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27/05/2003 | SUISSE | N°2A.187/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 mai 2003, 2A.187/2003


{T 0/2}
2A.187/2003 /dxc

Arrêt du 27 mai 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président, Müller et Yersin.
Greffière: Mme Revey.

A. ________,
recourant, représenté par Me Alex Wagner, avocat,
rue de l'Eglise-Catholique 6, case potale 215,
1820 Montreux 2,

contre

Conseil d'Etat du canton du Valais,
Palais du Gouvernement, 1950 Sion,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais de
Justice, 1950 Sion 2.

Révocation de l'autorisation

d'établissement et refus du regroupement
familial,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal c...

{T 0/2}
2A.187/2003 /dxc

Arrêt du 27 mai 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président, Müller et Yersin.
Greffière: Mme Revey.

A. ________,
recourant, représenté par Me Alex Wagner, avocat,
rue de l'Eglise-Catholique 6, case potale 215,
1820 Montreux 2,

contre

Conseil d'Etat du canton du Valais,
Palais du Gouvernement, 1950 Sion,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais de
Justice, 1950 Sion 2.

Révocation de l'autorisation d'établissement et refus du regroupement
familial,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal cantonal du
canton
du Valais, Cour de droit public, du
27 février 2003.

Faits:

A.
A. ________, ressortissant gambien né en 1965, est entré en Suisse le
20 août
1993 pour y déposer aussitôt une demande d'asile. L'Office fédéral des
réfugiés a refusé d'entrer en matière sur sa requête et lui a fixé un
délai
au 15 mars 1994 pour quitter la Suisse.

Le 3 juin 1994, A.________ a épousé B.________, ressortissante suisse
née en
1941, et a obtenu de ce fait une autorisation de séjour, régulièrement
renouvelée.

Le 1er juin 1999, l'épouse a quitté le domicile conjugal. Le 7 juillet
suivant, une demande de divorce a été déposée. Le 30 juillet 1999,
A.________
a requis le Service valaisan de l'état civil et des étrangers
(ci-après: le
Service cantonal) de lui octroyer une autorisation d'établissement,
ce qui
fut fait le 10 novembre 1999.

Le 28 juin 2000, le divorce des conjoints A.________ et B.________ a
été
prononcé et, le 18 octobre suivant, l'intéressé a épousé C.________,
une
compatriote.

B.
Le 20 juillet 2001, A.________ a formé une demande de regroupement
familial
en faveur de son épouse et de leurs deux enfants, nés en 1993 et en
1999.

Par décision du 27 novembre 2001, le Service cantonal a révoqué
l'autorisation d'établissement délivrée à A.________, a classé sa
demande de
regroupement familial et lui a imparti un délai expirant le 28
février 2002
pour quitter le territoire valaisan.

Statuant respectivement les 13 novembre 2002 et 27 février 2003, le
Conseil
d'Etat puis le Tribunal cantonal ont successivement confirmé le
prononcé du
27 novembre 2001 du Service cantonal.

C.
Agissant le 30 avril 2003 par la voie du recours de droit
administratif,
A.________ demande au Tribunal fédéral, principalement, d'annuler
l'arrêt du
Tribunal cantonal du 27 février 2003 et la décision du 27 novembre
2001 du
Service cantonal, le permis d'établissement étant maintenu, puis de
renvoyer
la cause au Service cantonal pour examen de la demande de regroupement
familial. Subsidiairement, il requiert la délivrance d'une
autorisation de
séjour annuelle. Enfin, il sollicite l'effet suspensif et l'assistance
judiciaire.

D.
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer sur le recours, ainsi
que sur la
requête d'effet suspensif. Le Conseil d'Etat conclut au rejet du
recours et
de la demande d'effet suspensif.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le recours de droit administratif est recevable selon les art.
100 al. 1
lettre b ch. 3, ainsi que 101 lettre d OJ.

Il n'y a toutefois pas lieu d'entrer en matière sur la conclusion
subsidiaire
du recourant tendant à la délivrance d'une autorisation de séjour,
dès lors
que celle-ci ne fait pas l'objet de l'arrêt attaqué.

1.2 Conformément à l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit
administratif
peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et
l'abus
du pouvoir d'appréciation. En revanche, lorsque le recours est
dirigé, comme
en l'occurrence, contre la décision d'une autorité judiciaire, le
Tribunal
fédéral est lié par les faits constatés dans la décision, sauf s'ils
sont
manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au
mépris de
règles essentielles de procédure (art. 104 lettre b et 105 al. 2 OJ).
La
possibilité de faire valoir des faits nouveaux ou de nouveaux moyens
de
preuve est dès lors très restreinte (sur les conditions y relatives,
cf. ATF
128 II 145 consid. 1.2.1; 128 III 454 consid. 1; 125 II 217 consid.
3a; 121
II 97 consid. 1c). En particulier, les modifications ultérieures de
l'état de
fait ne peuvent normalement pas être prises en considération, car on
ne
saurait reprocher à une autorité d'avoir mal constaté les faits, au
sens de
l'art. 105 al. 2 OJ, lorsque ceux-ci ont changé après sa décision
(ATF 121 II
97 consid. 1c; 107 Ib 167 consid. 1b et les références citées).

En l'espèce, les allégués du recourant relatifs à la dégradation de
sa santé
conformément aux pièces médicales des 14 et 17 avril 2003,
constituent des
faits nouveaux ne pouvant être pris en considération.

1.3 Le recourant demande au Tribunal fédéral l'administration de
preuves,
notamment qu'il procède à l'audition de témoins. La Cour de céans
s'estime
toutefois suffisamment renseignée au sens de l'art. 95 al. 1 OJ, si
bien
qu'il sied d'écarter cette requête.

2.
L'arrêt attaqué se fonde sur les art. 7 al. 1 et 9 al. 4 de la loi
fédérale
du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE;
RS
142.20). D'une part, il retient que le recourant a commis un abus de
droit en
invoquant un mariage n'existant plus que formellement, dans le seul
but
d'obtenir une autorisation d'établissement puis de faire venir sa
famille
gambienne en Suisse. D'autre part, il reproche à l'intéressé d'avoir
celé sa
réelle situation familiale.

2.1 A teneur de l'art. 7 al. 1 1ère phrase LSEE, le conjoint étranger
d'un
ressortissant suisse a droit à l'octroi et à la prolongation de
l'autorisation de séjour. D'après la jurisprudence (ATF 121 II 97
consid. 2),
il suffit en principe que le mariage existe formellement. Invoquer
l'art. 7
al. 1 LSEE peut être toutefois constitutif d'un abus de droit, même en
l'absence d'un mariage fictif au sens de l'alinéa 2 de cette
disposition,
lorsque le conjoint étranger se prévaut d'un mariage n'existant plus
que
formellement dans le seul but d'obtenir une autorisation de séjour,
car cet
objectif n'est pas protégé par l'art. 7 al. 1 LSEE (ATF 127 II 49
consid. 5;
121 II 97 consid. 4a).

Selon l'art. 7 al. 1 2ème phrase LSEE, après un séjour régulier et
ininterrompu de cinq ans, le conjoint étranger d'un ressortissant
suisse a en
principe droit à une autorisation d'établissement. Celle-ci n'étant
pas
limitée dans le temps, un divorce éventuel ne pourra plus influer sur
le
droit à l'établissement en Suisse de l'étranger. A l'échéance de ces
cinq
ans, il n'a donc plus besoin de se référer au mariage. Il est dès lors
déterminant de savoir si l'abus de droit existait déjà avant
l'écoulement de
ce délai (ATF 121 II 97 consid. 4c).

Par ailleurs, l'art. 9 al. 4 lettre a LSEE dispose que l'autorisation
d'établissement est révoquée lorsque l'étranger l'a obtenue par
surprise, en
faisant de fausses déclarations ou en dissimulant des faits
essentiels. Cette
disposition constitue le corollaire de l'art. 3 al. 2 LSEE, selon
lequel
l'étranger est tenu de renseigner exactement l'autorité sur tout ce
qui est
de nature à déterminer sa décision. D'après la jurisprudence relative
à
l'art. 9 al. 4 lettre a LSEE, une simple négligence ne suffit pas; il
faut
que le requérant ait intentionnellement donné de fausses indications,
ou
dissimulé des faits essentiels, dans l'intention d'obtenir
l'autorisation
d'établissement (ATF 112 Ib 473 consid. 3). Ne sont pas seulement
essentiels
les faits au sujet desquels l'autorité administrative pose
expressément des
questions au requérant mais aussi ceux dont le requérant doit savoir
qu'ils
sont déterminants pour l'octroi de l'autorisation (arrêt 2A.511/2001
du 10
juin 2002, consid. 3.2, et les références citées).

Lorsque les conditions de l'art. 9 al. 4 lettre a LSEE sont remplies,
l'autorité n'est toutefois pas tenue de prononcer la révocation; elle
doit
examiner les données du cas particulier et dispose d'une certaine
marge
d'appréciation (ATF 112 Ib 473 consid. 4; voir aussi arrêt 2A.511/2001
précité, consid. 4).

2.2 En l'espèce, il sied d'abord d'examiner si le recourant a commis
un abus
de droit en se prévalant de sa première union pour obtenir une
autorisation
d'établissement.

Le recourant conteste que son premier mariage n'ait été maintenu que
de
manière formelle. Il relève que son ex-épouse n'a quitté le domicile
conjugal
que le 1er juin 1999, soit deux jours avant l'échéance des cinq ans de
mariage, qu'ils ont ainsi fait ménage commun pendant toute cette
période et
que, selon les déclarations de l'ex-épouse elle-même, l'union
résultait bel
et bien de la volonté de vivre ensemble en communauté conjugale.

Certes, les époux ont vécu dans le même appartement jusqu'au 1er juin
1999.
Cela ne signifie pas encore qu'ils aient conservé une véritable
communauté
matrimoniale durant cette période. Au contraire, selon l'arrêt
attaqué,
l'ex-épouse a déclaré à la police vaudoise le 21 août 2001 que la vie
conjugale s'était transformée après quelques mois déjà en
"cohabitation
pratique", les conjoints faisant chambre séparée dès l'année suivant
le
mariage. D'après le procès-verbal de cette audition figurant au
dossier,
l'ex-épouse a même précisé qu'ils vivaient "comme deux personnes
distinctes
ayant pris un logement en commun". Par ailleurs, le recourant a
entretenu
avant et pendant le mariage une liaison avec une compatriote, qu'il a
épousée
en secondes noces et dont il a eu deux enfants, nés respectivement
peu avant
puis pendant la première union. Il sied en outre de relever la
rapidité avec
laquelle les événements se sont succédé dès l'échéance du délai de
cinq ans
le 3 juin 1999, soit le départ de l'ex-épouse deux jours auparavant,
la
demande de divorce le 7 juillet 1999, l'octroi de l'autorisation
d'établissement le 10 novembre 1999, le prononcé de divorce le 28
juin 2000
et le remariage le 18 octobre 2000. A cela s'ajoute enfin que le
recourant
est de vingt-quatre ans plus jeune que l'ex-épouse et qu'il s'est
marié alors
qu'il était sous le coup d'un renvoi. Dans ces conditions, un faisceau
d'indices démontre qu'au moins après la première année, le mariage
s'est
résumé à une simple communauté d'habitation, dénuée de nature
proprement
matrimoniale. Il sied ainsi de confirmer que l'union a perdu sa
substance
conjugale avant l'expiration du délai de cinq ans, si tant est
qu'elle n'en
eût jamais, et que le recourant l'a formellement maintenue pendant
cette
période dans le seul but d'obtenir l'autorisation d'établissement. Il
a donc
abusé du droit conféré par l'art. 7 al. 1 LSEE.

2.3 En second lieu, le recourant a dissimulé des faits essentiels au
sens de
l'art. 9 al. 4 lettre a LSEE.

Selon le dossier, le recourant a déclaré ce qui suit à la police
valai-sanne
le 29 mai 2001: "Il est exact que lorsque j'ai fait ma demande de
permis
d'établissement, j'ai volontairement omis de mentionner mes deux
enfants".
Autrement dit, le recourant a reconnu avoir délibérément dissimulé
des faits.
De plus, il savait ou aurait dû savoir qu'il s'agissait d'éléments
essentiels
à l'égard de sa situation sur le plan de la police des étrangers. En
effet,
il n'ignorait pas, d'une part, que seul son mariage avec une
ressortissante
suisse lui permettait de prétendre à une autorisation d'établissement
et,
d'autre part, que sa paternité aurait conduit les autorités à
procéder à des
investigations afin de déterminer sa réelle situation familiale puis,
selon
le résultat de ces enquêtes, à renoncer à lui accorder l'autorisation
requise.

2.4 Enfin, la révocation de l'autorisation d'établissement respecte le
principe de la proportionnalité.

D'un côté, le recourant n'a pas eu de comportement répréhensible et
vit en
Suisse depuis neuf ans et demi, à la date de l'arrêt attaqué. D'un
autre côté
toutefois, le recourant a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge
de
vingt-huit ans. Agé aujourd'hui de trente-huit ans, il a donc passé
toute sa
jeunesse et la majeure partie de son existence en Gambie. De plus, il
est
régulièrement retourné dans ce pays et c'est là que résident son
épouse
actuelle et leurs deux enfants. On peut donc attendre de lui qu'il se
réadapte à la Gambie en dépit des difficultés, notamment économiques,
auxquelles il sera exposé.

3.
Le recourant reproche en vain au Tribunal cantonal d'avoir violé son
droit
d'être entendu en refusant l'audition de témoins prêts à attester de
l'intensité de son premier lien conjugal. A elles seules, les
déclarations de
l'ex-épouse - et celles du recourant lui-même - permettent de se
forger une
opinion suffisamment convaincante sur la nature des relations des
ex-conjoints, de sorte que le Tribunal cantonal pouvait, par une
appréciation
anticipée des preuves échappant à tout grief d'arbitraire, refuser
d'entendre
à ce propos les témoins requis par le recourant (art. 29 al. 2 Cst.;
ATF 122
II 464 consid. 4a; 119 Ib 492 consid. 5b/bb).

4.
Vu ce qui précède, le recours est manifestement mal fondé en tant que
recevable et doit être traité selon la procédure simplifiée de l'art.
36a OJ.

Le recours étant d'emblée dépourvu de chances de succès, la requête
d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 152 OJ).

Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires, dont le

montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière (art.
156 al.
1, 153 et 153a OJ). Avec le prononcé au fond, la demande d'effet
suspensif
devient sans objet.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté en tant que recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Conseil d'Etat et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de
droit
public, ainsi qu'à l'Office fédéral de l'immigration, de
l'intégration et de
l'émigration.

Lausanne, le 27 mai 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.187/2003
Date de la décision : 27/05/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-27;2a.187.2003 ?
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