La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/05/2003 | SUISSE | N°1P.273/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 mai 2003, 1P.273/2003


{T 0/2}
1P.273/2003/svc

Arrêt du 28 mai 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Juge présidant,
Catenazzi et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

T. ________, recourant, représenté par
Me Michel De Palma, avocat, case postale 387,
1951 Sion,

contre

Procureur du Bas-Valais, 1920 Martigny,
Cour pénale II du Tribunal cantonal
du canton du Valais, Palais de Justice, 1950 Sion 2.

procédure pénale; circulation routière; appréciation des preuves,

recours de droit pub

lic contre le jugement de la
Cour pénale II du Tribunal cantonal du canton du Valais du 12 mars
2003.

Faits:

...

{T 0/2}
1P.273/2003/svc

Arrêt du 28 mai 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Juge présidant,
Catenazzi et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

T. ________, recourant, représenté par
Me Michel De Palma, avocat, case postale 387,
1951 Sion,

contre

Procureur du Bas-Valais, 1920 Martigny,
Cour pénale II du Tribunal cantonal
du canton du Valais, Palais de Justice, 1950 Sion 2.

procédure pénale; circulation routière; appréciation des preuves,

recours de droit public contre le jugement de la
Cour pénale II du Tribunal cantonal du canton du Valais du 12 mars
2003.

Faits:

A.
Le 27 juin 2000, à 21h34, sur la chaussée nord de l'autoroute A9, peu
avant
la jonction de Saxon, la police cantonale valaisanne a contrôlé un
véhicule
de marque et de type BMW 750i, qui circulait à 196 km/h, après
déduction de
la marge de sécurité, alors que la vitesse prescrite à cet endroit
était de
120 km/h. La photographie du véhicule a révélé que le conducteur
était un
homme portant une barbe naissante et des moustaches, mais le numéro
d'immatriculation n'était pas lisible en raison de la réflexion du
flash.
Selon le rapport de police établi le 2 septembre 2000, deux policiers
ont de
suite identifié le conducteur comme étant T.________ sur la base de ce
document. Les recherches effectuées à partir de cette indication ont
permis
de déterminer l'immatriculation du véhicule et l'identité de son
détenteur,
soit E.________, soeur de T.________. Ce dernier a nié se trouver au
volant
du véhicule le 27 juin 2000, tout en reconnaissant que la personne
prise sur
la photographie présentait une certaine ressemblance avec lui. Il a
mis en
cause l'ami de sa soeur, C.________, qui a définitivement quitté la
Suisse le
7 juillet 2000, à destination du Kosovo. E.________ a déclaré pour sa
part
qu'elle se trouvait en vacances au Kosovo au moment des faits et
qu'elle
avait mis sa voiture à la disposition de son ami durant son absence.
Le 3 juillet 2000, à 22h15, T.________ a été interpellé à Martigny
par la
police cantonale valaisanne pour avoir circulé au volant du véhicule
de sa
soeur, alors que celui-ci n'était plus couvert par une assurance
responsabilité civile et avait les pneus arrières lisses. S'il a
reconnu
avoir roulé avec le véhicule en question, il a déclaré ignorer que
celui-ci
n'était pas assuré en responsabilité civile.
Au terme d'un jugement rendu le 12 septembre 2001, le Juge II des
districts
de Martigny et de Saint-Maurice a acquitté T.________ du chef
d'accusation de
conduite d'un véhicule automobile non couvert par une assurance
responsabilité civile. Il l'a reconnu coupable de violation grave
d'une règle
de la circulation routière et de conduite d'un véhicule défectueux et
l'a
condamné à trois mois d'emprisonnement. Il a renoncé à révoquer le
sursis
accordé à l'exécution d'une peine d'emprisonnement prononcée le 8
octobre
1998 par le Tribunal du IIIe arrondissement pour les districts de
Martigny et
de Saint-Maurice.
Statuant sur appel du condamné, la Cour pénale II du Tribunal
cantonal du
canton du Valais (ci-après: la Cour pénale ou la cour cantonale) a
réformé
partiellement ce jugement. Elle a considéré que l'infraction de
conduite d'un
véhicule défectueux était prescrite et a libéré T.________ de ce chef
d'accusation. Elle l'a en revanche reconnu coupable de violation
grave d'une
règle de la circulation routière, pour avoir conduit un véhicule
automobile à
une vitesse excessive, et l'a condamné à trois mois d'emprisonnement.
La Cour
pénale a estimé qu'il ne subsistait aucun doute sérieux et
irréductible quant
au fait que T.________ conduisait le véhicule contrôlé le 27 juin
2000. Elle
s'est fondée en cela sur la ressemblance évidente entre l'appelant et
la
personne photographiée, également relevée par les deux policiers qui
ont
immédiatement identifié le conducteur comme étant l'appelant sur
simple
présentation de cette photographie, sans savoir que le véhicule
appartenait à
E.________. Elle s'est en outre basée sur les déclarations de
T.________, qui
a reconnu conduire occasionnellement la BMW de sa soeur et avoir
circulé au
volant de ce véhicule le 3 juillet 2000, bien que E.________ ait
affirmé
l'avoir mis à la disposition de son ami durant son absence. Elle a
enfin vu
un élément venant renforcer sa conviction dans le fait que T.________
n'avait
pu donner aucune indication sur son emploi du temps dans la soirée du
27 juin
2000.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, T.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler ce jugement, qui reposerait sur une
appréciation
arbitraire des preuves et qui violerait le principe de la présomption
d'innocence et son corollaire, la maxime "in dubio pro reo",
découlant des
art. 32 al. 1 Cst., 6 par. 2 CEDH et 14 al. 2 du Pacte ONU II. Il
requiert
l'assistance judiciaire.
La Cour pénale se réfère aux considérants de son jugement. Le
Procureur du
Bas-Valais a renoncé à déposer des observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière
instance
cantonale, qui ne peut être attaquée que par la voie du recours de
droit
public en raison des griefs soulevés (cf. ATF 120 Ia 31 consid. 2b p.
36), et
qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés, le
recours
est recevable au regard des art. 84 ss OJ.

2.
Le recourant reproche à la Cour pénale d'avoir fait preuve
d'arbitraire et
violé la présomption d'innocence et son corollaire, le principe "in
dubio pro
reo", en considérant qu'il était l'auteur de l'excès de vitesse
commis le 27
juin 2000, à 21h34, sur l'autoroute A9, peu avant la jonction de
Saxon. Il
lui fait en outre grief d'avoir renversé le fardeau de la preuve en
violation
de la présomption d'innocence, en retenant à sa charge qu'il n'avait
jamais
tenté d'établir, au cours de l'instruction, se trouver ailleurs au
moment des
faits.

2.1 En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la maxime "in
dubio pro
reo", découlant de la présomption d'innocence consacrée aux art. 32
al. 1
Cst. et 6 par. 2 CEDH, signifie qu'il appartient à l'accusation
d'établir la
culpabilité du prévenu et non à ce dernier de démontrer son
innocence. Cette
garantie est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au
seul
motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence ou lorsqu'il résulte
à tout
le moins de la motivation du jugement que le juge s'est inspiré d'une
répartition erronée du fardeau de la preuve pour condamner. Lorsque le
recourant se plaint d'une telle violation, le Tribunal fédéral examine
librement s'il ressort du jugement, considéré objectivement, que le
juge a
condamné l'accusé uniquement parce qu'il n'avait pas prouvé son
innocence
(ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40; 120 Ia 31 consid. 2d p. 38).
La Cour pénale a certes indiqué que le recourant n'avait jamais
tenté, au
cours de l'instruction, d'établir qu'il se trouvait ailleurs au
moment des
faits. Elle a cependant précisé qu'interrogé sur son emploi du temps
durant
la soirée du 27 juin 2000, celui-ci affirmait ne pas s'en souvenir.
S'il
n'est en principe pas incompatible avec la présomption d'innocence de
voir un
indice en défaveur du prévenu dans l'absence de toute explication sur
son
emploi du temps au moment de l'infraction qui lui est reprochée, la
formulation employée en l'occurrence est quelque peu maladroite en
tant
qu'elle laisse entrevoir un reproche à l'adresse du recourant, qui
n'aurait
pas cherché à se disculper, alors qu'il appartient à l'accusation
d'établir
la culpabilité du prévenu; quoi qu'il en soit, la cour cantonale n'a
pas
forgé sa conviction sur ce seul motif, mais sur la base d'un faisceau
d'indices concordants, dans lequel l'appréciation critiquée joue un
rôle très
marginal; dans ces conditions, l'on ne saurait dire que le recourant
aurait
été condamné uniquement parce qu'il n'aurait pas prouvé son
innocence. Le
recours est donc mal fondé en tant qu'il porte sur une violation de la
présomption d'innocence comme règle de répartition du fardeau de la
preuve.

2.2 En tant qu'elle a trait à la constatation des faits et à
l'appréciation
des preuves, la présomption d'innocence est violée lorsque
l'appréciation
objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un
doute
insurmontable sur la culpabilité de l'accusé (ATF 127 I 38 consid. 2a
p. 41;
124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Saisi d'un
recours
de droit public mettant en cause l'appréciation des preuves, le
Tribunal
fédéral examine seulement si le juge cantonal a outrepassé son pouvoir
d'appréciation et établi les faits de manière arbitraire (ATF 127 I 38
consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4 p. 211; 120 Ia 31 consid. 2d p.
37/38;
118 Ia 28 consid. 1b p. 30 et les arrêts cités). Une constatation de
fait
n'est pas arbitraire pour la seule raison que la version retenue par
le juge
ne coïncide pas avec celle de l'accusé ou du plaignant; encore
faut-il que
l'appréciation des preuves soit manifestement insoutenable, en
contradiction
flagrante avec la situation effective, qu'elle constitue la violation
d'une
règle de droit ou d'un principe juridique clair et indiscuté, ou
encore
qu'elle heurte de façon grossière le sentiment de la justice et de
l'équité
(ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30), ce qu'il appartient au recourant
d'établir
(ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités).

2.3 En l'occurrence, la photographie de la BMW ayant fait l'objet du
contrôle
de vitesse litigieux, le 27 juin 2000, à 21h34, sur l'autoroute A9,
ne permet
pas de lire le numéro d'immatriculation, en raison de la réflexion du
flash;
en revanche, l'agrandissement photographique de la plaque
minéralogique
versée au dossier révèle une correspondance certaine avec celle du
véhicule
de même marque et de même type détenu par E.________. Ajouté aux
autres
indices à charge, dont le recourant conteste vainement la valeur
probante
pour les raisons évoquées ci-dessous, la cour cantonale pouvait sans
arbitraire retenir que le véhicule photographié était bien celui de
la soeur
du recourant. Selon ce dernier, la mauvaise qualité de la
photographie ne
permettrait pas d'établir avec la certitude nécessaire l'identité du
conducteur. Il a cependant lui-même reconnu que la personne
photographiée
présentait une certaine ressemblance avec lui, allant à chiffrer
celle-ci à
65% devant le juge de première instance. Dans ces conditions, la Cour
pénale
n'a pas fait preuve d'arbitraire en qualifiant d'évidente,
respectivement de
significative, la ressemblance du conducteur avec le recourant et en
voyant
dans cet élément un indice à charge important, sinon décisif. Elle a
vu un
élément propre à corroborer son opinion dans le fait que deux
policiers ont
également reconnu T.________ sur simple présentation de la
photographie, sans
savoir que le véhicule appartenait à la soeur de celui-ci. Le
recourant
prétend, dans une argumentation largement appellatoire et guère
compatible
avec les exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf.
ATF 129 I
113 consid. 2.1 p. 120 et les arrêts cités), qu'il serait hautement
invraisemblable de percevoir le visage du conducteur d'un véhicule
lancé à
196 km/h sur l'autoroute et de pouvoir le reconnaître quelques
semaines plus
tard sur simple présentation d'une photographie. Il ne ressort
toutefois
nullement du dossier que les deux policiers ayant identifié le
recourant sur
la photographie du véhicule se trouvaient sur les lieux du contrôle de
vitesse effectué le 27 juin 2000 et qu'ils auraient vu son visage à
cette
occasion et non à un autre moment. Le jugement attaqué ne retient
d'ailleurs
pas cette version des faits. Au surplus, T.________ n'a pas requis
l'audition
des deux policiers afin de déterminer de quelle manière ces derniers
ont eu
connaissance de son identité et pu ainsi le reconnaître sur la
photographie.
Dans ces conditions, il ne saurait faire grief à la cour cantonale
d'avoir
tenu pour établi le déroulement des faits, tel qu'il est relaté dans
le
rapport de police du 2 septembre 2000, et d'avoir vu dans l'élément
précité
un indice propre à corroborer son appréciation quant à la
ressemblance du
prévenu avec la personne photographiée.
La Cour pénale pouvait par ailleurs sans arbitraire voir des indices
supplémentaires à charge dans le fait que le recourant n'a donné
aucune
indication sur son emploi du temps pour la soirée du 27 juin 2000 et
dans la
contradiction existant entre ses propos, selon lesquels il n'aurait
disposé
du véhicule de sa soeur qu'en juillet 2000, et les déclarations de
E.________, suivant lesquelles son frère aurait conduit son véhicule
à deux
reprises avant son départ en vacances au Kosovo le 25 juin 2000 pour
trois
semaines.

2.4 En définitive, le recourant ne parvient pas à démontrer que le
jugement
attaqué reposerait sur une appréciation arbitraire des preuves, ni
qu'un
examen objectif de l'ensemble des éléments de la cause aurait dû
inciter la
Cour pénale à concevoir des doutes sur sa culpabilité, au point que sa
condamnation serait contraire à la présomption d'innocence.

3.
Les considérants qui précèdent conduisent ainsi au rejet du recours.
Celui-ci
étant d'emblée dénué de toute chance de succès, la demande
d'assistance
judiciaire doit être rejetée (art. 152 al. 1 OJ).
Le recourant, qui
succombe,
s'acquittera d'un émolument judiciaire tenant compte de sa situation
financière précaire (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 1'000 francs est mis à la charge du
recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
ainsi
qu'au Procureur du Bas-Valais et à la Cour pénale II du Tribunal
cantonal du
canton du Valais.

Lausanne, le 28 mai 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.273/2003
Date de la décision : 28/05/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-28;1p.273.2003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award