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04/06/2003 | SUISSE | N°5P.101/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 juin 2003, 5P.101/2003


{T 0/2}
5P.101/2003 /frs

Arrêt du 4 juin 2003
IIe Cour civile

Mme et MM. les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

les époux X.________,
recourants, représentés par Me Suzanne Cassanelli, avocate, rue de la
Terrassière 41, 1207 Genève,

contre

SI Y.________ SA,
SI Z.________ SA,
intimées,
toutes les deux représentées par Me Dominique Lévy, avocat, rue
Charles-Galland 15, 1206 Genève,
Première Section de la Cour de justice du canton de Genève,

place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9 Cst. (action en réintégrande),

recours de dr...

{T 0/2}
5P.101/2003 /frs

Arrêt du 4 juin 2003
IIe Cour civile

Mme et MM. les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

les époux X.________,
recourants, représentés par Me Suzanne Cassanelli, avocate, rue de la
Terrassière 41, 1207 Genève,

contre

SI Y.________ SA,
SI Z.________ SA,
intimées,
toutes les deux représentées par Me Dominique Lévy, avocat, rue
Charles-Galland 15, 1206 Genève,
Première Section de la Cour de justice du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9 Cst. (action en réintégrande),

recours de droit public contre l'arrêt de la première Section de la
Cour de
justice du canton de Genève du 30 janvier 2003.

Faits:

A.
Par actes notariés des 1er juin, 10 juin et 13 août 1987, les époux
X.________ sont devenus propriétaires de l'intégralité de l'immeuble
sis au
n° xx de la rue ..... à Genève, ainsi que du 16% de l'immeuble
contigu sis au
n° yy de la même rue, correspondant à l'attique dudit bâtiment.

Ces deux immeubles immatriculés au Registre foncier ne comprennent
que les
parties construites à partir du premier étage. Tout ce qui se trouve
en
dessous était propriété des sociétés anonymes immobilières SI
C.________ A à
G SA, comprenant des servitudes en faveur du Centre Commercial
Y.________.

B.
Par "convention de bail à loyer" du 1er janvier 1996, le Centre
Commercial
Y.________, agissant par A.________, permit aux époux X.________
d'occuper
quatre places de parc à voitures selon les modalités suivantes (cf.
P. 3
chargé demandeurs du 29 août 2002) :
"a) 2 places leur sont réservées au troisième sous-sol gratuitement,
attachées à la propriété-occupation des attiques xx et yy (une place
par
attique).

b) 2 places de parking leur sont données à bail, avec droit d'occuper
l'une
quelconque des places libres au premier et au deuxième sous-sol. Ce
bail
produit également ses effets pour toute la durée effective de
l'occupation
des deux attiques. (...) [Le loyer est fixé à] deux cent cinquante
francs
(TVA comprise) par mois et par carte d'accès, soit cinq cent francs
par mois
pour les cartes."

C.
Les 20 août 1999 et 18 septembre 2000, la SI Y.________ SA et la SI
Z.________ SA furent constituées dans le but de reprendre la totalité
du
capital-actions des SI C.________ A à G SA.

Le 22 septembre 2000, la SI Z.________ SA, titulaire des droits de
propriété
sur des locaux "sis aux niveaux 2 (1'412 m2), 3 (1'412 m2) et 4
(1'412 m2)",
ainsi que sur la totalité du troisième sous-sol, remit à bail tous
ces locaux
et surfaces à la banque B.________, pour une durée de 10 ans à courir
dès le
1er juillet 2001.
Dès fin 2001, la banque B.________ se plaignit de l'occupation des
places de
parc par les époux X.________. Le 14 mai 2002, le bailleur prit des
mesures
concrètes (modification du code magnétique des cartes d'accès) pour
que les
époux X.________ ne pussent plus accéder au parking du troisième
sous-sol;
leurs véhicules furent mis en fourrière.

D.
Après être vainement intervenus auprès des différents responsables
pour
trouver une solution amiable à ce différend, les époux X.________,
par acte
du 29 août 2002, agirent en réintégrande devant le Tribunal de
première
instance du canton de Genève contre les sociétés anonymes
immobilières SI
Y.________ SA et SI Z.________ SA.

Par jugement du 5 novembre 2002, le Tribunal de première instance a
débouté
les époux X.________ des fins de leur requête. Il a considéré en
substance
que ceux-ci n'avaient pas rendu vraisemblable que le droit personnel
qu'ils
invoquaient serait opposable aux nouveaux propriétaires des locaux,
lesquels
avaient quant à eux établi être au bénéfice d'un droit préférable au
sens de
l'art. 927 al. 2 CC.

Par arrêt rendu le 30 janvier 2003 sur appel des époux X.________, la
première Section de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé
le
jugement de première instance (cf. plus en détail consid. 2 infra).

E.
Agissant par la voie du recours de droit public pour arbitraire, les
époux
X.________ concluent avec suite de frais et dépens à l'annulation de
cet
arrêt. Une réponse au recours n'a pas été demandée.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Selon une jurisprudence constante, le recours en réforme est
irrecevable
contre un jugement cantonal de dernière instance rendu sur une action
possessoire au sens des art. 927 al. 1 et 928 al. 1 CC, car un tel
jugement
n'est pas une décision finale au sens de l'art. 48 OJ (ATF 113 II 243
consid.
1b et les arrêts cités). En effet, les actions possessoires ne visent
en
principe qu'au rétablissement et au maintien d'un état de fait
antérieur;
sous réserve de l'art. 927 al. 2 CC, qui prévoit l'exception tirée du
meilleur droit, elles ne conduisent pas à un jugement sur la
conformité au
droit de cet état de fait, mais n'assurent au demandeur qu'une
protection
provisoire, car une procédure engagée sur le terrain du droit peut
mettre fin
aux effets d'une décision portant sur la protection de la possession
(ATF 113
II 243 consid. 1b et les arrêts cités). En revanche, une telle
décision clôt
la procédure introduite quant à la protection de la possession et
doit, en
conséquence, être considérée comme une décision finale au sens de
l'art. 87
OJ; même si l'on devait lui attribuer un caractère provisoire, elle
pourrait
pour les mêmes motifs être déférée au Tribunal fédéral, à l'instar
d'une
décision rendue en matière de mesures provisionnelles (ATF 118 II 369
consid.
1 et les arrêts cités; 126 III 261 consid. 1 et les références
citées), par
la voie du recours de droit public (arrêt non publié 4P.155/1992 du 5
novembre 1992, consid. 2a et les références). Il s'ensuit que le
recours est
recevable sous l'angle des art. 84 al. 2 OJ ¿ qui pose le principe de
subsidiarité absolue du recours de droit public par rapport aux
autres moyens
de droit au tribunal fédéral ou à une autre autorité fédérale ¿ et 87
OJ.
Formé en temps utile contre une décision prise en dernière instance
cantonale, il est également recevable du chef des art. 89 al. 1 et 86
al. 1
OJ.

1.2 Saisi d'un recours de droit public pour arbitraire, le Tribunal
fédéral
ne prend pas en considération les allégations, preuves ou faits qui
n'ont pas
été soumis à l'autorité cantonale; nouveaux, ils sont irrecevables
(ATF 119
II 6 consid. 4a; 118 III 37 consid. 2a et les arrêts cités). Le
Tribunal
fédéral s'en tient dès lors aux faits constatés par l'autorité
cantonale, à
moins que le recourant ne démontre que ces constatations sont
arbitrairement
fausses ou incomplètes (ATF 118 Ia 20 consid. 5a p. 26). En
l'occurrence, les
recourants, qui invoquent uniquement une application arbitraire du
droit
fédéral, ne soutiennent pas que les constatations de fait de
l'autorité
cantonale seraient arbitrairement fausses ou incomplètes. Le Tribunal
fédéral
s'en tiendra par conséquent aux faits ressortant de l'arrêt attaqué,
sans
égard pour la présentation des faits contenue dans le recours de droit
public, qui est reprise du mémoire d'appel présenté à l'autorité
cantonale.

1.3 Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours de droit
public doit
contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des
principes
juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation. Il
s'ensuit que
celui qui forme un recours de droit public pour arbitraire ne peut se
borner
à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en procédure
d'appel, où
l'autorité de recours jouit d'un libre pouvoir d'examen (ATF 128 I 295
consid. 7a p. 312; 117 Ia 10 consid. 4b; 110 Ia 1 consid. 2a; 107 Ia
186 et
la jurisprudence citée). En particulier, il ne peut se contenter
d'opposer sa
thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer, par une
argumentation précise, que la décision attaquée repose sur une
application de
la loi ou une appréciation des preuves manifestement insoutenables
(ATF 125 I
492 consid. 1b; 120 Ia 369 consid. 3a; 86 I 226).

2.
La motivation en droit de l'arrêt attaqué, dans ce qu'elle a d'utile à
retenir, est en substance la suivante :
2.1La convention conclue le 1er janvier 1996 avec le Centre Commercial
Y.________, agissant par A.________, en vertu de laquelle les
recourants
possédaient les deux places de parc litigieuses au troisième sous-sol
dudit
centre, constitue manifestement un contrat de prêt à usage; celui-ci
se
conclut essentiellement dans l'intérêt de l'emprunteur et est donc
gratuit
par définition, ce qui le distingue du contrat de bail qui est en
principe
onéreux.

2.2 La réintégrande, prévue par l'art. 927 CC, a pour but de protéger
la
possession, soit le fait; elle oblige quiconque usurpe une chose en
possession d'autrui à la lui rendre, même s'il y prétend un droit
préférable,
ce sous réserve du cas où l'usurpateur établit aussitôt un droit
préférable
qui l'autoriserait à reprendre la chose au possesseur. Constitue une
usurpation de la possession l'acte par lequel une personne enlève au
possesseur la maîtrise effective de la chose. En l'occurrence, les
recourants
s'étant vu interdire l'accès à leurs deux places du troisième
sous-sol par
modification du code magnétique des cartes d'accès, il s'agit bien
d'une
usurpation de la possession.

2.3 L'art. 927 al. 2 CC prévoit une exception au principe de
l'obligation de
rendre la chose usurpée pour le cas où le défendeur établit aussitôt
un droit
préférable qui l'autoriserait à reprendre la chose au demandeur. En
l'espèce,
les intimées ont établi, en produisant le contrat de bail du 22
septembre
2000, leur droit préférable dès lors qu'elles ont, en tant que
nouveaux
propriétaires et titulaires d'un droit réel, remis à bail à la banque
B.________ les places de parc sises au troisième sous-sol. Le prêt à
usage
consenti en son temps aux recourants par A.________ n'est pas
opposable aux
sociétés immobilières intimées. L'action en réintégrande doit ainsi
être
rejetée.

3.
3.1Les recourants reprochent à l'autorité cantonale d'avoir admis de
manière
arbitraire un droit préférable des intimées qui résulterait de la
conclusion
d'un contrat de bail avec un tiers portant sur les places de parc
dont ils
étaient possesseurs. En effet, le défendeur à l'action en
réintégrande doit
invoquer son propre droit préférable et non celui du nouveau
possesseur de la
chose, sans quoi il suffirait au défendeur de démontrer que la chose
est
possédée par un nouveau possesseur pour faire échec à la protection
qu'accorde l'art. 927 CC au possesseur dépossédé de la chose par
usurpation.

Les recourants font également grief à l'autorité cantonale d'avoir
retenu de
manière arbitraire et sans motivation qu'ils étaient liés à l'ancien
propriétaire des locaux litigieux par un contrat de prêt à usage. Ils
relèvent que les intimées n'auraient "qualifié cette relation de prêt
qu'au
plus soutenu des conditionnels", et soutiennent par ailleurs avoir
"fait la
démonstration s'agissant en particulier des deux dépôts qu'ils
occupent dans
le même immeuble et dont ils jouissent librement depuis 1987 qu'aucun
prêt ne
les a jamais liés au précédent proprié-taire, la relation juridique
en cause
devant encore être qualifiée".

3.2 Il est douteux que ces griefs, essentiellement appellatoires,
satisfassent aux exigences de motivation découlant de l'art. 90 al. 1
let. b
OJ (cf. consid. 1.3 supra). De toute manière, ils se révèlent
infondés pour
les motifs exposés ci-après.

3.2.1 En principe, comme la réintégrande est une action possessoire,
qui doit
être distinguée du pétitoire (action fondée sur le droit sur ou à la
chose),
le défendeur ne peut exciper du droit préférable qu'il aurait sur la
chose,
comme le rappelle l'art. 927 al. 1 in fine CC (ATF 113 II 243 consid.
1b p.
245; Steinauer, Les droits réels, tome I, 3e éd. 1997, n. 344).
L'art. 927
al. 2 CC apporte toutefois une exception à ce principe pour le cas où
le
défendeur établit aussitôt un droit préférable qui l'autoriserait à
reprendre
la chose au demandeur. Cette disposition vise, dans un souci
d'économie de
procédure, à ne pas donner gain de cause au demandeur à la
réintégrande qui
aurait certainement tort dans un procès au pétitoire, par exemple à
l'emprunteur tenu à restitution depuis longtemps face au propriétaire
qui a
réussi à lui reprendre de manière illicite l'objet prêté (Steinauer,
op.
cit., n. 346; Stark, Basler Kommentar, Schweizerisches
Zivilgesetzbuch II, 2e
éd. 2003, n. 6 ad art. 927 CC).

3.2.2 En l'espèce, il est constant que les recourants possédaient les
places
de parc litigieuses en vertu d'un contrat passé en 1996 avec le
précédent
propriétaire du troisième sous-sol du Centre Commercial Y.________. La
qualification de ce contrat comme prêt à usage (cf. consid. 2.1 supra)
n'apparaît pas arbitraire, étant donné que l'usage des places de parc
en
question a été cédé à titre gratuit et non onéreux (cf. art. 305 CO
et 257
CO; Tercier, les contrats spéciaux, 3e éd. 2003, n. 1735 et 1744;
Reymond, Le
bail à loyer/le bail à ferme/le prêt à usage, in Traité de droit privé
suisse, vol. VII/1/1, 1978, p. 265).

Il n'est pas davantage arbitraire de considérer que le droit personnel
découlant de ce contrat n'est pas opposable aux intimées, qui ont
établi
avoir acquis la propriété du troisième sous-sol
et qui ont ainsi
établi, en
tant que propriétaires de la chose, un droit préférable propre, même
si la
formulation ambiguë de l'arrêt attaqué sur ce point pourrait faire
croire que
le droit préférable qui fait échec à la restitution de la chose est
le droit
personnel du tiers qui loue depuis le 1er juillet 2001 la totalité du
troisième sous-sol (cf. consid. 2.3 supra).

Il convient enfin d'observer qu'il ne ressort pas de l'arrêt attaqué
que
l'action en réintégrande porterait, outre sur les deux places de parc
au
troisième sous-sol, sur deux dépôts, de sorte qu'il n'y a pas lieu
d'entrer
en matière sur ce moyen (cf. consid. 1.2 supra).

4.
En définitive, le recours se révèle mal fondé et ne peut qu'être
rejeté dans
la mesure où il est recevable. Partant, les recourants, qui
succombent,
supporteront les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a en
revanche
pas lieu d'allouer de dépens dès lors que les intimées n'ont pas été
invitées
à procéder et n'ont en conséquence pas assumé de frais en relation
avec la
procédure devant le Tribunal fédéral (art. 159 al. 1 et 2 OJ;
Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale d'organisation
judiciaire, vol. V, 1992, n. 2 ad art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'500 fr. est mis à la charge des
recourants.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
première Section de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 4 juin 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.101/2003
Date de la décision : 04/06/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-06-04;5p.101.2003 ?
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