'emblée exclu de lui appliquer par analogie, selon
le
problème juridique posé, certaines dispositions du contrat
d'entreprise ou du
bail.

3.
Avant d'examiner le raisonnement suivi par la cour cantonale pour
rejeter en
grande partie la demande, ainsi que les griefs que le recours
développe à son
encontre, il sied de relever que, selon les faits établis dans l'arrêt
attaqué, aucun défaut ni traces de piratage n'ont été décelés à la
suite des
contrôles techniques effectués sur le raccordement ...; par ailleurs,
la
demanderesse a fourni une liste détaillée de tous les appels
enregistrés à
partir dudit raccordement entre le 4 et le 23 juin 1999. Il faut en
déduire
que les communications litigieuses émanaient bien du raccordement du
défendeur. La cour cantonale a également constaté que, selon le
contrat liant
les parties, l'abonné était responsable d'une éventuelle utilisation
par un
tiers qui aurait eu accès à la station du défendeur, avec ou sans
autorisation. De plus, le défendeur disposait d'un appareil non
homologué par
l'OFCOM (cf. art. 31 ss LTC; art. 3 ss, art. 25 et art. 31 al. 1 de
l'ordonnance du 6 octobre 1997 sur les installations de
télécommunication en
vigueur à l'époque des faits litigieux [OIT 1997; RO 1997 p. 2853
ss]); à
supposer qu'il puisse être démontré qu'un piratage en relation avec
cette
circonstance soit à l'origine des communications contestées, il
appartiendrait donc également à l'abonné d'en supporter les
conséquences. Il
s'ensuit que le défendeur est le débiteur de la facture du 12 juillet
1999
par 15 955 fr.95, sauf si la demanderesse a méconnu un devoir de
diligence
contractuel envers l'abonné ou si l'obligation de payer les
communications
litigieuses repose sur une cause illicite ou immorale.

4.
Selon la demanderesse, la cour cantonale a violé le droit fédéral en
dégageant des art. 364 al. 1 et 321a al. 1 CO appliqués par analogie,
ainsi
que des règles de la bonne foi, une obligation de diligence à charge
de
l'opérateur consistant à adresser à l'abonné un signal d'alerte
lorsque le
trafic des communications dépasse dix fois le montant mensuel le plus
élevé
facturé jusqu'alors.

En premier lieu, la demanderesse fait valoir que la LTC et
l'ordonnance du 31
octobre 2001 sur les services de télécommunication (OST; RS 784.101.1)
définissent exhaustivement les obligations assumées par le
concessionnaire du
service universel; or, aucun devoir de diligence particulier ne
résulte de
ces dispositions de droit public.

Même en admettant l'application par analogie de certaines règles du
contrat
d'entreprise, la demanderesse conteste tout devoir de renseignement
lié au
nombre et au prix des appels téléphoniques établis à partir d'un
raccordement
donné; elle ne voit pas en quoi sa qualité de spécialiste en
télécommunications la rendrait apte, tel un entrepreneur face au
maître, à se
déterminer sur une disproportion entre le coût engendré par des
communications et l'intérêt que l'abonné leur porte. La demanderesse
s'en
prend également à la manière dont la cour cantonale a défini l'usage
inapproprié de l'«ouvrage», soit un trafic téléphonique engendrant
des coûts
inhabituels par rapport à la consommation enregistrée jusqu'à
présent; à son
sens, une telle conception de l'utilisation inadéquate du raccordement
revient à empiéter de manière inadmissible sur la liberté personnelle
des
particuliers et à ériger le fournisseur de services de
télécommunication en
véritable tuteur de ses abonnés. En tout état de cause, la
demanderesse
observe que l'obligation de diligence de l'entrepreneur dépend des
connaissances du maître. En l'occurrence, l'abonné est précisément
censé être
au courant du risque financier que peuvent représenter l'utilisation
du
raccordement et, en particulier, le recours à des services
téléphoniques à
taux majoré; à cet égard, la demanderesse fait remarquer que les
prestataires
de services de télékiosque sont tenus d'indiquer clairement, dans
toute
annonce écrite ou verbale, le tarif en francs et en centimes, par
minute ou
par appel, applicable à leurs prestations.

4.1 La cour cantonale s'est inspirée du devoir de diligence de
l'entrepreneur
pour mettre à la charge de la demanderesse une obligation de
surveillance
continue du trafic téléphonique des abonnés, assortie de l'obligation
de
signaler tout dépassement d'un seuil fixé à dix fois la facture
mensuelle la
plus élevée enregistrée jusqu'alors.
Le devoir général de diligence de l'entrepreneur découle de l'art.
364 al. 1
CO, qui se réfère aux règles du contrat de travail. Selon l'art. 321a
al. 1
CO, le travailleur exécute avec soin le travail qui lui est confié et
sauvegarde fidèlement les intérêts légitimes de l'employeur. Le
devoir de
diligence est une expression du devoir de fidélité, résultant du
rapport de
confiance existant entre maître et entrepreneur (Gauch, op. cit., n.
820, p.
242; Tercier, op. cit., n. 4046, p. 592). Des devoirs de
renseignement et de
conseil ont été déduits de l'obligation de diligence; ils reposent
sur l'idée
que l'entrepreneur, en sa qualité de spécialiste, doit conseiller le
maître
et lui signaler toute circonstance importante pour l'exécution de
l'ouvrage
(Tercier, op. cit., n. 4051, p. 592/593). Ainsi, pour prévenir un
dommage,
l'entrepreneur peut être tenu de renseigner le maître sur
l'utilisation
adéquate de l'ouvrage; par exemple, l'installateur d'un chauffage
central
devra indiquer précisément la qualité d'eau à utiliser (ATF 94 II 157
consid.
5 p. 160). De manière générale, si une utilisation de l'ouvrage non
appropriée ou contraire à sa destination est prévisible et porteuse de
dangers, le maître doit y être rendu attentif, lorsqu'il n'est pas
censé
connaître le risque (Gauch, op. cit., n. 836, p. 246).

En l'espèce, la position de la demanderesse face à l'abonné ne
saurait être
assimilée à celle d'un entrepreneur. Tout d'abord, la relation de
confiance
résultant du contrat d'abonnement téléphonique n'est pas comparable à
celle
créée par la conclusion d'un contrat d'entreprise. Par ailleurs, si la
demanderesse est bien une spécialiste des télécommunications, cette
qualité
ne la rend pas, en elle-même, apte à juger d'une utilisation adéquate
du
raccordement téléphonique par un usager, soit des dépenses que
celui-ci peut
raisonnablement engager pour ses communications. Faute de
parallélisme des
situations, la référence à l'obligation de diligence de
l'entrepreneur ne se
justifie pas en l'occurrence.

4.2 Il reste à examiner si une obligation accessoire de surveillance
et
d'avis peut être déduite par interprétation du contrat d'abonnement
téléphonique ou de la loi (cf. ATF 113 II 174 consid. 1b p. 177;
Merz, Droit
des obligations - Partie générale, traduction française de Pierre
Giovannoni,
in Traité de droit privé suisse, vol. VI, tome I [ci-après: op. cit.
I], p.
45; le même, Berner Kommentar [ci-après: op. cit. II], n. 260 ad art.
2 CC).

4.2.1 L'obligation accessoire (Nebenpflicht) se définit comme une
obligation
- non principale - qui découle du rapport contractuel de confiance
existant
entre les parties (ATF 120 II 252 consid. 3b/aa p. 258). En vertu des
règles
de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC), le débiteur doit faire tout ce
qu'exigent
l'exécution régulière de l'obligation principale et la réalisation du
but
assigné à la prestation (ATF 113 II 246 consid. 4 p. 247). Les
obligations de
surveillance et de protection comptent parmi les obligations
accessoires. En
particulier, lorsqu'un état de choses dangereux est créé en rapport
avec
l'exécution du contrat, l'obligation principale est assortie d'un
devoir
général d'assurer la sécurité du cocontractant, de protéger sa vie et
sa
santé; ainsi en va-t-il notamment entre une entreprise de
téléphérique et le
skieur titulaire d'un abonnement «libre parcours», s'agissant de la
sécurité
des pistes (ATF 113 II 246 consid. 4 p. 248 et consid. 7 p. 250/251),
ou
entre l'exploitant d'un établissement public et un client (ATF 71 II
107
consid. 4 p. 114/115; 70 II 215 consid. 3 p. 218). Une obligation de
renseigner et de communiquer peut également être accessoire à une
obligation
principale. Par exemple, celui qui sait qu'une situation juridique
créée par
lui-même est ambiguë doit attirer l'attention de son partenaire sur
ce point
(cf. ATF 83 II 147 p. 150; Merz, op. cit. I, p. 48; le même, op. cit.
II, n.
275 ad art. 2 CC). En revanche, le Tribunal fédéral a considéré qu'un
organisme de cartes de crédit n'était pas tenu de signaler à
l'entreprise
affiliée toutes les pertes de cartes, même si lesdites pertes
pouvaient être
sources de dommage pour le commerçant (ATF 113 II 174 consid. 1b p.
177).

4.2.2 En admettant la faisabilité d'un système de contrôle permanent
du
trafic téléphonique de chaque abonné, les règles de la bonne foi
imposent-elles au fournisseur de services de télécommunication un
devoir
d'avertissement lorsque les taxes liées à un raccordement donné
dépassent un
certain seuil durant le mois en cours? L'opérateur assume-t-il envers
le
client un devoir de protection qui se concrétiserait sous la forme
d'une
alerte?

La particularité de la protection envisagée est qu'elle tendrait
avant tout à
préserver l'abonné de dépenses inconsidérées que ses proches ou
lui-même sont
susceptibles d'engager. Or, a priori, la conclusion d'un contrat
d'abonnement
téléphonique n'implique pas une mise sous surveillance de l'abonné,
auquel il
appartient de gérer et de contrôler sa propre consommation
téléphonique,
ainsi que l'accès à son ou ses appareils. Par ailleurs, un devoir
accessoire
de protection se rencontre essentiellement lorsque la vie ou la santé
du
partenaire contractuel peut être mise en péril, et non lorsque seuls
des
intérêts financiers sont en jeu. Certes, la jurisprudence a admis que
le
médecin assumait un devoir contractuel d'information minimale en
matière
économique, en ce sens qu'il devait attirer l'attention du patient
lorsqu'il
sait qu'un traitement, une intervention ou ses honoraires ne sont pas
couverts par l'assurance-maladie ou lorsqu'il éprouve ou doit
éprouver des
doutes à ce sujet (ATF 119 II 456 consid. 2d p. 460). Cependant, cette
obligation a été reconnue dans le cadre d'un mandat, soit d'un
contrat conclu
intuitu personae, supposant une attention plus grande aux intérêts du
partenaire contractuel, ce qui n'est pas le cas du contrat
d'abonnement
téléphonique; de plus, le mandataire-patient n'avait aucune prise sur
l'aspect financier en cause, contrairement à l'abonné qui est souvent
le
consommateur lui-même.

Il est vrai qu'avec l'introduction des services à taxe majorée, la
facture
téléphonique peut atteindre rapidement des montants importants. On
rappellera
à cet égard que le prix des communications litigieuses était de 2
fr.13 la
minute. Il n'y a pas lieu
pour autant d'admettre la création d'un
état de
choses dangereux propre à justifier un devoir de surveillance et
d'avertissement. En effet, les prestataires de services à valeur
ajoutée
rattachés aux services de télécommunication ont l'obligation
d'indiquer le
prix en francs suisses (art. 10 al. 1 let. q de l'ordonnance du 11
décembre
1978 sur l'indication des prix [OIP; RS 942.211]); pour les services
proposés
aux numéros de téléphone commençant par «156» ou «0906», le prix des
dix
premières minutes doit même être indiqué dans la langue
correspondante, soit
de vive voix soit par un message automatique durant les vingt
premières
secondes qui suivent l'établissement de la liaison (art. 11 al. 1bis
OIP). Si
ces deux dispositions sont entrées en vigueur le 1er novembre 1999,
soit
après les faits litigieux, il n'en demeure pas moins que, selon les
constatations du jugement de première instance auxquelles la cour
cantonale
se réfère, le tarif facturé au client qui composait un numéro «rose»
figurait
alors dans les publicités que les prestataires de service faisaient
paraître.
L'abonné disposait donc des moyens de contrôler lui-même son trafic
téléphonique, y compris à destination de services à valeur ajoutée.
Par
ailleurs, la périodicité de la facturation constitue également un
garde-fou
(Pfromm, op. cit., loc. cit.). Grâce à l'extrait de taxes mensuel, le
point
est ainsi fait chaque mois et demi, la facture relative au trafic du
mois
précédent étant transmise au milieu du mois suivant.

En conclusion, il n'apparaît pas que le but de la prestation offerte
par la
demanderesse, soit permettre l'établissement de communications
téléphoniques,
y compris avec des services à valeur ajoutée, commande, selon les
règles de
la bonne foi, de protéger l'abonné contre lui-même ou contre un tiers
que le
client aurait laissé d'une manière ou d'une autre accéder à sa station
téléphonique.

4.2.3 Il convient encore d'examiner si une obligation accessoire
d'avertissement peut être mise à la charge de la demanderesse en
interprétant
la loi.

En rapport avec la facturation des prestations, le fournisseur de
services de
télécommunication est tenu, sur requête, de remettre une liste
détaillée
comportant les numéros de téléphone appelés, la date, l'heure et la
durée des
communications ainsi que la rémunération due pour chaque liaison
établie
(art. 45 al. 1 LTC; art. 50 al. 2 OST 1997 = art. 60 al. 2 OST). On ne
saurait tirer de cette obligation légale accessoire un quelconque
devoir de
surveillance du nombre et du prix des communications elles-mêmes.

Quant aux prestations relevant du service universel, énumérées à
l'art. 16
al. 1 LTC, elles sont précisées et complétées à l'art. 15 al. 1 OST
1997. Au
moment des faits litigieux, elles recouvraient en particulier le
raccordement
et les services additionnels. Le premier s'étendait au raccordement
pour la
transmission de la parole en temps réel et la transmission des
données par un
canal vocal ou numérique, la sélection à fréquence vocale au clavier
et
l'inscription principale dans un annuaire d'abonnés (art. 15 al. 1
let. a OST
1997). Les services additionnels consistaient dans l'obtention de
renseignements sur les appels abusifs, dans la déviation des appels,
dans la
suppression de l'identification de la ligne appelante, dans le
justificatif
des taxes, dans l'extrait de taxes et dans le blocage des
communications
sortantes (art. 15 al. 1 let. b OST 1997). Un devoir de contrôler le
trafic
lié à chaque raccordement ne peut manifestement être lié à l'une de
ces
prestations.

Au surplus, les obligations du concessionnaire portent en particulier
sur la
qualité des prestations de service universel, sur le respect des prix
plafonds fixés par le Conseil fédéral et sur la publication des prix
pratiqués (art. 17 LTC; art. 21 à 24 OST 1997). Aucune de ces
obligations ne
suppose, même implicitement, une surveillance de la consommation
téléphonique
de chaque abonné.

Dans les Etats de l'Union européenne, les opérateurs assumant des
obligations
de service universel ne sont pas tenus, à l'heure actuelle,
«d'avertir les
abonnés lorsqu'un seuil prédéterminé de dépenses a été franchi ou
qu'une
anomalie apparaît dans la structure des appels» (considérant 15 in
fine
directive «service universel»). Le Parlement européen et le Conseil de
l'Union européenne reconnaissent néanmoins qu'«un réexamen futur des
dispositions législatives applicables devrait considérer l'éventuelle
nécessité d'alerter les abonnés dans de telles circonstances»
(considérant 15
in fine directive «service universel»). Il faut rappeler à cet égard
que le
critère du prix abordable est essentiel dans la notion du service
universel
en droit européen; il implique notamment que l'utilisateur soit à
même de
gérer ses dépenses mensuelles et hebdomadaires et de prévoir combien
coûtera
le téléphone par le biais de l'information reçue (Leila
Roussianos-Moayedi,
Les concessions de services de télécommunication - Etude de droit
suisse et
de droit communautaire, thèse Lausanne 2002, p. 240). La directive
«service
universel» insiste également sur le lien entre le caractère abordable
du
service universel et la capacité des consommateurs à maîtriser leurs
dépenses
(considérant 15 in initio).

La notion de prix abordable est également présente dans le service
universel
tel qu'il est conçu en droit suisse (cf. art. 92 al. 2 Cst.;
Roussianos-Moayedi, op. cit., p. 230 ss). A l'instar de ce qui est
proposé
dans la directive européenne précitée, il appartient toutefois au
législateur
d'adopter, s'il le juge nécessaire, les dispositions légales propres à
prévenir le risque d'une consommation téléphonique disproportionnée
aux
moyens de l'abonné. Une telle intervention dans la sphère privée des
clients
suppose une base légale claire. A ce sujet, on peut imaginer non
seulement un
système d'alerte en cas de dépassement d'un seuil de dépenses fixé en
fonction des factures précédentes, mais également la possibilité pour
l'abonné de choisir lui-même une limite mensuelle, qui ne peut être
franchie
sans son accord (cf., en droit allemand, § 18 TKV
[Telekommunikations-Kundenschutzverordnung]; René Pfromm,
Verbraucherrechte
in der Sprachtelefonie: Gemeinschaftsrecht und die Rechtsordnungen
Deutschlands und der Schweiz, in Le droit des télécommunications en
mutation,
Editions universitaires Fribourg Suisse, 2001, p. 361). On notera au
passage
qu'en Suisse, l'art. 31 OST impose déjà aux fournisseurs de
prestations
relevant du service universel d'offrir gratuitement la possibilité de
bloquer
les communications sortantes vers des services à caractère érotique ou
pornographique.

Sur le vu de ce qui précède, la cour cantonale ne peut être suivie
lorsqu'elle met à la charge de la demanderesse une obligation
accessoire de
surveillance de chaque raccordement et d'avertissement de l'abonné en
cas de
consommation jugée excessive.

5.
Le défendeur n'a pas déposé de recours joint. Il invoque toutefois
l'art. 20
CO à l'appui de son argumentation tendant au rejet du recours. A son
sens,
les services du «téléphone rose» sont contraires aux bonnes moeurs,
de sorte
que la demanderesse ne peut obtenir le paiement des communications
établies
avec les numéros commençant par les chiffres «0906» et «156».

5.1 Aux termes de l'art. 20 al. 1 CO, le contrat est nul s'il a pour
objet
une chose impossible, illicite ou contraire aux moeurs. En l'espèce,
il
convient de préciser que le seul contrat susceptible de porter sur un
objet
illicite ou immoral est celui liant l'appelant au prestataire de
services à
caractère érotique ou pornographique.

5.2 En matière pénale, il a été jugé punissable de rendre accessible
à tout
public, sans distinction d'âge, l'enregistrement de propos obscènes
relevant
de la pornographie douce (ATF 119 IV 145 consid. 2 p. 148 ss). Le
Directeur
des télécommunications de l'entreprise des PTT a également été reconnu
complice de pornographie au sens de l'art. 197 ch. 1 CP pour avoir
mis à
disposition les installations techniques du télékiosque 156, alors
même qu'il
savait que certains fournisseurs utilisaient régulièrement et
constamment ces
installations pour diffuser des messages pornographiques accessibles
aux
jeunes de moins de 16 ans (ATF 121 IV 109 consid. 3 p. 119 ss).

L'art. 18a de l'ordonnance du 25 mars 1992 sur les services de
télécommunications (OST 1992; RO 1992 p. 848) a été adopté le 6
décembre
1993; il a été remplacé dès le 1er août 1995 par l'art. 85a OST 1992
(RO 1995
p. 3544) dont la teneur est identique. Cette dernière disposition
prévoyait
expressément que les fournisseurs du télékiosque n'avaient pas le
droit de
mettre à disposition des messages illicites en vue de leur
consultation, ni
de permettre des conversations ou des communications illicites; les
enregistrements et représentations pornographiques, au sens de l'art.
197 CP,
étaient notamment interdits (art. 85 al. 1 let.b OST 1992). L'art.
85a al. 2
OST 1992 prescrivait les mesures à prendre afin que les personnes de
moins de
16 ans n'eussent pas accès à des messages ou conversations érotiques.
Actuellement, il ressort d'un document de l'OFCOM que le titulaire de
numéros
«0906» est tenu de ne pas utiliser les numéros attribués pour offrir
des
services concernés par les dispositions du code pénal, en particulier
les
art. 135, 197, 259 et 261bis; il doit garantir en outre que les
personnes de
moins de 16 ans ne peuvent avoir accès à des services de nature
pornographique (cf. p. 2 de la notice de l'OFCOM concernant
l'attribution
individuelle de numéros).

En l'espèce, aucun élément du dossier ne laisse apparaître que les
communications litigieuses avec des services à caractère érotique ou
pornographique aient eu un contenu illicite. Par ailleurs, le
défendeur était
âgé de 21 ans au moment des faits; il n'a pas été allégué, ni a
fortiori
démontré qu'un mineur de moins de 16 ans aurait procédé aux appels en
question. Dans ces circonstances, force est d'admettre que les
communications
établies en juin 1999 à partir du raccordement du défendeur avec des
numéros
du «téléphone rose» n'avaient pas un objet illicite.

5.3 Sont contraires aux moeurs au sens de l'art. 20 al. 1 CO les
contrats
condamnés par la morale dominante, par le sentiment général des
convenances,
par les principes et jugements de valeur qu'implique l'ordre juridique
considéré dans son ensemble; un contrat peut être contraire aux
moeurs soit
en raison de la prestation promise, soit indirectement par le but ou
le
résultat visé, soit encore par la combinaison d'une prestation
nécessairement
gratuite avec une contre-prestation appréciable en argent (ATF 115 II
232
consid. 4a p. 235). Il est ainsi admis que la promesse d'une
rétribution à
une personne se livrant à la prostitution est immorale (Engel, Traité
des
obligations en droit suisse, 2e éd., p. 290; Claire Huguenin Jacobs,
Basler
Kommentar, 2e éd., n. 38 ad art. 19/20 CO).

En l'espèce, fournir des prestations de nature érotique ou
pornographique par
téléphone n'équivaut pas à offrir son corps contre rémunération. Par
ailleurs, à l'heure actuelle, c'est l'OFCOM qui, sous l'appellation de
«divertissement pour adultes», attribue les numéros commençant par
«0906»
(cf. p. 2 de la notice de l'OFCOM concernant l'attribution
individuelle de
numéros). Si un office fédéral procède à une telle attribution, il
faut
croire que les services en question ne choquent pas la morale
ambiante.
Certes, à l'époque des faits litigieux, l'attribution des numéros du
«téléphone rose» était encore l'apanage de Swisscom. Il n'apparaît
toutefois
pas que la perception morale des choses se soit modifiée sur ce point
en
quatre ans.

Dès l'instant où les contrats passés entre l'utilisateur du
raccordement et
les prestataires de services à valeur ajoutée ne sont ni illicites, ni
immoraux, la demanderesse dispose envers l'abonné, en tous les cas,
d'une
prétention en paiement des taxes relatives aux communications
litigieuses et
en remboursement de la part déjà versée par elle aux prestataires de
services
à valeur ajoutée. Contrairement à l'avis du défendeur, le moyen fondé
sur
l'art. 20 CO ne permet pas de maintenir le résultat de l'arrêt
attaqué.

6.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être admis. L'arrêt
attaqué sera
annulé et la demanderesse se verra allouer le montant en capital
qu'elle
réclame, c'est-à-dire 15 955 fr.95.

En ce qui concerne les intérêts moratoires, il est à noter que la
mise en
demeure adressée par la demanderesse au défendeur est datée du mardi
11 avril
2000 et qu'elle a été apparemment envoyée en courrier B.
L'interpellation au
sens de l'art. 102 al. 1 CO est un acte soumis à réception (ATF 103
II 102
consid. 1a p. 105). Le défendeur ne contestant pas avoir reçu la
lettre du 11
avril 2000, il faut admettre que la réception de ce courrier est
intervenue
en tout cas le vendredi 14 avril 2000, date marquant le point de
départ des
intérêts moratoires à 5% (art. 104 al. 1 CO).

7.
Le défendeur, qui succombe, prendra à sa charge les frais judiciaires
(art.
156 al. 1 OJ) et versera à la demanderesse une indemnité à titre de
dépens
(art. 159 al. 1 OJ).

La Cour de justice rendra une nouvelle décision sur les frais et
dépens de la
procédure cantonale.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:


1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé.

Le défendeur est condamné à payer à la demanderesse le montant de 15
955
fr.95, plus intérêts à 5% dès le 14 avril 2000; l'opposition faite au
commandement de payer, poursuite n° ..., notifié le 16 août 2000, est
définitivement levée dans cette mesure.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du défendeur.

3.
Le défendeur versera à la demanderesse un montant de 2500 fr. à titre
de
dépens.

4.
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision pour
les
frais et dépens de la procédure cantonale.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 5 juin 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.50/2003
Date de la décision : 05/06/2003
1re cour civile

Analyses

Contestation d'une facture téléphonique - communications avec des services du "téléphone rose". Le contrat d'abonnement téléphonique est un contrat innommé (consid. 2). Le concessionnaire du service universel n'assume aucune obligation accessoire de diligence consistant à avertir l'abonné lorsque les taxes liées à son raccordement dépassent un certain seuil durant le mois en cours (consid. 4). Les contrats passés entre l'utilisateur du raccordement et les prestataires de services à caractère érotique ou pornographique n'ont pas, en l'occurrence, pour objet une chose illicite ou contraire aux moeurs au sens de l'art. 20 al. 1 CO (consid. 5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-06-05;4c.50.2003 ?
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