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27/05/2003 | SUISSE | N°1P.620/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 mai 2003, 1P.620/2002


{T 0/2}
1P.620/2002 /col

Arrêt du 27 mai 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Catenazzi et Fonjallaz.
Greffier: M. Thélin.

D. ________,
recourante, représentée par Me François Bohnet, avocat, rue de la
Serre 4,
avenue de la Gare 10, 2001 Neuchâtel 1,

contre

Commune du Landeron, 2525 Le Landeron,
représentée par Me Jean-Claude Schweizer, avocat, avenue de la Gare
1/Boine
2, case postale 2258,
2001

Neuchâtel 1,
Département de la gestion du territoire, Château,
2001 Neuchâtel 1,
Tribunal administratif du canton de N...

{T 0/2}
1P.620/2002 /col

Arrêt du 27 mai 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Catenazzi et Fonjallaz.
Greffier: M. Thélin.

D. ________,
recourante, représentée par Me François Bohnet, avocat, rue de la
Serre 4,
avenue de la Gare 10, 2001 Neuchâtel 1,

contre

Commune du Landeron, 2525 Le Landeron,
représentée par Me Jean-Claude Schweizer, avocat, avenue de la Gare
1/Boine
2, case postale 2258,
2001 Neuchâtel 1,
Département de la gestion du territoire, Château,
2001 Neuchâtel 1,
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel,
case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1.

refus du permis de construire; ordre de démolition

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du 30
octobre 2002.

Faits:

A.
La commune du Landeron et la Poste suisse sont copropriétaires par
étages de
la parcelle n° 5577 de cette commune. Dans le bâtiment qui s'y trouve,
D.________ est locataire de locaux appartenant à la Poste, où elle
exploite
un établissement public à l'enseigne "le cal-bar". Elle utilise
également,
aux fins de cette exploitation, une terrasse adjacente au bâtiment.
Dès le 26 avril 1999, le Conseil communal a adressé plusieurs lettres
à
l'exploitante, qui entreprenait de réaliser une couverture de la
terrasse,
pour lui rappeler que cet ouvrage devait être préalablement autorisé
par lui,
tant à titre d'organe de la commune copropriétaire que d'autorité
chargée
d'appliquer la législation sur les constructions. Le Conseil
l'invitait à
interrompre tout travail tant qu'elle n'aurait pas obtenu cette
autorisation.
Le 19 mai suivant, le Conseil communal a dénoncé l'exploitante au
Ministère
public; elle était prévenue d'avoir construit sans autorisation un
couvert de
terrasse d'environ 27 m2.

B.
Entre-temps, le 27 avril 1999, D.________ avait signé elle-même et
déposé une
demande de permis de construire en usant du "formulaire pour
construction ou
installation de minime importance". L'ouvrage était décrit comme une
"pergola-terrasse" d'un coût évalué à 4'500 fr. environ. La rubrique
destinée
à recevoir la désignation et la signature du tiers propriétaire de
l'immeuble
n'était pas remplie. Sous la rubrique "prise de position de l'autorité
communale relative à la procédure simplifiée", le Conseil communal,
en date
du 20 mai 1999 et sous les signatures de son président et de sa
secrétaire, a
dispensé la requérante de mandater un architecte; il a décidé, pour le
surplus, que la demande devrait être soumise à l'enquête publique et
au
préavis des services cantonaux.
Aucune opposition n'a été élevée au cours de cette procédure; seul
l'Etablissement cantonal d'assurance immobilière a imposé une
condition
concernant la toiture.
Dans une lettre du 8 juillet 1999, le Conseil communal a informé la
requérante de son "préavis négatif", en expliquant que le couvert
empiétait
sur un alignement à respecter le long de la voie publique cantonale
et qu'il
se trouvait "en total désaccord avec l'architecture du bâtiment". La
requérante avait la faculté d'exiger une décision formelle qui,
toutefois, ne
"saurait être que négative"; elle était invitée à supprimer l'ouvrage
concerné. Le 11 octobre suivant, celui-ci existait encore et le
Conseil
communal constatait que des travaux destinés à le compléter étaient
en cours;
sans plus faire allusion à la procédure d'autorisation de construire,
il a
alors émis un ordre de démolition formel.

C.
D.________ a recouru au Département cantonal de la gestion du
territoire.
Cette autorité a retenu que selon le droit civil applicable, l'ouvrage
concerné ne pouvait être réalisé qu'avec l'accord de chacun des
copropriétaires de la parcelle n° 5577, accord qui ne ressortait ni
de la
demande d'autorisation de construire ni des autres pièces du dossier;
cette
situation entraînait le refus de l'autorisation et, pour le surplus,
l'ordre
de démolir devait être confirmé. Statuant le 22 juin 2000, le
Département a
ainsi rejeté le recours.
La maîtresse de l'ouvrage a déféré la décision au Tribunal
administratif du
canton de Neuchâtel. Statuant le 4 décembre 2000, le tribunal lui a
donné
gain de cause au motif que le Conseil communal avait agi en violation
du
principe de la bonne foi:
En l'espèce, le Conseil communal a non seulement amené la recourante à
déposer, le 27 avril 1999, une demande de permis de construire, mais
il a, le
25 mai suivant, encore contresigné ladite requête et l'a transmise au
SAT, ce
qui a provoqué une mise à l'enquête publique du projet. En agissant
de la
sorte, l'autorité communale a adopté un comportement laissant penser
qu'en sa
qualité de propriétaire du bâtiment touché, elle n'était pas opposée
à la
construction projetée. S'il avait entendu manifester une telle
opposition, le
Conseil communal aurait dû clarifier sa position de propriétaire du
fonds dès
le dépôt de la demande de sanction des plans. Il ne pouvait plus le 8
juillet
1999, sans surprendre la bonne foi de la recourante, s'opposer comme
propriétaire au projet, une fois que la procédure administrative était
avancée au point que l'enquête publique était close.
L'ordre de démolition et la décision du Département furent annulés, et
l'affaire renvoyée au Conseil communal pour nouvelle décision "au
sens des
considérants".

D.
Une nouvelle décision communale est intervenue le 1er février 2001.
L'autorité a refusé l'autorisation de construire au motif que la
demande
déposée le 27 avril 1999 ne portait pas les signatures des tiers
propriétaires du bien-fonds, que la commune copropriétaire avait déjà
"manifesté sa désapprobation" et que l'accord de l'autre
copropriétaire, soit
la Poste suisse, n'était pas établi. L'autorité a derechef ordonné la
démolition de l'ouvrage.
De nouveaux recours de D.________ ont été rejetés par le Département
de la
gestion du territoire, le 29 juin 2001, puis par le Tribunal
administratif,
le 30 octobre 2002. Selon ces prononcés, les instructions données par
le
tribunal, dans son arrêt du 4 décembre 2000, ont l'autorité de la
chose jugée
et lient les organes appelés à se prononcer subséquemment dans
l'affaire;
cependant, selon le droit cantonal, l'accord du tiers propriétaire
est une
condition d'octroi de l'autorisation de construire et celle-ci doit
donc être
refusée lorsque ledit accord n'est pas établi.

E.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation de
l'art. 9
Cst., D.________ requiert le Tribunal fédéral d'annuler le nouvel
arrêt du
Tribunal administratif. Elle soutient que ce prononcé contredit
l'arrêt du 30
octobre 2002, en tant que le défaut d'accord de la commune
copropriétaire est
tenu pour déterminant, et que le principe de l'autorité de la chose
jugée est
ainsi méconnu de façon arbitraire. Pour le surplus, elle soutient que
le
Tribunal administratif constate arbitrairement l'absence d'un accord
de la
Poste suisse.
Invités à répondre, la commune du Landeron et le Département de la
gestion du
territoire proposent le rejet du recours; le Tribunal administratif a
renoncé
à déposer des observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'art. 90 al. 1 lettre b OJ exige que l'acte de recours contienne un
exposé
des faits essentiels et un exposé succinct des droits
constitutionnels ou des
principes juridiques tenus pour violés, précisant en quoi consiste la
violation. Le Tribunal fédéral est ainsi lié par la motivation du
recours de
droit public; il n'examine pas d'office en quoi le prononcé attaqué
pourrait
être contraire aux droits constitutionnels de la personne lésée (ATF
110 Ia 1
consid. 2a in fine p. 4; voir aussi ATF 125 I 71 consid. 1c p. 76,
124 I 159
consid. 1e p. 163).
En l'occurrence, devant le Tribunal fédéral, la recourante ne met pas
en
doute que le Conseil communal soit en droit d'ordonner la démolition
de la
construction litigieuse dans l'hypothèse où les conditions d'octroi
d'un
permis de construire ne seraient pas satisfaites. La contestation
porte donc
uniquement sur le refus du permis.

2.
Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst.,
lorsqu'elle
viole gravement une norme ou un principe juridique clair et
indiscuté, ou
contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de
l'équité.
Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité
cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît
insoutenable, en
contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans
motifs
objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit
pas que
les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que
celle-ci
soit arbitraire dans son résultat. A cet égard, il ne suffit pas non
plus
qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale
puisse
être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable
(ATF 129
I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 II 259 consid. 5 p. 280/281; 127 I 54
consid. 2b p.
56).

3.
L'art. 45 du règlement d'exécution de la loi cantonale sur les
constructions
requiert que la demande d'un permis de construire, à présenter sur
formule
officielle, soit signée de l'auteur du projet, du maître de l'ouvrage
et,
s'il s'agit d'un tiers, du propriétaire du fonds. Selon la
jurisprudence
cantonale à laquelle l'arrêt attaqué se réfère, l'exigence de la
signature du
tiers propriétaire n'est pas une simple règle d'ordre; si elle est
omise,
l'autorité n'a d'autre solution que refuser le permis (RJN 2001 p.
187).
On peut admettre sans arbitraire que si le bien-fonds appartient à
plusieurs
personnes physiques ou morales, le Conseil communal doit examiner
prima facie
les rapports de droit civil en présence et déterminer ainsi quels
sont les
accords nécessaires. De toute évidence, dans le cas de la parcelle n°
5577,
celui de chacune des deux copropriétaires est ainsi requis, car la
construction du couvert n'est pas un acte d'administration courante
selon
l'art. 647a CC, qui puisse être entrepris ou autorisé par l'une d'elle
seulement.

4.
Le premier arrêt du Tribunal administratif, rendu le 4 décembre 2000,
interdit clairement au Conseil communal de refuser le permis de
construire au
motif qu'il se refuse à contresigner la demande à titre de
copropriétaire du
fonds. Ce point est réglé avec l'autorité de la chose jugée, puisque
l'arrêt
renvoyait l'affaire pour nouvelle décision "au sens des
considérants", de
sorte qu'il ne peut plus être remis en discussion par les parties,
autorités
ou tribunaux (Fabienne Hohl, Procédure civile, Staempfli 2002, tome
I, ch.
1289 p. 244 et 1314 p. 247). L'arrêt n'excluait cependant pas que
l'autorité
communale examine, éventuellement, la nécessité d'une signature de la
Poste
suisse, et qu'elle refuse le permis au motif que cette signature-là
fait
défaut.

5.
La demande déposée le 27 avril 1999 ne porte aucune signature de la
Poste
suisse. L'autorité tomberait cependant dans le formalisme excessif,
incompatible avec l'art. 29 al. 1 Cst., si elle refusait de prendre en
considération une autre pièce du dossier qui révélerait sans
ambiguïté, le
cas échéant, l'accord de cette copropriétaire. Le formalisme excessif
est
réalisé lorsque les règles de procédure sont appliquées avec une
rigueur que
ne justifie aucun intérêt digne de protection, au point que la
procédure
devient une fin en soi et empêche ou complique de manière insoutenable
l'application du droit (ATF 128 II 139 consid. 2a p. 142, 127 I 31
consid.
2a/bb p. 34).
La recourante fait valoir que la Poste lui a consenti un bail
prolongé en
considération des investissements qu'elle disait vouloir faire. Un
avenant au
contrat de bail figure effectivement au dossier mais, dûment
interprété selon
le principe de la confiance (ATF 126 III 119 consid. 2a p. 120, 125
III 435
consid. 2a/aa p. 436/437), il ne permet pas de conclure avec
certitude à une
autorisation de la modification à apporter au bâtiment, consistant
dans une
couverture de la terrasse. La recourante développe aussi une analyse
longue
et minutieuse des écritures de la commune du Landeron dans les étapes
successives de la procédure, afin de démontrer que l'accord de la
Poste y est
sous-entendu. La commune n'a cependant aucun pouvoir de représenter
l'autre
copropriétaire et, pour le surplus, les éléments ainsi relevés par la
recourante ne constituent tout au plus que de vagues indices, qui
n'équivalent nullement à la contre-signature requise par le
règlement. Il est
également sans importance que la Poste ait peut-être, selon les
affirmations
de la recourante, voulu faire dépendre son propre consentement de
celui de la
commune. Enfin, on observe que si la Poste consentait effectivement
aux
travaux entrepris par la recourante, celle-ci lui aurait depuis
longtemps
demandé une autorisation explicite pour la faire joindre au dossier,
car le
défaut de signature de cette copropriétaire a été mis en évidence
déjà dans
la décision communale du 1er février 2001.
L'absence d'accord de la Poste suisse est ainsi constaté d'une façon
exempte
d'arbitraire, ce qui entraîne le rejet du recours. Il n'est pas
nécessaire
d'examiner si les considérants de l'arrêt attaqué contiennent par
ailleurs
des éléments incompatibles avec l'autorité du prononcé intervenu le 4
décembre 2000.

6.
La recourante doit acquitter
l'émolument judiciaire et les dépens à
allouer à
la commune du Landeron, compte tenu que celle-ci n'est pas une
collectivité
importante disposant d'un service juridique.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La recourante acquittera les sommes suivantes:
a)un émolument judiciaire de 2'000 fr.;
b)une indemnité de 1'000 fr. à verser à la commune du Landeron à
titre de
dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
au
Département de la gestion du territoire et au Tribunal administratif
du
canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 27 mai 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.620/2002
Date de la décision : 27/05/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-05-27;1p.620.2002 ?
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